Par nos champs et nos rives/06

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Imprimé au Devoir (p. 13-14).

LES ROUTES


Ah ! que les routes sont attirantes et belles,
Les routes que l’on voit se perdre, dans le noir,
Et qui gardent, dans l’ombre apaisante du soir,
Ces étranges lueurs, bonnes et fraternelles !…


Quel est donc ce pouvoir qu’elles ont sur nos yeux,
Et quel est ce secret qui nous tourmente en elles,
Les traîtres routes, aux puissances éternelles,
Qui nous font signe avec leur regard curieux ?…



Quand la « brunante » vient, et que le jour s’efface,
Les routes que la nuit semble tordre en ses doigts,
Enserrent les côteaux, les plaines et les bois,
Comme des bras aimants et forts qui les embrassent…


À les voir le désir indicible vous vient
De tous ces inconnus qui, devant nous, s’étendent,
Et nos rêves s’en vont et nos âmes se tendent
Vers le divin « là-bas », sans retour et sans fin !…


Ah ! que de chants d’amour s’égrènent sur les routes !
Mais que de pleurs aussi, que de sanglots, Seigneur,
Disent, dans les chemins, la secrète douleur
Des hommes terrassés par le mal et le doute !…


Afin que le destin nous soit clément et doux,
Dans ces lieux inconnus où les heures nous mènent,
Aidez-nous à marcher sur les routes humaines,
Seigneur, et montrez-nous celle qui va vers vous !…


Oui, montrez-nous la route où nos faibles prunelles.
Lasses des horizons fuyants qu’elles ont vus,
Au-delà de la terre et de ses imprévus,
Verront paraître, enfin, les clartés éternelles !…