Principes d’économie politique/II-1-II-III

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III

LA MATIÈRE PREMIÈRE.

Les matériaux bruts qui composent l’écorce terrestre jusqu’à la très petite profondeur à laquelle nous pouvons pénétrer, et les substances organisées provenant des êtres vivants (végétaux ou animaux) qui peuplent sa surface, fournissent à l’industrie la matière première qui lui est indispensable et constituent l’élément originaire de toute richesse.

Il est certains de ces matériaux que la nature a répandus à profusion et d’autres dont elle s’est montrée très avare.

Cependant ceux-là même dont la quantité est très considérable peuvent néanmoins être rares, si l’on considère telle région déterminée. L’eau douce est citée en général comme exemple d’une richesse surabondante cependant il n’est guère de grande ville où l’eau ne soit insuffisante et où l’on ne doive faire de grands travaux pour s’en procurer. On ne connaît à vrai dire qu’un seul corps qui soit partout en quantité illimitée, c’est l’air atmosphérique au milieu duquel nous sommes plongés et qui enveloppe tout le globe d’une couche uniforme… et encore, pour peu que l’on demande à cet air certaines conditions spéciales de salubrité, de fraîcheur ou de chaleur, lui-même ne se trouve plus à la portée de tout le monde ! Si à Montreux ou à Nice un terrain aride se vend 100 francs le mètre, c’est qu’on y paye non pas précisément le droit au sol, mais plutôt le droit à un air et à un soleil qu’on ne trouve point ailleurs.

Quand il s’agit de ces matériaux qui sont surabondants, mais inégalement répartis, l’industrie humaine peut remédier à cet inconvénient en déplaçant ces matériaux et en les transportant là où ils font défaut. C’est pour cela que, comme nous l’avons vu, le transport est véritablement un acte de production (Voy. p. 113). Mais comme la matière, grâce à sa pesanteur et son inertie, oppose au déplacement une résistance qui peut être fort considérable et comme l’effort et les frais nécessaires pour vaincre cette résistance grandissent proportionnellement à la distance, l’industrie des transports n’est pas toute-puissante et elle ne peut pas supprimer absolument les inégalités de la nature.

En ce qui touche les matériaux naturels qui sont réellement en quantité restreinte, il est possible que l’homme, retrouvant les procédés de la nature, puisse les former de toutes pièces, par exemple, fabriquer les diamants en faisant cristalliser le charbon, et si le charbon à son tour vient un jour à lui faire défaut, il pourra le retirer peut-être des carbonates de chaux qui sont très répandus dans l’écorce terrestre. Il est possible aussi que l’homme trouve quelque succédané, c’est-à-dire une substance analogue par ses propriétés à celle qui lui fait défaut ; il y réussit souvent et y réussirait toujours si sa science était plus grande, parce que, dans l’infinie variété des corps organisés ou bruts, il en est beaucoup qui présentent des caractères similaires et peuvent, par conséquent, se suppléer dans une certaine mesure[1].

  1. L’ivoire animal menace de faire défaut par suite de la chasse destructive qu’on fait aux éléphants les forêts destructive qu’on fait aux éléphants, mais on a trouvé dans les forêts de l’Amazone un ivoire végétal qui peut le remplacer.