Pensées et Impressions/Le Féministe
LE FÉMINISTE
Une femme de trente ans, en France
n’a pas les connaissances acquises d’un
petit garçon de quinze ans ; une femme
de cinquante, la raison d’un homme de
vingt-cinq.
Si nous l’osions, nous donnerions aux
jeunes filles une éducation d’esclave, la
preuve en est qu’elles ne savent d’utile
que ce que nous ne voulons pas leur
apprendre.
Je soutiens qu’on doit parler de l’amour à des jeunes filles bien élevées,
Une femme de quarante-cinq ans n’a
d’importance que par ses enfants et par
son amant.
Toutes nos idées sur les femmes nous
viennent en France du catéchisme de
trois sous.
La femme la plus parfaite, suivant les
idées de l’éducation actuelle, laisse son
partenaire isolé dans les dangers de la
vie, et bientôt court risque de l’ennuyer.
La fidélité des femmes dans le mariage,
lorsqu’il n’y a pas d’amour, est
probablement une chose contre nature.
Il y a peut-être cinquante mille femmes en France qui, par leur fortune, sont dispensées de tout travail. Mais sans travail il n’y a pas de bonheur. (Les passions forcent elles-mêmes à des travaux et à des travaux fort rudes, qui emploient toute l’activité de l’âme).
Le plaisant de l’éducation actuelle,
c’est qu’on n’apprend rien aux jeunes
filles qu’elles ne doivent oublier bien
vite dès qu’elles seront mariées.
L’éducation actuelle des femmes étant
peut-être la plus plaisante absurdité
de l’Europe moderne, moins elles ont
d’éducation proprement dite, plus elles
valent.
La pire de toutes les duperies où
puisse mener la connaissance des femmes
est de n’aimer jamais, de peur d’être
trompé.
Les femmes sont toutes comme des
romans, intéressantes jusqu’au dénouement,
et, deux jours après, on s’étonne
d’avoir pu être intéressé par des choses
si communes.
Une femme d’esprit mesure sa résistance au degré de désœuvrement de son amant.
Ce qui vieillit le plus les femmes de
trente ans, ce sont les passions humaines
qui se peignent sur leurs figures.
Si les femmes amoureuses de l’amour
vieillissent moins, c’est que ce sentiment
dominant les préserve de la haine
impuissante.
C’est à coups de mépris public qu’un
mari tue sa femme au xixe siècle ; c’est
en lui fermant tous les salons.
Il est peut-être beaucoup plus contre
la pudeur de se mettre au lit avec un
homme qu’on n’a vu que deux fois, après
trois mots latins dits à l’église, que
céder malgré soi à un homme qu’on
adore depuis deux ans.
Les femmes honnêtes aussi coquines
que les coquines.
La pudeur donne des plaisirs bien flatteurs à l’amant : elle lui fait sentir quelles lois l’on transgresse pour lui.
La seule chose que je voie à blâmer
dans la pudeur, c’est de conduire à
l’habitude de mentir ; c’est le seul
avantage que les femmes faciles aient
sur les femmes tendres.
L’empire de la pudeur est tel qu’une
femme tendre arrive à se trahir envers
son amant plutôt par des faits que par
des paroles.
La pudeur des femmes en Angleterre,
c’est l’orgueil de leur mari.
Ce qui avilit les femmes galantes, c’est
l’idée qu’elles ont et qu’on a qu’elles
commettent une grande faute.
En France, les filles peuvent donner à beaucoup d’hommes autant de bonheur que les femmes honnêtes, c’est-à-dire du bonheur sans amour, et il y a toujours une chose qu’un Français respecte plus que sa maîtresse : c’est sa vanité.
Une femme n’est puissante que par le
degré de malheur dont elle peut punir
son amant ; or, quand on n’a que de la
vanité, toute femme est utile, aucune
n’est nécessaire.
Sans les nuances, avoir une femme
qu’on adore ne serait pas un bonheur
et même serait impossible.
L’empire des femmes est beaucoup
trop grand en France, l’empire de la
femme beaucoup trop restreint.
Tout homme qui conte clairement et
avec feu des choses nouvelles est sûr de
plaire aux femmes d’Italie. Peu importe
qu’il fasse rire ou pleurer ; pourvu
qu’il agisse fortement sur les cœurs, il
est aimable.
Une jeune femme se persuade bien mieux qu’elle est aimée par ce qu’elle devine que par ce qu’on lui dit.
Amusez une femme et vous l’aurez.
Une femme est sans cesse agitée par
le désir de plaire et la crainte du
déshonneur.
C’est une mauvaise société pour une
jeune femme que la société des autres
femmes.
L’imprévu, produit par la sensibilité,
est l’horreur des grandes dames ; c’est
l’antipode des convenances.
Le fluide nerveux, chez les hommes,
s’use par la cervelle, et, chez les femmes,
par le cœur ; c’est pour cela qu’elles
sont plus sensibles.
Ce qui fait que les femmes, quand
elles se font auteurs, atteignent bien
rarement au sublime, ce qui donne de
la grâce à leurs moindres billets, c’est que jamais elles n’osent être franches
qu’à demi : être franches serait pour
elles comme sortir sans fichu.
Une femme croit entendre la voix du
public dans le premier sot ou la première
amie perfide qui se déclare auprès
d’elle l’interprète fidèle du public.
Le tempérament bilieux, quand il n’a
pas des formes trop repoussantes, est
peut-être celui de tous qui est le plus
propre à frapper et à nourrir l’imagination
des femmes… C’est pour elles le
contraire du prosaïque.
La source la plus respectable de l’orgueil féminin, c’est la crainte de se dégrader aux yeux de son amant par quelque démarche précipitée ou par quelque action qui peut lui sembler peu féminine.
Les enfants commandent par les larmes,
et quand on ne les écoute pas, ils
se font mal exprès. Les jeunes femmes
se piquent d’amour-propre.
Les femmes douées d’une certaine
élévation d’âme qui, après leur première
jeunesse, savent voir l’amour où il est,
et quel est cet amour, échappent, en
général, aux don Juan qui ont pour
eux plutôt le nombre que la qualité
des conquêtes.
On convient qu’une petite fille de dix ans a vingt fois plus de finesse qu’un polisson du même âge : pourquoi, à vingt ans, est-elle une grande idiote, gauche, timide, et ayant peur d’une araignée, et le polisson un homme d’esprit ?