Pour l’histoire de la science hellène/2

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Felix Alcan (Collection historique des grands philosophes) (p. 29-51).




CHAPITRE II

LA CHRONOLOGIE DES « PHYSIOLOGUES »


1. Théophraste a été le véritable créateur de l’histoire des doctrines scientifiques, mais son œuvre présentait une lacune sensible. À son époque, les questions de dates n’étaient pas encore soulevées, et il n’avait fourni, sur l’ordre des temps, que de rares indications. Pour combler après lui cette lacune d’une façon vraiment satisfaisante, des éléments suffisants firent défaut.

La chronologie ne fut fondée qu’au siècle suivant, par Ératosthène. S’occupa-t-il des philosophes aussi bien que des rois ? C’est assez probable ; toutefois nous n’avons de lui, à cet égard, qu’une seule date, insuffisante comme preuve, dans Diogène Laërce (VIII, 51), qui semble, au reste, le citer de seconde main. Ératosthène, dans ses Victoires olympiques, marquait, d’après Aristote[1], le grand-père d’Empédocle, de même nom que son petit-fils, comme vainqueur pour la 71e olympiade.

Les travaux chronologiques d’Ératosthène furent vulgarisés, au IIe siècle av. J.-C., par un poème didactique dont la vogue fut assez grande pour les faire oublier, au moins en ce qui concerne les philosophes. Les quatre livres de Chroniques d’Apollodore d’Athènes, écrits en trimètres et allant de la prise de Troie (1184) à l’année 144, furent dédiés au roi Attale II de Pergame ; mais l’auteur dut en donner une seconde édition prolongée, puisque Diogène Laërce rapporte d’après lui la mort de Carnéade à Ol. 162,4 = 129/8.

L’auteur des Vies des philosophes cite assez souvent Apollodore, quoique probablement par l’intermédiaire de quelque biographe, auteur de Successions ou autre compilateur, comme Pamphila, par exemple ; en tous cas, les dates ainsi garanties sont unanimement reconnues comme les plus dignes de foi. Aussi peut-on se proposer la restitution de la chronologie des anciens philosophes d’après Apollodore, comme un problème intéressant et qui, sur celui de la chronologie réelle et précise, offre au moins l’avantage de se présenter comme susceptible de solution.

Ce problème a été traité d’une façon magistrale par Hermann Diels dans le Rheinisches Museum (XXXI, 1, 15) et je vais rapporter ses principales conclusions que j’adopte pleinement.

Sauf des cas excessivement rares, Apollodore ne possède, en fait, aucune donnée précise ; il se trouve en réalité dans une situation assez analogue à la nôtre, lorsque nous faisons abstraction des dates contradictoires qui nous viennent d’écrivains postérieurs et qui dérivent d’ailleurs soit des siennes, soit de combinaisons différentes, mais faites sans critique, ne reposant sur aucun document sérieux, auxquelles enfin nous ne pourrons attribuer aucune valeur, quand nous aurons vu quel faible degré de confiance méritent les dates d’Apollodore lui-même.

Les procédés qu’il emploie sont passablement arbitraires ; mais, en dehors de leur simplicité, ils offrent au moins l’avantage d’être systématiques. Il recherchera les synchronismes établis par la tradition entre différents personnages contemporains ; dans le cas où une succession se dessine, il pourra partager également les temps ; mais surtout il s’attache à préciser ce qu’il appelle l’acmé de chaque philosophe : il s’agit de la date du fait le plus saillant de la vie, quand il peut la déterminer historiquement, et en même temps il suppose que l’acmé correspond à l’âge de quarante ans[2]. Il remonte dès lors à la date de la naissance, et quand la durée de la vie lui est connue par quelque renseignement biographique, il en déduit également la date de la mort. Autrement, ou bien il s’abstiendra de préciser cette dernière date, ou bien il indiquera la limite extrême à laquelle des témoignages historiques présentent comme encore vivant le personnage en question.

2. On va voir l’application de ces procédés ; nous aurons en même temps à discuter, pour chaque cas particulier, la valeur des résultats obtenus ; mais nous avons tout d’abord à résoudre une question préliminaire.

Les Chroniques d’Apollodore étant perdues, c’est Diogène Laërce qui se trouve, de fait, la source immédiate la plus complète et la plus sérieuse pour la chronologie des philosophes de l’antiquité ; il y a donc lieu, en thèse générale, d’examiner à quelles autorités il a pu avoir recours, en dehors d’Apollodore.

Sans compter Pamphila qui, pour la chronologie, n’apparaît qu’une fois (I, 68), mais qui, comme Diels l’a montré à propos des historiens, semble avoir suivi Apollodore, nous rencontrons plusieurs fois un Sosicrate, auteur de Successions, qui paraît avoir vécu peu de temps après le chronographe. Or, cet auteur semble avoir été assez curieux de dates, et il est à noter qu’une fois son opinion est opposée à celle d’Apollodore, une autre fois à celle de Pamphila. Comme il a été très sérieusement utilisé par Diogène Laërce[3], il est permis de croire que les dates non garanties de ce dernier peuvent être tout aussi bien de Sosicrate que d’Apollodore, quoiqu’en général elles doivent probablement avoir été également admises par ces deux auteurs.

Un ouvrage de chronologie spéciale, antérieur même à Ératosthène, l’Anagraphé des archontes athéniens de Démétrius de Phalère, est aussi cité deux fois par Diogène Laërce, la première au sujet des sept sages, la seconde au sujet d’Anaxagore[4], sans qu’on puisse reconnaître, au reste, d’où proviennent ces citations. Mais il n’est pas douteux qu’Apollodore avait dû se servir de cet ouvrage ; il est même possible qu’il l’ait nommément cité pour Anaxagore ; toutefois, nous n’avons aucune preuve qu’il l’ait constamment suivi.

Abstraction faite des déterminations spéciales, comme celle de Thrasylle pour Démocrite, voilà quelles sont toutes les autorités chronologiques qui apparaissent dans Diogène Laërce, et il n’y a guère lieu de soupçonner l’existence de quelque autre qui serait demeurée anonyme. En somme, l’ensemble peut se rapporter à Sosicrate et Apollodore, qui le plus souvent étaient d’accord.

Mais (et ici je ne suis plus, comme guide, H. Diels, dont je m’écarterai de même sur divers points de détail), il me paraît possible d’établir que Sosicrate a prétendu plusieurs fois corriger Apollodore et qu’il en est résulté diverses erreurs et difficultés chronologiques.

3. L’époque des sept sages. — Le premier personnage dont nous ayons à nous occuper, Thalès de Milet, va nous retenir le plus longtemps ; car nous avons à résoudre, à son occasion, un certain nombre de questions secondaires, qui nous permettront d’étudier sur le vif les procédés des anciens chronologistes.

La détermination de l’époque de Thalès se trouve liée en effet au synchronisme établi pour les sept sages. On sait qu’une légende, qui avait déjà cours au temps de Platon[5], supposait que les personnages ainsi désignés avaient été célèbres à une même date précise. Or, cette date avait été fixée par Démétrius de Phalère sous l’archontat de Damasias, qui d’après les marbres de Paros, correspond à Ol. 48,3 = 586 av. J.-C.[6].

Nous nous demanderons tout à l’heure comment cette date avait été choisie ; pour le moment, il nous suffit d’observer que tout chronologiste, reconnaissant une liste de sept sages déterminés, devait faire tomber la date admise à une époque convenable de leur vie.

Or, nous avons un précieux témoignage à cet effet ; il s’applique à un personnage, dont la vie, historiquement connue, s’écartait dans le passé plus que celle des autres sages, au nombre desquels il n’était pas, au reste, unanimement reconnu. Sosicrate dit de PÉRIANDRE (Diog. L., I, 95) qu’il mourut 40 ans avant Crésus et un an avant Ol. 49.

Il y a là coïncidence parfaite avec la date de l’archontat de Damasias, Sosicrate n’ayant pas osé prolonger davantage la vie de Périandre ; nous apprenons en même temps d’une façon précise qu’il fixait à Ol. 58,3 = 546 la prise de Sardes par Cyrus. Car on ne peut entendre autrement  πρότρον Κροίσου, expression abrégée pour désigner une époque célèbre.

Mais précisément l’absence de l’autorité d’Apollodore pour ces diverses données doit nous inspirer quelques scrupules sur la question de savoir s’il était, bien d’accord là-dessus tant avec Sosicrate qu’avec Démétrius de Phalère. Or, nous avons, déjà pour Périandre, un faible indice de désaccord.

Diogène Laërce (I, 98) fixe l’acmé du tyran de Corinthe à Ol. 38 ; il donne 40 ans pour la durée de sa tyrannie et 80 ans (I, 95) pour celle de sa vie, ce qui indique bien que l’acmé devait être fixée au commencement de la tyrannie. Or, quand l’année de l’olympiade n’est pas indiquée, il faut, en principe, entendre la première ; si donc les données ci-dessus proviennent d’Apollodore, il y aurait eu entre lui et Sosicrate une légère divergence (trois ans), et il n’aurait pas tenu compte, au moins pour Périandre, de la date de Démétrius.

Il semble que ce soit une combinaison analogue à celle de Sosicrate qui a fait introduire dans le texte d’Aristote sur les Cypsélides (Politique, V, x, 32) une contradiction flagrante. D’après ce texte, cette dynastie a régné sur Corinthe 73 ans 6 mois en tout, mais, comme détail, il est donné 30 ans à Cypsélos, 44 à Périandre, 3 à Psammétichos. Il est clair qu’Aristote ne devait donner que 40 ans et demi à Périandre.

Passons au second sage dans l’ordre des âges. L’acmé de PITTACUS est fixée par Diogène Laërce à Ol. 42 ; or, d’après Suidas, cette date est celle du renversement du tyran Melanchros, tandis que celle de la naissance est Ol. 32, ce qui donne bien 40 ans pour l’acmé. Mais la mort, d’après Diogène Laërce, arrive Ol. 52,3 = 570, tandis que la vie n’aurait duré que 70 ans, au lieu de 82, comme le supposent les dates qui précèdent.

Nous voici en présence d’une nouvelle difficulté, plus grave que la première, et, malheureusement, Diogène Laërce n’invoque ici aucune autorité. L’incertitude ne peut guère être dissipée ; on est tenté de croire, à première vue, que la date Ol. 52,3 pour la mort (et par suite la durée de 82 ans pour la vie) appartient à Apollodore, qui aura voulu tenir compte de la tradition mettant Pittacus en rapport avec Crésus roi (Hérodote, prétendue lettre de Pittacus dans Diogène Laërce) ; nous verrons en effet qu’Apollodore faisait remonter à Ol. 52,1 = 572 le commencement du règne de Crésus et à Ol. 55,3 = 558, c’est-à-dire douze ans plus tôt que Sosicrate, la prise de Sardes. Mais précisément l’identité de cette différence de douze ans avec celle qui existe entre les deux durées indiquées pour la vie, me ferait plutôt penser qu’Apollodore avait parlé de 70 ans, d’après une tradition, et fixé par suite la mort de Pittacus à Ol. 49,3 = 582. Sosicrate, sachant très bien que les dates qu’il avait adoptées pour le règne de ce dernier, différaient de 12 ans avec celles d’Apollodore, aura déplacé d’autant la date de la mort de Pittacus, sans s’apercevoir que cette correction était insuffisante, si du moins il voulait tenir compte des relations supposées avec Crésus, ce qu’Apollodore avait négligé de faire.

Après Pittacus, je placerais CHILON, car, si l’on met son éphorat, d’après Diogène Laërce (I, 68), Ol. 55 ou 56 (Pamphila) ([7]), cette date de l’éphorat, qui correspond très probablement à l’acmé, est en tous cas incompatible avec la donnée précise (I, 72) d’après laquelle Chilon était déjà vieux (avait plus de soixante ans) lors de l’acmé d’Ésope, Ol. 52. Je ne doute pas qu’il ne faille lire pour l’éphorat Ol. 45 ou 46 ; c’est aussi, du reste, la seule manière de rendre Chilon assez âgé lors de L’archontat de Damasias et de le mettre en rapport, conformément au récit d’Hérodote, avec le père de Pisistrate.

Je remarque incidemment que le rapprochement avec Ésope est dans la manière d’Apollodore et que l’acmé du fabuliste correspond au début du règne de Crésus d’après notre chrqnographe. On connaît en effet la légende (Plutarque, Vie de Solon) qui faisiat appeler Ésope à la cour de Sardes.

Laissons pour le moment de côté Thalès, qui réclame une discussion spéciale ; nous arrivons à Solon. D’après Sosicrate et sans doute aussi Apollodore, son acmé correspond à son archontat, Ol. 46,3 = 594 (Diog. L., I, 62). Il aurait d’ailleurs vécu 80 ans, ce qui place sa mort vers 554. Comme Sosicrate fixait la prise de Sardes en 546, ainsi que nous l’avons vu, il devait mettre l’avènement de Crésus, quatorze ans plus tôt, en 560. Il lui restait donc assez de temps pour placer le récit d’Hérodote sur la visite de Solon à Sardes ; seulement, contrairement à ce récit, cette visite n’aurait eu lieu qu’après l’usurpation de Pisistrate, qui date de 561[8].

Mais, comme Diels l’a remarqué, Apollodore devait réduire la vie de Solon, en le faisant, avec Phanias d’Éphèse (Plutarque), mourir l’année qui suivit l’usurpation, vers 74 ans ; dans ce cas, le récit d’Hérodote devient impossible, si l’on maintient la date de Sosicrate pour l’avènement de Crésus. Plutarque connaissait déjà cette difficulté, mais elle tient simplement au fait que nous avons indiqué plus haut et que nous démontrerons tout à l’heure, à savoir que Sosicrate avait déplacé de douze ans les dates d’Apollodore relatives à Crésus.

Quant aux autres sages des listes ordinaires, Diogène Laërce n’indique pas de dates ; mais il n’y a, en tout cas, aucune difficulté à supposer qu’ils aient pu être reconnus comme tels lors de l’archontat de Damasias.

Nous trouvons, pour les sages des autres listes, directement rattachées à l’époque de Solon, les dates du passage à Athènes d’ÉPIMÉNIDE, Ol. 46, et d’ANACHARSIS, Ol. 47. Mais ici, pour le premier du moins, eu égard aux traditions qui le concernent, il n’y a pas à parler d’acmé.

On sait que, d’après Platon (Lois, 652 d), ce serait dix ans seulement avant Marathon, c’est-à-dire vers 500 (Ol. 70), qu’Épiménide aurait purifié Athènes. De même, Porphyre et Iamblique[9] donnent expressément Épiménide le purificateur comme disciple de Pythagore. Je ne crois donc pas qu’il faille accuser Platon, comme on l’a fait, d’un grossier anachronisme ; le plus simple est de distinguer deux Épiménides qui, à près d’un siècle de distance, seraient venus accomplir des cérémonies religieuses à Athènes ; l’ami de Solon semble avoir été de Phœstos (Plutarque); l’Épiménide dont parle Platon est de Gnosse.

L’époque où ce second Épiménide serait venu à Athènes, correspond d’ailleurs à un moment obscur de l’histoire de cette ville ; après avoir soutenu Aristagoras dans sa révolte contre les Perses, les Athéniens se retirent de la lutte sans aucun motif apparent. On peut très bien admettre qu’une épidémie aura été la cause réelle de leur inaction à ce moment décisif pour l’Ionie ; le récit de Platon se trouverait ainsi mis en complet accord avec l’histoire.

En résumé, le synchronisme des sept sages, pour l’époque de l’archontat de Damasias, paraît bien avoir fait partie des combinaisons de Sosicrate. Mais elles différaient, sur certains points, de celles d’Apollodore ; on ne peut donc appliquer à ce dernier la même conclusion.


4. L’éclipse de Thalès. — La première question que nous ayons différée tout à l’heure se rapporte au choix, pour le synchronisme des sept sages, de l’année Ol. 48,3 de l’archontat de Damasias.

Précisément cette année-là, eut lieu (le 28 mai 585) une des trois éclipses totales de soleil que les astronomes modernes considèrent comme pouvant être celle que prédit Thalès et qui suspendit une bataille entre les Lydiens et les Mèdes. Cette remarquable coïncidence porte à penser que l’époque de cette éclipse a été choisie tout d’abord comme étant celle de la célébrité du Milésien, puis adoptée par les faiseurs de légendes, pour placer leur récit sur les sept sages, parmi lesquels il occupait le premier rang.

Partant dès lors de cette date comme acmé de Thalès[10], Diels arrive pour la naissance à Ol. 39, 1 = 624, et pour la mort, à 78 ans passés d'après Apollodore (Diog. L., I, 38)[11] à Ol. 58, 2 = 547, année qu’il prend pour celle du passage de l’Halys par Crésus. Comme d’ailleurs le texte porte pour la naissance Ol. 35, 1, il le regarde comme fautif, et appuie la correction qu’il propose sur un passage de Porphyre conservé par Aboulfaradj ; d’après ce passage, en effet, la naissance de Thalès aurait eu lieu 123 ans après l’ère de Nabonassar, qui commence en 747.

Mais le témoignage de Porphyre peut prouver seulement qu’un certain chronographe de l’antiquité, et non pas Apollodore, a calculé, comme l’a fait Diels, la naissance de Thalès, et avec ces déterminations il est bien difficile d’expliquer comment Sosicrate, ainsi que le dit expressément Diogène Laërce, avait prolongé de 12 ans la durée de la vie de Thalès, précisément pour en faire coïncider la fin avec celle du règne de Crésus, que, comme nous l’avons vu, il fixait en 546.

Apollodore ne pouvait cependant pas avoir négligé le récit d’Hérodote sur le rôle joué par Thalès lors du passage de l’Halys ; dès lors, le texte très formel de Diogène Laërce ne peut s’entendre que d’une manière : Apollodore devait fixer 12 ans plus tôt la prise de Sardes, soit en 558. Mais Sosicrate n’avait pas modifié la date de la naissance de Thalès, en sorte que pour les deux auteurs elle devait tomber la même année, d’après l’un 90 ans avant 547, d’après l’autre 78 ans avant 559, c’est-à-dire en 637 = Ol. 35,4. Nous retrouvons ainsi l’olympiade du texte de Diogène Laërce ; si l’année n’est pas la même, la corruption s’explique paléographiquement, par un changement de lettres numérales, avec au moins autant de facilité que celle que Diels a supposée.

Si maintenant Thalès était né, pour Apollodore, en 637, son acmé devait tomber en 597[12]. Or, c’est précisément aussi la date d’une des trois éclipses admissibles comme pouvant représenter celle de Thalès. Nous sommes donc conduits à penser que c’était celle-là qu’Apollodore avait eu en vue.

Mais comment aura-t-il été conduit à modifier une date déjà admise par Démétrius de Phalère[13] ? C’est qu’historiquement cette date est inadmissible.

S’il y a en effet un document chronologique de l’antiquité qui ne puisse être révoqué on doute, c’est assurément le Canon des Règnes de Ptolémée, puisque c’est d’après cette table que sont déterminées les anciennes observations astronomiques. Or, d’après ce Canon, la dernière année de Cyrus est 530 av. J.-C. D’autre part, d’après Hérodote, Cyrus a régné 29 ans, Astyage 35, Cyaxare 40. Si donc, comme il semble, Hérodote compte les années pleines, Cyrus a régné de 560 à 530, Astyage de 596 à 560, Cyaxare de 637 à 596. En tout cas, l’éclipse de 585 tombe sous le règne d’Astyage, tandis que, d’après Hérodote, la bataille qu’elle interrompit fut livrée par Cyaxare.

Comment l’erreur a-t-elle pu s’introduire ? Sans doute l’éclipse de 585 fut visible à Athènes et y produisit une impression assez profonde pour que son souvenir restât lié à l’archontat de Damasias ; on l’aura prise plus tard comme étant celle prédite par Thalès. Celle de 597 convenait moins, parce qu’elle arriva au lever du soleil, ce qui ne se rapporte guère au récit d’Hérodote et est pour nous une raison de l’écarter aussi bien que celle de 585. Quant à une plus ancienne, comme celle du 30 septembre 610, elle pouvait être déjà oubliée quand se forma la légende des sept sages.

Pour Apollodore, il vivait au temps d’Hipparque, c’est-à-dire à une époque où non seulement on possédait les observations chaldéennes, mais encore où l’on pouvait calculer avec une approximation très suffisante les dates des anciennes éclipses et leur importance ; il devait donc se trouver, ainsi que nous, en présence de trois dates reconnues comme possibles astronomiquement. Écartant la dernière d’après le récit d’Hérodote, il dut écarter aussi la première parce qu’elle tombe nécessairement pendant les 28 années que l’historien assigne à la domination des Scythes pendant le règne de Cyaxare ; il ne lui restait donc que l’éclipse de 597, qui d’ailleurs convenait très bien pour le synchronisme des sept sages.

Mais nous avons, comme je l’ai dit, une raison sérieuse d’écarter à notre tour cette dernière et, d’autre part, nous nous représentons plutôt aujourd’hui l’invasion des Scythes comme n’ayant pas eu les caractères d’une domination effective, comme n’ayant pu, sauf peut-être pendant sept ou huit ans, empêcher les guerres entre les différents États de l’Asie[14]. Par suite, c’est en 610 qu’il faut fixer l’éclipse de Thalès.

On est généralement d’accord pour fixer en 625 la prise de Ninive par les Mèdes, événement postérieur à cette invasion.

Comme nous n’avons aucune raison de maintenir le système de l’acmé, nous n’avons nullement, de ce chef, à modifier la date hypothétique d’Apollodore pour la naissance de Thalès ; celui-ci peut avoir tout aussi bien prédit[15] son éclipse à 27 ans qu’à 40.

Je crois avoir donné, sur les questions diverses que soulève la date de ce phénomène, des éclaircissements plausibles ; mais, si ce problème célèbre reçoit, de notre temps encore, trois solutions distinctes entre lesquels se partagent les savants, la raison doit en être énoncée. C’est surtout, parce que les historiens ne se rendent pas suffisamment compte de ce que peuvent et de ce que ne peuvent pas faire les astronomes dans une question de ce genre ; parce que, d’un autre côté, les astronomes, à leur tour, se contentent trop qu’une thèse ait été soutenue par un historien pour la regarder comme historiquement possible.

L’astronomie est assez avancée aujourd’hui pour déterminer non seulement la date exacte, mais aussi l’heure précise des éclipses totales qui ont eu lieu dans une période donnée du passé. Mais, pour une époque aussi ancienne, elle ne peut plus déterminer avec une précision suffisante les points du globe où une éclipse a été visible comme totale. Il règne en effet, sur un des éléments du calcul à faire dans l’objet, l’accélération du mouvement moyen de la lune, une incertitude qui ne pourrait précisément être dissipée que par la connaissance complète des circonstances d’une éclipse aussi reculée. Loin donc de pouvoir déterminer effectivement si telle éclipse a été celle de Thalès, les astronomes auraient à l’apprendre des historiens pour corriger leurs tables.

5. La prise de Sardes par Cyrus. — Nous avons déjà vu qu’Apollodore et Sosicrate avaient pris la fin du règne de Crésus comme coïncidant avec la mort de Thalès. Évidemment son âge était alors très avancé, mais nous n’avons pas de motifs suffisants pour adopter sans réserves cette opinion probablement arbitraire[16] et nous devons regarder la date de la mort du Milésien comme aussi incertaine en fait que celle de sa naissance.

L’époque de la prise de Sardes n’en reste pas moins importante pour l’histoire de la philosophie comme pour l’histoire politique, et nous avons à examiner si Sosicrate avait en raison de la placer 12 ans plus tard qu’Apollodore, ainsi que nous sommes conduits à l’admettre.

Ce déplacement peut, dans une certaine mesure, être lié à celui, d’égale importance, pour la date de l’éclipse de Thalès, de 597 à 585 ; mais il a eu un autre motif.

Lorsque Hérodote raconte que Crésus chercha des alliés eu Grèce et expose qu’à ce moment Pisistrate était maître d’Athènes, il intercale dans son récit les vicissitudes du tyran, jusqu’au moment où celui-ci reprit son pouvoir pour la troisième fois. Or, d’après les données d’Aristote sur la durée de la tyrannie des Pisistratides et d’après la date de leur expulsion bien fixée en 511, on ne peut guère placer le dernier événement raconté par Hérodote avant 546 ; c’est là la raison évidente qui a fait adopter par Sosicrate, connue par nombre d’autres chronographes, la 58e olympiade comme étant celle de la chute de Sardes.

Mais comme, d’après le récit d’Hérodote, la guerre des Lydiens contre les Perses suit immédiatement le renversement d’Astyage en 560, il est clair qu’en racontant le second exil de Pisistrate (557-546), l’historien a, dans sa digression, anticipé sur les événements. Au moment de l’ambassade de Crésus (550), Pisistrate est bien maître d’Athènes (pour la seconde fois) ; mais son pouvoir est mal affermi et il est renversé dès l’année suivante ; ce qui explique pourquoi Crésus ne recherche pas son alliance. La date d’Apollodore (Ol. 55, 3 = 558/7) est donc exacte à très peu près, car le récit d’Hérodote ne laisse en fait qu’une incertitude d’un ou deux ans.

Nous avons vu comment cette date, à la différence de celle de Sosicrate, permet également d’accorder avec la chronologie la visite de Solon à Sardes ; comment elle concorde de même avec l’acmé d’Ésope ; comment enfin le déplacement que nous avons admis explique les discordances sur la durée de la vie de Pittacus et de Thalès. Il est donc suffisamment confirmé par l’ensemble de notre discussion, et il en ressort également qu’Apollodore avait raison de placer le règne de Crésus entre Ol. 52,1 = 572 et Ol. 55,3 = 558, d’où, pour le règne d’Alyatte de 57 ans, les limites 629 à 572.

6. Xénophane et les Éléates. — Notre discussion pourra désormais marcher plus rapidement, le terrain se trouvant déblayé d’importantes questions accessoires et le lecteur ayant déjà pu se familiariser avec les procédés des anciens chronologistes. Malheureusement les incertitudes ne seront pas moins grandes.

Ainsi, d’après le double témoignage de Sextus Empiricus et de Clément d’Alexandrie (Strom., I, p. 301 c), Apollodore doit avoir fixé la naissance de Xénophane à Ol. 40 = 620. Diogène Laërce (IX, 20, d’après Sosicrate ?) donne au contraire pour l’acmé Ol. 60 = 540, d’où l’on conclurait pour la naissance Ol. 50 = 580.

Diels pense que l’acmé correspond à la fondation d’Élée, vers 540 ; il croit donc que la date d’Ol. 40 est fautive et qu’Apollodore avait en réalité admis Ol. 50 pour la naissance. Il pense d’ailleurs que le chronographe avait échelonné les acmés de Parménide (Ol. 69) et de Zénon (Ol. 79) de façon à placer entre les trois Éléates, pris deux à deux, la même distance à peu près qu’entre Socrate et Platon.

Mais si Apollodore plaçait la prise de Sardes en 558, il devait mettre la fondation d’Élée vers Ol. 57 et non Ol. 60. — La concordance des deux témoignages différents, pour la naissance de Xénophane, oblige à supposer une corruption très ancienne, ce qui est une hypothèse assez peu plausible. — Enfin rien ne nous oblige à croire que les dates pour les acmés de Parménide et de Zénon, telles que nous les trouvons dans Diogène Laërce, proviennent d’Apollodore, ni que la combinaison de l’échelonnement, à la supposer réelle, ne soit pas plutôt le fait d’un auteur de Successions, comme Sosicrate.

Au reste, ces deux dernières dates sont très mal assurées, aussi bien la seconde, qui paraît tout à fait arbitraire, que la première, qui semble dépendre d’un synchronisme approximatif établi entre Parménide et Héraclite. Il n’y a donc aucun motif sérieux pour rejeter le témoignage bien connu et très précis de Platon, qui ne met que 25 ans entre Parménide et Zénon, et fait converser le premier, à l’âge de 65 ans, avec Socrate très jeune. Que Platon ait fait des anachronismes volontaires, cela n’est point douteux, quoiqu’on lui en ait imputé à tort, ainsi que je l’ai montré à propos d’Épiménide ; que le dialogue du Parménide soit évidemment une fiction, personne non plus ne peut le contester ; mais quand Platon répète, et dans le Théétète et dans le Sophiste, que Socrate, né en 469, a vu Parménide, quand il détaille les âges d’une façon bien inutile pour tout motif que l’on pourrait assigner à l’anachronisme supposé ici[17], quand enfin il est impossible de prouver quoi que ce soit contre une autorité telle que la sienne, le mieux est sans doute de s’en rapporter à elle. Parménide serait alors né vers 514, Zénon vers 489, à quelques années près en plus ou en moins.

Il est très possible qu’Apollodore, pour un motif ou pour un autre, n’ait parlé ni de Parménide, ni de Zénon ; même s’il l’a fait, et quand les dates de Diogène Laërce seraient les siennes, il pouvait, comme Sotion (Diog. L., IX, 21), ne reconnaître aucun lien entre Xénophane et Parménide ; s’il s’agit de rechercher les dates de la vie du premier, nous n’avons donc pas à tenir compte du rapport hypothétique de maître à disciple que les auteurs de Successions ont établi entre le poète de Colophon et celui d’Élée.

À la vérité, si l’on maintient vers Ol. 40 la naissance de Xénophane, on ne trouve pour Ol. 50 aucun événement marquant, son acmé. Mais il avait beaucoup écrit et donné dans ses vers des renseignements sur son compte personnel ; ainsi c’est par un de ses fragments que nous savons qu’à 92 ans il composait encore. Apollodore ne peut-il avoir déduit, de quelque passage perdu[18], une combinaison faisant remonter la naissance jusqu’à Ol. 40 ? Pourquoi dès lors ne pas maintenir cette date ? Xénophane, avec sa vie centenaire, n’aura pas moins atteint le règne de Darius (524-487) selon le témoignage exprès d’Apollodore, qui ne parait pas avoir précisé davantage la fin de sa vie.

Dans ces limites, il n’y a aucune impossibilité à ce que Xénophane ail parlé soit d’Épiménide, comme mort à 157 ans, soit de Thalès et de sa prédiction, soit même de la doctrine de la métempsycose de Pythagore ; on comprend d’autre part comment Héraclite a pu parler de lui aussi bien que de Pythagore, et comment Sotion (Diog. L., IX, 18) l’aura fait contemporain d’Anaximandre, né vers 611. Au contraire, même avec la date de Diogène Laërce, on ne peut prolonger la vie de Xénophane jusqu’au temps d’Hiéron I (Ol. 77 = 472) et d’Épicharme, comme l’aurait cependant fait, d’après Clément d’Alexandrie, un historien, Timée, dont ici l’autorité serait, à vrai dire, considérable.

Il est facile de reconnaître l’origine d’une méprise que le fait du témoignage d’Héraclite sur Xénophane rend évidente. Timée a dû seulement : 1° rapporter une anecdote conservée par Plutarque (Reg. apophth.), relative à un mot d’Hiéron sur des vers de Xénophane récités devant lui ; 2° parler des attaques, déjà mentionnées par Aristote, du poète comique Épicharme contre le scepticisme du Colophonien.

On aura conclu que Timée donnait Xénophane comme vivant toujours, du récit que l’historien consacrait à des faits prouvant seulement la popularité dont a joui l’œuvre du poète, longtemps encore après sa mort.

Il y a bien aussi quelques autres assertions qui prolongent encore davantage la vie de Xénophane ; mais, ou bien ce sont de purs anachronismes, dus à des auteurs qui ne méritent aucune confiance, comme Hermippe (Diog. L., VIII, 56, et IX, 30) le mettant en rapport avec Empédocle, ou bien il y a eu (comme peut-être chez Ps.-Lucien, De longæv., 20) confusion avec un autre poète du même nom, auteur d’ïambes, né à Lesbos et fils de Dexinos.

7. Anaximandre et Pythagore. — Anaximandre offre l’exemple d’un philosophe dont Apollodore (Diog. L., II, 2) n’a pas tout d’abord déterminé l’acmé, mais bien l’âge (64 ans) à une certaine date, Ol. 58,2 = 547, probablement celle de son ouvrage, et dont il n’a sûrement pas précisé la mort. Anaximandre devait donc ètre considéré par Apollodore comme plus jeune de 26 ans que Thalès et de 11 ans que Xénophane. Son acmé devait tomber vers Ol. 52, en même temps que celle d’Ésope, l’avènement de Crésus et la naissance de Pythagore.

Si Diogène Laërce la fixe sous la tyrannie de Polycrate, il y a bien certainement là, comme Diels le fait remarquer, une confusion avec Pythagore (ou peut-être Anaximène). Éd. Zeller[19] a tort de dire que l’on fait d’ordinaire coïncider le commencement de la tyrannie de Polycrate avec Ol. 53,3 = 566, c’est-à-dire avec la 44e année (lisez 45e) d’Anaximandre. Il n’est possible d’admettre cette date qu’en supposant un premier Polycrate ; le seul célèbre, le seul que Diogène ait pu désigner, ne régna que 11 ans, et comme sa tyrannie, d’après Hérodote, semble s’être terminée la même année que le règne de Cambyse, on peut la fixer très approximativement de 534 à 524 inclus (Ol. 61,3-Ol. 64,1). Quoique Diogène Laërce[20] place d’ailleurs l’acmé de Pythagore vers Ol. 60, Diels a bien établi qu’Apollodore devait, avec Ératosthène[21], la mettre Ol. 62, c’est-à-dire à l’époque présumée où Pythagore quitta Samos pour fuir la tyrannie de Polycrate. Quant à la durée de la vie du chef de l’École Italique, j’admets aussi avec Diels qu’Apollodore la fixait probablement à 90 ans (Diog. L., VIII, 44). Il aurait donc vécu, d’après ces données plus ou moins arbitraires[22], entre 572 et 482.

8. Anaximène. — Pour Anaximène, la question est très obscure ; Diogène Laërce (II, 3) dit : « Il naquit, suivant Apollodore, Ol. 63 (= 528), et il mourut lors de la prise de Sardes. »

On doit, en tout état de cause, écarter l’hypothèse que Diogène Laërce ait voulu parler de la prise de Sardes lors de la révolte de l’Ionie, Ol. 70 ; l’anachronisme est donc patent. Diels admet une corruption des données d’Apollodore ; celui-ci aurait fait correspondre la prise de Sardes à L’acmé, Ol. 63 à la mort (vers soixante ans). Il s’appuie sur ce qu’Hippolyte donne Ol. 58,1 pour l’acmé et que Suidas dit : « Anaximène vivait (γέγονε) lors de la prise de Sardes, alors que Cyrus de Perse renversa Crésus. » Si d’ailleurs Suidas ajoute la date : Ol. 55, c’est qu’il aurait à tort emprunté celle d’Eusèbe, tandis qu’Hippolyte aurait, conservé celle d’Apollodore ; toutefois il faudrait lire : Ol. 58,3 au lieu de 58,1.

Cette conjecture, aussi ingénieuse que hardie, mérite de notre part une critique d’autant plus approfondie que la date de la prise de Sardes, d’après Suidas, serait, à nos yeux, celle d’Apollodore, et la date corrigée d’Hippolyte celle de Sosicrate.

Diels attache, avec une certaine raison, quelque importance à la donnée chronologique de l’auteur des Philosophumena, parce que celui-ci vient d’en fournir une autre (Ol. 42,3 = 610 pour la naissance d’Anaximandre) qui n’est copiée sur aucune source connue, mais qui concorde évidemment avec les indications d’Apollodore ; mais il n’y a cependant pas là, en fait, un motif suffisant pour regarder les deux données des Philosophumena comme venant d’Apollodore plutôt que de Sosicrate par exemple. Le rapprochement avec Suidas indiquerait même un déplacement de date tout à fait semblable aux autres que nous avons vu faire à l’auteur des Successions.

Ainsi modifiée, l’hypothèse de Diels conduirait à faire naître Anaximène vers 598 et à le faire mourir vers 70 ans, en 528. Toutefois il convient d’observer que l’expression de Suidas, malgré toutes les discussions auxquelles elle a donné lieu, reste ambiguë et peut s’appliquer à la naissance ; d’autre part, il est indispensable d’examiner si les renseignements traditionnels sur la vie d’Anaximène peuvent être mis en concordance, soit avec l’hypothèse précitée, soit avec toute autre que l’on puisse faire dans l’objet.

Nous n’avons à considérer que trois rapprochements : les deux premiers qui font d’Anaximène, l’un le disciple d’Anaximandre, l’autre le maître d’Anaxagore, sont contradictoires, puisque le second de ces philosophes ne naquit qu’en 500. Cependant ils sont imperturbablement répétés, depuis Théophraste, dans la plupart des documents anciens, ce qui suffit à montrer combien peu on doit faire fonds sur eux ; quant au troisième rapprochement, entre Anaximène et Pythagore, il nous est au contraire fourni par une source tout à fait isolée, la correspondance apocryphe échangée d’après Diogène Laërce (II, 4 et 5, et VIII, 49) ; il y a là une tradition dont nous ignorons la date et dont nous ne retrouvons nulle trace ailleurs.

La première lettre est supposée écrite par Anaximène pour annoncer au Samien la mort de Thalès ; la première réponse de Pythagore manque ; mais, comme on le voit d’après la seconde lettre du Milésien, elle devait annoncer le départ de Samos. Cependant cette seconde lettre parle des enfants d’Éacès et non de Polycrate seul, comme opprimant la patrie de Pythagore ; d’autre part, elle représente les Ioniens comme au début de leurs hostilités contre les Perses et Anaximène comme n’attendant que la ruine. La réponse de Pythagore ne donne aucune autre indication. En tout cas, la correspondance est supposée échangée tout entière à une époque assez voisine de la prise de Sardes.

Cette hypothèse ne peut évidemment concorder qu’avec la chronologie de Sosicrate : 546 pour la prise de Sardes, 540 pour le départ de Pythagore, tandis qu’Apollodore fixait respectivement ces deux événements en 558 et 532. Peu importe, à cet égard, que la tradition dont il s’agit ici n’ait aucune valeur historique, qu’elle soit notamment en contradiction avec le récit d’Hérodote, d’après lequel Milet traita sans délai avec les Perses. Cette tradition suffit à nous confirmer dans l’opinion que la mention de la prise de Sardes par Diogène Laërce à propos d’Anaximène se rapporte bien à L’acmé, mais qu’elle provient de Sosicrate.

Est-il admissible, maintenant, comme nous l’avons supposé plus haut, qu’Apollodore eût déjà fixé l’acmé à la prise de Sardes, mais douze ans plus tôt en fait ? Il aurait alors supposé Anaximène presque aussi ancien qu’Anaximandre et sensiblement plus vieux que Pythagore ; conjecture bien invraisemblable par elle-même, et qui dérange tout ce que l’on sait de la tradition. La concordance apparente avec Suidas ne peut la sauver, car, au sujet de ce Byzantin, l’assertion de Diels est très plausible.

Mais si la date de la prise de Sardes d’après Apollodore ne peut intervenir dans la vie d’Anaximène pour L’acmé elle ne le peut pas davantage ni pour la naissance ni pour la mort ; ainsi la seconde partie de la donnée de Diogène Laërce n’est pas empruntée à Apollodore. En tout cas, d’après la correspondance apocryphe, d’après Hippolyte et Suidas, elle se rapporte à l’acmé ; la source compilée venait sans doute de Sosicrate originairement, et il est probable qu’elle disait : Anaximène florissait lorsque Thalès mourut, lors de la prise de Sardes. Suivant cette source donc, le dernier Milésien aurait été longuement en rapport avec les deux premiers, Thalès et Anaximandre ; au contraire il n’aurait pu connaître Anaxagore.

Reste toujours maintenant la date Ol. 63 = 528, provenant d’Apollodore, et qui représenta certainement une tout autre tradition. Nous avons déjà reconnu qu’elle ne peut s’appliquer à la mort ; peut-elle correspondre à l’acmé par quelque corruption analogue à celle qui entache la suite du texte de Diogène Laërce ?

On ne voit pas à quelle combinaison répondrait une pareille détermination. Au contraire, il en est une qui justifie suffisamment le texte, d’après lequel cette date Ol. 63 s’applique à la naissance.

Dans cette combinaison, Anaximène est décidément séparé d’Anaximandre et rapproché d’Anaxagore à une distance égale à celle qui existe entre Thalès et Anaximandre, Pythagore comble la lacune entre Anaximandre et Anaximène, mais sans avoir de rapports personnels avec ce dernier, né seulement après le départ de Samos.

Je considère comme très possible que ç’ait été là, en réalité, la combinaison d’Apollodore ; Sosicrate au contraire l’aura rejetée et en aura forgé une toute différente, peut-être d’après les lettres apocryphes qui, de son temps, pouvaient commencer à circuler.

Mais la véritable conclusion, c’est que les anciens n’en savaient pas plus que nous sur l’époque de la vie d’Anaximène ; seulement, conformément à l’idée d’une succession, idée engendrée par les usages des écoles postérieures, ne pouvant d’ailleurs établir une continuité complète entre les Ioniens, ils auront voulu rapprocher le dernier Milésien, soit de son maître, soit de son disciple prétendu. De là une divergence de près de soixante ans sur la date de la naissance d’Anaximène ; la vérité est peut-être entre ou plutôt contre les deux opinions, car il est très possible qu’Anaximène n’ait connu ni Anaximandre ni Anaxagore. En tout cas, pour le faire échapper à la ruine de Milet par les Perses en 496, il faudrait le faire réfugier à Lacédémone, où Pline nous le montre installant un gnomon, ou plutôt à Lampsaque, colonie de Milet, où son nom a été continué glorieusement et où, plus tard, Anaxagore devait aller aussi chercher un asile.

9. Héraclite. Anaxagore. — L’acmé d’Héraclite (Diog. L., IX, 1) laisse place également à une incertitude assez grande ; car la date Ol. 69 = 504 semble choisie arbitrairement vers le milieu du règne de Darius, d’après la tradition assez mal assurée qui met l’Éphésien en correspondance avec le grand roi. Cette époque est probablement un peu trop reculée, si Hermodore, ami d’Héraclite, fut en réalité, comme le dit Strabon, consulté par les Romains pour la rédaction des Douze Tables.

Les dates pour Anaxagore, au contraire, reposent sur une combinaison un peu mieux assurée. Démocrite (Diog. L., IX, 41) s’était donné comme plus jeune qu’Anaxagore de 40 ans, et avait daté son Petit Diacosmos de 730 ans après la prise de Troie. Apollodore a pris cette dernière date comme celle de l’acmé de Démocrite, et la rapportant à l’ère d’Éphore pour la prise de Troie (1150 av. J.-C.), il l’a fixée à Ol. 90,1 = 420, d’où Ol. 70,1 = 500 pour la naissance d’Anaxagore. Quant à la mort, il indiquait certainement[23] Ol. 88,1 = 428. De là sont venues aussi les autres données de Diogène Laërce, qu’Anaxagore vécut 72 ans et qu’il avait 20 ans lors de l’expédition de Xerxès (480).

Quant au passage du même auteur qui suit la citation expresse d’Apollodore : « Il commença à philosopher à Athènes sous Callias, à l’âge de 20 ans, comme le dit Démétrius de Phalère dans son Anagraphé des archontes ; on dit qu’il y vécut 30 ans, » voici l’explication qui m’en semble la plus naturelle. Le document originaire devait dire qu’il commença à s’adonner à la science à l’âge de 20 ans (lorsque Xerxès passa en Grèce), Callias (ou Calliadès)[24] étant archonte d’Athènes ; ajoutait-il qu’il vint dans cette ville sous l’archontat d’un autre Callias, qui eut lieu en 456, et la confusion s’est-elle ainsi produite ? C’est encore assez probable, mais moins assuré. Dans ce cas, la durée du séjour de 30 ans serait donnée en nombre rond, mais trop forte ; car la date de la mort semble avoir été connue d’une façon précise, grâce sans doute aux honneurs posthumes que la ville de Lampsaque rendit au philosophe. Il s’ensuit que sur la date de son exil d’Athènes il y a toujours une incertitude plus ou moins grande.

10. Empédocle. Protagoras. — L’acmé d’Empédocle, Ol. 84 = 444 (Diog. L., VIII, 74), correspond à l’époque de la fondation de Thurium, où Apollodore avait remarqué, d’après Glaucon (ibid., VIII, 52), que le philosophe était venu, alors que la ville venait à peine d’être établie. Le chronographe a d’ailleurs pris la même époque pour L’acmé de Protagoras, qui donna des lois aux Thuriens (ibid., IX, 56), d’Hérodote qui fit partie de la colonie athénienne, de Mélissos (ibid., IX, 24) qui, vers le même temps, commanda les Samiens dans leur guerre contre Athènes, enfin probablement de Gorgias, regardé comme contemporain d’Empédocle[25].

Pour ce dernier, la date choisie concordait assez bien avec celle de la victoire remportée Ol. 71 = 496, c’est-à-dire 52 ans auparavant, par le grand-père d’Empédocle, et dont témoignaient Aristote et Ératosthène. Apollodore ajoutait : « Quant à ceux qui prétendent qu’exilé de sa patrie, il se réfugia chez les Syracusains et combattit avec eux contre les Athéniens, ils me paraissent absolument ignorants. Car il était alors déjà mort, ou sa vieillesse se serait très prolongée, ce qui ne semble pas, puisque Aristote et Héraclide (du Pont)[26] disent qu’il ne vécut que soixante ans. »

Ainsi, d’après Apollodore, Empédocle aurait vécu de 484 à 424 ; je crois, d’ailleurs, comme Zeller et contre l’opinion de Diels, que l’expédition des Athéniens dont il est parlé dans ce passage est bien celle de 415.

Pour Protagoras, en lui donnant 70 ans de vie et 40 ans de profession de sophiste (Diog. L., IX, 56), Apollodore a seulement admis les chiffres donnés par Platon et supposé dès lors les limites 484-414 ; rien ne prouve, en effet, qu’il ait tenu compte de la légende d’après laquelle un des Quatre-Cents (411) aurait accusé Protagoras d’impiété et qu’il faille ici prendre comme limites la fin des olympiades et non leur commencement.

11. Démocrite. — Il me reste à ajouter quelques mots sur Démocrite. Nous avons vu comment Apollodore avait assez arbitrairement déterminé son acmé, et dès lors sa naissance vers Ol. 80 = 460. Mais si Thrasylle avait remonté cette dernière date jusqu’à Ol. 77,3 = 470, l’année d’avant la naissance de Socrate, il n’avait point une base plus assurée ; il prétendait seulement corriger le calcul d’Apollodore, d’après une opinion personnelle sur la date de la prise de Troie. De même Diodore, qui a pris pour cette date l’ère d’Ératosthène, quoique bien certainement Démocrite n’en fit point usage, et qui est ainsi arrivé aux limites 494-404.

Apollodore paraît avoir rattaché à L’acmé de Démocrite, plus ou moins approximativement, celles de divers auteurs dont il parlait (Diog. L., IX, 41), comme Archélaos, Œnopide[27], peut-être même celle d’Hippocrate de Cos, d’après la tradition, quoique le célèbre médecin doive avoir été plus âgé.

Quant à la durée de la vie de Démocrite, il semble qu’Apollodore ait admis une centaine d’années ; mais la tradition ne paraît guère constante que sur un point, qu’il serait mort extrêmement vieux, ce qu’on aura arbitrairement entendu entre 90 et 110 ans. Il est d’ailleurs singulier que la plupart des chiffres très différents qu’on attribue à la durée de sa vie, se retrouvent également donnés pour celle d’Hippocrate.


12. À partir de Socrate, la chronologie des philosophes est mieux assurée ; elle n’offre plus guère de divergences importantes ni de difficultés sérieuses, et c’est là surtout qu’on peut reconnaître la richesse relative des informations d’Apollodore, qui a su en profiter pour constituer définitivement cette chronologie, du moins quant aux personnages les plus importants.

Pour la période dont nous nous sommes occupés, il est évident, au contraire, qu’à de très rares exceptions près, il n’avait aucun renseignement précis. On a vu sur quelles bases arbitraires, avec quels éléments incertains il a, le premier, construit sa chronologie des philosophes ; mais au moins, comme je l’ai dit, son œuvre est systématique et ses dates ne conduisent à aucune impossibilité historique.

On a vu de plus comment les corrections qu’on a prétendu y apporter par la suite, et dont Sosicrate semble le premier auteur, ne sont en rien mieux justifiées que les hypothèses d’Apollodore, comment, au contraire, elles sont entachées de diverses erreurs.

Des chronographes postérieurs, on ne peut rien attendre ; Sosicrate, auteur de Successions, représente encore un système, et il a essayé d’en bannir les contradictions ; plus tard, nous ne trouvons plus que des recueils de dates empruntées sans critique à divers auteurs et à divers systèmes, mal liées entre elles, et souvent contradictoires. Elles n’offrent d’intérêt que pour le chronologiste qui peut essayer d’en discerner les différentes sources ; elles sont inutiles pour l’historien de la science, qui ne peut en espérer aucune lumière.





  1. Aristote et, avant lui, Hippias d’Élis s’étaient déjà occupés de dresser la liste des vainqueurs aux jeux olympiques.
  2. Cette commode hypothèse paraît avoir été empruntée à Aristoxène, qui l’aurait tiré d’idées pythagoriennes sur la durée des différents âges de la vie.
  3. Il cite Sosicrate quinze fois, Apollodore vingt et une. Mais il est assez probable qu’il connaît le second surtout par l’intermédiaire du premier (que peut-être même il n’a pas directement utilisé) ; car il a plutôt compilé les auteurs de Successions que les chronographes. Un certain nombre des citations d’Apollodore peut donc être mis au compte de Sosicrate.
  4. La troisième donnée chronologique de Démétrius de Phalère dans Diogène Laërce, relative à la mort de Socrate et conforme à celle d’Apollodore, peut provenir, non de l’Anagraphé, mais de l’Apologie de Socrate, invoquée en deux autres endroits.
  5. Son contemporain Eudoxe l’avait déjà racontée. Au reste, dans la phrase de Diogène Laërce (I, 22), relative aux parents de Thalès : εὐγενέστατοι τῶν ἀπὸ Κάδμου καὶ Ἀγήνορος καθὰ καὶ Πλάτων φησί. Καὶ πρῶτος σοφὸς ὠνομάσθη…, il faut évidemment ponctuer après Ἀγήνορος, et mettre une virgule après φησί. « Et, comme le dit aussi Platon, il fut nommé le premier sage, sous l’archontat de Damasias, date à laquelle les sept sages furent ainsi appelés, comme le dit Démétrius de Phalère dans l'Anagraphé des archontes. » Diogène fait allusion à la liste des sept sages de Platon (Protagoras, 343 a), dans laquelle Thalès est nommé le premier, rang qu’il occupe d’ailleurs le plus souvent. Bien entendu, la mention de Damasias n’est faite que sous la référence à Démétrius.
  6. Pour plus de simplicité, je ne ferai correspondre les années des olympiades qu’avec une seule année julienne proleptique ; mais on sait que, dans ce cas, il faut entendre que l’année de l’olympiade commence seulement après le solstice d’été de cette année julienne (régulièrement à la première lune suivant le solstice) et qu’elle ne finit qu’après le solstice d’été de l’année suivante. À la vérité, quelques modernes ont supposé qu’au VIe siècle, l’année Athénienne commençait six mois plus tôt ; mais, quoi qu’il en soit de cette hypothèse au moins douteuse, il est invraisemblable qu’il ait été tenu compte d’un pareil déplacement soit par Démétrius de Phalère, soit par l’auteur des inscriptions chronologiques des marbres de Paros.
  7. La première date doit être celle de Sosicrate, qui indiquait l’éphorat comme correspondant à l’archontat d’Euthydème ; la seconde peut être celle d’Apollodore.
  8. Peut-être de 560 seulement; les marbres de Paros laissent cette incertitude.
  9. D’après Iamblique (De vita pythagorica), Épiménide aurait regardé Pythagore comme fils d’Apollon ; s’agirait-il ici du généalogiste que distingue Diogène Laërce ? Mais la confusion entre les personnages homonymes a pu, dès l’antiquité, porter sur différents points.
  10. En fait, Diels part de l’année suivante, Ol. 48,4 = 585, qu’il suppose la quarantième de Thalès ; il y a là une légère inexactitude, puisqu’en tout tas l’éclipse a eu lieu Ol. 48, 3, Diels aurait donc dû arriver pour la naissance à Ol. 38, 4 = 625, date qui est au reste celle qu’indique plutôt le témoignage de Porphyre.
  11. « Apollodore dit dans les Chroniques que Thalès naquit Ol. 35, 1 - (38). » Il mourut à 78 ans, ou, comme le dit Sosicrate, à 90, car il serait mort Ol. 58, ayant vécu sous Crésus, auquel il promit de lui faire passer l’Halyss sans pont, en détournant le fleuve. »
  12. Cette éclipse tombe le 21 juillet ; elle appartient donc à Ol. 45,4. Or, Diels a établi qu’Apollodore comptait indifféremment 40 ans révolus ou non pour l’acmé. On a donc en réalité une incertitude d’un an pour les dates de la naissance et de la mort de Thalès, d’après Apollodore et Sosicrate, et l’on pourrait fixer la première à Ol. 36,1, les secondes à Ol. 55,3 et Ol. 58,3.
  13. Peut-être même par Eudème, si c’est à lui que Clément d’Alexandrie emprunte la date approximative Ol. 50 pour l’éclipse de Thalès.
  14. On est généralement d’accord pour fixer en 625 la prise de Ninive par les Mèdes, événement postérieur à cette invasion.
  15. Pour la question de l’époque où il vivait, il importe même très peu qu’il l’ait prédite ou non, ce que nous discuterons dans le prochain chapitre, en parlant de ses connaissances astronomiques ; le fait, c’est que la légende suppose qu’il avait âge d’homme lors de cette éclipse de 610 ; il ne pouvait donc être que très vieux à la fin du règne de Crésus.
  16. Elle pouvait s’appuyer sur le passage où Hérodote (I, 170) oppose les deux conseils politiques donnés aux Ioniens, l’un par Bias de Priène, après la conquête des Perses, l’autre par Thalès auparavant ; du moins cette opposition conduit à supposer que pour Hérodote, Thalès ne vivait plus au moment de la lutte contra Mazarès et Harpage.
    Mais le sens peut être tout autre ; le conseil de Bias parait avoir été développé dans un poème (2,000 vers, Diog, L., I, 85). Peut-être, au temps d’Hérodote, circulaient également des vers attribués à Thalès et ayant un but politique ; peut-être, comme ceux de Bias, portaient-ils leur date en eux-mêmes, sans qu’Hérodote en sut davantage sur le moment de la mort de Thalès.
  17. Comme celui d’affirmer un rapport originaire entre sa doctrine et celle des Éléates.
  18. Le fragment indiquant 92 ans, si la naissance est Ol. 40, aurait été dit en 528 = Ol. 63. Or, Apollodore fixait Ol. 62 l’acmé de Pythagore ; peut-être a-t-il simplement regardé comme également daté de 99 ans le fragment de Xénophane sur la métempsycose et bâti là-dessus sa combinaison.
  19. I, p. 211, note. — Je cite la Philosophie des Grecs, d’après l’excellente traduction de M. Boutroux.
  20. Il est possible que cette date provienne du désir de rapprocher Pythagore de Thalès suivant les légendes en cours, ou bien encore qu’on ait voulu faire remonter son départ de Samos, fixant l’acmé, à l’époque présumée de la tyrannie des trois fils d’Éacès, avant que Polycrate eût fait périr ou chassé ses deux frères.
  21. Ératosthène (Diog. L., VIII, 47) distinguait un autre Pythagore, « le chevelu de Samos ». qui aurait combattu au pugilat à la limite d’âge (entre les enfants et les hommes) dès Ol. 48 et qui aurait laissé des écrits sur l’histoire des Doriens (?). Ce personnage a sûrement été confondu avec le philosophe par divers auteurs, et c’est de là que doit provenir la donnée d’Antilochos (Clément d’Alex., Strom., I, 339) qui plaçait l’ήλιϰία de Pythagore Ol. 49,2 = 583.
  22. C’est aussi assez arbitrairement que semble avoir été fixée l’acmé de Phérécyde (Ol. 59, Diog. L.) une douzaine d’années avant celle de Pythagore. Cette fixation n’est d’accord ni avec la tradition qui le met en rapport avec Pittacus, ni avec celle qui le montre déjà atteint de la phthiriase quand Thalès vit encore ; c’est au contraire l’improbable légende d’Aristoxène qui le fait enterrer par Pythagore déjà vieux.
  23. Ol. 78,1, dit le texte de Diogène Laërce (II, 7), mais 88,1, dit Hippolyte (à la vérité pour l’acmé, ce qui est inadmissible).
  24. Ol. 75,1 = 480, année qui fut aussi celle de la naissance d’Euripide (Diog. L., II, 45).
  25. Mais comme lui ayant d’ailleurs survécu de beaucoup, puisqu’il serait mort à 109 ans, c’est-à-dire, d’après ce calcul, en 475.
  26. C’est d’après une fausse leçon de ce passage qu’on fait attribuer par Aristote 60 ans de vie à Héraclite.
  27. Cependant Proclus, d’après Geminus, donne Œnopide comme seulement en peu plus jeune qu’Anaxagore, et une date plus rapprochée est très improbable.