Pages intimes 1914-1918/28
SIC ITUR AD ASTRA
L’homme renaît ; il sent pousser les ailes
Que lui promit quelque vague devin ;
L’ange déchu soupirait après elles,
Le dieu tombé remonte oiseau divin !
Il va, sans doute, ivre d’un vol agile,
Par ciel et mer et par monts et par vaux,
Se rappelant la loi de l’Évangile,
Prêcher l’amour à des peuples rivaux…
Plus de frontière et plus de convoitise !
Que si la terre assignée aux Aryens
N’est qu’un champ-clos où leur haine s’attise,
L’espace s’ouvre aux champs aériens.
Place à la Paix, éthérée en sa marche,
Que l’avion apporte au genre humain !
Telle apparut la colombe de l’arche,
Mais la colombe… est un Taube germain !
Malheur ! Malheur ! Au Ciel même on guerroie
Et par dessus les clochers et les tours
Voici planer les grands oiseaux de proie,
Le ronflement sinistre des vautours.
Fatal orgueil ! Présent trois fois funeste !
Qui nous rendra l’azur paisible et clair,
Le libre accès de la Cité céleste,
Le silence de l’air ?