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Pelham/80

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Pelham, ou Aventures d’un gentleman
Hachette (Tome IIp. 210-219).


CHAPITRE LXXX


Ponctuel au rendez-vous, le lendemain matin arriva M. Job Jonson. J’avais été dans les tortures de l’attente les trois dernières heures avant son arrivée, et la chaleur de mon accueil dut chasser le peu de défiance qui aurait pu troubler encore un gentleman aussi timide.

Sur mon invitation il s’assit, et voyant que mon déjeuner était sur la table, il fit la remarque que le grand air lui donnait toujours un fameux appétit. Je ne me le fis pas dire deux fois et je poussai les flûtes vers lui. Il se mit immédiatement à la besogne ; pendant le premier quart d’heure, sa bouche fut trop bien occupée pour permettre aux paroles l’impertinente indiscrétion d’interrompre cet exercice. Enfin la table fut desservie et M. Jonson commença.

« J’ai bien médité sur notre affaire, Votre Honneur, et je crois que nous pouvons manœuvrer de manière à étriller les coquins. Car j’en tombe d’accord avec vous : il n’y a aucun doute que Thornton et Dawson ne soient les véritables criminels. Mais, monsieur, que de difficultés ! quelle délicatesse il faut ! que de dangers personnels à courir ! Ma vie peut payer le désir que j’ai de vous être utile ; vous ne serez donc pas surpris que j’accepte votre offre libérale des trois cents livres de pension, si je réussis. Je puis vous assurer maintenant, monsieur, que ma première intention était de refuser toute récompense ; car je suis bienveillant de mon naturel, et j’aime par goût à faire une bonne action. En vérité, monsieur, si je n’avais à penser qu’à moi dans ce monde, je dédaignerais toute rémunération, car la vertu porte en soi sa récompense ; mais un vrai moraliste, Votre Honneur, ne doit pas oublier ses devoirs les plus importants. J’ai une petite famille à laquelle ma perte ferait un tort irréparable ; c’est là le seul motif, Votre Honneur, qui me porte à profiter de votre générosité. » Le moraliste en terminant, tira de la poche de son gilet un papier qu’il me présenta avec son salut ordinaire de déférence.

J’y jetai un coup d’œil ; c’était un billet évidemment rédigé dans toutes les formes légales, par lequel je m’engageais, dans le cas où Job Jonson, avant l’expiration de trois jours, donnerait le renseignement qui devait conduire à la découverte et au châtiment des véritables meurtriers de sir John Tyrrell, à assurer au dit Job Jonson la pension annuelle de trois cents livres.

« C’est avec beaucoup de plaisir que je vais signer ce papier, lui dis-je, mais permettez-moi, par parenthèse, de remarquer que, puisque vous acceptez seulement cette pension, pour faire du bien à votre petite famille, en cas de mort, cette pension cessant avec votre vie, laissera vos enfants aussi dénués de tout qu’ils le sont présentement.

— Pardonnez-moi, Votre Honneur, répliqua Job, sans être déconcerté le moins du monde par la vérité de ma remarque, je puis m’assurer !

— J’oubliais cela, lui dis-je, en signant le papier et le lui rendant ; maintenant à notre affaire. »

Jonson examina gravement et minutieusement l’intéressant document que je lui rendais, et le serrant avec soin sous triple enveloppe, il le plaça dans un vaste portefeuille rouge qu’il enfonça dans une poche intérieure de son gilet.

« C’est juste, monsieur, dit-il avec lenteur, à notre affaire ! Avant tout, il faut cependant que vous me promettiez, sur votre honneur de gentleman, le plus rigoureux secret sur mes communications. »

J’y consentis facilement, autant que ce secret ne serait pas un obstacle au but que je me proposais ; et Job, satisfait de cette condition, reprit :

« Il faut que vous me pardonniez si, pour arriver au point en question, je pars d’un autre point qui peut vous sembler tiré d’un peu loin. »

J’approuvai cette réflexion par un signe de tête, et Job continua.

« J’ai connu Dawson pendant quelques années ; ma connaissance avec lui a commencé à Newmarket, car j’ai toujours eu une certaine inclination pour le turf. C’était un garçon extravagant et étourdi qui se laissait aisément entraîner à toute sorte de mauvais coups, mais il s’en tirait toujours à son honneur. En résumé, quand il devint l’un des nôtres, ce qui ne fut pas long, avec ses habitudes de dissipation, nous les considérâmes comme un instrument très-utile ; c’est un individu, en même temps assez vicieux pour entreprendre une mauvaise action, mais beaucoup trop faible pour la poursuivre ; aussi on l’employait souvent, mais toujours avec défiance. Quand j’ai dit qu’il devint des nôtres, je vois que ce mot a excité votre curiosité. Je voulais simplement parler d’une société clandestine dont nous bornions les opérations à des exploits sur les domaines du turf. Je crois devoir faire cette distinction (poursuivit M. Jonson d’un air aristocratique), parce que j’ai l’honneur d’appartenir à plusieurs autres sociétés dans lesquelles Dawson n’aurait jamais pu être admis, si bien donc, monsieur, que notre club à la fin fut dissous, et Dawson abandonné à ses propres moyens d’existence. Son père était encore vivant, et le jeune héritier présomptif, s’étant fâché avec lui, se trouvait dans la plus grande détresse. Il vint à moi avec une piteuse histoire et une figure plus piteuse encore. En cet état j’eus compassion du pauvre diable et je lui procurai, grâce à mon crédit, l’admission dans une bande de bons compagnons que j’ai visitée, par parenthèse, la nuit dernière. Là je l’ai pris sous ma surveillance particulière ; et, autant que faire se peut avec une tête dure et lourde comme celle d’un dromadaire, je lui enseignai quelques tours élégants de ma profession. Cependant le chien d’ingrat retourna bientôt à ses anciennes habitudes, et me frustra de ma moitié dans une prise à laquelle je l’avais aidé de ma personne. Je hais la perfidie et l’ingratitude, Votre Honneur, ce sont des vices si monstrueusement indignes d’un homme comme il faut !

« Je l’avais perdu de vue, lorsqu’il y a deux ou trois mois, il revint à Londres assister à nos réunions en compagnie de Thornton qui avait été élu membre du club quelques mois auparavant. Depuis notre dernière rencontre, le père de Dawson était mort, et je pensais que la brillante figure qu’il faisait par la ville s’expliquait par son récent héritage. Je me trompais : le vieux Dawson avait si fort engagé sa propriété, que son jeune héritier ne put en tirer assez pour payer ses dettes. En conséquence, avant de venir à la ville il abandonna à ses créanciers son intérêt viager sur le bien. Quoi qu’il en soit, maître Dawson semblait au pinacle de la fortune. Il avait des chevaux et régalait la société de champagne et de venaison. Bref, il n’y aurait pas eu de terme à ses prodigalités si Thornton n’avait pas été là pour le sucer comme une sangsue.

« Ce fut environ vers cette époque que je demandai à Dawson une bagatelle pour me préserver de la prison ; car j’étais malade, alité, et je ne savais comment faire. Croiriez-vous, monsieur, que le coquin m’envoya au diable et que Thornton répondit, amen ! Je n’ai jamais oublié l’ingratitude de mon protégé, quoique, lorsque je revins à la santé, j’aie paru le faire par politique. Je ne pus pas plus tôt sortir, que je fis face à toutes mes nécessités. Il n’y a qu’un sot qui meure de faim avec une belle ville comme Londres devant lui ! À mesure que s’augmentaient mes finances, celles de Dawson déclinaient à vue d’œil, et avec elles sa belle humeur. Il devint pensif et abattu, ne fut plus d’aucune de nos parties ; enfin, petit à petit il en vint à n’être plus qu’un membre tout à fait inutile de la corporation. Pour ajouter à sa mélancolie, un matin il assista à l’exécution d’un de nos infortunés associés ; cela fit sur lui une impression profonde ; de ce moment, il devint tout à fait maussade et découragé. On l’entendait fréquemment se parler à lui-même, il ne pouvait endurer qu’on le laissât seul dans les ténèbres, enfin il desséchait de chagrin.

« Une nuit que lui et moi nous étions assis à côté l’un de l’autre, il me demanda si jamais je ne m’étais repenti de mes péchés, et ajouta, avec un gémissement, que jamais il est vrai je n’avais commis un crime aussi odieux que celui dont il était coupable. Je le pressai de pousser plus loin ses aveux, mais il ne le voulut point. Cependant, je rapprochai cette demi-confidence de sa richesse soudaine et des mystérieuses circonstances de la mort de sir John Tyrrell ; et de vagues soupçons pénétrèrent dans mon esprit. À cette époque, et il est vrai, toujours depuis que Dawson avait reparu, nous étions dans la fréquente habitude de discuter le meurtre fameux qui occupait alors l’attention publique. Comme Dawson et Thornton avaient été témoins dans l’enquête, nous nous adressions souvent à eux pour éclaircir nos doutes. Dawson, dans ces occasions, ne manquait jamais de pâlir et de détourner la question. Thornton, au contraire, soutenait la conversation avec son impudence habituelle. La répugnance de Dawson pour parler du meurtre me revint alors à la mémoire avec assez de force pour confirmer mes soupçons. En conversant avec un ou deux de nos camarades, je découvris que mes doutes étaient partagés ; que Dawson, quand il était tourmenté plus que d’habitude par ses humeurs noires, avait fréquemment fait allusion à quelque crime épouvantable qu’il avait commis, et au remords incessant qu’il en éprouvait.

« Insensiblement, Dawson alla de pis en pis ; sa santé déclina, il avait peur de son ombre ; il buvait énormément, et, dans son ivresse, prononçait des mots qui faisaient dresser les cheveux sur la tête de nos novices.

« Il ne faut pas souffrir cela, dit Thornton, que son audacieuse effronterie semblait autoriser à mener haut la main tous nos aimables collègues ; ses rêvasseries et son radotage démoraliseraient tous nos jeunes conscrits ; et alors, sous ce prétexte, Thornton fit emmener le malheureux dans un asile secret. Cet asile est connu seulement des chefs de la bande et approprié à la réception des individus qui, par une faiblesse analogue à celle de Dawson, pourraient mettre en danger les autres ou se compromettre eux-mêmes. C’est là que plus d’un pauvre diable avait été enfermé secrètement entre quatre murs, sans qu’on lui permît jamais de revoir la lumière du ciel. Il est juste que les mignons de la lune, aussi bien que ceux des monarques, aient leurs prisonniers d’état, et leurs victimes d’état.

« La nuit dernière, après votre obligeante confidence, je retournai à la réunion ; Thornton y était, et de très-mauvaise humeur. Quand nos camarades furent partis, et que nous nous trouvâmes seuls à l’un des coins de la chambre, je commençai négligemment à lui parler de l’accusation de votre ami, qui, d’après ce que j’ai appris depuis, est sir Réginald Glanville. C’est un de mes anciens amis aussi ; oui, vous pouvez ouvrir de grands yeux, monsieur ; mais je vous réponds sur ma vie que j’ai visité ses poches une certaine nuit à l’Opéra. Thornton fut grandement surpris de me voir déjà au fait d’une circonstance qui jusque-là avait été gardée secrète. Cependant j’en fis honneur à ma sagacité qui n’avait pas besoin de beaucoup de renseignements pour s’édifier ; alors il laissa échapper négligemment qu’il ne pouvait pas se pardonner l’accusation qu’il avait portée contre le prisonnier et qu’il était fort inquiet des pressantes recherches que l’on faisait de Dawson. Convaincu de plus en plus de son crime, je quittai le lieu de a réunion pour me rendre à la retraite de Dawson.

« De peur qu’il ne vînt à s’évader, Thornton l’avait étroitement confiné dans l’une des pièces les plus secrètes de la maison. Sa solitude et l’obscurité de sa prison, combinées avec ses remords, avaient agi sur son esprit, qui jamais n’avait été bien fort, il est devenu presque fou. Il se tordait aux prises avec les plus violents reproches d’une conscience malade dont mon expérience, qui ne date pas d’hier, ait jamais été témoin. La vieille sorcière, qui est l’Hécate de ce séjour (vous voyez, monsieur, que j’ai reçu une éducation classique) fit beaucoup de façons pour m’admettre auprès de lui, parce que Thornton lui avait fait les menaces les plus terribles, en cas de désobéissance. Mais elle n’osa pas résister à mes ordres. En conséquence j’eus une longue entrevue avec ce malheureux ; il croit fermement que Thornton a l’intention de l’assassiner ; et dit que s’il pouvait s’échapper de son cachot, il irait se livrer au premier magistrat qu’il trouverait sous sa main.

« Je lui racontai qu’un innocent avait été arrêté pour le crime dont je savais que Thornton et lui étaient coupables. Alors, prenant sur moi l’office de prédicateur, je l’exhortai à expier, autant que possible, son crime passé, par une entière et fidèle confession qui amènerait la délivrance de l’innocent et la punition du coupable. Je lui fis espérer que cette confession pourrait peut-être servir à le faire considérer comme « témoin du roi », et lui obtenir à ce titre le pardon de son crime. Enfin je lui promis d’employer tout mon zèle et toute mon activité pour le tirer de la caverne où il est présentement retenu.

« Il me répondit qu’il ne désirait pas vivre ; qu’il souffrait les plus grandes tortures d’esprit ; et que le seul soulagement que la terre pût lui offrir serait d’alléger ses remords par un aveu complet de son crime, et d’espérer le pardon dans l’avenir en expiant son crime sur l’échafaud ; toutes ces choses, et bien d’autres encore du même genre me furent articulées par mon poltron avec accompagnement de soupirs et de gémissements. J’aurais ardemment désiré recueillir sa confession sur-le-champ et l’emporter avec moi, mais il refusa de me la donner, à moi ni à personne ; il ne voulait la faire qu’à un ministre dont il me suppliait de lui procurer les services. Je lui dis d’abord que la chose était impossible ; mais touché de sa détresse et de ses remords, je lui promis enfin de lui en amener un ce soir qui lui administrerait les secours spirituels et recevrait en même temps sa déposition. Mon idée était alors de me déguiser sous le costume du révérend et de lui rendre le double service qu’il réclame, mais depuis j’ai pensé à un meilleur plan.

« Comme mon caractère, vous savez, Votre Honneur, n’est pas prisé par les magistrats aussi haut qu’il devrait l’être, toute confession qui serait faite à ma personne pourrait bien n’avoir pas la même valeur que si elle était faite à quelque autre, à un gentleman, comme vous par exemple. D’ailleurs, ce serait mal à moi de paraître en témoignage contre quelqu’un de nos frères ; pour deux raisons, la première, parce que j’ai juré solennellement de ne jamais le faire ; et la seconde, parce que j’ai une chance très-certaine, si je le fais, de rejoindre prochainement sir John Tyrrell dans le royaume éternel. Mon plan présent, sauf votre approbation, serait donc d’introduire Votre Honneur en qualité de ministre, et vous n’auriez plus qu’à recevoir sa confession, que vous pourriez écrire tout au long. Ce plan, je l’avoue naïvement, n’est pas sans de grandes difficultés, ni même sans quelque danger, car j’ai non-seulement à vous faire passer auprès de Dawson pour un prêtre, mais aussi auprès de Brimstone Bess pour un de nos joyeux lurons. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’un ministre véritable pourrait frapper longtemps à sa porte avant qu’elle lui fût ouverte. Il faut donc que vous restiez muet comme une carpe, à moins qu’elle ne vous apostrophe dans son argot, car alors je vous dicterai vos réponses ; autrement, elle ne manquerait pas d’éventer la mèche, et, s’il se trouvait quelques bons camarades dans la maison, nous n’en sortirions ni l’un ni l’autre comme nous y serions entrés.

— Mon cher M. Job, repris-je, il me semble qu’il y a un plan beaucoup plus facile que tout cela, c’est tout simplement de dire aux agents de Bow-Street où l’on peut trouver Dawson, je suppose qu’ils sauront bien le tirer des bras de Brimstone Bess, sans difficulté et sans danger. »

Jonson sourit.

« Je ne jouirais pas longtemps de ma pension, Votre Honneur, si je livrais à l’ennemi notre meilleure ruche. Je serais un homme mort avant la fin de la semaine. Vous-même, vous n’avez qu’à m’accompagner ce soir, et je vous défie de jamais reconnaître où l’endroit est situé ; vous aurez beau retourner ciel et terre, et chercher la place dans Londres avec toute la police à votre disposition, vous ne le retrouverez jamais. Et puis, Dawson n’est pas la seule personne dans la maison dont la justice cherche la piste. Il y en a une vingtaine d’autres que je n’ai pas envie d’envoyer à la potence. Ils se cachent gentiment dans les coins et recoins de la maison, comme de bons petits raisins de Corinthe dans un pudding. L’honneur me défend de les trahir, et pour rien au monde !… Non, monsieur, le seul plan auquel je puisse m’arrêter est celui que je vous ai proposé ; si vous ne l’approuvez pas (et certainement il est sujet à objections) il faut que j’en imagine quelqu’autre : seulement cela peut entraîner des retards.

— Non, mon bon Job, répliquai-je, je suis prêt à vous suivre, mais ne pourrions-nous pas manœuvrer pour mettre Dawson en liberté, et recevoir ainsi plus à l’aise sa déposition ? son témoignage verbal vaut mieux que toutes les dépositions écrites du monde.

— C’est très-vrai, répondit Job, s’il est possible de donner à Bess un croc en jambe, nous le ferons. Cependant, monsieur, ne lâchons pas la proie pour l’ombre, ayons la confession d’abord, et nous tenterons l’évasion après. J’ai pour cela, monsieur, une autre raison que vous comprendriez aisément si vous connaissiez nos pénitents comme moi. Le vieux proverbe dit, monsieur, que le diable étant malade… vous savez le reste : eh bien ! aussi longtemps que Dawson sera relégué dans un trou obscur, et s’imaginera voir des démons dans tous les coins, il pourrait bien être tourmenté du besoin de faire des aveux, sans en être aussi curieux, quand il se verra au grand soleil. Les ténèbres et la solitude sont d’étranges stimulants pour la conscience, et nous ferons bien de ne pas en perdre le bénéfice, pendant que nous y sommes.

— Vous êtes un admirable moraliste, m’écriai-je, et je suis impatient de vous accompagner… À quelle heure voulez-vous que ce soit ?

— Pas beaucoup avant minuit, répondit Jonson, mais il faut que Votre Honneur retourne à l’école pour y apprendre sa leçon jusque-là. Supposez que Bess s’adresse à vous en ces termes : dites donc, cornant de paroufle défardeur, allez-vous pitancher l’eau-daffe, ou jaspiner dans l’égrugeoir[1]. Je parie que vous ne sauriez que répondre.

— J’ai peur que vous n’ayez raison, M. Jonson, lui dis-je d’un ton un peu humilié.

— Cela ne fait rien, répliqua le compatissant Job, nous sommes tous des ignorants, le savoir ne s’acquiert pas en un jour. Je vais vous apprendre avant la nuit le petit nombre de termes d’argot les plus communs et les plus nécessaires dans notre grimoire de Saint-Gilles, je préparerai d’avance la vieille dame à ne pas être étonnée de trouver en vous un novice dans la profession. Comme il faut que je vous déguise avant, et que cela ne peut se faire ici, voulez-vous dîner avec moi dans mes appartements ?

— Je serai trop heureux, lui dis-je, assez surpris de la proposition.

— Je reste dans Charlotte Street, Bloomsbury, no —. Il faut me demander sous le nom du capitaine de Courcy, dit Job avec dignité ; nous dînerons à cinq heures, pour avoir le temps de préparer votre initiation préliminaire.

— De tout mon cœur. » Là-dessus M. Job Jonson se leva, et, me rappelant ma promesse de lui garder le secret, prit congé de moi.



  1. Dites donc voleur de curé, venez-vous ici pour boire du gin ou pour jacasser en chaire ?