Paris en l’an 2000/Majorité

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Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 157-160).

§ 2.

Majorité.

Lorsque les enfants baptisés Socialistes ont atteint leur majorité, ils assistent à une nouvelle cérémonie où ils viennent confirmer la promesse donnée à leur naissance et s’engager en leur nom personnel à professer la religion nationale et à ne pratiquer aucun autre culte.

Pour être admis à célébrer sa majorité, il ne suffit pas d’être majeur et d’avoir dix-huit ans. Il faut de plus, que les jeunes garçons et les jeunes filles connaissent et remplissent tous les devoirs d’un bon Socialiste, que leurs maîtres soient satisfaits de leur travail et de leur conduite, et qu’enfin, on les trouve dignes d’entrer dans la société religieuse dont ils désirent faire partie. Être jugé indigne et remis à l’année suivante est tenu pour une grande honte, aussi tous les jeunes gens, à l’approche de leurs dix-huit ans, deviennent-ils des modèles de vertus, tant ils craignent de se faire mal noter et de n’être pas autorisés à fêter leur majorité.

Cette solennité se fait ordinairement le jour anniversaire du baptême. Ce jour là, le néophyte revêt un costume spécial et officiel, costume très-simple, tout noir pour les hommes et tout blanc pour les demoiselles, puis, accompagné de ses parents et de ses camarades d’école et d’atelier, il se rend en cortège au Temple international.

Là, sur la droite du monument, se trouvent des chapelles spéciales destinées les unes aux garçons, les autres aux jeunes filles et décorées en conséquence de peintures et de bas-reliefs représentant les travaux et les devoirs de l’un ou l’autre sexe.

C’est dans l’une de ces chapelles qu’a lieu la cérémonie qui ressemble beaucoup à celle du Baptême. En présence des Magistrats de la République et des nombreux assistants venus par curiosité, le catéchumène donne ses noms et son âge, fournit les preuves de sa bonne conduite et montre les certificats de ses maîtres ; puis ses parents et les témoins de son baptême viennent affirmer qu’il a été élevé dans les principes de la religion socialiste.

Lui-même alors s’avance et fait solennellement la promesse de persister toute sa vie dans ce même culte, de s’y marier, d’y élever ses enfants, de se faire enterrer civilement et de n’avoir jamais recours à aucune autre religion. Les témoins du néophyte choisis parmi ses camarades plus âgés et socialistes eux-mêmes, corroborent cette promesse et s’engagent personnellement à faire tous leurs efforts pour maintenir leur jeune ami dans le culte qu’il vient de choisir librement. Tous ces serments sont inscrits sur les registres du Temple et paraphés par les personnes présentes, et il est sans exemple qu’on les ait violés.

Un orateur monte ensuite à la tribune. Après quelques mots sur la personne du jeune majeur, sur les succès qu’il a eus dans ses classes, sur son application aux travaux de l’atelier, il expose les devoirs de la jeunesse, les vertus qu’elle doit présenter, les bonheurs et les récompenses qui lui sont réservés, puis il termine en faisant l’éloge de la Religion socialiste et en montrant combien ceux qui la professent sont heureux et auraient tort de se livrer à d’autres pratiques religieuses.

Après ce discours, le Magistrat qui préside à la solennité prend à son tour la parole. Il déclare, au nom de l’État, que le néophyte est majeur, qu’il est libre de disposer comme il l’entend de sa personne et de ses biens, qu’il peut contracter mariage, et il invite tous les citoyens à ne plus le traiter comme un enfant, mais à le considérer comme un adulte plein de raison et connaissant tous ses devoirs.

Ensuite, si c’est un garçon, on lui donne une carte d’électeur qui lui confère le droit de voter et de participer au gouvernement du pays ; si c’est une fille, on lui remet également au nom de l’État les attributs du pouvoir exercé par son sexe. Ce sont des bijoux, tels que bagues, bracelets, boucles d’oreilles, etc. Enfin, les uns et les autres reçoivent une concession dans le cimetière socialiste, et, ce qui est beaucoup moins lugubre, une invitation pour le prochain bal donné par la Ville, bal où ils feront ce qu’on appelle leur entrée dans le monde.

La cérémonie est alors terminée, et le jeune majeur accompagné de ses parents et de ses camarades, retourne à son logis, puis on finit gaîment la journée en dînant ensemble et en causant du bal où le nouveau citoyen fera bientôt son premier acte de majorité, et dansera publiquement dans les salons de la Nation.