Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/56

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Ce n’est pas tout. Cette ressource si précieuse n’est pas la seule qui nous reste, pour nous délivrer de ce fléau. Il en est une autre non moins infaillible ; et c’est vous mêmes, Messieurs, qui l’avez découverte. En invitant les gens de lettres à frapper sur l’opinion fatale qui fait l’objet de cette discussion vous avez donné à la société un gage assuré de sa ruine.

Fixer l’attention du public sur un usage également absurde et barbare est un des moiens les plus certains de le détruire. La raison et l’éloquence : voilà les armes avec lesquelles il faut attaquer les préjugés : leur succès n’est point douteux dans un siècle tel que le notre.

Plus je réfléchis et plus je suis convaincu que celui dont je parle ne subsiste encore aujourd’hui que parcequ’il n’a pas encore été approfondi ; parce que l’esprit philosophique ne s’est pas encore porté particulièrement sur cet objet ; parceque le défaut de réflexion à cet égard a même laissé dans un grand nombre d’esprits l’idée fausse et absurde qu’il procure de précieux avantage à la société : mais si nos habiles écrivains avaient depuis lontems accoutumé le public à envisager tout ce qu’il a de ridicule, d’injuste, d’atroce et de funeste ; croit-on qu’il auroit conservé tout son empire.

Hâtez vous de l’anéantir, o vous sublimes génies, a qui la nature semble avoir confié le noble emploi d’éclairer vos semblables ; c’est à vous qu’il est donné de commander à l’opinion. Et quand votre empire fut-il aussi étendu, que dans ce siècle avide des jouissances de l’esprit, où vos ouvrages devenus l’occupation et les délices d’une foule innombrable de citoiens vous donnent une si prodigieuse influence sur les mœurs et les idées des peuples ? Combien de coutumes funestes ? Combien de préjugés barbares n’avez-vous pas détruits, malgré les profondes racines qui sembloient devoir oter l’espoir de les ébranler ? Helas ! le génie sçait faire triompher l’erreur même, lorsqu’il s’abbaisse à la protéger : que ne pourrez-vous donc pas, quand vous montrerez la vérité aux hommes ; non pas la vérité austère,