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Poèmes et Poésies (Keats, trad. Gallimard)/Un songe

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Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Un songe.
Traduction par Paul Gallimard.
Poèmes et PoésiesMercure de France (p. 164-165).




UN SONGE


Après une lecture de l’Episode du Dante,
Paulo et Francesca.




De même qu’autrefois Hermès emprunta la légèreté de ses plumes
Lorsqu’il berçait Argus déjoué, pâmé, endormi ;
De même sur un chalumeau Delphique mon esprit oisif
Amusa, charma, conquit, priva
De ses cent yeux, le dragon monde ;
Et le voyant assoupi, s’envola de même —
Non vers le mont Ida, avec ses nuages chargés de neige,
Non vers Tempé où Jupiter un jour se lamenta —
Mais vers ce second cercle du sombre enfer,
Où parmi les rafales, les tourbillons et les averses
De pluie et de grêle, les amoureux n’ont pas besoin de dire

Leurs tourments. Pâles étaient les douces lèvres que je vis,
Pâles les lèvres que je baisai, et enchanteresse la forme
Que j’étreignis en flottant au milieu de cette lugubre tempête.

18 avril 1819.