Peintures (Segalen)/Peintures magiques/Enfer rédempteur

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Georges Crès et Cie (p. 24-25).

Attendez, avant d’aborder la cinquième…

(Quelqu’un parmi vous exerce-t-il profession d’égorgeur, de dépeceur, de vendeur de la chair qui a vécu ? Quelqu’un d’entre vous a-t-il jamais éteint la vie dans un être vivant ? Quelqu’un d’entre vous serait-il pêcheur à l’arc ou chasseur au harpon ? Quelqu’un a-t-il, du tranchet de l’ongle, coupé le fil de soie des heures palpitantes et des moments vifs qui se suivent comme des haleines enchaînées ? Quelqu’un a-t-il bu sans filtre ? A-t-il marché sans alléger ses pas sur la poussière… souffrante peut-être ? Quelqu’un se trouve-t-il enfin parmi vous qui ne soit clair de tout meurtre ; même secret, même oublié, même incommensurablement menu, ignoré ?

Si oui, que celui-là détourne les yeux de ceci. Car ceci peint l’Enfer Rédempteur du Seigneur de la Loi, du Bouddha, — dont il est plaisant de faire un dieu, faute d’un Sage, — et les atroces maux expiatoires. Qui a dérobé la vie, verra sa vie posthume se tordre ici en d’épouvantables nœuds d’entrailles… Que personne d’entre nous ne se risque : Quel oserait se prétendre donc pur au regard de sa Loi ?

Et pourtant, cet exergue était accueillant, plein de grâces et de promesses :


ENFER RÉDEMPTEUR !