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L'ART PARNASSIEN 39

Lisle se plaît à répéter que le poète doit « réflé- chir les choses sans intérêt dans ses vagues pru- nelles ». Hérédia estime que « le don le plus magnifique du poète est la puissance assurément divine qu'il a d'évoquer les Ombres », et la Cor- respondance de Flaubert retentit de ses aveux sur la puissance de l'art qui traduit dans la plastique durable du verbe les formes changeantes de la nature et les gestes de l'humanité. Ainsi le poète rend le passé à la vie, et arrête la chute du pré- sent dans le goulïre sans fond du passé. Tantôt il évoque les paysages de l'univers et les empêche de se dissoudre à l'usure des saisons : il regarde le monde, et il fixe, par le relief et la sonorité des mots, sa beauté diverse et retentissante. Tantôt il évoque les paysages historiques, je veux dire les plus nobles aspects du pittoresque humain, et le poète est l'historien qui ressuscite l'huma- nité morte Mais, dans ce travail de magicien, il est plein de scrupules. Il se détache de lui-même pour se plier à la méthode de la science, et ses évocations, précises ei surprenantes, se dressent devant nous comme an monument. Leconte de Liste fait revivre les Hindous des bords du (lange et les Grecs du temps de Phidias. Hérédia décrit