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Petrus Borel le lycanthrope/Les Romantiques

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Petrus Borel le lycanthrope : sa vie, ses écrits, sa correspondance, poésies et documents inédits
René Pincebourde (Bibliothèque originale) (p. 19-36).

II

LES ROMANTIQUES.


Il faut se demander bien exactement ce que voulaient et ce que cherchaient les romantiques de 1830, j’entends non pas les réformateurs, les chefs d’école et les maîtres, mais les disciples, les romantiques de la deuxième heure, les jeunes gens, comme dit l’auteur de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Ces romantiques-là, les romantiques de vingt ans, n’étaient pas et ne songeaient pas à être des réformateurs. À quoi bon ? Ils étaient tout simplement des tapageurs.

Le bruit leur plaisait, le bruit et la couleur. On était alors républicain, parce que les costumes de conventionnels sont plus pittoresques que les redingotes des bourgeois ; on aimait les révolutions, parce qu’une révolution fait du tapage et désennuie[1]. On était bien aise de voir partir Charles X pour l’exil, parce que le brillant comte d’Artois était devenu un vieillard long et maigre, et que tout roi qui se respecte doit être un Antinoüs. On criait pour crier, en haine du convenu, du bourgeois et du poncif. On s’habillait de gilets cerise : on portait ses cheveux longs comme un Raphaël, ou ras comme un duc d’Albe ; on affichait une tenue « truculente » par haine pure des boutiquiers ou des académiciens. Académicien ! quelle injure, alors ! Tout homme à tête chauve était académicien de droit, et, à ce titre, subissait le mépris des bousingos en gaîté. On détestait les bourgeois, comme les étudiants, les « maisons moussues » de Heidelberg, détestent les philistins. On s’enivrait de sons et de couleur. On était romantique par horreur du gris, — tout simplement — par amour du carmin ou de l’indigo.

Cependant, Pétrus Borel prenait son rôle au sérieux. Il ne désespérait pas de devenir tribun. Il s’emportait de bonne foi contre les ouvriers qui venaient d’effacer les blessures — la constellation — des balles de l’Institut.

Il est donc vrai, Français ! ô Paris, quel scandale !
 Quoi ! déjà subir un affront !
Laisseras-tu voiler par une main vandale
 Les cicatrices de ton front ?
Juillet, il est donc vrai qu’on en veut à tes fastes.
 Au sang épanché de ton cœur !
Badigeonneurs maudits ! nouveaux iconoclastes !
 Respect au stigmate vainqueur !

S’il ne s’était point battu dans les glorieuses, c’est que son père l’avait fait prisonnier chez lui, l’avait renfermé pendant trois jours. Quelle ivresse ! entendre les balles siffler par les rues hier si paisibles, sentir cette fumée, voir ces héros noirs de poudre se ruer contre les bataillons, les pavés se dresser, les cadavres tomber ! Quel spectacle nouveau pour un poëte sombre et pour un peintre ennemi du poncif ! Car beaucoup de ces jeunes gens ne virent pas autre chose, soyez-en persuadé, durant les journées de juillet. Pétrus Borel fut-il de ceux-là ? J’en doute. Il est sincère, il salue avec émotion ceux qui sont tombés.

O vous qui sur le front avez une auréole,
Vous qu’à regret la mort cueillait,
Salut, Farcy ! salut Arcole !
Salut aux héros de juillet !

Donc Pétrus Borel était républicain, mais d’un républicanisme étrange, avouons-le ; — ces républicains-là deviennent trop vite des réactionnaires ; — il était républicain-lycanthrope [2], républicain-artiste : sur la tête le bonnet phrygien, aux lèvres le papelito espagnol ; volontiers il eût allumé sa cigarette avec les Droits de l’Homme, et chanté Robespierre sur une guitare. Gonzalve de Cordoue ou Bernard de Carpio étaient ses héros de prédilection autant que Danton ou Saint-Just. Quoi qu’il fît, il voyait surtout dans la prise de la Bastille le spectacle curieux de ces combattants aux costumes hybrides qui montaient à l’assaut avec ce qu’ils avaient arraché au garde-meuble : « Ici, on apercevait un déchireur de bateaux avec un cuissard au bras ; là, un perruquier perdu sous le casque de Charles IX ; plus loin, un revendeur dans la panoplie de François Ier, ou un maçon, plein de vin et de sueur, dans l’armure auguste de Bayard[3] ». Cette fois, le républicain cédait le pas au romantique.

C’est encore par amour de la couleur, j’aime à le croire, que Pétrus, le Basiléophage, comme il s’appelait, s’attaquait de temps à autre avec une si violente ardeur au roi Louis-Philippe, qui n’en pouvait mais et qui laissait dire. Il y a dans Madame Putiphar une singulière caricature de ce

grand honnête homme qu’on nommait un tyran, et qui ne s’opposait point à ce qu’on le pourtraictât ainsi tout vif. Borel l’appelle tout simplement « un homme aux mains crochues, portant pour sceptre une pince ; une écrevisse de mer gigantesque ; un homard n’ayant point de sang dans les veines, mais une carapace couleur de sang répandu ! » Pauvre roi calomnié, qui pourtant avait assez d’esprit pour rire de ces excès, et assez de bonté pour leur pardonner !

Nous savons donc de quelle façon nos bousingos entendaient la République. Parmi eux, il y en avait qui ne l’entendaient pas du tout, Théophile Gautier entre autres. Le reste haïssait surtout les boutiquiers et les bourgeois. En ce temps-là, Gérard, le bon Gérard, Gérard de Nerval, l’homme le plus doux de la terre, écrivait :

Et comment vous le faut-il cet or, mademoiselle ? Le faut-il taché de sang, ou taché de larmes ? Faut-il le voler en gros avec un poignard, ou en détail avec une charge, une place, ou une boutique ?

Il ajoutait, en vers cette fois :

Car la société n’est qu’un marais fétide
Dont le fond, sans nul doute, est seul pur et limpide.
Mais où ce qui se voit de plus sale, de plus
Vénéneux et puant, vient toujours par-dessus !
Et c’est une pitié ! c’est un vrai fouillis d’herbes
Jaunes, de roseaux secs épanouis en gerbes,
Troncs pourris, champignons fendus et verdissants.
Arbustes épineux croisés dans tous les sens,
Fange verte, écumeuse, et grouillante d’insectes,
De crapauds et de vers, qui de rides infectes
Le sillonnent, le tout parsemé d’animaux
Noyés, et dont le ventre apparaît noir et gros.

Le tout pour rire, n’en doutez pas, et pour le plaisir d’arriver premier dans ce steeple-chase à l’originalité qu’on avait alors affiché dans ce nouveau cénacle. Ils étaient là tous, en effet, un groupe ardent, bouillant, spirituel ; enragés de nouveauté, de curiosité, de couleur et de rimes riches, enfiévrés de rénovation, de formules non vieillies, de phrases non clichées. Affiliés à la Marianne romantique, ils avaient juré haine et malheur à cette société de bourgeois, à cet art de philistins, à cette littérature de gens enrhumés. Tous, jeunes, l’œil enflammé, la poitrine aspirant l’air à pleins poumons, pleins de feu, pleins de vie, ils marchaient à la conquête de la Toison-d’Or ; mais on les eût fort irrités en les appelant Argonautes. Par la Pâques-Dieu ! les réminiscences grecques étaient alors les mal venues ! À la tête du bataillon marchait Pétrus Borel. Il était le plus vieux ; il avait déjà, à l’heure où les autres n’étaient que des poètes inédits, il avait un volume de vers imprimé ; il avait des maîtresses et des aventures ; il était superbe et imposant. Dans l’atelier de Devéria, chez Louis Boulanger, chez Célestin Nanteuil, on l’appelait aussi le maître. Puis venait Théophile Gautier, Théo, qui admirait de bonne foi les Rhapsodies, lui qui avait déjà fait Albertus, Théo déjà maître de son rhythme, déjà poète, déjà Gautier !… — Puis c’était Gérard, qui annonçait un volume d’Odelettes et qui traduisait Faust ; c’était M. Maquet, Augustus Mac-Keat, Joseph Bourchardy, le petit Bouchardy, comme on disait ; c’était Alphonse Brot, Philadelphe O’Neddy (M. Dondey), Napoléon Thom, le peintre ; Jules Vabre, l’architecte, ce Vitruve nouveau qui voulait écrire aussi sur son art, et qui annonçait un Essai sur l’incommodité des commodes, un livre célèbre avant de naître, et que personne ne fera !

Groupe à jamais dispersé, poignée de courageux esprits, association de rêves et d’espoirs, de gaietés et d’ambitions, de joyeuses folies et de sombres tristesses ! Qu’est devenu ce clan d’appelés dont beaucoup furent des élus ? Demandez au hasard, au mélodrame du boulevard et au roman de longue haleine, au labeur sans trêve, au découragement, à l’ombre, à la tombe…… Pour les retrouver tous, ces vaillants de 1830, il faut suivre un des leurs, le plus illustre, vers le brumeux Château du Souvenir. — Tenez, le pont levis est baissé, la porte crie sur ses gonds ; elle s’ouvre, entrez. Les voilà tous. Grâce à ce puissant qui leur a survécu — (aux morts et aux vivants), — ils ne mourront donc pas ?…

Les vaillants de dix-huit-cent-trente,

Je les revois tels que jadis.
Comme les pirates d’Otrante
Nous étions cent, nous sommes dix.

L’un étale sa barbe rousse
Comme Frédéric dans son roc ;
L’autre superbement retrousse
Le bout de sa moustache en croc.

… Celui-ci me conte ses rêves.
Hélas ! jamais réalisés,
Icare tombé sur les grèves
Où gisent les essors brisés…

Drapant sa souffrance secrète
Sous les fiertés de son manteau,
Pétrus fume une cigarette
Qu’il baptise papelito.

On les retrouve tous, ces noms, avec beaucoup d’autres, oubliés aujourd’hui, dans cette histoire de l’école romantique qui s’appelle Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Tous, en effet, firent ce qu’on appelait les campagnes romantiques campagne d’Hernani et campagne de Lucrèce Borgia ; tous prirent part à cette unique soirée du Roi s’amuse, où Lassailly brisa les banquettes pour s’en faire une arme contre les Philistins[4]. Pétrus Borel représentait quelque chose comme cent cinquante fidèles ; les ateliers lui obéissaient, et Victor Hugo traitait avec lui comme avec un homme qui dispose de trois cents mains. Il aurait pu crier comme Ernest de Saxe-Cobourg en voyant des vieillards siffler : — À la guillotine, les genoux ! Il était des plus acharnés parmi ces indomptables. Il eût volontiers rétabli la peine de mort en matière littéraire, massacré l’Académie en masse, et M. Jay en particulier, ce M. Jay, qui consentait alors à appeler Victor Hugo un jeune homme heureusement doué[5]. De

cette époque date la grande autorité de Pétrus Borel. On s’était jusqu’alors réuni d’ordinaire dans l’atelier de Jehan Duseigneur, le sombre atelier, comme dit Philothée O’Neddy — (M. Dondey avait renoncé à son prénom de Théophile à cause de M. Gautier), et là, en barbe Jeune-France, en costume d’orghie, bien longtemps on avait fumé, causé, disserté, divagué. Cet atelier de Jehan Duseigneur se trouvait situé près du Luxembourg, dans la rue de Madame, je crois, et à l’entresol, dans une boutique, à côté d’un magasin de fruiterie. Ce que ces murailles entendirent de théories incendiaires et de paradoxes fulminants, de rimes folles et de poésies merveilleuses, vous pouvez vous le figurer. Théophile Gautier nous le donne à entendre dans ce livre des Jeune-France, livre merveilleux, qui est bien le tableau le plus curieux, le plus complet, le plus original, le plus séduisant des folles mœurs de ce petit clan[6].

Mais on se lasse de tout. Ils se lassèrent de l’atelier de Jehan Duseigneur, Pétrus Borel surtout, l’homme assoiffé de solitude. En ce temps-là, il s’était épris déjà de belle passion pour Robinson et Vendredi ; il rêvait, l’ambitieux, l’île déserte souhaitée par nous tous au lendemain d’une lecture de de Foé ; il voulut essayer, en plein Paris, de vivre de la vie du sauvage, libre comme l’air, et le voilà qui va s’établir au haut de la rue Rochechouart, dans une maison presque isolée et aujourd’hui démolie. Le clan suivit. On se blottit au hasard, sous des tentes. C’était en été, et il faisait chaud. Quelle belle occasion pour s’exercer à l’emploi de Caraïbe ! Pendant que sur le coteau de Ménilmontant les Saints-Simoniens revêtaient un uniforme d’ordonnance, nos Caraïbes du coteau de Rochechouart jetaient tout costume au diable et vivaient nus, exactement nus, couchés sur des tapis ou sur des peaux de bêtes. On les appelait avec effroi, dans le quartier, le Camp des Tartares. Tout allait bien dans les premiers jours, mais le propriétaire se plaignit ; nos sauvages faisaient du bruit, et beaucoup ; les voisins grommelaient. On parlait vaguement d’agents de police et de commissaire. Le propriétaire se fâcha et mit nos philosophes à la porte. Et les Tartares se retirèrent, non sans réclamations. Il y eut même, dit la renommée, un trait de Parthe qu’ils lancèrent en s’éloignant : sans plus de façon, et pour protester, ne mirent-ils pas le feu à la loge du concierge ?

Parfois il venait à Pétrus Borel comme des bouffées de remords. Il s’interrogeait alors, se tâtait le pouls ; il s’écriait :

De bonne foi, Jules Vabre,
Compagnon miraculeux,
Aux regards méticuleux
Des bourgeois à menton glabre,
Devons-nous sembler follet
Dans ce monde où tout se range !
Devons-nous sembler étrange,
Nous, faisant ce qu’il nous plaît !

Dans Paris, ville accroupie,
Passant comme un brin sur l’eau,
Comme un vagabond ruisseau
Dans une mare croupie.
Bohémiens, sans toits, sans bancs,
Sans existence engaînée,
Menant vie abandonnée,
Ainsi que des moineaux francs
AU chef d’une cheminée !

Chats de coulisse, endêvés,
Devant la salle ébahie
Traversant, rideaux levés,
Le théâtre de la vie.

Mais il redresse bien vite la tête, il reprend sa tournure fière — et nargue des sots qui ne vaudront jamais les fous ! De la rue de Rochechouart il alla demeurer rue d’Enfer, dans une maison qu’il avait louée tout entière. On célébra l’emménagement par une fête colossale. C’était en 1832, M. Alexandre Dumas venait justement de donner au square d’Orléans une nuitée dont tout Paris — il y avait déjà un tout Paris — avait parlé, et M. Dumas a raconté comment, en quelques jours, en quelques heures, Louis Boulanger, Célestin Nanteuil, J. J. Grandville, Delacroix, lui avaient décoré une salle de bal hyperbolique. Rue d’Enfer, Pétrus Borel voulut organiser la parodie de cette fête. Il y invita Alexandre Dumas lui même. La maison n’avait qu’un étage et un entresol. Au premier, on dansait, on allumait du punch, on chantait. Le rez-de-chaussée avait été converti en infirmerie. À mesure qu’un combattant succombait, les gens valides le descendaient jusqu’à cette salle de convalescence. Ah ! la gaîté exubérante, la verve folle, la santé ! On était jeune, on était fou, et l’on ne faisait de mal à personne. De tous les convives, Alexandre Dumas se montrait le plus voluptueux et le plus raffiné : il mangeait de la crème dans un crâne ! Souvenez-vous de la grande orgie fantaisiste, — un souvenir peut-être, — dans les Jeune-France de Théophile Gautier…… « Le tapage continuait de plus belle ; c’était un bruit unique composé de cent bruits, et dont on ne rendrait compte que très-imparfaitement, même avec le secours des onomatopées. Des jurements, des soupirs, des cris, des grognements, des bruits d’assiettes cassées Pan, pan ! — Glin, glin ! — Brr… — Humph ! — Fi ! — Euh ! euh ! — Pouah ! — Frou ! frou ! — Clac ! — Aïe ! aïe ! — Ah ! — Oh ! — Paf ! — Ouf ! — Tous ces bruits finirent par s’absorber et se confondre dans un seul, un ronflement magistral qui aurait couvert les pédales d’un orgue. »

  1. Qu’est-ce qu’une révolution ? Des gens qui se tirent des coups de fusil dans les rues. (Théophile Gautier. — Préface des Jeune-France.)
  2. Oui ! je suis républicain, mais ce n’est pas le soleil de juillet qui a fait éclore en moi cette haute pensée ; je le suis d’enfance, mais non pas républicain à jarretière rouge ou bleue à ma carmagnole, pérorateur de hangar, et planteur de peupliers ; je suis républicain comme l’entendrait un loup-cervier : mon républicanisme, c’est de la lycanthropie ! Si je parle de république, c’est parce que ce mot me représente la plus large indépendance que puissent laisser l’association et la civilisation. Je suis républicain parce que je ne puis pas être Caraïbe ; j’ai besoin d’une somme énorme de liberté : la république me la donnera-t-elle ? je n’ai pas l’expérience pour moi. Mais quand cet espoir sera déçu comme tant d’autres illusions, il me restera le Missouri ! (Pétrus Borel. — Préface des Rhapsodies.)
  3. L’idée de ces curieuses antithèses n’appartient pas à Borel. Je trouve ce qui suit dans le no 2 des Révolutions de Paris, de Prud’homme : « L’enlèvement des armes du garde-meuble de la couronne eut lieu dans la journée du mardi 13 juillet. Ces armes étaient en général fort belles, mais le nombre n’en était pas considérable. Ce qui pourtant offrait des contrastes dignes des méditations du sage, c’était de voir les armes de François Ier, d’un Turenne, d’un Vendôme, du grand Condé, de Charles IX, de Richelieu, de Louis XIV même, dans les mains d’un forgeron, d’un possesseur de marmottes, d’un clerc du palais, ou d’un garçon perruquier… » Nil novi sub sole. Seulement Prud’homme ne se contente pas de faire ressortir l’antithèse pittoresque du spectacle. L’écrivain patriote ajoute bien vite : « Ces mêmes armes, qui pour la plupart n’avaient été employées que pour asservir des hommes, pour protéger l’injuste cause de l’horrible despotisme, défendaient enfin l’auguste liberté, et les droits imprescriptibles et saints de l’équité, de la nature. » (Révolutions de Paris, dédiées à la Nation. N°2. — Du samedi 18 du 25 juillet 1789.)
  4. Il y aurait un livre semblable à celui-ci à écrire sur cet autre excentrique à qui M. Charles Monselet a consacré déjà une notice excellente (voy ses Statuettes comtemporaines). Lassailly n’est pas sans rapports avec Pétrus Borel. Quelle séduisante tête à l’envers ! C’est Lassailly qui fait dire à son héros de prédilection, Trialph, cette belle parole à une jeune fille qu’il voit pour la première fois : Mademoiselle, je vous aime autant que la République ! Mais nous ne renonçons pas à écrire l’histoire de Charles Lassailly.
  5. Voy. la Conversion d’un romantique, manuscrit de Jacques Delorme publié par A. Jay. (Paris, Moutardier, 1 vol. in-8o, 1830. Mon exemplaire porte cette dédicace : À M. Jouy. — A. Jay.
  6. Il y a eu à cette époque et un peu auparavant une série d’associations, de réunions, de clans littéraires, puisque j’ai dit ce mot, qui désormais appartiennent à l’histoire. Il y eut le cénacle où M. Sainte-Beuve, les frères Deschamps, Victor Hugo, complotèrent la révolution romantique ; — il y eut les repas politiques des Marseillais de Paris, Alphonse Rabbe, Thiers, Mignet ; — il y eut les réunions dont parle Étienne Delécluze dans ses Souvenirs, et où fraternisaient Loyson, Stapfer, M. Patin, les rédacteurs du Courrier français ; il y eut la Childebert où se réunissaient les jeunes peintres et d’où partit cette charge énorme du nez de Bouginier qui fit le tour du monde ; deux ans plus tard Arsène Houssaye devait fonder cette autre académie libre et charmante de la rue du Doyenné. On savait autrefois se réunir et s’entr’aider ; on vit seul aujourd’hui. Plus de fourmilière ; chacun, hélas ! est un formicaleo qui attend sa proie et la dépèce comme il peut.