Poggio - Les facéties (trad. de Brandes).djvu/Les facéties/Appendice/CXCI

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Les facéties
Traduction par Pierre des Brandes.
Garnier (p. 429-430).
CXCI (page 241)
LES BONNETS
CONTE

Aux pieds d’un confesseur un ribaud pénitent
Développait sa conscience.
Père, lui disait-il, je viens bien repentant
Vous faire l’humble confidence,
Oue la chair fut toujours mon péché dominant
Tant pis, dit le Pater, mais enfin, mon enfant,
Le tems, grâce à la providence,
Met fin à la concupiscence.
Voyons à quel excès vous vous êtes porté.
Par le dérèglement trop longtemps emporté,
N’êtes-vous pas contrit ? — Si je le suis mon Père ?
Ah ! je ne puis assez gémir de ma misère !
Allons, tels sentiments montrent un vrai retour.
Parlez-donc, dites-moi vos fautes sans détour.
Et n’oubliez surtout aucune circonstance.
La façon de pécher décide de l’offense.
Continuez. — hélas ! mon Père, une Beauté
Que le hazard m’offrit, et dont je fus tenté
Me fit perdre en un jour toute mon innocence
Je l’aimai, je la vis avec toute licence.
Et l’amour dans ses bras, au fond d’un cabinet…
Je vous entends… son nom ?… — On l’appelle Bonnet
Bonnet ? je la connais ; comment donc ? adultère ?

Ah ! mon fils redoutez la céleste colère !
Mais, voyons… Que devint ce commerce odieux ? —
Mon père il fut suivi d’un plus délicieux.
Une tendre Bonnet, tendre, vive, gentille… —
Oh ! oh ! voici bien pis. Quoi ! la mère et la fille ! —
Cette jeune Beauté, source de mes plaisirs
Devint bientôt pour moi l’idole de mes désirs…
Ah ! quel désordre affreux !… l’inceste !… l’adultère
— Mon Père suspendez votre juste colère.
Je ne viens point ici pour prôner mes vertus,
Et tout ce que j’ai dit n’est encore que bibus.
Apprenez que Bonnet, chef de cette famille,
Succéda dans mon lit, à sa femme, à sa fille, —
Et que son fils enfin y prit place à son tour
Que j’eus pour ce dernier le plus ardent amour —
Méchant ! n’achève pas, dit le Prêtre en furie,
Je ne veux plus entendre une telle infamie,
Et puisque tout Bonnet doit être ta catin,
Tiens, Bourreau, prend le mien, et remplis ton destin.

La Chaussée