Poésies (Deubel)/14

La bibliothèque libre.
Le Beffroi (p. 61-63).


L’INVITATION À LA PROMENADE


Mets tes bijoux roses et noirs
Comme les heures du souvenir ;
Mets ce qui s’accorde ce soir
À ce qui ne peut revenir :

Ta robe de crêpe léger
Plus incertaine qu’une charmille
Qui fait que l’herbe des vergers
Tremble d’amour à tes chevilles,


Ton chapeau garni d’asphodèles,
Tes gants parfumés de jasmin
Qui gardent en leurs plis fidèles
La vie inquiète de tes mains.

Et viens par le souple mystère
Qui sut envelopper sans bruit
Le beau jour tombé comme un fruit
Où des guêpes se désaltèrent.

Le soir a la saveur du miel,
L’ombre tiède qui nous attend
Pour fiancer la terre au ciel
Polit la bague des étangs.

Dans le bruit d’ailes du silence
Phœbé lève son bouclier
Sur qui retentit en cadence
La sagette d’un peuplier.

La belle nuit timide encor
Étire au ciel vert sa stature,
L’âme romantique du cor
Fait rêver tout bas la nature.


Mets tes bijoux roses et noirs
Comme les heures du souvenir ;
Mets ce qui s’accorde ce soir
À ce qui ne peut revenir.