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30 SULLY PRUDHOMME

Mais ce désir semble irréalisable : notre pensée se lasse de concevoir ce que la nature éternelle fournit inépuisablement, et l'effort du poète s'achève, comme le sentiment de ce qui est court, dans une mélancolie morne qui ressemble à de la torpeur :

Mais à l'heure où de sa paupière

Se déroulait le dernier pli,

Moi, je tombais enseveli

Dans la nuit d'un sommeil de pierre.

Devant une fleur, le poète évoque le mouve- ment de l'évolution universelle. Ce poème, bref et profond, contient une philosophie. Mais cette philosophie ne demeure pas abstraite et froide : elle s'anime et répand un frisson émouvant sur le front du penseur. Nous sentons, auprès de nous, la présence d'un grand esprit qui cherche dans l'angoisse.

Sully Prudhomme se distingue enfin des romantiques par la manière dont il utilise la nature. Ici encore il nous apparaît avec son air anxieux. Il sait se détacher de lui-même. Il ne voit plus dans la nature une esclave pliée au