Aller au contenu

Prose et Vers/La reine Rosemonde

La bibliothèque libre.
Prose et VersAlbert Messein (p. 92-93).

LA REINE ROSEMONDE

« Qui, parmi vous, a vu la reine Rosemonde
Qui levait sur nos fronts la clarté de ses mains ? »
Demandaient aux passants des paisibles chemins
Ceux dont rien ne retient la course vagabonde.

Elle ne viendra plus, la reine Rosemonde,
Pâle en ses cheveux roux qui lui frôlaient les reins,
Déposer sa couronne aux pieds des pèlerins
Qui lui troublaient le cœur des chants d’un autre monde.

Tes étendards en fuite, ô reine Rosemonde,
Ne mêlent plus aux soirs leurs pourpres et leurs ors ;
On n’entend plus hurler les meutes et les cors
Au plus lointain des bois ni sur les bords de l’onde.

Es-tu morte à jamais, ô reine Rosemonde,
Parmi tes chevaliers saignant sous le soleil,
Ou dors-tu, les yeux clos d’un magique sommeil,
Dans la plus haute tour du roi de Trébizonde ?


Est-elle belle encor, la reine Rosemonde,
Dans la simarre mauve à ceinture d’argent ?
Son regard où se mire un ciel d’azur changeant
Affole-t-il les gueux dont le fauve amour gronde ?

Gît-elle sous les fleurs, la reine Rosemonde,
Les feuilles et les fleurs, que dispersa l’hiver ?
Ses cheveux étaient d’or sous un cercle de fer
Et sa bouche semblait une pivoine ronde.

Hélas ! Elle n’est plus, la reine Rosemonde,
Qu’un vague mot volant sur le souffle des vieux
Alors qu’à la veillée, après les chants pieux,
Ils se disent les noms des rois morts à la ronde.

Et nul ne répond plus, ô reine Rosemonde,
Aux pâles pèlerins qui, se tordant les mains,
Demandent aux passants des champs et des chemins,
Quand l’hiver frappe au cœur de la terre profonde :

« Qui, parmi vous, a vu la Reine Rosemonde ? »