Poésies (Quarré)/La Madone

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Poésies d’Antoinette QuarréLamarche ; Ledoyen (p. 51-58).




LA MADONE.




LA MADONE.



Au pied de la colline il est une chapelle
Où s’incline en passant le front du voyageur,
Devant le marbre saint, image qui rappelle
La mère du Sauveur.


Les enfans du hameau vont tressant des guirlandes
Qu’ils apportent joyeux à la Vierge des champs,
Et la Vierge toujours accepte leurs offrandes
Et sourit aux enfans.

Espoir des villageois, veillant sur leurs prairies,
Elle écarte l’orage et les vents destructeurs,
Protégeant tour-à-tour ou les gerbes mûries,
Ou les naissantes fleurs.

Du soleil de juillet quand l’ardeur dévorante
Sur le rameau poudreux brûle les fruits penchés,
Quand les ruisseaux n’ont plus d’eau limpide et courante
Dans leurs lits desséchés ;

À l’autel de Marie, humblement prosternée,
La foule au cœur fervent prie avec son pasteur,

Et la Reine des cieux l’écoute, environnée
De grace et de douceur.

Un nuage, à sa voix, apparaît et déroule
Ses flancs réparateurs, par l’éclair déchirés,
D’où l’onde salutaire à flots pressés s’écoule
Dans les champs altérés.

Aussitôt tout renaît dans la verte vallée ;
Plus pur, plus embaumé, l’air reprend sa fraîcheur,
Les roses leur éclat, et l’oiseau sa volée
Sous les bosquets en fleur.

Ainsi tout languissait dans mon ame abattue,
L’espérance et l’amour semblaient s’éteindre en moi,
Et je cherchais en vain, de doutes combattue,
À ranimer ma foi.


De son flambeau mourant la clarté pâlissante,
Comme un cierge funèbre usé près d’un cercueil,
Ne jetait déjà plus qu’une lueur tremblante
Dans mon esprit en deuil.

Et j’allais, le cœur plein d’une tristesse amère,
Succomber sous le poids de ce mortel ennui,
Quand j’invoquai ton nom, ô secourable mère,
Des malheureux l’appui.

Prête à bénir tout front que la douleur incline,
Tu vis mon désespoir, et tu daignas alors
Épancher dans mon sein de ta pitié divine
Les célestes trésors.

Étoile du matin, tu versas dans mon ame
Les rayons épurés d’un jour brillant et doux,

Et de me consoler tu prias, tendre femme,
L’Esprit-Saint, ton époux.

Sa grace descendit, bienfaisante rosée ;
Comme un parfum suave elle inonda mon cœur,
Et je sentis renaître en mon ame épuisée
La force et la vigueur.

Du saint et pur amour la brûlante étincelle,
Qui depuis si long-temps sommeillait dans mon sein,
Ô Vierge ! s’éveilla plus ardente et plus belle
Sous ton souffle divin.

Et mon cœur, enivré d’une joie infinie,
Libre enfin des douleurs dont tu l’as su guérir,
Se perd dans son extase, et n’a plus, ô Marie !
Qu’un chant pour te bénir.


Reine au front étoilé, que mon humble louange
S’élève jusqu’à toi du pied de cet autel,
Et se mêle timide aux purs accens d’un ange
Dans les parvis du ciel.