Priviléges et Reglemens de l’Archiconfrerie vulgairement dicte des Cervelles émouquées ou des Ratiers

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Privileges et Reglemens de l’Archiconfrerie vulgairement dicte des Cervelles emouquées ou des Ratiers.



Priviléges et Reglemens de l’Archiconfrerie vulgairement
dicte des Cervelles emouquées
1 ou des Ratiers.
Sans lieu ni date. In-8.

Les Capitouls, Consuls et Jurats2 de l’archiconfrerie des Cervelles emouquées, ou Ratiers, s’estant assemblez au son du timble3, suivant l’usage, le syndic d’icelle, surnommé Agoranome4, mareschal des logis dans la compagnie des porte-ferule, a remontré à leurs seigneuries que le defaut de cognoissance des prerogatives et statuts de l’archiconfrerie estoit cause que plusieurs personnages qui ont toutes les dispositions requises pour y estre agregés, et mesmes talens propres à luy attirer de plus en plus l’admiration des sages, differoient de s’y enroler.

À quoy il importoit d’autant plus de pourvoir que, l’archiconfrerie ayant resolu de publier un catalogue exact de tous et un chacun ses suppots, avec des remarques en forme de glose ou commentaire sur leurs caractère et exploits particuliers, les sujets en question ne manqueroient point, à la vue du recueil des priviléges et reglements, de donner au plustost leurs noms et qualités.

Ledit syndic ayant laissé ses conclusions sur le bureau de Dom Cyclope, greffier en chef des Cervelles emouquées ou Ratiers, et la matière mise en deliberation, tout consideré, iceux Capitouls, Syndics et Jurais, après avoir applaudi au zèle dudit syndic Agoranome pour la propagation de l’Archiconfrerie, ont unanimement ordonné et ordonnent le recueil et publication desdits priviléges et reglements, à condition de n’y inserer que ceux que l’on voit authorisés et maintenus par l’exemple de quelqu’un des notables d’icelle archiconfrerie, et qu’au préalable l’original d’iceux soit omologué dans la chancellerie du père Aigremine, conservateur desdits priviléges, comme aussi que copies d’yceluy original, duement timbrées, soient portées aux bureaux ordinaires, et notamment rue des Agaches5, des Gauguiers6 et des Baudets à Sainct Andru7, à la place des jongleurs, à la fontaine aux Moucrons8, etc.

S’ensuivent les priviléges, tant communs que speciaux, de tous et un chacun des suppots de l’archiconfrerie des Cervelles emouquées ou Ratiers, et tout ensemble les reglemens jugez necessaires pour fortifier lesdites Cervelles contre tous abus, forfaitures et meschefs par lesquels elles pourroient deroger aux hauteurs et preeminences de l’archiconfrerie.

Prime. — Toutes Cervelles emouquées ou Ratiers ont, par especial, le privilege de la singularité du raisonnement, qui les garantit de la confusion de se voir jamais ravalés jusqu’au sens commun.

Item. — Icelle archiconfrerie a le droit de s’incorporer personnages de toute espèce, figure et profession, tant laïquale qu’ecclesiastique et monacale, ci : comme porte-robbes, porte-perucques, porte-estolle, porte-aulmusse, porte-sabots, porte-sandales, porte-corde, porte-capuce, porte-ferules et porte-barbe.

Item. — Nuls postulans ne peuvent estre admis qu’ils n’aient souffert toutes les eclipses de raison à ce suffisantes et pertinentes pour meriter le susdit privilége fondamental, à savoir la singularité du raisonnement.

Item. — Nul acte ecrit, avertissement ou autre pièce quelconque, ne sera approuvée par les superieurs et officiers majeurs de l’archiconfrerie s’il n’est original9 ou timbré.

Item. — Tous suppots d’icelle ont privilége, ès jours de jeûne et de carême, d’avaler hors du repas toute sorte de liquide, pourveu que toujours ils rejettent ce quy sera proposé de solide ; et, advenant le cas qu’aucun y veuille contredire ou pratiquer le contraire, iceluy sera condamné au tribunal de l’archiconfrerie, comme fauteur d’une morale rigoureuse pour lui-mesme.

Item. — Indulgence en faveur de tout agregé ecclesiastique qui dit precipitamment son breviaire, et mesme la messe, pourveu qu’il lise gravement le Mercure et la Gazette10.

Item. — Indulgence pour les maisons et communautés incorporées en icelle archiconfrerie qui jugeront de l’importance de leur estat et de la suffisance de leurs personnes par la grandeur de leurs robes, rabats et perruques, et regarderont comme vraie bienseance et gravité ce qui paroît à d’autres hauteur et pedenterie.

Item. — Indulgence pour tous religieux ou autres qui le matin, en vue de mieux passer la journée, seront attentifs à prendre l’eau bénite de l’archiconfrerie, c’est à savoir eau-de-vie, fenouillette11, ratafiat, rossoly12, etc.

Item. — Indulgence pour ceux et celles quy, à la place du Testament, liront avec foy le supplement de la Gazette de Hollande, comme l’evangile des archiconfrères.

Item. — Est permis aux eclesiastiques agregés de publier et debiter de faux brefs, sans crainte aucune de l’excommunication portée contre les falsificateurs de lettres apostoliques.

Item. — Droit de sauvegarde et protection en faveur d’iceux quy seroient grevés de la même peine pour avoir sçu, en matière spirituelle, decliner les juges d’eglises nonobstant toutes bulles et decrets à ce contraires.

Item. — Droit de franchise pour tous ceux qui tiendront estaminets13 et academies de jeu, surtout les dimanches et festes et pendant le service.

Item. — Indulgence au religieux confesseur quy, pour avoir l’œil sur sa devote, la menera le soir sous le bras à la promenade.

Item. — Indulgence pour tous ceux quy, n’estant en usage de chanter en leur eglise les louanges du Seigneur, chanteront sur le theatre celles de Bacchus ou autres divinités païennes, y feront sonner les violons et batront la mesure.

Item. — Indulgence en faveur des religieux quy, ne pouvant recevoir les honoraires pour la celebration de leurs messes, auront volonté respective de soy respecter et dedommager aux derniers sacrements, en se faisant constituer heritiers et legataires universels par testamens et codicilles, et mesme sans le secours d’icelles pièces, en emportant bources, bagues et joyaux.

Item. — Advenant qu’iceux religieux ne trouvent en icelles bources que des jetons au lieu de louis, iceux gagneront les pardons de l’ordre, à condition de ne plus se meprendre.

Item. — Indulgence pour tous monastères et communautés dont les caves, refectoires et maisons de campagne14 seront fournis de vin en abondance, à effect d’estre plus sobres ès maisons d’autruy.

Item. — Indulgence pour tous prieurs et autres superieurs de couvents quy supposent que leurs inferieurs sont en voyage, tandis qu’ils sont encore dans la ville à boire, manger, jouer, ripailler, le jour et la nuit.

Item. — Indulgence pour le religieux quy, voyant demoiselle soy retirer en abbaye pour y voiler et vouer sa virginité au Seigneur, luy suggerera le retour au siècle15 en vue de lui faire preferer l’alliance d’un homme à celle d’un Dieu.

Item. — Indulgence en faveur des religieux lesquels, ayant droit de dresser theatre pour le divertissement des archiconfrères, le dresseront en temps de caresme, et mesme de la passion, pour y donner farces avec dances et chansons bachiques16.

Item. — Privilége à iceux religieux d’employer pour ceste bonne œuvre les couronnes d’argent à eux leguées pour la decoration des autels et des images.

Item. — Iceux pères qui n’auront faculté de confesser leurs devotes dans les eglises les pourront confesser sous les moulins champestres.

Item. — Iceux, nonobstant les bulles qui leur defendent de negocier, sous peine d’excommunication, pourront s’engager dans quelque commerce non repugnant à l’exterieur de leur institut, si comme avec marchand de charbon, etc.

Item. — Advenant que parmi les confrères se trouve un ecclesiastique qui n’ose donner sa decision lorsqu’il sera consulté, iceluy sera regardé comme l’oracle de l’archiconfrerie.

Item. — Tous suppots d’icelle, tant ecclésiastiques et religieux, se contenteront, et pour eux-mêmes et pour l’utilité du prochain, de la science que les docteurs appellent science moyenne17, hoire et ayant cause du feu P. Molina18, guidon en la compagnie des porteferules.

Item. — Tous clercs et coutres19 ou beneficiers de paroisse et autres eglises, sans distinction ny exception quelconque, pourront, pendant le service divin, se rendre aux porteaux et sacristies d’icelles pour y apprendre ou debiter nouvelles et y juger le prochain.

Item. — Tout frère questeur et proviseur de couvent qui soy advancera de traicter des matières de doctrines les plus relevées dans les boutiques, parloirs et autres lieux, sera escouté de tous archiconfrères et consœurs ni plus ni moins qu’un lecteur de jubilé.

Item. — Pourront les dames et demoiselles agregées à l’archiconfrerie aller à la messe poudrées et parées ainsy comme au bal, comme aussi preferer les messes basses aux grandes, et surtout la dernière : le tout pour le plus d’edification du prochain.

Item. — Pourront lesdites archiconsœurs se poster par humilité à genoux sur des bancs ou chaises, et prendre sur leurs eventails le sujet de leurs meditations.

Tous ceux et celles qui, se trouvant ès eglises, y auront causé de nouvelles et d’affaires en attendant le prédicateur, pourront s’abandonner au sommeil pendant la predication.

Item. — Y doit avoir en lieux competens inquisiteurs secrets et censeurs des livres, pour interdire, suprimer, enlever et même decacheter tous livres pernicieux à l’archiconfrerie et defendus par icelle, si comme epitres, evangiles, ordinaires de la messe, etc.

Item. — Est loisible à tous laïques agregés quy se meslent de corriger ou reprendre ceux qui offencent le Seigneur d’appuier sa reprimande ou correction de moult maledictions et imprecations.

Item. — Ès lieux de public instruction où les maistres comme les disciples ne peuvent cacher aux clairvoyans l’insuffisance de leur doctrine, on pourvoira à l’honneur des escoles dans l’esprit du bourgeois et père de famille par l’appareil des thèses20 et tragedies, et par la beauté des bâtimens.

Item. — L’inscription d’iceux bâtimens designera ceux quy ont receu l’argent pour les construire, et nullement ceux qui l’ont donné.

Item. — Tout ecclesiastique meditant l’erection de communauté nouvelle ne prendra ailleurs qu’au bureau de l’archiconfrerie les bulles et patentes que les autres vont demander au pape et au prince.

Item. — Et ceux patriarches de nouvelle espèce pourront se faire baiser les piés, ny plus ny moins que le pape.

Item. — Advenant qu’aucuns catholiques se fourvoient jusqu’à manquer de respect pour l’archiconfrérie, iceux catholiques seront, par le seul faict, réputés chimatiques, et jansenistes, qui pis est ; voire meme, si metier est, pendus en effigie aux yeux des souffre-ferules.

Item. — Au cas qu’iceux catholiques allèguent, pour soy justifier, certains decrets des papes bien et dument approuvés ès saints conciles, suivis et omologués en toutes provinces catholiques, apostoliques et romaines, sera maintenu par les archiconfrères qu’iceux decrets ne sont munis de lettre de placet à ce necessaire de par l’archiconfrerie.

Item. — Tout confrère qui voudra montrer son courage envers iceux catholiques redoutera leur presence et ne pourra signaler sa bravoure que par la fuite.

Item. — Pour lesdits cas d’esclipse et desertion, iceux archiconfrères tiendront pour certain que le scandale peut être preferé au danger du raisonnement et la faveur des ignorans l’emporter sur l’exemple des sages.

Item. — Attendu que la science, si elle n’est science moyenne21, est le poison le plus funeste, comme est dit cy-dessus, à l’archiconfrerie, tous suppots et agregés d’icelle mettront en arrière les saints pères de l’eglise, en leur substituant les saints pères de la société, si comme abandonneront saint Augustin pour suivre Escobar et debusqueront saint Thomas22 pour subroger à ses droits le porteferule Francolin.

Item. — Nul archiconfrère ne manquera d’observer pour ses demarches et entreprises les phases de la lune, comme estant l’astre tutelaire de l’archiconfrerie, et feront eclater leur ferveur surtout au temps de la première sève et du renouvellement d’icelle, comme faisant les deux principales solemnitez des Cervelles emouquées ou Ratiers.

Item. — À eux permis de raper, prendre et donner tabac23 en leurs prières, messes et offices, pour eviter plus seurement les distractions.

Item. — Les directeurs et confesseurs agregés se proposeront soigneusement le bien des familles dans leur ministère.

Item. — Quiconque s’ingerera de blasmer iceux confesseurs, les accusant d’avarice, ou qui censurera leur intention à employer pour des visites les temps destinez à la prière, retraite et silence, sera deferé à l’archiconfrerie comme coupable de violer la charité du prochain.

Item. — Tout archiconfrère qui debource pour soy divertir florins, patacons24 et ducats, en ne donnant aux pauvres que la plus basse des espèces de monnoie, sera tenu pour aumonier.

Item. — Les predicateurs religieux prescheront eux-mêmes dans leurs eglises lorsqu’ils voudront critiquer les censeurs de leur morale ; mais ils choisiront des predicateurs estrangers pour en recevoir des eloges devant le public.

Item. — Tout religieux quy, se trouvant accompagné d’un sien frère ou convers, rencontrera un ecclesiastique, iceluy aura soin que le dit frère salue le premier l’ecclesiastique, afin que iceluy salue le premier le religieux.

Item. — Tout chasseur agregé prendra son mousquet pour tuer les souris, mais doit espargner les rats, comme animaux privilégiés par edits et patentes de l’archiconfrerie.

Collationné à l’original par moi,—–

Songecreux25.




1. C’est-à-dire émouchées, d’où l’on a chassé les mouches, les idées noires. Comme trace de l’existence de cette confrérie, nous n’avons trouvé que cette seule pièce, qui suffit du reste pour témoigner de l’esprit qui y présidoit. Quant au nom de ratiers, que se donnoient les membres, il est bon de dire qu’au XVIIe siècle ce mot s’entendoit pour un homme de folle gaîté, d’imagination plaisamment extravagante. L’expression avoir des rats, c’est-à-dire des idées folles, est restée. Elle avoit été consacrée sous la Régence par une chanson dont le refrain, encore connu, étoit :

Qui fontOui ce sont les rats
Qui font que vous ne dormez guères, etc…

et sur l’air de laquelle avoit été réglée la fameuse contredanse nommée, à cause d’elle, contredanse des Rats.

2. Ces mots de Capitouls et Jurats, qui n’appartiennent qu’aux municipalités du midi, de Toulouse, Bordeaux, etc., nous indiquent au moins, faute d’autres indications locales, dans quelle partie de la France se tenoient les assises de la folle confrérie.

3. Timbre, cloche. L’auteur joue sur les mots timbre, timbré, à cause de leur sens figuré, qui convenoit à son sujet.

4. Celui qui avoit le soin de la police des marchés. Il y avoit dix magistrats de ce nom à Athènes ; leurs fonctions correspondoient, pour la plupart des attributions, à celles des édiles curules chez les Romains.

5. Agaces, pies.

6. Lisez goguier, homme toujours de belle humeur, et en ses gogues, comme on lit en la 29e des Cent Nouvelles nouvelles, toujours goguelu, comme dit Rabelais, liv. 5, chap. 13.

7. Saint-André, petite ville du Bas-Languedoc, à peu de distance de Clermont, entre Montpellier et Lodève.

8. Moucherons.

9. Ce mot commençoit alors à s’employer pour désigner un homme ayant dans l’esprit quelque chose de ridicule et d’extravagant. (Dict. de Furetière.) V. aussi, sur cette expression, un article philologique de l’académicien Arnault, Revue de Paris, 1re série, t. 9, p. 187.

10. On eût pu trouver lecture plus attrayante, comme, par exemple, ces contes de haulte gresse, dont certain prêtre du XVIe siècle disoit en soupirant, après les avoir lus seulement deux ou trois fois : Que n’est-ce breviaire ?

11. Sorte d’eau-de-vie de fenouil, dont la meilleure se faisoit avec du fenouil de Florence.

12. Le rossoli se faisoit avec de l’eau-de-vie brûlée, du sucre et de la cannelle. Les Italiens de la cour de Marie de Médicis l’avoient mis à la mode. Le meilleur est celui dont le Dictionnaire de Trévoux donne la recette d’après Dionis. On l’appeloit rossoli du roy, parceque Louis XIV en usa pendant un temps considérable, et s’en trouva toujours fort bien.

13. Ce mot étoit alors bien nouveau chez nous. Il y étoit venu de la Flandre espagnole, où il désignoit une réunion, un cercle, une assemblée, de même que le mot estamiente, dont il étoit le dérivé. V. notre Histoire des Hôtelleries et Cabarets, t. 2, p. 166.

14. Pour se faire une idée de l’abondance gastronomique des villæ monastiques, il faut lire ce que dit, dans ses Mémoires, l’abbé Blache, des immenses provisions entassées dans les caves de Montlouis, alors maison de campagne du P. La Chaise, aujourd’hui le cimetière auquel le fameux jésuite a donné son nom. V. Revue rétrospect., 1re série, t. 1, et Journal des Débats, 8 juillet 1836.

15. Ce mot, d’où dérive directement l’adjectif séculier, se disoit pour monde en morale, par opposition à céleste et à spirituel. (Dict. de Trévoux.) — Cette expression étoit déjà employée au XVe siècle. « Celle bonne dame, lit-on au chapitre 25e du Livre du chevalier de la Tour-Landry, estoit jeune et avoit bien le cuer au siècle, et chantoist et dansoyt voulentiers. » (Édition elzevirienne, donnée par M. de Montaiglon, Paris, 1854, p. 55.)

16. On sait que, dans les colléges de jésuites, il étoit d’usage de donner, à certaines occasions, des représentations dramatiques, des tragédies, des comédies, même des opéras, puisque celui de Jonathas fut écrit par Carpentier pour le collége des jésuites de Paris. C’étoient les élèves qui jouoient et qui chantoient les rôles ; à chaque distribution, il y avoit un prix pour celui qui avoit le mieux fait son personnage. Le livre donné en récompense portoit cette mention : Alumnus ..... pro bene actam personam ..... præmium feret. Il en résulta que ces colléges de jésuites furent ce qu’est à peu près aujourd’hui notre Conservatoire. Une foule de bons chanteurs et de bons comédiens en sortirent, notamment Molière, Dancourt, Tribou de l’Opéra, et beaucoup d’autres dont les jésuites du collége de Clermont, à Paris, préparèrent la vocation, sauf à les faire excommunier lorsqu’ils prouvèrent trop bien qu’ils étoient leurs dignes élèves. — Il est dit ici que les religieux avoient droit de dresser théâtre, etc., et c’est à tort. La comédie n’étoit permise chez eux que par tolérance, en depit même de l’article 80 d’une ordonnance rendue à Blois en 1679, par laquelle toute espèce de comédies, même les petites représentations des bucoliques et des églogues, leur étoient interdites. Il est vrai que l’ordonnance ne fut jamais exécutée. On peut voir, sur ces spectacles des colléges, les Mémoires de Bassompierre, sous la date du lundi 7 septembre 1619 ; les Aventures de Francion, liv. 4 ; Lémontey, Hist. de la régence, t. 2, p. 350.

17. La science troisième ou moyenne, selon les théologiens, celle, disent-ils, par laquelle Dieu connoît ce que les anges et les hommes feroient en certains cas, en certaines circonstances, s’il avoit résolu de les y mettre.

18. Le fameux jésuite espagnol Louis Molina, dont le livre De la concorde de la grâce et du libre arbitre (Lisbonne, 1588, in-4) suscita les fameuses disputes sur la grâce et sur la prédestination. Molina, apôtre des Molinistes, étoit mort à Madrid le 12 octobre 1600.

19. Le coutre ou coustre étoit celui qui avoit le soin de sonner les cloches et qui étoit gardien (custos, d’où son nom) des clefs de l’église. V. Ménage, Hist. de Sablé, liv. 2, chap. 3.

20. On déployoit une très grande pompe pour la réception des docteurs en toutes sortes de sciences, médecine, théologie, etc. On peut voir par le Journal du voyage de Locke en France (18 mars 1676) que l’appareil dont Molière entoure la réception d’Argan comme docteur n’a rien d’exagéré. (Revue de Paris, 1re série, t. 14, p. 13–14.) La thèse si pompeusement soutenue étoit elle-même illustrée d’une magnifique gravure. Elle étoit toujours bonne à prendre pour l’image, comme dit Toinette du Malade imaginaire.

21. V. une des notes précédentes.

22. La lutte avoit d’abord eu lieu entre les dominicains Thomistes et les jésuites Molinistes, tant à cause du livre de Molina cité tout à l’heure qu’au sujet de ses Commentaires sur la première partie de la Somme de saint Thomas.

23. Les priseurs râpoient encore leur tabac à chaque prise. M. du Sommerard possédoit une de ces râpes-tabatières, sur laquelle le Sganarelle du Festin de Pierre étoit représenté frottant sur sa râpe la carotte de tabac, au moment où il entre en scène sur ces vers :

Quoi qu’en dise Aristote et sa docte cabale
Le tabac est divin, il n’est rien qui l’égale.

24. Ou patagon, monnoie d’argent qui de 48 sols finit par monter à 58. L’orthographe employée ici donneroit raison à Ménage, qui pense que ce mot venoit de patac, ancienne petite monnoie d’Avignon.

25. Nom de haute folie consacré par le livre de Gringore, les Contreditz de Songecreux ; par un passage de Rabelais (liv. 1er, ch. 20), et aussi par la Pronostication de maître Albert Songecreux Biscain (1527), fameux almanach dont a parlé H. Estienne au chapitre 39 de son Apologie pour Hérodote.