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Pendant l’orage/À San Francisco

La bibliothèque libre.
Librairie ancienne Édouard Champion (p. 93-94).

À SAN-FRANCISCO



21 janvier 1915.


C’est une très bonne idée que la France a eue d’offrir à la Belgique désemparée une place dans son palais d’Exposition à San-Francisco. Ainsi les Américains sauront, non ce que peut aujourd’hui la Belgique industrielle et la Belgique artistique, mais ce qu’elle pouvait il y a six mois, ce qu’elle peut encore en puissance. Sa vie n’est pas morte, elle est suspendue. Cette double exposition affirmera encore une autre vérité dont la révélation sera probablement désagréable à ses vainqueurs d’un jour, c’est que les deux pays, le petit et le grand, unis dans la résistance commune, le doivent rester, la guerre finie. Une partie de la Belgique se croyait des affinités avec l’Allemagne, comme elle se croyait en opposition avec les idées françaises. Il n’est pas besoin de beaucoup de perspicacité pour prévoir que cet état d’esprit ne renaîtra jamais. Le palais de San-Francisco sera, après d’autres, un signe visible de l’union qui survivra aux cruelles circonstances d’aujourd’hui. Parmi ce que la Belgique pourra exposer en Amérique, il y aura, dit-on, les maquettes des principales villes belges, telles qu’elles étaient encore il y a six mois. On y verra Liège, Bruxelles, Anvers. On y verra Louvain, qui n’est plus que cendres. Les Américains, grands fondateurs et enrichisseurs d’universités, se demandent encore par quelle aberration les Allemands détruisirent Louvain, centre universitaire connu dans le monde entier. Ils seront sensibles à la reproduction en miniature de la vieille cité vouée à l’étude. Ils penseront au deuil que cela serait pour eux si des barbares venaient ravager Harvard, Cornell ou An Arbor. À tous les points de vue, la Belgique à San-Francisco soulèvera de profondes émotions.