Par nos champs et nos rives/27

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Imprimé au Devoir (p. 77-78).

LES MORTS DE LA MER


Il est chez nous plus d’un village
Plus d’un clocher resplendissant,
Qui mirent leur noble visage,
Dans notre divin Saint-Laurent.

Et ceux des nôtres que le fleuve
Berce, dans son pâle remous,
Nos frères que la vague abreuve,
Ne sont pas séparés de nous.

Dans leur tombe froide où les heures
Éternisent les lendemains,
Ils sont si près de nos demeures,
Qu’ils entendent les bruits humains…


Ils savent quand l’avoine pousse,
Quand les blés sont drus et mouvants,
Ils peuvent, quand la brise est douce,
Écouter les pas des vivants…

Ils peuvent voir ouvrir la porte
De leur foyer ; ils peuvent voir
Une main, maternelle et forte,
Allumer la lampe, le soir…

Dans la maison qu’ils ont aimée,
Ils regardent aller, venir,
Leur épouse, leur bien-aimée,
Dont le cœur sait se souvenir…

Docile à leurs regrets, la brise
Leur porte, avec l’or des couchants,
Les angélus de leur église,
Et les murmures de leurs champs ;

Et ces morts de la vague altière
Que le flot s’obstine à cacher,
Comme les morts du cimetière,
Dorment à l’ombre du clocher !