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Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/43

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LA SENSIBILITÉ ROMANTIQUE 29

plit. Toula l'heure le poète s'absorbait dans la fleur; maintenant la fleur devient la pensée du poète :

Échange invisible et muet!

A mesure que ses pétales Forçaient les ténèbres natales, Ma force à moi diminuait.

La méditation se prolonge et aboutit à l'angoisse, el cette angoisse est lente et longue comme le déroulement de la vie universelle. Car cette fleur symbolise la pensée du poète et cette pensée se déploie sur la trame intime du temps. Elle suit les étapes que la nature a parcourues depuis la nébu- leuse primitive jusqu'à l'éclosion de la fleur, et depuis la fleur inconsciente jusqu'à l'apparition de la pensée consciente et humaine, et ce voyage se poursuit à travers des siècles innombrables :

Et ses grands yeux de velours sombre

Se dépliaient si lentement,

Qu'il me semblait que mon tourment

Mesurât des siècles sans nombre.

Or le poète désire que cette pensée achève son « m vro et arrive à la plénitude. Il veut qu'elle se répande et s'adapte à toute la nature, car il a soif de vérité, de la vérité iixe et profonde :

Vite, ô fleur, l'espoir anxieux De te voir éclore m'épuise; Que ton regard s'achève el luise Fixe et profond dans tes beaux yeux.