Promenade d’un Français en Suède et en Norvège/26

La bibliothèque libre.



__________


Retour en Suède. — Copenhague.



Plus de six mois s’étaient écoulés depuis que j’avais quitté la Suède par la Laponie du Jämtland. Dans cet intervalle la crainte de la disette avait excité quelque fermentation, un cri (très-édifiant à mon avis) s’était fait entendre d’un bout du royaume à l’autre : c’était du pain, du pain, point de brandevin... point de brandevin. Comment une telle exclamation a jamais pu sortir d’un gosier Suédois, voilà qui n’est pas facile à comprendre. Dans des circonstances pareilles, Gustave III, perdit sa rhétorique, et ne put jamais persuader les gens qu’il était encore plus nécessaire de faire du pain avec le blé, que d’en faire de l’eau de vie. Les magistrats des villes représentèrent humblement à sa Majesté, que sans doute il était nécessaire de manger, mais que sous un climat aussi rude, il l’était encore plus de boire.

J'ai lu toutes les représentations de ce temps, certainement le roi avait bien raison, mais on ne voulut pas le croire, et il y eut presque une révolte a ce sujet. Dans ce moment, c’était fort différent, le peuple se révoltait pour empêcher de distiller de l’eau de vie, et, semblait vouloir forcer le gouvernement à l’empêcher. C’était un cas vraiment étrange ; l’exemple de Gustave III, avait (j'imagine) seul prévenu la prohibition de distiller de l’eau de vie. On tergiversait, on tâtonnait, et ne voilà-t-il que les gens se révoltent pour avoir ce qu’on désirait ordonner, mais ce qu’on craignait de faire. On s’est fait prier quelque temps ; on a fait rentrer tout le monde dans l’ordre, et on a accordé gracieusement ce qui eût fait crier bien autrement, si on l’avait ordonné, sans qu’on l’eût demandé.

La disette avait réellement été cruelle, et pour y mettre le comble la gelée, venue de très-bonne heure, avait empêché de pouvoir profiter de la visite amicale que les harengs font annuellement à la côte ; la détresse était grande, et cette circonstance put fort bien contribuer à me faire paraître cette pauvre province, de Bohus-lane, encore plus misérable. Il est sûr que jamais contraste ne fut plus frappant. Du côté de la Norvège les maisons des paysans ont un air d’aisance dont celles de l’autre côté du Swinesund sont bien loin ; la terre il est sûr, n’est pas à beaucoup près si fertile, et les habitans sont plus nombreux, mais c’est remarquable et affligeant.

Près de Strömstadt, on voit un monument des anciens Goths que les gens du pays appellent Kiempers sten (pierre des héros ou géans) ce sont 150 pierres rangées en cercle dans la forme d’un vaisseau : aux bouts, il y en a deux qui peuvent avoir quinze pieds de haut. On est fort indécis sur l’usage, ou l’origine de ce monument : l’opinion la plus générale, est que c’était un de ces tribunaux (Ting) dont j’ai déjà eu plusieurs fois occasion de parler ; le nombre de pierres me parait beaucoup trop considérable pour cet usage, et tout franchement je ne peux guères concevoir, à quoi il pouvait servir.

La ville de Strömstadt est dans tous les temps un assez pauvre endroit, mais cette année le manque de harengs et le froid excessif en faisait un lieu de désolation. Les huitres, qu’on pouvait arracher des rochers, étaient cependant délicieuses malgré la gelée. C’est cette côte qui fournit d’huîtres, les villes de Copenhague et même de Hambourg ; on les transporte par terre dans l’intérieur de la Suède jusqu’à Stockholm et Pétersbourg, où elles arrivent gelées. Si dans un port de mer, en France ou en Angleterre on proposait aux-gens une huitre dégelée, ce serait un cadeau dont ils ne se soucieraient guères. Dans les villes éloignées des côtes, on aime la marée un peu faite : j’ai entendu demander à Stockholm si les huitres avaient beaucoup d’odeur, et paraître les préférer telles, on m’a assuré que c’est de même à Petersbourg.

Je reçus l’hospitalité à Tanum dans la famille aimable du prêtre Brunius. Malade comme je l’étais, je me pressais de me rendre dans un endroit ou je pourrais trouver des secours et je n’eus jamais l’idée de penser que le meilleur des rémèdes eut été le repos. J’étais si près de l’en. droit où je devais m’arrêter que je m’efforçais d’y arriver ; mais quand on est excédé de fatigue un pas de plus est bien difficile.

Je m’arrêtai encore à Uddewalla. Cette ville est florissante et fait un commerce considérable avec Nantes : mais ces maudits harengs désolaient toute la côte. Je pris donc mon parti et avec une vitesse prodigieuse je franchis les dix milles qui séparent cette ville de Gothenbourg. Ce fut avec un véritable plaisir que je reconnus les bords de la Götha vis-à-vis le village d’Ed, où j’avais été en 1793, en me rendant à Trolhätta. La cascade au milieu des glaces et de la neige était encore fort belle : je suivis delà les bords du fleuve, jusqu’à Konghell, dont j’ai parlé p. 34 de la première partie.

Là, je traversai la Götlia sur la glace et j’arrivai enfin à Gothenbourg. C’était sur-tout dans dans cette ville que l’émeute contre les distilleries avait été plus violente ; on avait cassé les vitres d’un distillateur, le gouverneur avait été insulté, mais au surplus, tout s’était passé sans mort d’hommes.

Il devait vraiment paraître étrange d’entendre les gens crier point de brandevin, point de brandevin et cependant forcer les magasins d’eau de vie et ne cesser de crier point de brandevin qu’ils ne fussent complètement ivres.

Le gouvernement se montra dans cette occasion avec sagesse et fermeté ; il ne voulut point céder aux cris de la populace, mais quand tout fut soumis il dut sans doute regarder comme très-heureux que le peuple eût demandé lui-même cette prohibition.

Les besoins de l’état exigeant que la diète s’assemblât, il était impossible de prendre un moment plus favorable que celui, où le gouvernement français tiré des mains des agitateurs, assurait les nations qu’il ne se mêlerait pas de leurs affaires. On prit aussi des précautions de sûreté dans les provinces, en ordonnant aux officiers de rejoindre leurs corps, on sembla prendre en tout, le contre pied des mesures du rassemblement des états-généraux en France ; aussi le succès a-t-il été la conséquence des mesures sages qu’on avait prises.

Il y avait plus de dix-huit mois que j’avais quitté Gothenbourg : je ne pus pas remarquer de changement bien considérable, tout se faisait comme avant. À voir le luxe qui règne dans cette ville, on ne croirait pas qu’il y a vingt-cinq ans, on y vivait, comme dans certains endroits de la Norvège. Les dames restaient chez elles, et servaient la compagnie ; on n’y voyait pas plus de trois voitures, et l’on voyait sur les marchepieds de beaux anges dorés.[1]

Après six semaines de repos, sans être parfaitement rétabli, je me trouvai du moins en état de me rendre à Copenhague pour y commencer l’impression des ouvrages que j’avais promis de publier, et mettre en ordre les notes de ma longue et fatigante promenade.

On était au mois d’avril et le dégel commençait à paraître, ce n’était pas ce qui pouvait rendre le voyage plus facile. Les petites villes, et le pays que l’on traverse pour se rendre à Helsingbourg sont peu intéressans. La ville d’Halmstadt seule, paraît assez florissante mais toutes les autres sont bien peu de chose. Cette province, la Halland, a souvent été le theâtre de guerres et de batailles sanglantes entre les Suédois et les Danois. La forteresse de Warberg qui est assez joliment située près la petite ville de ce nom, a été attaquée, prise et reprise nombre de fois. Heureusernent toutes ces querelles Ont cessé, depuis que les Scanies sont réunies à la Suède.

Je me trouvai enfin à Helsingbourg, et après m’être soumis a toutes les tracasseries et à toutes les impositions d’usage en cet endroit, je me disposai à traverser le Sund, malgré les glaces qui l’obstruaient encore ; j’eus bientôt atteint la côte voisine d’Elsenöre, où les tracasseries ne sont guères moindres ; il semblerait que les deux côtés s’entendent pour grappiller sur le voyageur. De toutes les petites taxes, les deux qui me choquent le plus, sont 4 shillings suédois (8 sous tournois) à Helsingbourg pour le commandant et 16 shillings danois (12 sous tournois) à Elsenöre pour le président de la ville. On est accoutumé à cela dans ces villes, et cela paraît tout simple, mais un étranger qui n'y est pas fait, doit naturellement penser que c’est petit et vilain.

Je n’ose pas trop m’arrêter sur ce passage ; tant de gens en ont parlé... Dans ce moment même il me tombe entre les mains, un livre anglais sur la Russie, où l’auteur dit en parlant du Sund, qu’on a apparemment nommé ainsi ce détroit parce que les pilotes sont obligés de jetter la Sonde pour y passer. Voilà ce qui s’appelle une jolie étymologie.[2]

Il serait fort à souhaiter que les écrivains anglais se donnassent la peine d’apprendre les langues du Nord, d’où la leur est dérivée ; ils éviteraient des méprises souvent bien grossières. Je suis convaincu ne si le docteur Johnston les eut connues, son dictionnaire n’eût pas été moitié si gros, et qu’il ne se fût pas si cruellement fatigué à chercher des dérivaisons dans le grec, l’hebreu, le syriaque, le caldéen etc. etc.

J'ai vu dans l’histoire d’Écosse par M. Pinkerton, une méprise qui lui fait tirer des conclusions toutes opposées au véritable sens. Il dit p. 147 que l’appellation de husbond qu’avaient autrefois les fermiers écossais, semble indiquer qu’ils étaient considérés comme esclaves et attachés à la maison de leur seigneur. Cependant Husbond dans les langues du Nord, d’où l’écossais est venu, veut dire maître, et vient, à ce que je présume, d’hus Boende, demeurant dans la maison. Je ne cite cet article de M. Pinckerton, chez qui j’ai bien vu une douzaine de méprise de ce genre, que parce qu’il en tire des conclusions point fondées. Bound, veut dire lié en Anglais, mais Bound aussi signifie constipé. En français, l’écluse d’un étang ou même le bouchon d’un tonneau, s’apellent aussi bonde.

La forteresse de Cronenbourg à Elsenöre est en bon état : les ouvrages sont fort considérables, et les batteries bien entretenues. L’ancien palais, qui est dans son enceinte gênerait fort en cas de siège et serait bientôt détruit par le feu de l’ennemi. Toutes les nations de l’Europe, ont consenties à payer des droits en passant le Sund, et la saluer la forteresse, qui doit rendre le même nombre de coups de canons. Il y a toujours dans le détroit plusieurs vaisseaux de guerre danois, pour forcer les navires à amener. Ce droit est fort ancien : dans un temps le Dannemarck a pu l’exiger de force. À présent c’est comme une espèce de redevance pour les fanaux que ce royaume est obligé d’entretenir sur les écueils. La ville d'Elsenöre, est très-commerçante ; on y voit des gens de toutes les nations et beaucoup de mouvement.

Les voyages et le changement de lieu amusent un temps, peu-à-peu on s’en lasse, et lorsque la santé souffre, ils deviennent insupportables Telle était presque alors ma situation, je voulais arriver, et cesser enfin d’être toujours en l’air. Je partis donc le lendemain pour Copenhague ; depuis un an j’avais visité tant de petites villes, que je me crus presque perdu dans cette capitale. Copenhague est vraiment une fort belle ville ; comme tous les établissemens publics de la Monarchie Danoise y sont renfermés, cela y jette une affluence considérable de monde et de richesses.

Je fus bien aise d’examiner ici la machine du gouvernement, dont j’avais vu les ressorts en Norvège. Quoique tout ait l’air de se faire par la volonté seule du roi, depuis cent ans et plus la machine est montée de manière que ce qui s’est fait hier, se fera demain ; jamais le caprice n’a eu moins à faire ; jamais aucun changement subit ne peut avoir lieu, que parmi les gouvernans, mais en aucune manière dans le gouvernement. Il n’y a point d’états, point de diette, mais cependant quand le gouvernement veut obtenir quelques impots, faire quelque opération, on consulte long-temps avant, on tatonne, on caresse le peuple en public, les grands et les riches en particulier et quand tout le monde est content, on publie enfin le placat, (l’ordonnance) qui a son plein effet.

Cette remarque de Goldsmith est parfaitement juste, on ne peut se le dissimuler ; « j’ai trouvé, » fait il dire à son philosophe vagabond, au retour de ses voyages dans le vicaire de Wackefield, « que les Républiques étaient ce qu’il y avait de mieux pour les riches, et les Monarchies pour les pauvres. » En effet les riches seuls à la longue, ont de la prépondérance dans une république, tant démocratique qu’elle puisse être, et le peuple sous mille prétexte, y est toujours écrasé par les guerres et par les impôts ; dans une monarchie absolue au contraire, le gouvernement ménage le peuple et pèse sur les grands.

Il n’est assurément aucun pays, où cette vérité puisse mieux se faire voir ; on n’a rien à y craindre de l’abus de pouvoir des grands, mais, comme tout en ce monde à le pour et le contre, les ménagemens que l’on a pour le peuple, l’ont rendu avide, grossier, et fainéant. Qu’on examine les traits de tous les gens du commun en Dannemarck, on peut voir sur leur figure l’habitude de quereller. La police se fait négligement, les prix fixes des denrées de première nécessité, ne sont jamais suivis, les rues ne sont point nettoyées, et tout cela pour plaire au peuple, qui se plait dans ces légers désordres.

Sous cette forme de gouvernement, il est une classe de la société qui devient très intéressante, et dont les mœurs, sous un gouvernement réputé plus libre, sont ordinairement beaucoup plus corrompues. Je veus parler de la classe mitoyenne, qui à mesure que les grands s'appauvrissent et que la populace s’abrutit, acquiert des richesses et des lumières. L’urbanité, la bonhomie ne regnèrent peut-être jamais plus que dans la classe des riches négocians et bourgeois de Copenhague. Il suffirait presque à un étranger de visiter les cimetières, pour penser que les mœurs doivent être douces. Toutes les tombes des gens aisés sont ornées, garnies de fleurs et d’arbrisseaux rares, que l’on cultive avec soin : on ne voit pas souvent la même chose dans les campagnes.....

J’ose à peine dire un mot de plus sur ce sujet ; l'habitude de voir et réexaminer me fait dire des choses, qui auront l’air de paradoxes pour le grand nombre. Je n’ai l’intention ni de flatter, ni d'offenser ; si la nature d’un gouvernement comme celui du Dannemarck, lui permettait d’agir avec plus de vigueur pour le maintien de la police, sur les basses classes du peuples, ce serait sans doute, celui sous lequel on pourrait espérer de couler des jours plus heureux et plus tranquilles.

Le roi ne sort jamais cependant, sans être précédé d’un homme à cheval, qui a un petit fusil sur l’arçon de la selle ; on regarde cela comme une image de sa souveraineté, et de son droit de vie et de mort ; tous les ans on célèbre l’anniversaire du jour où le roi a acquis ce droit. Le bonheur dont le Dannemarck a joui depuis cette époque, mérite bien qu’on s’en rappelle. Quoique le Dannemarck soit en paix, on peut presque dire, depuis plus de cent ans[3], les arsenaux, les magasins de guerre sont dans un état admirable et parfaitement fournis. On voit dans le port, une trentaine de vaisseaux de guerre, que l’on pourrait armer en peu de temps ; tous les ans d’ailleurs, il y a des fonds appliqués pour la construction d’un nouveau vaisseau.

Trois ou quatre mille matelots ou ouvriers, sont tous les jours occupés à réparer et à bâtir : Il est vrai qu’ils perdent au moins une heure par jour, à tailler le bois dont ils se chargent en quittant le chantier ; le gouvernement, suivant le principe que j’ai déjà avancé, croit devoir fermer les yeux, sur cette déprédation qui est certainement très-couteuse.

La bibliothèque royale est très-nombreuse et a échappé connue par miracle, à l'incendie du palais, arrivé il y a quelques années, et qu'on n’a pas encore pensé à réparer. Entre les murailles, on a permis à quelques familles pauvres d’y bâtir des baraques, où elles se logent.

L’économie la plus sévère, règne a la cour, et c’est cette économie qui n’a pas permis de réparer le palais : on voit aussi les murailles d’une superbe église, commencée sous l’autre règne, et dont on à suspendu le s travaux depuis long-temps. Dans le fait, avant de placer en édifices des sommes considérables, il est bon de voir l’assiette que prendra l’Europe, et s’il ne sera pas plus à propos de les employer à sa défense.

Les joyaux de la couronne sont d’une beauté et d’une richesse surprenante. Les cabinets et les museum, sont remplis de choses rares et intérressantes.

Les troupes nationales, c’est-à-dire les paysans enrolés de la Séelande, viennent deux fois par an exercer devant la cour, au printemps et à l’automne. Ces gens qui ont l’air si patauds, quand ils arrivent, se dégourdissent en troupe et au bout de la quinzaine, font l’exercice comme de vieilles troupes. Il est vrai, qu’ils vont tous les jours à la manœuvre, depuis cinq heures du matin jusqu’à deux heures après midi.

La compagnie des Indes est très florissante et envoie nombre de vaisseaux à la Chine ; en général le commerce fait de très bonnes affaires.

La cour se tient en été à Frédéricksberg, qui est près de la ville et dans une situation charmante. Ce palais, est situé sur une hauteur qui domine la ville et le pays d’alentour. Cette colline n’a pas 100 pieds de haut et est a peu-près la montagne la plus haute de la Séelande. A un demi-mille de la ville on trouve cependant un pays charmant, et joliment coupé de vallons et de bois.

Vers le mois de juillet il y a une foire dans le parc, qui est à un mille de la ville. C’est vraiment un des plus beaux lieux qu’on puisse voir. Il n’est pas une âme à Copenhague qui n’y aille au moins sept ou huit fois, pendant les trois semaines que la foire dure ; chaque famille d’artisans porte des provisions avec soi, et s’établit tranquillement sous un hêtre pour les manger. Dans aucun pays on ne peut voir les gens s’amuser plus tranquillement, et cependant paraître plus occupés de leur affaire.

Les préjugés nationaux contre la Suède, existent encore ; cependant des gens de lettres et vraiment philanthropes, ont enfin senti combien les deux peuples avaient de droits à l’estime l’un de l’autre, et ont établi une société appellée scandinavique, où la littérature dans les deux langues est reçue et examinée. Il est facheux qu’un établissement pareil n’ait pas eu lieu il y a deux ou trois siècles, les deux langues n’en feraient qu'une à présent : les animosités nationales, qui sont si longues à déraciner. n’existeraient pas plus qu’entre un état de l’Allemagne et le voisin. M. de Hauch grand maréchal de la cour, homme dont l'aménitë est égale à l’instruction, voulut bien me présenter à cette société. Je fus très flatté, que comme l’ami des deux peuples, on voulut bien me recevoir dans une société qui tendait à les rapprocher.

Quand j’eus à -peu-près vu tout, je songeai à l’affaire qui m’avait amené à Copenhague. On n’imaginerait pas que pour trouver un imprimeur, il faille aller chercher un danseur à la comédie ; c’est la vérité pourtant. Il n’est aucun de ces messieurs, qui ne fasse quatre ou cinq métiers fort disparates. Quand on voit des factotums pareils, être en même temps aussi engourdis que des torpilles, est-il donc étonnant qu’ils ne fassent rien qui vaille ? Quand serat-t-on donc bien persuadé, que pour réussir, il faut se tenir à une seule branche et même encore la diviser et ne s’occuper que d’une partie, ainsi que les anglais sont accoutumés a faire.

Tous les artisans de Copenhague se dispersent le soir, et vont fumer leur pipe au club : je m’attendais bien a trouver cela, après ce que j’avais vu en Norvège.

La colonie hollandaise, que Christian IV établit dans l'île d'Amack, est aujourd'hui très florissante ; cette petite île, qui forme presqu’un faux-bourg de Copenhague, est parfaitement cultivée et fournit la ville de légumes, que les danois ne savent pas encore soigner comme il faut. Les Amakois ont conservé leur ancien habillement qui est sans contredit pour homme et femme des plus laids ; l’été comme l’hiver on voit les femmes. habillées dans une peau de mouton et affublées d’un paqueténorme de jupons en outre d'un mouchoir sur la bouche et sur le nez. Les hommes sont fourrés dans une grande culotte hollandais ; mais après tout, ces gens sont très industrieux et ont fait de la vilaine île qu’on leur a donné, sinon un joli endroit, au moins un potager excellent.

__________


  1. Les détails du Voyage des deux Français dans le Nord sur cette ville sont assez exacts, il n’y a que les caleçons de flanelle, que ces messieurs assurent que les dames portent, que je n’aye pas pu vérifier. Ces messieurs ont sans doute été plus heureux, mais il n’est pas bien d’être indiscret comme cela ; on leur garde rancune à Gothenbourg.
  2. Sund dans les langues du Nord veut dire détroit : on join toujours ce mot au nom ; le véritable nom du Sund, est Öre et l’on dit Öre-sund.
  3. L'expédition de 1789, a duré si peu de temps qu’on ne peut pas l’appeler une guerre.