Pensées (Stendhal)/10

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Pensées : filosofia nova
Texte établi par Henri MartineauLe Divan (Tome secondp. 71-112).

CAHIER PORTATIF
D’EXTRAITS



Le Bonheur[1], poème par Helvétius, n’attache pas et n’est point lu parce qu’il a ignoré qu’il n’y a point d’attendrissement sans détails et point de poème là où le cœur n’est pas ému.

*

Nous voyons une femme, nous nous rappelons que la jouissance d’une femme est un bien, nous concevons le désir d’avoir celle-ci. Elle est notre but, lorsque nous atteignons ce but le plaisir que nous sentons se nomme jouissance. Ainsi le bien et la fin sont la même chose envisagée diversement.

Pour arriver à une fin éloignée, il faut passer par une fin prochaine, comme pour arriver à Lodi il faut passer par Marignano. Marignano, fin prochaine, comparé à Lodi, fin éloignée, reçoit [le nom] de moyen.

Les anciens philosophes ont placé la félicité dans la fin la plus éloignée.

On n’atteint jamais cette fin, car tant que nous vivons nous avons des désirs, et tant que nous avons des désirs nous marchons vers une fin à laquelle nous ne sommes pas encore arrivés.

Les choses qui nous plaisent comme des voies pour parvenir à une fin se nomment utiles, leur jouissance usage. Celles qui ne nous donnent aucune jouissance se nomment vaines.

… Ainsi la félicité par laquelle nous entendons le plaisir continuel ne consiste point à avoir réussi, mais à réussir.

H[obbes] dit : Il y a des plaisirs qui affectent les organes du corps, comme le plaisir de la génération, de manger : je les appelle sensuels.

Il y a aussi des peines sensuelles : avoir mal aux dents.

Les plaisirs de l’autre espèce n’affectent aucune portion de notre corps en particulier. On les nomme plaisirs de l’esprit et je les appelle joie. (Réduire cette joie en plaisirs du corps. La différence consiste en ce que les plaisirs sensuels sont les plaisirs actuels, les joies sont les plaisirs imaginés pour le futur. Cependant lorsque je pense à Tullia et que je b..de ?)

Les peines de l’esprit se nomment chagrins.

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Chap. VIII, page 72. —… Car en considérant que les choses qui plaisent et déplaisent sont innombrables et agissent d’une infinité de façons (quelles sont ces façons ?), il est évident qu’on n’a fait attention qu’à un très petit nombre dont plusieurs même n’ont aucun nom.

(Pour mesurer le degré d’intensité des passions, trouver un terme commun de comparaison, une unité : C’est là le premier travail. h.)

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Plaisirs des sens. — D’abord il est à propos d’observer que les conceptions sont de trois sortes : 1o les unes sont présentes, elles viennent de la sensation actuelle, comme lorsque nous déch…ons, 2o les autres sont passées et constituent la mémoire (les plaisirs de sentiments, comme un serrement de main, font plus de plaisir en mémoire que la jouissance parce que nous ressemblons davantage (ordinairement) à l’homme qui a serré la main qu’à l’homme qui a f..tu (nous ne b..dons pas).

3o Les troisièmes ont pour objet l’avenir et produisent l’attente.

De chacune de ces conceptions naît un plaisir ou une douleur présente (sensuels).

*

L’espérance peut-elle être une douleur ? Si oui, quand ?

L’espérance trompée, le désespoir, est la plus grande douleur. Il ne s’agit pas de ça ici.

*

Qu’est-ce que veut dire le mot organique. Je [le]crois attaché à tous les organes produisant le même effet sur l’organe du Kalmouk ou du nègre. — Ou peut-être seulement sur les organes des hommes des mêmes régions sur les Français, sur les Turcs.

En ce cas il y aurait bien des organiques différents, et finalement en aussi grand nombre que la moitié des hommes divisée par deux. Chaque couple formé des organes les moins dissemblables.

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Quelle différence[2] y a-t-il entre une comédie écrite en vers et une comédie en prose ?

Pour la facture ? Pour l’effet ? La prose est plus près du spectateur, lui fait plus d’illusion par conséquent.

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Ne pas appeler mon homme Francœur, ne jamais prendre de ces noms qui indiquent le caractère.

Goldoni, tome XIV, 248, a raison là-dessus.

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Hobbes 71. — Quand un homme ne sait que faire, il éprouve du chagrin. Je crois que c’est ce que nous appelons s’ennuyer. Il n’a plus de désir.

*

Quand son chagrin vient de désir non satisfait, c’est autre chose c’est une espèce de désespoir.

Pour m’aider dans mon analyse de l’homme, il faudrait avoir l’histoire d’un protagoniste qui passât successivement par toutes les circonstances humaines. Le faire, ou le chercher où il est.

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Chap. VIII. 74. — Nez, odeurs.

… Si quelques odeurs sont organiques, ce qu’elles ne sont point pour la plupart. En effet, l’expérience de chaque homme démontre que les mêmes odeurs quand elles paraissent venir des autres nous offensent, quoique dans le fait elles émanent de nous-même.

Tandis qu’au contraire quand nous croyons qu’elles émanent de nous, elles ne nous déplaisent pas, lors même qu’elles émanent des autres.

Le déplaisir que nous éprouvons dans ce cas naît de la conception ou de l’idée que ces odeurs peuvent nous nuire (ou sont malsaines) et par conséquent ce déplaisir est une conception d’un mal à venir et non d’un mal présent.

*

Toute douleur, (ou plaisir), qui pour exister a besoin de la tête (centre de combinaison, par conséquent siège de l’espérance) est dite non organique.

Celle qui n’a pas besoin de la tête est dite organique. Il me semble que l’action de la tête augmente beaucoup même les douleurs organiques. On vous coupe le petit doigt, vous savez que cette amputation peut être mortelle. Qu’on vous arrache une dent, la douleur peut être plus grande (organiquement), mais elle n’effraie point pour l’avenir. Parler là-dessus à Bilon (avec compliments, il est auteur).

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Ouïe. Oreilles. Sons.

Hobbes explique très bien le plaisir de l’ouïe. À lire. Mais dans ce moment ça ne m’intéresse pas.

Seulement ceci peut découvrir les moyens qui excitent l’horreur.

… Les sons contraires s’appellent durs Tel est celui du frottement aigre de deux corps, et quelques autres sons qui n’affectent pas toujours le corps, qui ne l’affectent que quelquefois, et cela avec une espèce d’horreur qui commence par les dents.

Galilée a très bien parlé là-dessus. J’ignore pourquoi les airs agissent. Je présume seulement que quelques airs imitent ou font revivre en nous quelque passion cachée tandis que d’autres ne produisent point cet effet.

Les personnes versées dans la musique ont un plaisir que n’ont pas les autres. Il consiste à se complaire dans son propre talent.

*

La conception ou image de l’avenir n’en est qu’une supposition, produite par la mémoire du passé. Nous concevons qu’une chose sera par la suite, parce que nous savons qu’il existe quelque chose à présent qui a le pouvoir de la produire. Or nous ne pouvons concevoir qu’une chose a le pouvoir d’en produire une autre par la suite que par le souvenir qu’elle a produit la même chose ci-devant. Ainsi toute conception[3] ou image de l’avenir est la conception ou image d’un pouvoir capable de produire quelque chose. Cela posé, quiconque attend un plaisir futur doit concevoir en lui-même un pouvoir à l’aide duquel ce plaisir peut être atteint. Et comme les passions dont je parlerai bientôt consistent dans la conception de l’avenir, c’est-à-dire dans la conception d’un pouvoir passé et d’un acte futur, je vais parler de ce pouvoir.

Par ce pouvoir j’entends les facultés du corps : nutritives, génératives, motrices ; ainsi que les facultés de l’esprit, la science ; et de plus les pouvoirs acquis par leurs moyens, tels que ; les richesses, le rang, l’autorité, l’amitié, la faveur, la bonne fortune (faveur du tout-puissant) (à mes yeux : (h. B.), faveur du cours inaperçu des choses).

Les contraires de ces facultés sont : l’impuissance, les infirmités, en général les défauts de ces pouvoirs respectivement.

Comme le pouvoir d’un homme résiste et empêche les effets du pouvoir d’un autre homme, le pouvoir pris simplement n’est autre chose que l’excès de pouvoir de l’un sur le pouvoir d’un autre, car deux pouvoirs égaux et supposés se détruisent et cette opposition qui se trouve entre eux se nomme contention ou conflit.

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h. Tout homme qui ne rit pas d’un ridicule qui est bon (qu’est-ce que bon ?) le partage.

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Les signes[4] auxquels nous reconnaissons notre propre pouvoir sont les actions que nous lui voyons produire.

Les signes auxquels les autres hommes le reconnaissent sont les actes, les gestes, les discours (qu’est-ce que tout ça ?) l’extérieur qu’on voit communément résulter de ce pouvoir.

L’on appelle honneur l’aveu du pouvoir ; honorer un homme intérieurement, c’est concevoir ou reconnaître que cet homme a un excédent de pouvoir sur un autre homme avec qui il lutte ou avec qui il se compare.

L’on appelle honorables les signes par lesquels un homme reconnaît le pouvoir ou l’excédent de pouvoir qu’un autre a sur son concurrent. Par exemple la beauté du corps qui consiste dans un coup d’œil animé ou d’autres signes de la chaleur naturelle sont honorables étant des signes qui précèdent le pouvoir génératif et qui annoncent beaucoup de postérité, ainsi qu’une réputation établie généralement dans l’autre sexe par des signes qui promettent les mêmes avantages. (Cela doit varier selon les siècles, les gouvernements, en un mot toutes causes diverses de considération venant de la même faculté corporelle ou de l’esprit.)

Les actions qui sont dues à la force du corps et à la force ouverte sont des choses honorables comme des signes conséquents au pouvoir moteur, tels que sont une victoire remportée dans une bataille ou dans un duel, d’avoir tué un homme, de tenter quelque entreprise accompagnée de danger, ce qui est un signe conséquent à l’opinion que nous avons de notre propre force, opinion qui est elle-même un signe de cette force.

Il est donc honorable d’enseigner ou de persuader les autres, (dans ce moment lesquels des pouvoirs du corps, ou de l’esprit estime-t-on le plus dans leurs conséquences) parce que ce sont des signes de nos talents et de notre savoir. Les richesses sont honorables comme étant des signes du pouvoir qu’il a fallu pour les acquérir (non, parmi nous, pour l’usage, je crois. Cela pouvait être le tableau du siècle de Hobbes, 1640).

Les présents, les dépenses, la magnificence des bâtiments et des habits, etc., sont honorables autant qu’ils sont des signes de la richesse.

La noblesse est honorable par réflexion, comme étant un signe du pouvoir qu’ont eu les ancêtres.

L’autorité est honorable comme étant un signe de force, de sagesse, de faveur ou des richesses par lesquelles on y est parvenu.

La bonne fortune ou la prospérité accidentelle (Hobbes voit toujours les hommes considérant le moyen du pouvoir dans ce siècle, je crois qu’ils en considèrent beaucoup plus l’usage[5]. À quoi peut-il m’être bon ? Voilà la mesure des égards que j’aurai pour lui) est honorable parce qu’elle est regardée comme un signe de la faveur divine à laquelle on attribue tout ce qui nous vient par hasard et tout ce que nous obtenons par notre industrie.

Les contraires ou les défauts de ces signes sont réputés déshonorants, et c’est d’après les signes de l’honneur ou du déshonneur que nous estimons et apprécions la valeur d’un homme. Le prix de chaque chose dépendant de ce qu’on voudrait donner pour l’usage de tout ce qu’elle peut procurer.

Les signes de l’honneur sont ceux par lesquels nous apercevons qu’un homme reconnaît le pouvoir et la valeur d’un autre ; telles sont les louanges qu’il lui donne, le bonheur qu’il lui attribue, les prières et les supplications qu’il lui fait, les actions de grâce qu’il lui rend les dons qu’il lui offre, l’obéissance qu’il a pour lui, l’attention qu’il prête à ses discours, le respect avec lequel il lui parle, la façon dont il l’aborde, la distance où il se tient de lui, la façon dont il se range pour lui céder le pas et d’autres choses semblables qui sont les marques d’honneur que l’inférieur rend à son supérieur.

Les signes d’honneur que le supérieur rend à son inférieur consistent à le louer et à le préférer à son concurrent, à l’écouter plus favorablement, à lui parler plus familièrement, à lui permettre un accès plus facile, à l’employer par préférence, à le consulter plus volontiers, à suivre son avis, à lui faire plutôt des présents que de lui donner de l’argent, ou s’il lui donne de l’argent à lui en donner assez pour empêcher de soupçonner qu’il avait besoin d’un peu, car le besoin de peu marque une plus grande pauvreté (non, ce me semble, mais un plus grand manque de crédit) que le besoin de beaucoup. (Voilà vraiment dans ces pages le variable qui change presque tous les dix ans. Voir si c’est l’unique variable. C’est ce me semble le fondement de la Comédie.)

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Chaque homme croît ordinairement

1o suivant la hauteur de ceux de qui il est environné,

2o selon son caractère.

J’habite Grenoble, je suis environné par des gens dont les plus hauts ont 6/10 de hauteur morale. Si mon caractère me porte à les égaler, j’acquerrai 6/10, si à les surpasser qui est la plus grande ambition possible, ce me semble, j’acquerrai 7/10.

Si mon caractère me fait contenter d’avoir la moitié de la hauteur des plus grands, j’acquerrai à Grenoble 3/10. La passion de s’élever doit dépendre du nombre des différentes classes. Soit n, n′, n″ ces nombres. N le nombre total nous aurons

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Le respect ou la vénération est la conception que nous avons qu’un autre a le pouvoir de nous faire du bien ou du mal, mais non la volonté de nous nuire.

C’est le plaisir ou le déplaisir que causent aux hommes les signes d’honneur ou de déshonneur qu’on leur donne qui constitue la nature des passions dont nous allons parler dans les pages suivantes.

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J.-J. Rousseau avait le pouvoir de donner à ses ouvrages philosophiques, la teinte la plus convenable. Il ne l’a fait que dans son traité sur la Pologne. Dans l’Émile, c’est l’humeur ; il fallait la douceur et la bonté d’un vieillard pour donner ce genre de mérite.

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Hobbes. Chap. IX, page 85. — L’ennui est une maladie de l’âme dont le principe est l’absence des sensations assez vives pour nous occuper. Ce qui est habituel n’excite plus de sensation vive en nous. Je crois que d’après ce principe on peut forcer sa tête au travail, mais non son cœur.

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Qui n’ose penser veut du moins sentir. Cause selon Burke du caractère passionné des Vénitiens. Et peut-être des Italiens.

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Helvétius (Homme II, 96) dit Les observations de ce célèbre écrivain (J.-J. R[ousseau]) sont presque toujours justes et ses principes presque toujours faux et communs.

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Hobbes décrit :

L’orgueil (qu’il nomme gloire) disant qu’il est nommé orgueil par ceux qui le prennent en mauvaise part ;

la passion contraire à la gloire et qui est produite par l’idée de notre propre faiblesse est appelée humilité par ceux qui l’approuvent. Les autres lui donnent le nom de bassesse et d’abjection.

Il arrive quelquefois qu’un homme qui a bonne opinion de lui-même et avec fondement, peut toutefois en conséquence de la témérité que cette passion lui inspire découvrir en lui quelque faiblesse ou défaut dont le souvenir l’abat, et ce sentiment se nomme honte.

Cette passion est un signe de faiblesse, ce qui est un déshonneur ; elle peut être aussi un signe de science, ce qui est honorable (voir cela).

Elle se manifeste par la rougeur qui se montre moins facilement dans les personnes qui ont la conscience de leurs propres défauts parce qu’elles se trahissent d’autant moins sur les faiblesses qu’elles se reconnaissent[6].

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Beau trait de Molière menacé d’un pistolet par la Raisin, conformément à cette vérité.

L’intrepidezza avvilisce gli animi trasportati.

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Les hommes qui veulent être ce qu’ils ne sont pas sont comiques.

L’homme dont tout le mérite est la simplicité et qui veut avoir de l’esprit serait un bon caractère en France.

L’âne, le petit chien et le maître de La Fontaine.

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Faire une liste de tous les états actuels de la société, les connaître et chercher leurs ridicules.

Chercher celui des banquiers. Il ne faut pas faire la bête ici et compter sur leur ignorance pour faire rire. Tout au plus en aller sourire. Ils gagnent de l’argent, cela efface tout. Chercher si après Turcaret on peut en faire quelque chose.

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L’indignation est le déplaisir que nous cause l’idée du succès de celui que nous en jugeons indigne.

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Une femme tendre[7] parlant d’un amant qui l’a abandonnée :

Cambio in complimenti gli affetti.

Rosaura parlant sérieusement à Diane : « Dovete mostrarvi nemica delle finestre. » Il me semble que cela fait rire. L’absurdité est évidente ; elle vient à cause de l’énergie de la passion et n’est certainement aperçue ni de Rosaura, ni de Diane. Si le public rit c’est qu’il se moque des gens passionnés. L’absurdité n’est pas véritable, mais pour légère qu’elle soit, ils ont offensé sa vanité, il rit pour s’en venger.

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h. Une plaisanterie est un éclair qui nous fait voir que nous sommes plus parfaits qu’un autre, et si d’ailleurs cet autre est le plus parfait possible, nous voyons clairement que nous sommes ce qu’il y a de plus parfait au monde. Donc, envie à part, dans le monde plus un homme est parfait, plus nous devons rire des plaisanteries qu’on lui fait (voir if this is true).

Mais une plaisanterie est un éclair. D’ailleurs nous savons que souvent ce n’est qu’un jeu d’esprit. Au lieu qu’un caractère soutenu qui, à son ridicule près, soit aussi parfait que possible est un miroir éclairé par un grand jour durable où nous contemplons à loisir toutes nos perfections. Car chacune de ses actions nous donne une jouissance de vanité en nous montrant que nous valons mieux que lui.

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Les enfants pleurent très aisément. La raison est qu’ils sont persuadés qu’on ne doit jamais s’opposer à leurs désirs ; tout refus est un obstacle inattendu qui leur montre qu’ils sont trop faibles pour se mettre en possession des choses qu’ils voudraient avoir.

Pour la même raison[8] les femmes sont plus sujettes à pleurer que les hommes, non seulement parce qu’elles sont moins accoutumées à la contradiction, mais encore parce qu’elles mesurent leur pouvoir sur l’amour de ceux qui les protègent.

Les réconciliations font verser des larmes, en voici la cause : Les hommes vindicatifs pleurent lorsque leur vengeance est arrêtée ou frustrée par le repentir de leur ennemi.

Les personnes vindicatives (et les gens qui aiment le pouvoir, moi par exemple) sont sujettes à pleurer à la vue des gens dont elles ont compassion, lorsqu’elles viennent à se rappeler soudain qu’elles n’y peuvent rien faire.

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Le désir d’avoir une femme est composé de deux adhésions différentes :

1o le désir de plaire,

2o le désir d’avoir du plaisir.

Or le désir de plaire n’est point un plaisir des sens, mais c’est un plaisir de l’esprit qui consiste dans la conception ou l’image du pouvoir que l’on a de donner du plaisir à un autre.

Cette distinction est lumineuse. Le plaisir des sens ou pour mieux dire du sens, doit être le même chez toutes les nations. L’autre varie et augmente à mesure que la civilisation se perfectionne. Est-il vrai ?

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Les hommes sont sociables à cause d’une jouissance qu’ils éprouvent à être dans la compagnie de leurs semblables. Par quelle passion ?

Certainement l’amour pour une femme est un besoin. Car tout désir suppose besoin et il est un désir et souvent une passion suite de désirs.

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L’amour ne peut naître sans l’espérance.

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… devient amoureux d’une princesse, fût-elle Vénus. (Là-dessus faire voir l’embarras d’une princesse qui aime le plaisir.)

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h. Le sûr moyen qu’on ne vous aime jamais est de saouler du premier jour la vanité de la femme aimée. Chercher le meilleur moyen d’exciter celle de V… Elle ne doute certainement plus de l’amour. Le lui prouver encore est un contresens.

Désespérer la vanité tout le long de la lettre, lui redonner quelque espérance à la fin de la lettre le plus finement possible.

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h. Les passions que l’on contient s’augmentent et s’éteignent.

Voir si cela est vrai. Si cela est vrai, c’est un des grands principes de la tragédie. L’approfondir dans toutes ses parties.

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Les hommes acquièrent des connaissances en proportion de leur curiosité.

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108. Hobbes. — Il y a encore plusieurs autres passions, mais elles n’ont point de nom. (Les distinguer et leur en donner.) Chercher à décomposer toutes les forces qui font agir les hommes en désirs ou forces particulières.

Par exemple :

Peut-être la résultante est-elle toujours dans la direction du désir prédominant, seulement plus faible.
P : plaisir des sens
Q : Désir de plaire.
R : Amour.
 
Par exemple d’où vient le plaisir de contempler des hommes en danger lorsqu’on est en sûreté, du rivage la tempête, d’une place fortifiée les batailles ?

Ce spectacle cause de la joie aux hommes puisqu’ils y courent avec empressement. Dans ce spectacle il y a nouveauté, idée de sécurité présente et par conséquent plaisir ; il y a aussi sentiment de pitié qui est déplaisir.

Mais le sentiment de plaisir prédomine suivant les êtres et les caractères (passions et habitudes), les femmes…

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« À ces mots il pousse son cheval ; arrivé auprès des bénédictins : Satellites du diable, leur crie-t-il, etc… »

Ce trait me fait rire.

Il n’y a (examiner) point de rire sans détails. Nos prétendus philosophes du xviiie siècle ont négligé le rire parce qu’ils n’en ont pas connu l’excellence.

Dans ce trait un personnage animé d’une passion que nous ne partageons pas donne à d’autres personnages une qualification dictée par la passion qui l’anime, et cette qualification se trouve être vraie à nos yeux.

« Un chevalier errant est une chose toujours à même d’être empereur ou roué de coups. » Quoique mal traduit, le comique est dans chose qui offre à l’esprit une absurdité. Une chaise est une chose et ne peut jamais devenir empereur. Donc qualification trop générale donnée.

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h. Le caractère est passions et habitudes ; mais la tête influe beaucoup sur les habitudes, donc aussi sur le caractère.

La tête influe donc sur le cœur de deux manières en donnant des moyens à ses passions. Pour les habitudes, y a-t-il habitude du corps et habitude de l’esprit ? oui. Décrire bien l’habitude.

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Du penchant à se moquer des autres.

h. Dites au vulgaire cette vérité il ne la comprendra pas et il sera choqué de votre vanité. Faites-en un joli conte (s’il y a dans la société un moqueur, chose qui vous aura porté à dire cette vérité) il en sera charmé et d’autant plus charmé que vous blesserez moins sa vanité.

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h. Donner à un homme un cœur très passionné et une tête stupide est une supposition absurde à moins que les passions ne soient venues dans son cœur tout à coup.

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La légèreté est produite par une curiosité (ou désir de connaître) excitée également par tous les objets.

h. C’est ainsi que souvent l’extrême d’une disposition éloigne du but où conduisait cette disposition dans une certaine proportion. T’is true[9] ?

Il y a une extrême stupidité. Il y a l’extrême contraire : l’extrême de la légèreté qui est folie.

Il y a des gens qui ne peuvent apprendre. L’état de leur esprit est l’inaptitude (Caroline par exemple). La cause de l’inaptitude est une opinion fausse de notre propre savoir.

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Un autre défaut essentiel de l’esprit est l’extravagance qui paraît être une imagination tellement prédominante quelle devient la source de toutes les autres passions. Exemple : don Quichotte.

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L’orgueil rend inspiré.

Fait qu’on ne parle que par sentences tirées des grecs et des latins.

h. Du temps de Hobbes. Quels sont ses effets actuellement ?

La province est moins éloignée des ridicules cités par Hobbes que Paris. A-t-on raison de dire qu’elle est à cent ans en arrière de Paris ?

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La folie par excès de pusillanimité. Ces fous qui s’imaginent être de verre. Celui dont Pauline me parlait qui se croyait cruche d’huile.

Les hypocondriaques sont tourmentés de craintes chimériques.

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Chapitre XI. — h. Quand on parle d’ombres, je me figure à présent ce que nous voyions, Barral et moi, à Frascati près d’une fenêtre du grand salon. Nous voyions l’image des personnes du salon et directement celles qui étaient dans le jardin qui les pénétraient sans en être cachées ni les cacher. Revoir cela.

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Le chapitre XI [de Hobbes] traite de Dieu et raisonne assez juste. Il montre que nous n’en avons nulle idée.

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Ridiculiser ces donneurs de règles sur la littérature en montrant aux gens du monde l’importance qu’ils attachent à la littérature.

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Inspirer des opinions ou faire naître des passions est la même chose…

…Une tragédie bien jouée affecte autant que la vue d’un assassinat[10].

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Je juge d’après Goldoni que manquer d’argent n’est pas bas en Italie comme en France. Est-il vrai qu’il soit plus nécessaire aujourd’hui de ne pas manquer d’argent que sous Louis XIV, comme le dit le publiciste ?

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Le choc de deux caractères ridicules produit le soudain : cause qui fait éclater le rire.

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Le ridicule de mettre à la loterie était noble, voici un bon trait : (Donna di Garbo, Goldoni, tome IX, page 57.)

Ottavio interrompant sa femme qui se fâche : « Zitto, Sei anni, sedici mila lire, quattro stracci. Quattro, sei, sedici, vado a giuocar questo terno. »

Les ridicules des personnages de cette pièce sont rares ou méprisables parmi nous, mais l’argument de protagoniste est bon. Rosaura est une flatteuse.

C’est la première comédie entièrement écrite de Goldoni, il fallait encore de la charge.

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Une passion est une maladie involontaire de l’âme, comme la fièvre est une maladie du corps. Tous les hommes doivent savoir cela ; s’ils le savent comment peuvent-ils se moquer d’un état où ils seront peut-être demain ?

Il suivrait de là qu’on n’est jamais ridicule par ses passions. On ne serait donc ridicule que par la tête qui influe sur les passions de deux manières en leur fournissant des moyens et par ses habitudes.

Si le caractère n’est composé que de passions et d’habitudes et que les passions ne soient jamais ridicules, restent les habitudes.

Jean-Jacques disait cela. Bien le vérifier.

On dit que les passions changent le caractère. Donc l’idée des grandes passions n’entre point dans l’idée du caractère d’un homme.

Cependant on dit le caractère du joueur, du grondeur.

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Nous fuyons tout ce qui nous fait douleur. Je me sens un bouton à la tête, j’y sens une douleur très vive mais qui ne dure que deux secondes. Elle s’évanouit, je n’y pense plus. Si je n’étais pas convaincu que rien ne suivra cette douleur et qu’au contraire elle peut amener à d’autres, j’y réfléchirais poussé par l’espérance d’y trouver un remède. Cette réflexion fixant mon attention me ferait ressentir les moindres douleurs que je n’apercevrais pas et bien davantage les grandes.

Il y a donc des douleurs qui ne vont pas jusqu’à la tête.

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« Je ne saurais pourtant vous dire l’objet de ma peur et voilà pourquoi elle était si vive. » Marianne.

Voir si cela est vrai. Si oui c’est un grand principe pour moi et surtout pour la jalousie de Charles.

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La Marianne de Marivaux excellent roman à lire en allant dans le monde. Demi-heure avant.

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Gardez-vous bien de vous brouiller avec l’amour-propre (la vanité) d’une jeune fille, vous rendez l’amour à jamais impossible entre vous.

L’admiration dans le monde est une humiliation pour celui qui admire, à moins qu’il n’ait auparavant renoncé à tout jamais au talent qu’il admire.

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h. Un grand poète peut dire à une coquette : « Imaginez que je trouve mes vers comme vous vos rubans. Êtes-vous satisfaite d’un seul ?… etc. »

Il sera compris.

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Mar[ivaux] : L’envie de nous plaire leur fait faire des efforts infinis, sont-ils sûrs de vous avoir plu autant que possible, ils sont désœuvrés. Note pour l’amour de Hobbes.

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Combien le roi de Prusse est au-dessous des grands hommes de l’antiquité. Ouvrage de Guibert excellent. C’est ainsi qu’il faut peut-être écrire pour moi.

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Voyage en Italie, en lettres. Dans chaque lieu l’homme animé de la passion qui peut le mieux lui faire sentir la beauté du lieu. Ouvrage charmant plein de naturel.

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Bon caractère odieux-ridicule à étudier : celui du Père de Mirabeau, surnommé l’ami des hommes par son fils… et l’ennemi de tous ses parents.

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Je n’ai étudié jusqu’ici que des caractères tragiques, se io volo diventar comique, il faut en étudier de ridicules, de ridicules odieux, etc.

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Esprit de Mirabeau XXVIII.

M. Lemonnier vieillard de soixante-dix ans, fantôme de mari, tourmenté de laisser, à quelque prix que ce fût, un héritier, est assez vil pour désirer et provoquer sa honte.

Que cela est comique et que les combats de l’orgueil qui ne veut pas être cocu et de l’orgueil de la postéromanie seraient comiques au théâtre !

*

h. J’ai pu m’enthousiasmer pour les beaux caractères et les belles passions que j’ai vus jusqu’ici. Il n’est pas étonnant que je ne m’échauffe point pour les caractères essentiellement bas qu’il faut que j’étudie, j’en jugerai mieux l’effet que leurs copies peuvent produire sur des gens (pur troppo !) médiocres.

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Le beau tragique est absolu, je fais un beau caractère, je le représente faisant un beau trait que j’expose au public hardiment, persuadé qu’il sera senti tôt ou tard.

Il n’en est pas de même du comique qui doit plaire à chaque homme.

Je puis le rapprocher du même principe (l’absolu) en me construisant un public et disant par exemple : je veux plaire à Marignier, à Martial, à Percheron, etc.

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Je n’ai d’enthousiasme que pour le grand. Ce qui fait que j’ai vraiment de l’enthousiasme pour peindre les défauts et les ridicules de ce qui veut être grand. Ce sont peut-être les seuls défauts que je peigne avec impeto.

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Je vois de l’enflure partout. L’enflure est, je crois, la charge des grands. C’est-à-dire l’exagération des grands traits, l’oubli des petits.

Les bas reliefs de papier peint de chez Mme Maron. Voilà où six minutes de la conversation d’Hélie fixeraient bien mes idées, et peut-être m’en donneraient de nouvelles. Lui écrire.

Lavater est bon là-dessus. La physionomie du grand manque à tout ce qui est enflé. Les héros de Voltaire.

Lire Lavater.

*

Mirabeau écrivait à Sophie des lettres qui devaient passer sous les yeux de M. Lenoir. En les supposant écrites autant pour M. Lenoir que pour Sophie…

Art d’écrire à deux personnes et que je dois connaître, if the V…’ letter is true. C’est la seule manœuvre que j’aie employée et elle a réussi.

*

Mirabeau sort de prison le 17 décembre 1780.

Histoire secrète de la cour de Berlin à lire pour les caractères.

Mirabeau entre à trente-neuf ans aux États généraux nommés par Aix et par Marseille.

Meurt le 2 avril 1791. Né en 50, a vécu…

Il eut toutes les passions excepté celles de l’avarice et de l’envie.

Je retrouve dans Mirabeau mes idées sur l’incontinence.

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h. Il faut ordonner les vertus et leurs contraires : les vices, sur la quantité de bonheur et de malheur qu’ils peuvent produire probablement.

De manière que telle action vicieuse à dix degrés maximum en 1700, peut ne plus l’être qu’à trois degrés en 1804.

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II. 482. Or le caractère ne se compose que des habitudes de l’âme et de l’esprit mélangées, il est vrai, à des doses inégales.

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h. Le vulgaire ne sait pas classer les vertus basées sur les vérités. Il les croit toutes à peu près également bonnes. De là la plus petite vertu sera peut-être préférée à la plus grande, parce que vous l’aurez proclamée vertu. Si tout cela est vrai il ne faut pas tout dire au peuple.

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Faut-il lui exagérer certaines vérités ?

Cela est utile pour Gaëtan. Mais pour un peuple, je crois que non. On corrompt la tête des grands hommes naissants, voilà pour la vertu.

Pour la politique cette institution ne décevrait pas longtemps. Ayant surmonté l’erreur, ils la signaleraient.

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h. Tout ce que je lis dans Mirabeau et tout ce que j’entendis hier soir à Feydeau m’engage de plus en plus à croire à ma division de la tête et du cœur.

Il a mauvaise tête et bon cœur, voilà une phrase vulgaire.

Cette pensée de Mirabeau (vraie ou fausse) : « Plaignons celui qui, consterné de l’étendue des maux, les croît inguérissables ; mais maudissons l’homme insouciant qui pense avoir trouvé le remède et n’ose le publier. » (Je crois cela très vrai.) Cela marque ce que pensait Mirabeau de la tête et du cœur.

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Il croit les femmes tout vanité.

Au reste lire très attentivement et discuter la partie de son Esprit intitulée philosophie.

Relire ensuite ses ouvrages pour glaner.

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L’opiniâtreté est loin d’être la volonté.

La volonté ferme voit toujours toutes les raisons déterminantes où s’est commandée d’avance l’opiniâtreté pour remplacer la cire qu’Ulysse fit couler dans ses oreilles.

L’opiniâtreté veut parce qu’il a voulu par vanité, aux [yeux] des autres, pour ne pas se démentir. Par vanité à ses propres yeux parce qu’il ne pouvait pas avoir tort.

Cela est bien de moi et j’en suis fier. Voilà le sentier qui me conduira à la connaissance de ce qu’il y a de plus caché dans le cœur de l’homme passionné.

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h. L’amour des grandes âmes armées de bonnes têtes est inintelligible aux hommes ordinaires.

Jamais Tencin ne pourrait understand my love for V[ictorine].

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h. L’amour subit. Je vois subitement sa physionomie. Toute la politique pour plaire aux âmes à la V[ictorine] est de ne pas se cacher. C’est un marchand qui a trouvé un acheteur. Il faut qu’il voie cela, il le verra si vous bannissez tout déguisement.

Peu à peu chacun quittera une pièce de son habit, vous vous verrez, voilà le seul bonheur qui existe pour vous. Alma grande.

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h. J’écrirai toujours comme un sot, si je veux copier un style. Celui de Mirabeau est près moi. Celui-là, mêlé avec La Fontaine, fera le mien.

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Oh ! que je retrouve bien toute ma pensée dans Mirabeau. « Il est permis de douter que l’Esprit des lois survive aux belles épîtres d’Horace ou même à ses jolies odes. »

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189. to my great-fat[her].

J’ai éprouvé un des plus grands plaisirs moraux en voyant [ma] conformité avec Mirabeau, mais en même temps douleur assez vive au côté.

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Mi[rabeau]. La monarchie absolue qui serait le plus sévère, le plus complet des despotismes si le beau sexe n’y donnait pas le ton… etc.

Serait-ce donc les sérails qui rendent les Turcs plus malheureux que nous ?

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Mirabeau juge comme Helvétius que Jean-Jacques est plus grand par la multitude d’observations morales ou de leçons applicables au bonheur journalier de l’individu… que par les systèmes généraux.

Vérifier cela par moi-même. C’est un grand poids que celui de l’opinion du passionné Mirabeau jointe à celle du raisonnable Helvétius.

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To do[11] un protagoniste ridicule de l’homme de lettres qui travaille pour entrer à l’Académie et pour une pension. Sotte vanité, bassesse, grands principes dans sa bouche démentis ridiculement par la puérilité de sa conduite.

Cela fera bien rire et est un coup mortel aux Académies et par conséquent to Tyrans.

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Chercher quel peut être l’empire

1o d’un poète épique ;

2o — — comique ;

3o — — tragique ;

4o de l’ami de la vérité qui imprime ;

5o de l’ami de la vérité qui parle en public ; en supposant ces cinq talents parfaits.

Pour aider l’imagination par le spectacle de ce qui a été, et pour éviter l’erreur (for me : source de sifflets), chercher quel a été sur leurs contemporains et sur la postérité l’empire

1o d’Homère ;

2o de Molière, de Voltaire (dans la Pucelle) ;

3o de Corneille, de Racine, de Voltaire ;

4o de Rousseau qui a. pris les choses au sérieux ; de Voltaire qui a combattu avec l’arme du ridicule ;

5o de Mirabeau, de Bossuet.

Ce travail fait chercher dans la société telle qu’elle existe[12] aujourd’hui (5 thermidor XII) les erreurs qui restent encore à combattre. Les ordonner suivant le plus ou moins grand mal qu’elles peuvent produire.

Voilà la véritable analyse par laquelle je trouverai les beaux sujets de comédie existant encore.

La suivre.

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C’est aussi ici la véritable analyse pour trouver ce que je dois dire nella filosofia nova.

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h. Me bien mettre dans la tête que je marche sur un Paris souterrain couvert de dix pieds de terre, mais que je pourrai en voir quelques parties avec de la finesse.

On voit dans les mémoires sur Louis XIV une partie du Paris souterrain de son temps.

Voilà la carte géographique qui doit me guider.

La comédie n’est point propre du tout à faire voir les motifs secrets qui font faire les actions que nous voyons tous les jours dans la nature. On ne peut que plaisanter là-dessus, mais non découvrir cela par le grand moyen du caractère.

Le vrai lieu de cette sorte de découverte est le traité philosophique comme la filosofia nova.

Cela me vint sur : honnête homme ? — Tout ce qu’il faut pour n’être pas pendu.

Cela peut être vrai, mais nous ne le voyons pas évidemment dans Bartolo. Il faudrait le prouver, chose contre le génie de la comédie, mais qui est au contraire la base du traité philosophique.

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Si les contemporains d’un homme ne peuvent ni aider ni contrarier ses passions, il se moque d’eux.

L’amour des femmes par exemple rend très sensible à l’opinion publique à Paris et fait la crainte du ridicule.

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Lire : Mémoires du vieux duc de Bouillon père du Maréchal de Turenne. Pour les mœurs. Mirabeau en parle.

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Mirabeau dit « … or les dispositions corporelles et les facultés de l’âme sont entre elles dans un rapport qui peut être transmis par la génération. » To see if t’is true.

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J’ai trouvé un trésor dans la partie des œuvres de Mirabeau intitulée : Philosophie.

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Classement de vertus. Il vaut mieux peut-être avoir tous les vices et la vertu de son état.

Doit-on plus à celui qui procure trois degrés de bonheur, ou à celui qui procure les dix degrés de bonheur, mais dont les vices produisent deux degrés de mal ? Voilà la question, je suis pour le dernier.

  1. Ce cahier d’extraits commencé le 1er messidor XII (20 juin 1804) provient du tome 28 des manuscrits de la Bibliothèque de Grenoble cotés R. 5896. N. D. L. É.
  2. 1er messidor an XII.
  3. Hobbes, 78.
  4. Hobbes, 79.
  5. Ce manque d’usage nous fait prendre pour des vicieux. Le Chinois à Milan pour avare.
  6. Nous passons ici quelques définitions de sentiments ou de passions d’après Hobbes et qui se retrouvent mots pour mots dans d’autres manuscrits. Ces définitions ont du reste été biffées par Beyle d’un trait de crayon. N. D. L. É.
  7. 3 messidor XII [22 juin 1804].
  8. Hobbes, 33.
  9. En surcharge sur ce paragraphe Beyle a écrit : Erreur.
  10. Fin de la lecture de la Nature humaine de Hobbes le 3 messidor an XII.
  11. 5 thermidor XII [24 juillet 1804]
  12. Quel avantage n’aurai-je pas de connaître la s[ociété] de Paris seulement autant que je connais celle de Grenoble. C’est ce qui me manque le plus.