Par nos champs et nos rives/01

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Imprimé au Devoir (p. 1-2).

LES BLÉS

À la France.

Ce matin, plus lourds dans la brise,
Les blés se sont mis à pleurer ;
Au fond de leur prunelle grise
J’ai vu des larmes s’égarer.


Courbés sous le poids de leur peine
Ils ont penché leur front trop lourd,
Et leurs pleurs brillaient dans la plaine,
Comme un bijou sur du velours…



« Nous pleurons en un deuil suprême.
« La douleur, au sombre courroux,
« Nous a touchés de sa main blême,
« Et verse sa détresse en nous.


« Étendant nos bras en prière
« Vers la face du Tout-puissant,
« Nous sentons croître en nos paupières
« Des larmes, des larmes de sang…


« Ah ! bien grande est notre souffrance,
« Me dirent les blés canadiens :
« Nous pleurons pour les blés de France
« Qu’écrasent les canons prussiens ! »…