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LETTRE DE PASCAL A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ

rant, au lieu que cet esprit nouveau se renouvelle d’autant plus qu’il dure davantage. Nostre vieil homme périt, dit S. Paul[1], et se renouvelle de jour en jour, et [2]ne sera parfaitement nouveau que dans l’eternité, où l’on chantera sans cesse ce cantique nouveau dont parle David dans les Pseaumes de Laudes[3], c’est-à-dire ce chant qui part de l’esprit nouveau de la charité.

Je vous diray pour nouvelle de ce qui touche ces deux personnes[4], que je vois bien que leur zele ne se refroidit pas ; cela m’etonne, car il est bien plus rare de voir continuer dans la pieté que d’y voir entrer. Je les ay toujours dans l’esprit, et principalement celle du miracle, parce qu’il y a quelque chose de plus extraordinaire, quoy que l’autre le soit aussi beaucoup et quasi sans exemple. Il est certain que les graces que Dieu fait en cette vie sont la mesure de la gloire qu’il prepare en l’autre. Aussi, quand je prevois la fin et le couronnement de son ouvrage par les commencemens qui en paroissent dans les personnes de pieté, j’entre en une veneration qui me transit de respect envers ceux qu’il semble avoir

  1. Paul. Col. III, 9-10 : Nolite mentiri invicem, expoliantes vos veterem hominem cum actibus suis et induentes novum eum qui renovatur in agnitionem.
  2. Ms. de l’Oratoire : [il].
  3. Ps. CXLIX, 1 : Cantate Domino canticum novum, psaume chanté à cette époque, le dimanche, à Laudes, comme l’a remarqué Havet.
  4. Vraisemblablement, les deux destinataires de la lettre. Pascal emploie toujours dans ces lettres un langage de convention. La personne du miracle serait Mlle de Rouannez ; et l’autre serait son frère, qui avait secrètement fait vœu de renoncer au monde.
2e série. III II