Par nos champs et nos rives/36

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Imprimé au Devoir (p. 97-99).

AVRIL


I

L’herbe renaît. Les « habitants »,
Que P amour de la terre enivre,
Reprennent leur bêche, et, contents,
Regardent leurs plaines revivre.

Ils voient tous les derniers frimas
Fondre au chaud baiser de la brise ;
Ils sentent rajeunir leurs bras,
Dans cet air de printemps qui grise.


Ils songent au blé qui sourit,
À la paille fraîche et pesante,
Au long foin, qui, là-bas, fleurit,
A l’épi d’avoine qui chante !…

— « Le champ sera prêt, aujourd’hui,
Disent-ils, si Dieu veut qu’il pleuve ! »
Et leur cœur est tout réjoui
De songer à la moisson neuve !…

Oh ! les sons multiples et beaux
Qui montent du bois solitaire !
Oh ! la chanson du renouveau !
Oh ! l’odeur de la bonne terre !…

Tout annonce les floraisons ;
On entend, par des bruits étranges,
S’égoutter le toit des maisons,
Et grincer les portes des granges !…

II

Partez ! Dans les champs rajeunis,
Peinez, ô maîtres de la plaine !
Mêlez à la chanson des nids
Le chant de l’espérance humaine !…


Partez à l’aube, au petit jour
Tenez le pic et la charrue ;
Parce que vous l’aimez d’amour,
La terre ancienne vous salue !…

Préparez le pain à venir,
« Habitants », divins émissaires !
Faites gaiement notre avenir
Vous les humbles, les nécessaires !…

Reprenez votre vieux refrain
Sur le sol de la jeune France !
Mêlez le cantique du pain
Au cantique de la souffrance !…

Tels de vrais artistes, sans bruit,
Achevez votre œuvre féconde,
Et semez, sous l’aube qui luit,
Le blé qui réjouit le monde !…