Poésies de Marie de France (Roquefort)/Lai du Chaitivel
Poésies de Marie de France, Texte établi par B. de Roquefort, Chasseriau, , tome 1 (p. 368-387).
LAI DU CHAITIVEL.
J’éprouve le désir de réciter un Lai que
j’ai déjà entendu raconter. J’indiquerai en
même temps les noms de ce Lai, celui de
la ville où se passa l’aventure ; plusieurs
l’appellent le Lai du Chaitivel[1], et beaucoup
d’autres le Lai des quatre douleurs.
Vous saurez donc qu’à Nantes, en Bretagne, il étoit une dame charmante, autant instruite que belle. Aussi tout chevalier du pays qui la voyoit une fois seulement, ne manquoit pas de lui adresser ses vœux et de la requérir d’amour. Elle ne pouvoit certainement pas les aimer tous, mais elle ne vouloit pas aussi les désespérer ; il vaudroit mieux alors qu’un homme fit la cour à toutes les femmes de la même contrée, que de le voir malheureux par les souffrances d’amour. Notre beauté étoit fort avenante envers ses adorateurs ; et sans vouloir les écouter, en rejetant leurs vœux, elle mettoit tant de grace dans ses refus qu’on ne pouvoit s’empêcher de l’aimer davantage et de chercher à lui plaire. La dame dont je vous parle, par sa beauté et par ses différentes qualités, étoit requise d’amour par un grand nombre de soupirants.
Il y avoit en Bretagne quatre chevaliers dont j’ignore les noms. Il suffira de savoir qu’ils étoient jeunes, riches, vaillants et pourvus d’une grande libéralité. Tous quatre tenoient aux premières familles du pays, tous quatre également aimables, ils adressoient leurs vœux à la belle dame, et faisoient consister leur gloire à se distinguer par leurs prouesses, afin d’obtenir un regard de leur belle maîtresse. Chacun ambitionnoit le bonheur d’être aimé, et requéroit d’amour la cruelle ; ils cherchoient à se surpasser mutuellement, et il n’étoit aucun d’eux qui ne fût persuadé de mieux faire que son compagnon. De son côté, la dame qui voyoit dans ses soupirants tant de zèle et de courage, eut bien desiré faire un choix, mais elle n’osoit. Souvent même elle réfléchissoit et se demandoit lequel, parmi les chevaliers, il lui conviendroit d’aimer. Ils étoient également aimables, vaillants, comment pouvoir se déterminer, puisqu’en prenant un amant, elle en perdoit trois. Aussi faisoit-elle bonne mine à tous, recevoit des cadeaux, des messages et leur en rendoit d’autres ; elle n’accordoit rien et laissoit croire à chacun d’eux qu’il étoit le préféré. Dans toutes les joutes les quatre rivaux vouloient toujours être les premiers et remporter le prix. Lorsque les chevaliers étoient rassemblés tous quatre la tenoient pour amie et, en signe d’amour, ils portoient un présent qu’ils tenoient d’elle. L’un avoit sa bague, le second une manche ; celui-ci un gonfanon[2], celui-là une écharpe. Enfin, tous quatre n’avoient pour cri d’armes[3] que le nom de la belle dame.
Aux fêtes de Pâques un grand tournoi eut lieu dans la plaine située devant la ville de Nantes, pour jouter contre les quatre prétendants. On y vint de plusieurs pays ; car on y remarquait des François, des Normands, des Flamands, des Bretons, des Boulonois, des Angevins, et des braves de divers autres lieux. On y remarquoit encore les habitants des environs de Nantes qui s’y étant rendus en foule, séjournèrent beaucoup plus long-temps que les autres. On se battit avec acharnement à ce tournoi. Les prétendants s’étant armés, sortirent de la ville ; ils étoient suivis par les autres chevaliers de leur parti. Mais le coup mortel devoit tomber sur les quatre prétendants que les étrangers reconnurent facilement à leurs enseignes et à leurs écus. Quatre chevaliers armés de toutes pièces, dont deux étoient de la Flandre et les deux autres du Haynaut, forment le dessein de les attaquer. Loin d’être découragés, les prétendants voyant arriver les étrangers sur eux, chacun choisit son homme et apprête sa lance pour le bien recevoir. Le choc fut si terrible que les étrangers furent jetés sur le sable. Ils abandonnèrent les étriers et n’eurent plus besoin de leurs chevaux. Les compagnons des vaincus accoururent pour les secourir et les garantir de la foule. Lors de la reprise du combat la mêlée fut terrible par l’acharnement des deux partis, et la force des coups qu’ils se portoient. La dame monta sur une tour pour mieux juger de l’adresse de ses amants, qu’elle sut parfaitement distinguer. Elle leur vit faire tant de prodiges de valeur qu’elle ne sait auquel devoir accorder le prix. Encouragés par les regards de leur belle, ils cherchent à se surpasser l’un pour l’autre. Le tournoi avoit commencé par le combat où les tournoyants séparés en deux troupes rangées chacune sur une ligne venoient se frapper de la lance pour se renverser. Il se termina par le combat à la foule, sorte de mêlée confuse, où l’on frappoit à tort et à travers sans savoir sur qui. Les quatre prétendants, qui n’avoient pas quitté la lice, se firent tellement remarquer que chacun leur accordoit le prix. Malheureusement, sur le déclin du jour, lorsqu’on faisoit la dernière course, les quatre guerriers s’abandonnant trop à l’impétuosité de leur courage, et s’étant trop éloignés de leurs gens, trois tombèrent atteints d’un coup mortel ; le quatrième fut dangereusement blessé à la cuisse et en diverses parties de son corps qui avoit été traversé d’un coup de lance. Tous quatre restèrent confondus parmi les étrangers qui gisoient sur l’arène. Les vainqueurs firent jeter au loin les écus de ces quatre chevaliers pour venger sans doute la mort de leurs amis, et en cela ils se comportèrent fort mal.
Je ne saurois exprimer le chagrin des habitants de Nantes, lorsqu’ils furent instruits de la perte de leurs braves compatriotes. Le deuil fut général, et jamais on n’en vit un pareil. Tous sortirent de la ville pour aller au-devant de leurs dépouilles mortelles. On remarquoit deux mille chevaliers qui avoient délacé leurs casques ; dans leur douleur ils s’arrachoient les cheveux et la barbe. Après avoir cherché et trouvé les écus des quatre prétendants, on y plaça leurs corps dessus ; ils furent porté à la ville et présenté à la Dame. Dès qu’elle est instruite de la mort de ses amants, la dame tombe sans connoissance et ne reprend l’usage de ses sens que pour exhaler ses plaintes et ses regrets. Malheureuse que je suis, dit-elle, que vais-je devenir ? plus jamais je n’aurai de plaisir. J’ai perdu les quatre chevaliers qui m’aimoient sincèrement ; outre l’amour extrême qu’ils me portoient, combien ils étoient beaux, preux, vaillants, et généreux ! J’avois toute leur tendresse et je ne veux pas en perdre trois pour en garder un seul. Mais quel est celui que je dois plaindre davantage ? Je ne peux me faire illusion, trois ont perdu la vie et l’autre est dangereusement blessé. Je vais faire inhumer convenablement les premiers et aviser au moyen de guérir l’autre que je mettrai entre les mains des meilleurs chirurgiens. La dame fait transporter le blessé dans sa maison. Par le grand amour qu’elle portoit à ses amants, elle leur fit faire des funérailles magnifiques qui eurent lieu dans une riche abbaye à laquelle la dame donna beaucoup d’argent. Que Dieu veuille accorder sa miséricorde aux trois chevaliers. La dame avoit mandé les plus habiles chirurgiens pour soigner le blessé qu’elle avoit fait transporter dans sa chambre, afin de veiller à ses besoins. Graces à ces précautions, le malade fut bientôt guéri. La dame le voyoit tous les jours, l’exhortoit à la patience ; cependant elle regrettoit les trois autres, et rien ne pouvoit la distraire de sa douleur.
Un jour d’été après le repas, la dame assise auprès du chevalier lui rappeloit les souffrances qu’elle ressentoit. Laissant tomber sa tête sur sa poitrine, elle réfléchissoit à l’étendue de son malheur. Le chevalier qui observoit tous les mouvements de sa belle, se doutant bien du sujet qui l’occupoit, lui parla en ces termes : Vous avez un chagrin, ma dame, je le vois ; faites m’en part, veuillez oublier vos peines et chercher, du moins, à vous consoler. Mon ami, je pense sans cesse à vos compagnons ; aucune femme de ma naissance, qui ne sera pas belle, vertueuse et sage, ne voudra aimer quatre amants à-la-fois pour les perdre en un seul jour, excepté vous qui fûtes blessé et dont nous avons bien craint la mort.
Pour ceux que vous avez tant aimé et pour souvenir de ma douleur, de vous quatre je ferai un lai et je l’appellerai le Lai des Quatre Douleurs. Dès que le chevalier l’eut entendue, il s’empressa de lui répondre : Ah ! dame, en composant ce Lai nouveau, donnez-lui le nom du Lai de l’Infortuné, et je vais vous expliquer la raison pourquoi vous devez le nommer ainsi. Mes trois amis ont perdu la vie, ils ne ressentent plus les peines qu’ils enduroient pour votre amour. Mais moi qui suis réchappé, je suis le plus malheureux. J’ai le bonheur de voir à chaque instant du jour la femme que j’aime le plus au monde, je peux lui parler le matin et le soir ; mais je n’en puis obtenir la moindre faveur, pas un embrassement, un baiser ; il ne me reste d’autre consolation que de lui expliquer mes sentiments. Les maux que j’éprouve par votre rigueur, me font desirer la mort. Voilà le motif qui me fait vouloir que votre Lai porte mon nom ; il sera intitulé le Lai de l’Infortuné ; et qui l’appellera le Lai des Quatre Douleurs, en changera le vrai nom. Vous avez raison et je vous approuve, répond la dame ; dès cet instant nous dirons le Lai de l’Infortuné.
Voici les raisons qui ont déterminé à faire ce Lai, et à lui donner le titre qu’il porte. Plusieurs personnes veulent l’appeler le Lai des Quatre Douleurs. Cependant chacun de ces noms lui convient parfaitement, puisqu’ils sont nés du sujet ; mais l’usage est de dire le Lai de l’Infortuné. Je termine ici, parce qu’on ne m’a rien dit de plus, que je n’en sais pas davantage ; par conséquent, je suis forcée de finir.
LAI DU CHAITIVEL.
Talent me prist de remembrer
Un Lai dunt jeo oï parler :
L’aventure vus en dirais
E la Cité vus numerai,
U il fu nez, cum il ot nun,
Le Chaitivel l’apelet-hum ;
E si ad plusurs de céus
Ki l’apelent les Quatre Deuls.
En Bretaine à Nantes maneit
Une Dame qui mut valeit
De beauté è d’enseignement,
E de tut bon affeitement ;
N’ot en la tère Chevalier,
Qi aukes fust à préisier,
Pur ceo q’une feiz la véist,
Qi nel’ amast è requéist.
Ele nes’ pot mie tuz amer,
Ne ele nes’ pot mie tuer ;
Tutes les Dames d’une tère,
Vaudréit meuz d’amur requère
Que un fol de sun pan tolir,
Kar cil le volt arreire férir.
La Dame fait à celui gré
De tuz le bone volunté,
Pur quant s’ele nes’ veolt oïr,
Nes’ deit de paroles leidir,
Mès énurer, è tenir chier,
A gré servir è mercier.
La Dame dunt jo voil cunter
Qi tant fu requise de amer,
Pur sa beauté, pur sa valur,
S’en entremistrent nuit è jur.
En Bretaine ot quatre Baruns
Mès jeo ne sai numer lur nuns,
Mès mut èrent de grant beauté
Il n’aveient guères de ée,
E Chevalers preux, è vaillanz,
Larges, curteis, è despendanz :
Mut estéient tuz de grant pris,
E gentiz hummes del’ païs,
Icil quatre la Dame amoent
E de bien fère se penoent,
Pur li è pur l’amur aveir,
I meteit chescun sun poeir ;
Chescun par sei la requereit,
E tute sa peine i meteit.
Ni ot celui ki ne quidast
Qi meuz d’autre ni espleitast ;
La Dame fu de grant prisens
En respit mist è en purpens,
Pur saver, è pur demander,
Liquils sereit meuz à amer.
Tant furent tuz de grant valur,
Ne pot eslire le meillur ;
Ne volt les treis perdre pur l’un
Bele semblant fait à chescun :
Ses drueries tus lur donout,
Ses Messages lur enveiout ;
Li uns del’ autre ne saveit,
Mès départir nul nès poeit,
Par bel servir, è par prier,
Ke dot chescun meuz espleiser.
Al assembler des Chevaliers
Voleit chescun estre primers
De bien fère, si il péust,
Pur ceo que à la Dame pleust :
Tuz la teneïent pur amie,
Tuz portouent sa druerie,
Anel, u mance, u gumfanun,
E chescun escriot sun nun.
Tuz quatre les ama è tient
Tant qu’après une Paske vient,
Que devant Nantes la cité
Ot un turnéïement crié,
Par aquointer les Quatre Druz,
I sunt d’autre païs venuz :
E li Franceis, è li Norman,
E li Flemens, è li Breban,
Li Buluinez, li Angevin ;
Cil ki près furent véïsin
Tuz i sunt volenters alé
Lunc-tens aveïent sujurné,
Al vespres del’ turnéïment,
S’entreférirent durement :
Li Quatre Druz furent armé,
E eissèrent de la cité.
Lur Chevaliers viendrent après
Mès sur eus Quatre fu le fez.
Cil defors les unt conéuz,
As enseignes, è as escuz,
Cuntre envéïent Chevaliers
Deus Flamens, è deus Henoiers
Apareillez cume de puindre,
Ni ad celui ne voille juindre,
Cil les virent vers eus venir,
N’aveïent pas talent de fuir,
Lance baissié tut à esplun,
Choisi chescun sun compainun.
Par tel haïr s’entreférirent
E li Quatre defors obéirent ;
Il n’eurent cure des destriers
Ainz laissèrent les estriers,
Sur les abatuz se resturent,
Lurs Chevalers les succururent.
A la rescusse ot grant meslée
Meint coup i ot féru d’espée.
La Dame fu sur une tur,
Bien choisi les suens è les lur ;
Ses Druz i vit mut bien aidier,
Ne seit que il deit plus prisier.
Li turnéïement cumenca,
Li reng crurent, mut espessa
Devant la porte meintefeiz,
Fu le jur mellé le turneiz.
Li Quatre Druz bien feseïent,
Si ke de tuz le pris aveïent :
Tant ke ceo vient al avesprer,
Que il deveïent désevrer.
Trop folement s’abaundonèrent,
Luinz de lur gens s’il comperèrent
Kar li Treis si furent ocis,
E li Quart nafrez è malmis ;
Parmi la quisse è einz al cors,
Si qe la lance parut defors.
A traverse furent perduz,
E tuz Quatre furent chéuz.
Cil ki à mort les unt nafrez,
Lur escuz unt ès chans getez,
Mut esteïent par eus dolent,
Nel’ firent pas à escient.
La noise levat è le cri,
Uns tel doel mais ne fu oï ;
Cil de la cité i alèrent
Unkes les autres ne dutèrent.
Pur la dolur des Chevaliers,
I aveit iteus deus milliers,
Ki lur ventaille deslacièrent,
Chevoiz, è barbes détraihèrent.
Entre eus esteit li doels comuns,
Sur sun escu fu mis chescuns ;
En la Cité les unt porté,
A la Dame kis’ ot amé :
Desqu’Ele sot cele Aventure
Paumée chiet à tère dure.
Quant Ele vient de paumeisun,
Chescun regrette par sun nun.
Lasse, fet ele, quoi ferai,
Jamès haitiée ne serai ;
Ces Quatre Chevaliers amoue,
E chescun par sei cuveitoue,
Mut par aveit eus granz biens,
Il m’amouent sur tute riens.
Pur lur beauté, pur lur pruesce,
Pur lur valur, pur lur largesse,
Les fis d’amer pur mei entendre
Nes’ voil tuz pesdre pur l’un prendre
Ne sai lequil jeo dei plus pleindre.
Mès ne puis covrir, ne feindre.
L’un vei nafré, li trei sunt mort,
N’ai rien el mund ki me confort :
Les morz ferai ensevelir,
E si li nafrez poeit garir,
Volenters m’entremeterai
E bons mires li baillerai.
En ses chambres le fet porter,
Puis fist les autres cunréer.
A grant amur è noblement,
Les aturnat è richement ;
En une mut riche abéie,
Fist grant offrende è grant partie
La ù il furent enfuï.
Deus lur face bone merci.
Sages mires aveit mandez
Sei ad al Chevalier livrez
Ki en sa chambre jut nafrez,
Tant qu’à garisun est turnez.
Ele l’alot véer sovent,
E cunfortout mut bonement.
Mès les autres treis regretot,
E grant dolur pur eus menot.
Un jur d’esté après manger,
Parlot la Dame al Chevaler
De sun grant doel li remembrot,
Sun chief ça jus bien en baissot,
Forment comencet à pener
E il l’a prist à regarder ;
Bien aperceit que ele pensot ;
Avénaument l’areisunot.
Dame, vus estes en effrei !
Quoi pensez vus, dites le mei :
Lessez votre dolur ester,
Bien vus devriez conforter.
Amis, fet-ele, jeo pensoue
E vos cumpainuns remenbroue ;
Jamès Dame de mun parage,
Tant n’iert bele, pruz, ne sage,
Teuz quatre ensemble n’amerai
E en un jur si n’es perdrai,
Fors vus tut sul ki nafrez fustes,
Grant paour de mort en éustes.
Pur ceo que tant vus ai amez
Voil que mes doels seit remembrez.
De vus Quatre ferai un Lai,
E Quatre Dols vus numerai.
Li Chevalers li respundi
Hastivement quant il l’oï ;
Dame, fètes le Lai novel,
Sil’ apelez le Chaitivel,
E jeo voil mustrer la reisun,
Que il deit issi aver nun.
Li autre sunt piéça finé
E tut le sècle unt usé,
La grant peine qu’il en suffreient,
De l’amur qu’il vers vus aveient :
Mès jo ki sui eschapé vif,
Tut esgaré è tut cheitif,
Ceo qu’al sècle puis plus amer,
Vei sovent venir è aler ;
Parler od mei matin è seir.
Si n’en puis nule joie aveir,
Ne de baisier, ne d’acoler,
Ne d’autre bien fors de parler.
Teus cest maus me fètes suffrir,
Meuz me vaudreit la mort tenir,
Ceo ert li Lai de mei nomez,
Le Chaitivel iert apelez ;
Ki Quatre Dols le numera,
Sun propre nun li changera,
Par fei, fet-ele, ceo m’est bel,
Ore l’apelum le Chaitivel.
Issi fu li Lais comenciez,
E puis parfaiz è anunciez,
Icil kil’ portèrent avant,
Quatre Dols l’apelent alquant.
Chescun des nuns bien i afiert :
Kar la matire le requiert :
Le Chaitivel ad nun en us,
Ici finist, kar ni ad plus,
Plus n’en oï, ne plus n’en sai,
Ne plus ne vus en cunterai.
- ↑ Malheureux, infortuné, captivus.
- ↑ Sorte de banderole terminée en pointe que les chevaliers portoient au bout de leurs lances. Les rois portoient aussi cet ornement qui s’attachoit près du fer, à peu-près dans le même genre que dans les corps de lanciers polonois.
- ↑ Clameur martiale dont l’usage date de l’origine de la chevalerie, et qui finit par remplacer la chanson de Roland et autres chansons de geste. Le cri d’armes se prononçoit au commencement et au milieu du combat, pour animer les troupes ; lorsque le chef, le commandant des troupes, entraîné par son courage, venoit à être enveloppé par l’ennemi, le cri d’armes indiquoit qu’il avoit besoin de secours et que ses soldats devoient marcher pour le délivrer. On les divise en huit espèces dont la première et la plus ordinaire, est le cri des bannerets et des comtes, etc. La seconde espèce est le cri d’invocation ; la troisième le cri de résolution. La quatrième est le cri d’exhortation et la suivante est le cri de défi. La sixième est le cri de carnage et de terreur ; la septième espèce le cri d’événement ; enfin la huitième et dernière espèce est le cri de ralliement. Voy. sur les cris d’armes les XIe et XIIe dissertations de Du Cange, sur l’Histoire de saint Louis, p. 203.—225.