Projets de trente fontaines pour l’embellissement de la ville de Paris/Planche VII

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PLANCHE VII.



FONTAINE DE LA PLACE BELLE-CHASSE.


L’immense et opulente partie de Paris qui s’étend de la rue du Bac au quinconce des Invalides, de la Seine au boulevard du Mont-Parnasse, n’a point encore de fontaine publique. L’autorité municipale ne peut manquer de doter bientôt ce quartier d’un monument hydraulique en rapport avec la richesse des hôtels privés dont il est meublé et de la haute noblesse qui l’habite. La place Belle-Chasse, vaste et régulière, m’a paru le lieu le plus convenable à l’érection d’un tel monument. La fontaine que j’ai projetée pour cet emplacement se compose d’un premier bassin circulaire élevé de deux marches, d’un second bassin au milieu duquel est un stylobate orné de douze bas-reliefs représentant les principaux événements de l’histoire de Paris et séparés les uns des autres par autant de pilastres. Sur ce stylobate, et au droit des pilastres, sont des figures d’Enfants pressant de leurs pieds la tête d’un monstre marin pour en faire jaillir de l’eau ; au centre, sur un plan reculé, s’élève un piédestal sur lequel sont groupées quatre figures allégoriques soutenant une cuvette d’où sort un jet bien nourri, qui, en retombant en nappe depuis la vasque jusqu’en bas, donne du pittoresque à la composition. Pour nourrir l’effet et le volume d’eau nécessaire à l’empâtement des parties inférieures, des Dauphins, placés aux angles du piédestal, lancent des jets sur la plate-forme du stylobate. L’augmentation du fluide qui en résulte suffira, je pense, à l’objet que je me suis proposé ; toutefois, si, à l’exécution, il était nécessaire de le rendre encore plus abondant pour alimenter convenablement la cascade du bas, il serait facile d’y arriver, sans surcharger la composition, par des jets non apparents.




FONTAINE RÉSERVOIR.


Ainsi que je l’ai dit ailleurs, il faut s’abstenir autant qu’il est possible d’employer les ordres d’architecture dans la composition où la décoration des fontaines ; leur gravité, leur sévérité convient peu à de tels monuments, dont l’effet doit être tout de mouvement. S’il est des cas où il est permis d’en faire usage, c’est lorsqu’on peut les animer par un grand volume d’eau, comme le sont, à Rome, la fontaine Pauline à San Pietro in Montorio, bâtie par Jean Fontana, et celle de Ponte Sisto, par Dominique Fontana, ou lorsqu’il s’agit uniquement d’un château réservoir. C’est à ce dernier usage que serait destiné ce monument, projeté en remplacement de celui de la rue Saint-Louis au Marais que les alignements doivent faire disparaître.

Il est composé de manière à servir à la fois de réservoir et de fontaine. Une ordonnance de quatre colonnes corinthiennes, avec entablement, fronton et attique, en forme la principale masse ; sur le fronton sont placées les statues de la Seine et de la Marne ; et, à l’aplomb de chacune des colonnes, quatre figures de moindre dimension, qui, par divers attributs, caractériseraient les ruisseaux dont les eaux viennent se perdre dans les deux rivières nommées. L’attique reçoit la dédicace du monument. Toute cette partie de l’édifice constitue ce qu’on peut nommer le réservoir ; la partie hydraulique, à l’usage du public, est placée dans la grande niche circulaire établie entre les deux colonnes du milieu. Deux coupes superposées, étagées de grandeur, et du centre desquelles part un jet-d’eau abondant, forment une espèce de girandole ou lustre aquatique, dont l’eau vient se rendre dans un bassin principal placé en avant de l’édifice. Entre les bases des colonnes sont des mascarons lançant de l’eau ; au-dessus, dans l’entre-colonnement, sont des niches carrées où l’on pourrait placer, de ronde-bosse, des imitations des figures qui décorent les entre-pilastres de la fontaine des Nymphes de J. Goujon, et, plus haut, des copies de deux des bas-reliefs du même artiste, que le besoin de leur conservation a obligé de retirer de dessous la nappe d’eau sous laquelle ils se trouvaient, lorsque le canal de l’Ourcq est venu alimenter sa fontaine. Le tympan du fronton serait décoré de coquilles, de plantes marines ; autour de l’archivolte, au lieu de ces figures de Renommée consacrées par l’usage, je voudrais des figures d’animaux marins fantastiques ; la clef recevrait pour ornements des écailles de poissons, et le centre supérieur du cul-de-four de la niche des tiges et des feuilles de plantes aquatiques, afin de rappeler, par tous ces accessoires, l’objet du monument et lui donner un caractère déterminé.




FONTAINE DE LA PLAGE DU PALAIS DE JUSTICE.


Dans l’introduction de ce recueil, j’ai signalé, comme je le devais, le mérite des fontaines de Rome, parce qu’en effet elles sont généralement, par leur aspect, dignes de leur célébrité ; mais je crois cependant quelles tirent davantage leur mérite du volume d’eau qui les alimente que de leur composition artistique. À l’appui de cette opinion, tout erronée qu’elle puisse paraître aux yeux des enthousiastes, je donne sur cette planche le dessin de l’une des fontaines hydrauliques de Rome, dont la renommée est européenne, celle de la place de Saint-Pierre. Cette fontaine, répétée de chaque côté de l’obélisque antique élevé par Fontana, devant le portail de la basilique, est du dessin de Ch. Maderne. La sommité du jet principal est à 64 pieds au-dessus du sol de la place, l’eau est reçue dans une vasque, ou bassin de granit, de 49 pieds de circonférence, élevé sur un grand piédouche. Elle est alimentée par l’aquéduc antique de Trajan restauré par Paul V.