Poème de la prison/Ballade XXXIII
L’amant. — Se je vous dy bonne nouvelle,
Moncueur, que voulez vous donner ?
Le cueur. — Elle pourroit bien estre telle
Que moult chier la vueil acheter.
L’amant. — Nul guerdon n’en quier demander.
Le cueur. — Dittes tost doncques, je vous prie,
J’ay grant desir de la savoir.
L’amant. — C’est de vostre Dame et amye
Qui loyaument fait son devoir.
Le cueur. — Que me savez vous dire d’elle
Dont me puisse reconforter ?
L’amant. — Je vous dy, sans que plus le celle,
Qu’elle vient par deçà la mer.
Le cueur. — Dittes vous vray ? Sans me moquer !
L’amant. — Ouil, je vous le certiffie,
Et dit que c’est pour vous véoir.
Le cueur. — Amour humblement j’en mercie
Qui loyaument fait son devoir.
L’amant. — Que pourroit plus faire la belle
Que de tant pour vous se pener ?
Le cueur. — Loyaulté soustient ma querelle,
Qui lui fait faire sans doubter.
L’amant. — Pensez doncques de bien l’amer.
Le cueur. — Si feray je toute ma vie,
Sans changier, de tout mon povoir.
L’amant. — Bien doit estre dame cherie,
Qui loyaument fait son devoir.