Projet de Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, présenté au comité de constitution, par M. Mounier.

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Projet de Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, présenté au comité de constitution, par M. Mounier.
Archives parlementaires de 1787 à 1860, Texte établi par MM. Mavidal, Laurent, Claveau, Pionnier, Lataste et Barbier, Paul DupontTome VIII : Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789 (p. 289-290).

Projet de déclaration des droits de l’homme et du citoyen, présenté au comité de constitution, par M. Mounier.


Nous, les représentants de la nation française, convoqués par le Roi, réunis en Assemblée nationale en vertu des pouvoirs qui nous ont été confiés par les citoyens de toutes les classes, chargés par eux spécialement de fixer la constitution de la France, et d’assurer la félicité publique, déclarons et établissons, par l’autorité de nos commettants, comme constitution de l’Empire français, les maximes et règles fondamentales et la forme de gouvernement telles qu’elles seront ci-après exprimées.

Art. 1er. La nature a fait les hommes libres et égaux en droits. Les distinctions sociales doivent donc être fondées sur l’utilité commune.

Art. 2. Tout gouvernement doit avoir pour but la félicité générale. Il existe pour l’intérêt de ceux qui sont gouvernés, et non de ceux qui gouvernent.

Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside dans la nation : nul corps, nul individu ne peut avoir d’autorité qui n’en émane expressément.

Art. 4. Le gouvernement doit protéger les droits et prescrire les devoirs. Il ne doit mettre au libre exercice des facultés humaines d’autres limites que celles qui sont évidemment nécessaires pour le bonheur public. Il doit surtout garantir les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes, tels que la liberté, la propriété, la sûreté, le soin de son honneur et de sa vie, la libre communication de ses pensées, la résistance à l’oppression.

Art. 5. C’est par des lois claires, précises et uniformes, que les droits doivent être protégés, les devoirs tracés, et les actions nuisibles punies.

Art. 6. Les lois ne peuvent être établies sans le consentement des citoyens ou de leurs représentants librement élus ; et c’est dans ce sens que la loi doit être l’expression de la volonté générale.

Art. 7. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Art. 8. Jamais la loi ne peut être invoquée pour des faits antérieurs à sa publication ; et si elle était rendue pour déterminer le jugement de ces faits antérieurs, elle serait oppressive et tyrannique.

Art. 9. Pour prévenir le despotisme et assurer l’empire de la loi, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire doivent être distincts, et ne peuvent être réunis.

Art. 10. Tous les individus doivent pouvoir recourir aux lois, et y trouver de prompts secours, pour tous les torts et injures qu’ils auraient soufferts dans leurs biens, dans leur personne ou dans leur honneur, ou pour les obstacles qu’ils éprouveraient dans l’exercice de leur liberté.

Art. 11. Nul ne peut être arrêté ou emprisonné qu’en vertu de la loi, avec les formes qu’elle a prescrites, et dans les cas qu’elle a prévus.

Art. 12. Les peines ne doivent point être arbitraires, mais déterminées par les lois, elles doivent être absolument semblables pour tous les citoyens, quels que soient leur rang et leur personne.

Art. 13. Chaque membre de la société, ayant droit à la protection de l’Etat, doit concourir à sa prospérité, et contribuer aux frais nécessaires dans la proportion de ses facultés et de ses biens, sans que nul puisse prétendre aucune faveur ou exemption, quel que soit son rang ou son emploi. Art. 14. Aucun homme ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses, pourvu qu’il se conforme aux lois, et ne trouble pas le culte public.

Art. 15. La liberté de la presse est le plus ferme appui de la liberté publique. Les lois doivent la maintenir et assurer la punition de ceux qui pourraient en abuser pour nuire aux droits d’autrui.

Art. 16. La force militaire, destinée à la défense de l’État, ne peut être employée au maintien de la tranquillité publique que sous les ordres de l’autorité civile.