Philosophie de l’Anarchie/Conjectures

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P.-V. Stock (p. 247-268).


CONJECTURES — GRÈVE,
BANQUEROUTE OU GUERRE


La vie des sociétés, comme celle des individus qui les composent, se passe en un duel permanent entre les idées et les mœurs, celles-là étant toujours en avance sur celles-ci.

Sentir le mal présent et désirer le mieux-être, rien de plus simple ; laisser errer son esprit à l’exploration de l’inconnu ou si l’on est d’une mentalité plus positive, déduire du présent l’avenir, entrevoir par le raisonnement et l’étude des faits les phases d’évolutions futures, cela n’implique ni des efforts ni une hardiesse extraordinaires. Il est autrement difficile de rompre en visière avec les préjugés et les intérêts ambiants pour harmoniser sa manière de vivre avec celle de penser.

De là vient le contraste frappant que présentent souvent les paroles et les actes des personnes les plus émancipées intellectuellement. « Faites ce que je dis et non ce que je fais, » pourraient répéter après Jean-Jacques Rousseau nombre de révolutionnaires.

C’est surtout dans les habitudes qu’on est la proie de l’atavisme. Tandis que des objets nouveaux font naître des impressions, et par suite des pensées nouvelles, les mœurs transmises par l’hérédité, entretenues par l’éducation, viennent ressaisir et clouer au passé celui qui, en esprit, s’en éloignait.

C’est ce qui a causé l’avortement partiel de tant de révolutions, empêché que le but atteint fût plus en rapport avec les efforts faits. Après avoir proclamé de fort belles choses, les novateurs, effrayés de se sentir inaptes à vivre dans l’idéal rêvé, retenus qu’ils étaient au passé par mille liens, s’arrêtaient à moitié chemin et se contentaient pour le surplus de phrases grandiloquentes.

D’une très belle étude publiée par Jean Grave dans les Temps Nouveaux[1], nous extrayons le passage suivant :

« La révolution n’est pas une entité dont la puissance agit par elle-même. Ce n’est pas un personnage métaphysique doué de toutes les vertus. C’est un fait qui s’accomplit sous l’impulsion d’individualités qui ne pourront opérer autour d’elles que les transformations qu’elles auront su, au préalable, déjà opérer en leur cerveau. Voilà pourquoi je concluais que les individus devraient, en leurs conceptions, en leurs actes, essayer de faire table rase des anciens préjugés dont ils ont compris l’absurdité, afin d’opérer déjà en eux, en leur petit cercle, la transformation qui doit s’opérer en l’état social. Celui qui ne sait pas se réformer lui-même, serait, du reste, toujours très mal venu à vouloir réformer les autres. »

Les anarchistes doivent donc être et sont évolutionnistes en même temps que révolutionnaires. Les partisans confiants de la transformation pacifique peuvent se cantonner dans la propagande peu périlleuse des idées qui leur sont chères ; les socialistes autoritaires, qui rêvent l’amélioration du genre humain à coups de décrets, n’ont besoin que de grouper des hommes-machines leur servant, soit par le vote soit autrement, à conquérir le pouvoir. Pour ceux qui veulent vivre et apprendre aux autres à vivre sans maîtres, il faut de toute nécessité qu’ils éveillent la conscience des foules par le raisonnement et plus encore par l’exemple, tout en guettant l’heure révolutionnaire.

Quand et dans quelles circonstances sonnera cette heure ? C’est ce qu’on ne peut prédire d’une façon positive ; peut-être cependant est-il possible de déterminer approximativement quelles catégories d’événements peuvent produire le choc attendu.

Les révolutions qui, aux différentes époques de l’histoire, ont secoué les sociétés ont été tantôt politiques, tantôt économiques, ou religieuses. Le bas-empire fut même, à plusieurs reprises, bouleversé pour des questions de moindre importance : la victoire des bleus ou des verts aux courses des cirques soulevait la foule byzantine, badaude et imbécilement disputeuse. Les révoltes du moyen-âge, époque de foi vive et d’âpres souffrances, furent mi-sociales mi-religieuses ; la révolution anglaise, d’où naquit la puissance de la bourgeoisie puritaine, s’opéra au nom de la Bible ; la révolution française, au contraire, fut avant tout politique.

Or, il est facile de voir par l’idée dominante de tout notre siècle et les tendances populaires, parfois latentes, parfois affirmées dans des luttes de plus en plus sanglantes (1831, juin 1848, 1871) que la révolution qui, en Europe, semble appelée à clore le dix-neuvième siècle, sera, avant tout, économique. Sans doute, penseurs et idéologues, qui voient en l’homme autre chose qu’un sous-ventre, la veulent-ils intégrale, mais il est certain que la clameur des déshérités affirmant leur droit à la vie et au bien-être dominera cette fois les harangues des politiciens, les pétarades romantiques des dilettantes et même les considérations des philosophes. Les progrès de l’esprit viendront après la conquête du pain.

Un peuple ne fait de révolution que pour des besoins qu’il ressent ou des choses, sinon des idées, auxquelles il croit.

Les prolétaires de France ne croient plus du tout à la religion, croient de moins en moins à la politique et n’ont guère le temps ou la possibilité de se passionner pour des questions d’esthétique. Par contre, sous la prodigieuse poussée de l’industrialisme moderne, les problèmes économiques ont surgi tout naturellement : les serfs de l’atelier et de l’usine veulent cesser d’être chair exploitable, livrée à toutes les exigences du capitaliste, à toutes les fluctuations de l’offre et de la demande ; les sans-travail, de plus en plus évincés par les progrès du machinisme, veulent trouver un régime social qui leur garantisse la vie.

À une époque où le clergé omnipotent persuadait aux hommes que la pensée était un crime, les révoltes, lorsque l’excès de misère les faisait naître, devaient être très peu conscientes : aussi étaient-elles facilement écrasées. Du moins, les révoltes populaires, car la bourgeoisie, elle, nettement séparée du peuple dès le xiie siècle, témoignait d’autant de ténacité et d’esprit politique que d’égoïste âpreté. Albigeois, Pastoureaux et Jacques, animés d’un farouche mysticisme révolutionnaire, ne faisaient guère que promener leurs bandes dévastatrices, terribles au premier abord, bientôt dégénérées en cohues, torrent qui s’épuisait en éparpillant ses ondes de ci de là et finissait par se dessécher.

Babeuf et ses amis, à la fin du siècle dernier, donnèrent une nouvelle orientation à la poussée prolétarienne. Ils ne pouvaient résoudre le problème social ; du moins, ils posèrent quelques-uns de ses termes : bonheur commun, égalité de fait. Toutefois, ce n’était encore là qu’une minorité, élite d’avant-garde, qui cherchait sa voie à tâtons, tendant parfois à son insu à reconstituer et à étendre à la société tout entière le communisme monacal.

Durant la première moitié de ce siècle, le prolétariat, écrasé par un impitoyable industrialisme, acheva de se séparer de la bourgeoisie, sa moderne exploitrice ; mais cette séparation s’opérait encore plutôt d’instinct que par une nette conscience du but et des moyens. Le développement du machinisme cassait les bras à la classe ouvrière : « détruisons les machines ! » criaient les ouvriers, qui, menacés de mourir de faim, réclamaient comme un suprême bien la continuation de leur esclavage. La pensée ne leur venait pas qu’ils pussent revendiquer pour eux-mêmes la possession commune de cet outillage, le transformant de moyen d’oppression en moyen d’émancipation et de bien-être pour tous.

Cette idée de socialisation a enfin pris naissance dans les milieux populaires et, sous l’impulsion d’un petit nombre d’hommes plus préoccupés des problèmes économiques que des phrases à effet, la Commune de 1871, ébaucha quelques décrets en ce sens. Des ateliers, des usines, abandonnés par leurs patrons furent déclarés propriété ouvrière : décision qui devait demeurer platonique, mais qui n’en indiquait pas moins la tendance du mouvement prolétarien.

Depuis, l’idée a fait son chemin, et il n’est pas douteux que l’enjeu de la prochaine bataille entre la bourgeoisie et le peuple sera la possession du capital productif.

« Tout est à tous ! » déclarent avec Kropotkine les communistes français et italiens. « À chacun le produit intégral de son travail ! », affirment les collectivistes-anarchistes d’Espagne. Quelle que soit de ces deux formules la plus appropriée aux circonstances, il n’est pas douteux que l’une comme l’autre implique un complet renversement des bases économiques actuelles.

Comme conséquence de cette tendance, de ce mouvement d’idées, il s’est dégagé la conception de la grève générale.

La grève fut longtemps, est encore la plupart du temps une arme défensive et dérisoire. La concurrence que se font entre eux les meurt-de-faim, la possibilité pour les capitalistes de se recruter des esclaves à bas prix, en nombre illimité dans les régions les moins favorisées, et l’impossibilité pour des travailleurs sans ressources de faire durer la lutte des « bras croisés » jusqu’à ce que leurs riches exploiteurs capitulent, ont fini par montrer l’inanité de la vieille grève passive et limitée.

Mais, en même temps, germait dans les cerveaux cette idée : si tous les travailleurs peuvent s’entendre pour cesser leur tâche simultanément et revendiquer leur droit à la richesse qu’ils produisent, la vie sociale se trouvera interrompue et la bourgeoisie affolée, menacée de mourir de faim devant ses coffres-forts, sera obligée de capituler.

Il y a bien des objections à formuler à cela. D’abord l’impossibilité d’organiser une grève absolument générale, étant donné les différences de salaires, partant d’intérêts relatifs, et d’esprit de tous les syndicats ouvriers, la possibilité pour la coalition patronale de recruter dans l’immense armée des sans-travail de nouveaux esclaves et enfin ce fait que la force armée est tout entière entre les mains du gouvernement, qui ne demeurerait pas spectateur désintéressé de la lutte. Toutefois, il est certain qu’à défaut de grève générale, des grèves de plus en plus généralisées sont possibles, telles celles qui, depuis dix ans, mettent debout en Angleterre des armées de cent et deux cent mille ouvriers. La cessation de trois ou quatre grandes industries, par exemple celle des mines, de l’alimentation et des transports, entraînerait la grève d’une foule d’autres. Il est vraisemblable alors que le mouvement n’aurait pas une allure seulement passive et que, d’autre part, l’intervention obligée du gouvernement créerait une situation qui pourrait tout précipiter.

Sans donc professer une foi superstitieuse en la grève générale, il est permis de croire à l’efficacité de grèves généralisées. Ce serait peut-être le meilleur terrain pour la révolution économique et l’évolution de la grande industrie rend cette éventualité possible.

Non moins que la grève, une banqueroute colossale, un krach dans lequel s’engloutirait l’épargne de la bourgeoisie grande et petite peut mettre le feu aux poudres. La haute banque, devenue la maîtresse du monde, est à même, en une heure, par quelque prodigieux coup de bourse, de ruiner une partie des possédants, capitalistes et rentiers, en produisant par répercussion faillites, fermeture de maisons commerciales ou industrielles, chômages, misère et révoltes. L’effondrement prévu par beaucoup de certains grands établissements de crédit, dont l’encaisse métallique est notoirement inférieure à la valeur totale du papier qu’ils émettent, ne manquerait pas de produire des résultats violents, car la fraction de la bourgeoisie ruinée, menacée d’être refoulée dans les rangs du prolétariat, n’abdiquerait pas sans lutte l’indépendance et le bien-être qu’elle a connus.

À plus forte raison s’il s’agit de la débâcle financière non plus d’une banque mais de l’État lui-même, croulant sous le poids de ses charges et incapable de faire face à ses obligations.

Plus encore que la banqueroute et que la grève elle-même, il est — et en disant ceci nous exprimons une opinion personnelle — un événement qui peut, déplaçant ou disloquant les forces sociales, ouvrir la voie à la révolution : c’est la guerre.

Le régime, si écrasant pour le peuple producteur et contribuable de paix armée sous lequel, depuis 1871, vivent les nations européennes, ne trompe personne. Certes, le sentiment guerrier, vestige de sauvagerie et d’animalité ancestrales, diminue à mesure que s’élève le niveau intellectuel ; d’autre part, l’universalisation du service militaire faisant entrer à la caserne une foule d’éléments instruits et raisonneurs qui, auparavant, en étaient exemptés, a contribué à montrer sous son véritable jour l’esclavage en uniforme auquel sont soumis pendant leurs plus belles années des hommes qui n’ont à défendre en réalité que la richesse de quelques privilégiés, dissimulée sous le nom prestigieux et menteur de patrie.

À part quelques officiers, professionnels assoiffés d’avancement, et quelques chauvins endurcis qui rêvent avec un orgueilleux attendrissement aux entr’égorgements futurs, on peut donc dire que la guerre n’est pas désirée. Du moins, une grande guerre qui menacerait les nations européennes dans leurs foyers mêmes, car si la mentalité humaine s’est développée considérablement, les progrès apparaissent moins appréciables au point de vue moral et, tout en détestant l’extermination à ses portes, on trouve encore fort bien d’aller, sous prétexte de civilisation, mitrailler à distance et sans danger quelques peuplades mal armées pour s’emparer de leurs territoires. Mais, qu’on le veuille ou non, les événements se déterminent, les situations ont leur issue logique et, en dépit des congrès, des Ligues pour la paix, des efforts humanitaires des philosophes et même du sentiment anti-militariste des masses travailleuses, il est probable que l’Europe verra encore le choc des masses armées.

D’une part, les budgets de la guerre et de la marine absorbent chaque année des sommes plus formidables et si la perspective de l’enjeu terrible à risquer a, jusqu’à ce jour, fait hésiter les gouvernements, ceux-ci pourront se trouver, à la fin, acculés à cette alternative : ou arrêter les frais ruineux de leur armement sans cesse renouvelé, ou s’en servir. Il n’est pas jusqu’aux petits États, comme la Suisse, la Belgique, la Hollande qui, gagnés par la contagion et préoccupés aussi du souci de faire respecter leur neutralité et de se défendre contre des annexions futures, ne soient entrés dans cette voie au bout de laquelle se trouve non plus seulement le déficit mais la banqueroute.

D’autre part, l’état politique autant que l’état social de l’Europe actuelle est éminemment instable. La Grande-Bretagne, maîtresse commerciale du monde, a derrière elle l’Irlande affamée ; la Russie, arbitre de la paix européenne, a la Pologne asservie ; l’Allemagne a l’Alsace-Lorraine ; l’Italie la question romaine, l’Autriche-Hongrie ses redoutables conflits de nationalités ; la Turquie se débat entre les révoltes de ses sujets de toutes races et la protection intermittente des grandes puissances européennes, qui ne la laissent provisoirement debout que parce qu’elles ne s’entendent pas pour la dépecer.

Il est donc très possible que la paix boiteuse dans laquelle vit l’Europe soit brusquement détruite par tel événement d’Orient déjouant les efforts de la diplomatie internationale ou par l’initiative d’une grande puissance jugeant les circonstances favorables pour lui permettre d’accabler l’adversaire qu’elle redoute.

Cette guerre peut — tout au moins dans le pays vaincu — entraîner la révolution, tout comme la révolution, éclatant la première, entraînerait vraisemblablement la guerre. Les deux événements apparaissent, du moins, inséparables l’un de l’autre. Car s’il est évident que l’Europe monarchique et capitaliste formerait une ligue internationale — oh ! ironie des mots ! — pour s’opposer à l’avènement d’un nouveau régime social (resterait à compter avec les peuples), il est non moins évident que la guerre, arrêtant net l’industrie, le commerce, les affaires, enlevant les hommes valides à la vie civile et jetant sur le pavé leurs familles par milliers produirait dans tout le pays un ébranlement profond dont il sortirait quelque chose de nouveau.

Dans ces conditions, quel pourrait être, en France, par exemple, le rôle des révolutionnaires ?

Attendre, estiment un grand nombre, qu’une défaite ait montré au peuple l’incapacité et la trahison de ses maîtres et l’amène à prendre lui-même en mains ses destinées, profitant de la dislocation des forces militaires qui eussent pu faire obstacle à son action.

Nous ne croyons pas que cette tactique soit la bonne, et l’éventualité d’une guerre nous ayant toujours paru probable, nous demandons au lecteur la permission d’ouvrir une parenthèse pour exposer en quelques lignes notre opinion personnelle.

La révolution du 4 septembre, faite à un point de vue républicain national, et celle du 18 mars, mi-patriotique mi-sociale, n’ont pas abouti, justement parce qu’en face d’une population atteinte et, à la fin épuisée, par des défaites sanglantes, se dressaient à la fois les armées française et allemande prêtes, après s’être combattues, à s’unir pour le rétablissement de l’ordre. Après avoir jeté bas l’empire, les démocrates les plus fougueux, ceux qui estimaient que l’avènement d’une commune révolutionnaire, prête à employer tous moyens, pouvait seule avoir raison de l’envahisseur, se sont sentis paralysés par la foule crédule qui leur criait : « Pas de divisions devant l’ennemi ! » Et le 18 mars, malgré la victoire du début, était aussi condamné à l’avortement final parce que, les troupes de l’ordre eussent-elles été battues, la réaction française était prête à faire appel aux baïonnettes allemandes.

Ce qui s’est passé alors se reproduirait sûrement si les révolutionnaires français, inférieurs à leur tâche, attendaient une défaite pour donner signe de vie. Il serait trop tard pour tirer parti au profit du prolétariat du désarroi gouvernemental. D’ailleurs, la défaite, bien que prédite par des écrivains militaires[2] n’est pas une certitude : c’est une possibilité. La victoire pourrait favoriser un général français qui n’hésiterait pas, alors, à violer à son profit, Monk ou Cromwell, les quelques libertés politiques péniblement conquises et à résoudre la question sociale par d’opportunes fusillades.

C’est avant la solution, dès le début du conflit que les révolutionnaires, s’ils sont autre chose que des rabâcheurs de clichés, doivent payer d’audace et montrer au peuple qu’en engageant la guerre au profit et sous la direction d’une oligarchie qui a fait ses preuves, il irait au devant de nouveaux désastres. La masse se trouvera à ce moment dans un état psychologique dont, sous peine de mort, il faudra savoir profiter. Lui prêcher au milieu de sa fièvre des théories antipatriotiques, souvent mal entendues, ne servirait à rien qu’à détourner sur les révolutionnaires les défiances et les colères. Mais patriotes sincères et internationalistes pourront fort bien et devront même se coaliser pour engager le peuple à se ressaisir. Une épuration rapide, quelques grandes mesures sociales décidées et appliquées d’emblée, un appel vibrant aux prolétariats étrangers ; en même temps, l’organisation ininterrompue de la défense, et la situation change de face : ce n’est plus la banque de Rothschild et le comptoir de Jaluzot que les déshérités défendent ; c’est leur avènement au bien-être et en même temps une idée plus haute que celle d’entr’égorgements. C’est le prélude de la révolution sociale : après, les événements ne tarderont pas à se précipiter.

La parole devra être non plus aux sectaires ou aux illuminés mais aux clairvoyants. De la décision des révolutionnaires à l’heure solennelle qui ne sonne qu’une fois dépendra la transformation de tout un monde. Autrement, s’ils mentaient à leur rôle historique, les sociétés européennes devraient, transformées en troupeaux humains à l’instar des agglomérations asiatiques, se courber pour longtemps sous le joug d’un kaiser ou d’un tzar, pendant qu’ailleurs, en Amérique, en Afrique et au Japon, de jeunes peuples s’éveilleraient au progrès humain et à la liberté.




  1. Les Temps Nouveaux, 2e année, no 33, du 12 au 18 décembre 1896.
  2. Entre autres le capitaine Nercy dans la Future Débâcle et le commandant Picard-Destelan dans Notre Marine.