Poésies (Poncy)/Vol. 1/Boutade

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PoésiesI (p. 13-14).

BOUTADE




À quoi bon, chaque jour, m’étourdir les oreilles,
Et, me vantant Paris et ses rares merveilles,
Dire : Ce n’est que là qu’on peut se faire un nom ?
Vous perdez votre temps ; je vous ai dit que non !
Je ne quitterai pas cette mer qui m’inspire,
Ni mon ciel au constant et lumineux sourire.
Je suis très bien ici. Les pauvres ouvriers
M’apportent, tous les ans, un rameau de lauriers
Dont le prix est, pour moi, plus doux que la couronne
Que la reine du monde à ses poètes donne !
Trouverai-je à Paris mes forêts de vaisseaux
Dont les mâts, jusqu’au ciel, s’élancent en faisceaux ?
M’y rendrez-vous le chant de mes cloches natales,
Le palmier, l’olivier, les brunes provençales ?

Non, n’est-ce pas ? Eh bien ! laissez-moi mon chantier,
Mon marteau destructeur, l’honneur de mon métier :
Laissez-moi mes amis ; laissez-moi, pour théâtre,
L’étagère grotesque et son tapis de plâtre ;
Car, si vous revenez me parler du bonheur
Que peuvent procurer l’aisance et la grandeur,
Je me retrancherai derrière ce principe :
Une vierge d’amour, ma truelle et ma pipe.


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