Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyen quel est-il ? Interrogeons là-dessus tout homme de bon sens et il nous l’indiquera, tant il est simple, naturel et infaillible. Qui ne connoit pas cet ascendant invincible attaché à l’exemple des souverains ? Ô Rois ! je vais parler de la plus précieuse de vos prérogatives, et de la plus noble partie de votre puissance. Ce n’est pas lorsqu’elle force un peuple entier à plier sous vos loix qu’elle me frappe davantage : le pouvoir des loix est borné ; elles peuvent bien commander quelques actions extérieures ; mais sous leur empire même, nos esprits, nos pensées, nos passions restent libres, et ce sont elles qui forment nos mœurs, dont la puissence balance et renverse quelquefois celle des Loix mêmes. Mais cette partie de notre indépendance qui échappe à notre autorité, vous la resaisissez par la force de vos exemples.

Par-tout la splendeur des titres et des dignités attire le respect, l’admiration des hommes ; de-là ce penchant impérieux qui les porte à copier les manières et les idées de ceux que leur rang élevé au dessus du vulgaire. Considérez sur-tout le caractère des peuples soumis au gouvernement monarchique, ne semble-t-il pas que cet esprit d’imitation soit le ressort universel qui les fait mouvoir ? Voyez comme les Provinces imitent la Ville, comme la Ville imite la Cour ; comme la manière de vivre des grands devient la règle des peuples, fixe ce qu’on appelle le bon ton, espèce de mérite auquel chacun prétend, et qui est en quelque sorte la mesure de la considération qu’il obtient dans le commerce du monde. Que dis-je ? telle est l’influence de leur conduite, qu’elle efface souvent aux yeux du vulgaire les principes les plus sacrés, et forme presque son unique morale. N’est-il pas des vertus viles et bourgeoises, parce qu’ils les abandonnent au peuple, des ridicules qu’ils mettent en vogue, des vices qu’ils ennoblissent en les adoptant ? Ils pourroient ramener un peuple entier à la vertu, si la vertu d’un peuple n’étoit point une chimère dans les vastes Empires où le luxe irrite sans cesse toutes les passions.

Si tel est le pouvoir de l’exemple des grands, que sera-ce de celui des Souverains ? Supposons qu’il y ait dans le monde un peuple à la fois sensible, généreux et frivole, que la mode entraine, que l’éclat et la grandeur passionnent, qu’un penchant naturel à aimer ses maîtres, encore plus que la vanité, dispose à recevoir toutes les impressions qu’ils voudront lui donner, quelles ressources n’auront-ils pas pour diriger ses mœurs, ses idées, ses opinions ?