Par nos champs et nos rives/20

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Imprimé au Devoir (p. 51-54).

J’AI VOULU REVOIR LA CAMPAGNE


I

J’ai voulu revoir la campagne
Où je suis née, où j’ai grandi,
Le chemin que l’ombre accompagne,
La colline, au flanc reverdi ;


J’ai voulu revoir, sous un chêne,
Cet étroit et joli sentier
Par où, dans la forêt prochaine,
Nous atteignions les noisetiers…



J’ai revu le pré, la clairière
Dont l’herbe ployait, sous nos pas.
J’ai revu le champ, la rivière :
Ils ne me reconnurent pas !…


Et je me disais : « Ô folie
D’aimer ces plaines et ces bois !
Car leur beauté froide est sans vie,
Leur magnificence sans voix !…


Ces lieux, qu’en mes jours d’innocence,
J’aimais de mon âme d’enfant,
Ne devinent pas la puissance
De mon vieil amour triomphant !…


Partons ! Voilà trop de faiblesse,
M’écriai-je, quittons ces lieux ! »
Pendant, qu’en ma sombre tristesse,
Les larmes me venaient aux yeux…


Mais, comme je m’éloignais d’elles,
La forêt immense a frémi,
Dans un doux bruissement d’ailes,
Et la colline m’a souri !…


II

Ô nature, force suprême
Et grâce vivante, tu n’es
Pas sans âme, et celui qui t’aime
Tu le comprends et le connais !


Tu n’as pas d’humaines paroles
Pour dire à chacun ton amour,
Mais tes enfants tu les consoles,
Et tu leur es bonne, toujours !


Tu les aimes. Tes bras vivaces
Leur font un manteau lumineux ;
Tu les étreins, tu les enlaces,
Et tu verses la joie en eux !…


Tu te fais douce et maternelle
Pour les pauvres, les délaissés ;
Tu sais recouvrir de ton aile
Ceux que la souffrance a blessés !…



Et, jamais tu ne nous repousses ;
Mais, pour calmer notre douleur,
Tu nous dis des paroles douces,
Et tu nous endors sur ton cœur !…