Proverbes dramatiques/L’Avocat chansonnier

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Proverbes dramatiquesLejaytome II (p. 105-130).


L’AVOCAT
CHANSONNIER.

VINGT-QUATRIEME PROVERBE.


PERSONNAGES.


M. DE LA BARRE, Avocat, en habit de campagne.
M. DE LA MOTTE, ami de M. de la Barre. Habit de velours noir, veste d’or, une épée & une canne.
Mad. POURSUIT, plaideuse. Robe noire, coëffée, avec une canne.
LA PIERRE, Laquais de M. de la Barre. En redingotte, petite perruque très-courte.


La Scène est dans le Cabinet de M. de la Barre.

Scène premiere.

M. DE LA BARRE, LA PIERRE.
M. DE LA BARRE, entrant.

N’est-il venu personne ?

LA PIERRE.

Non, Monsieur ; voilà seulement une lettre qu’on a apportée.

M. DE LA BARRE.

Ah, c’est de Dupuis. Décachetant la lettre. Qu’est-ce qu’il veut ? Il lit. Un caffé chez Madame Dourci ; je ne serois pas fâché d’en voir un. Qu’est-ce qui connoît Madame Dourci ?… Ah, Duval. Je m’en vais lui écrire. Il se met à écrire.

LA PIERRE.

Monsieur ne veut rien ?

M. DE LA BARRE.

Attendez. Il écrit.

LA PIERRE.

C’est que j’irois chercher la robe de chambre qui est chez le Dégraisseur.

M. DE LA BARRE.

Il est bien question de cela. Il écrit.

LA PIERRE.

Votre bonnet carré n’a plus de houpe ; elle est perdue.

M. DE LA BARRE.

Ecoutez-moi ; savez-vous où demeure Monsieur Duval ? Il cachete sa lettre.

LA PIERRE.

Monsieur Duval ?

M. DE LA BARRE.

Oui.

LA PIERRE.

Oh, oui, Monsieur, c’est un grand homme maigre.

M. DE LA BARRE.

Hé, non ; c’est Monsieur Duplessis que vous voulez dire.

LA PIERRE.

Ah, oui ; c’est que ces deux noms-là se ressemblent ; je les confonds toujours.

M. DE LA BARRE.

Hé bien, savez-vous à présent ?

LA PIERRE.

Ho, je trouverai bien.

M. DE LA BARRE.

N’est-ce pas dans le cloître…

LA PIERRE.

Des Cordeliers ?

M. DE LA BARRE.

Imbécile, vous voulez qu’il loge dans le cloître d’un Couvent. Non ; c’est dans le cloître… Un nom qui finit en a.

LA PIERRE.

Saint-Benoît ?

M. DE LA BARRE.

Non, Saint… Saint…

LA PIERRE.

Saint-Méry ?

M. DE LA BARRE.

Non, non, Saint…

LA PIERRE.

Notre-Dame ?

M. DE LA BARRE.

Non. Ah, c’est Saint-Honoré.

LA PIERRE.

Saint-Honoré ?

M. DE LA BARRE.

Oui.

LA PIERRE.

J’y ai été plus de cent fois ; c’est chez Monsieur ?

M. DE LA BARRE.

Monsieur Duval.

LA PIERRE.

Monsieur Duval ? Je n’y ai jamais été.

M. DE LA BARRE.

Cela ne fait rien. Portez-lui cela ; & ne revenez point sans réponse. Il lui donne la lettre.

LA PIERRE.

Oui, Monsieur. Il sort.

M. DE LA BARRE.

La Pierre, vous apprêterez mon habit de velours ciselé.

LA PIERRE.

Oui, Monsieur. Il s’en va.

M. DE LA BARRE.

La Pierre ?

LA PIERRE.

Monsieur ?

M. DE LA BARRE.

Et ma perruque neuve à boucles en roses ; vous savez bien ? passez chez le Perruquier.

LA PIERRE.

Oui, oui, Monsieur.

M. DE LA BARRE.

Parbleu, je serai charmé de voir un des Caffés de Madame Dourci.

LA PIERRE, revenant pour annoncer.

Monsieur de la Motte.

M. DE LA BARRE.

Quoi ! vous n’êtes pas encore parti ?

LA PIERRE.

Je m’en vais, je m’en vais.

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Scène II.

M. DE LA BARRE, M. DE LA MOTTE.
M. DE LA BARRE.

Ah, bon jour, la Motte.

M. DE LA MOTTE.

Hé bien, comment t’en va ?

M. DE LA BARRE.

Fort bien. Et toi, t’es-tu amusé à la campagne ?

M. DE LA MOTTE.

Oui, assez ; mais, ma foi, le mauvais temps nous a chassés.

M. DE LA BARRE.

Ah-ça, dis-moi un peu, où soupes-tu ce soir ?

M. DE LA MOTTE.

Moi ? Pourquoi cela ?

M. DE LA BARRE.

Mais, voyons ?

M. DE LA MOTTE.

Chez Madame Desglands.

M. DE LA BARRE.

Es-tu prié ?

M. DE LA MOTTE.

Oui, & voilà la cinquieme fois ; j’avois toujours refusé.

M. DE LA BARRE.

Hé bien, il faut que tu refuses encore.

M. DE LA MOTTE.

Mais j’ai accepté ; cela ne se peut pas.

M. DE LA BARRE.

Il faut manquer de parole.

M. DE LA MOTTE.

Je ne le peux pas, te dis-je.

M. DE LA BARRE.

Va donc t’excuser.

M. DE LA MOTTE.

Pourquoi cela ?

M. DE LA BARRE.

Parce que je veux absolument te mener souper quelque part, où tu seras bien aise d’aller.

M. DE LA MOTTE.

Mais encore, où cela ?

M. DE LA BARRE.

Chez Madame Dourcy.

M. DE LA MOTTE.

Je ne la connois pas.

M. DE LA BARRE.

C’est un Caffé.

M. DE LA MOTTE.

A un Caffé ?

M. DE LA BARRE.

Oui ; je n’en ai jamais vu : on dit que c’est charmant ; nous irons ensemble.

M. DE LA MOTTE.

Tu la connois donc ?

M. DE LA BARRE.

Non ; mais Duval est son ami de tous les temps. Je viens de lui écrire ; & sûrement il nous y mènera avec plaisir.

M. DE LA MOTTE.

J’aurois grande envie d’y aller.

M. DE LA BARRE.

Moi, cela me tourne la tête ; & je ne veux pas manquer cette occasion-ci.

M. DE LA MOTTE.

Mais, aimera-t-elle avoir comme cela deux inconnus, Madame Dourcy ?

M. DE LA BARRE.

Elle nous connoît tous les deux ; & il y a long-temps que je sais qu’elle desire que j’aille chez elle.

M. DE LA MOTTE.

C’est que Madame Desglands sera fâchée.

M. DE LA BARRE.

Tu y souperas un autre jour. Compare la différence qu’il y a ; d’être à un Caffé où l’on s’amuse, à souper froidement dans une maison, pour faire un Wisth le plus triste du monde.

M. DE LA MOTTE.

C’est vrai. Allons, je vais me dégager ; je lui dirai la raison tout simplement ; elle est bonne femme, elle y consentira.

M. DE LA BARRE.

A quelle heure seras-tu revenu ?

M. DE LA MOTTE.

Mais, à huit heures & demie. Voyons ta montre ; la mienne va bien.

Ils comparent leurs montres.
M. DE LA BARRE.

Elles vont de même.

M. DE LA MOTTE.

Me meneras-tu ? ou veux-tu que le te mene ?

M. DE LA BARRE.

Je te menerai. Il y a ici près des fiacres tant qu’on en veut.

M. DE LA MOTTE.

Allons, je serai bientôt ici. Il s’en va.

M. DE LA BARRE.

Ne perds pas de temps ; surement, nous nous amuserons.

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Scène III.

M. DE LA BARRE, LA PIERRE.
M. DE LA BARRE, regardant ses papiers.

Ma foi, je verrai cela une autre fois. Ah ! voilà la Pierre. Hé bien ?

LA PIERRE.

Monsieur, il n’y étoit pas.

M. DE LA BARRE.

Tu n’as point de réponse ?

LA PIERRE.

Monsieur, l’on m’a envoyé dans la rue… Attendez…

M. DE LA BARRE.

Et qu’est-ce que cela fait ?

LA PIERRE.

Enfin, je l’ai trouvé. Il jouoit ; il a lu votre lettre, & puis il a écrit.

M. DE LA BARRE.

Donne donc.

LA PIERRE.

C’est que c’est une si petite lettre, que tout le long du chemin j’ai eu peur de la perdre ; mais la voilà.

M. DE LA BARRE.

Voyons, voyons. Il lit. « Il ne m’est pas possible, mon cher de la Barre, de vous mener chez Madame Dourcy ; quelqu’un vous a desservi auprès d’elle ; car elle m’a parlé de vous avec humeur & dédain ; croyez que je ferai de mon mieux pour… hum, & une autre fois… hum. » Le diable l’emporte.

LA PIERRE.

Monsieur, je m’en vais apprêter votre habit de velours ciselé.

M. DE LA BARRE.

Je n’en ai que faire.

LA PIERRE.

Votre perruque à roses va arriver.

M. DE LA BARRE.

Allons, va-t-en, & laisse-moi.

LA PIERRE.

Le Perruquier a tout quitté pour vous… Oh, il vous aime bien.

M. DE LA BARRE.

Allons donc. Il le chasse.

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Scène IV.

M. DE LA BARRE, relisant la lettre de M. Duval.

Avec humeur & dédain ! C’est un peu fort, Madame Dourcy. Ah, parbleu… elle croit que je me soucie de son Caffé… Non sûrement, je n’irai pas… J’enrage… Je me vengerai où je ne pourrai. Il rêve… Oui, fort bien, Madame Dourcy, Madame Dourcy, vous vous repentirez de votre dédain. Un bon couplet… Voilà la meilleure idée du monde ; écrivons. Il se met à écrire en chantant. Prenons un air connu. Ah ! celui-ci Il n’est qu’un pas du mal au bien.

En chantant.

Chez Dourcy, tout plaît, tout engage,
On dit qu’elle sait tout charmer…

Elle ne peut pas se plaindre de cela. Riant.

Qu’on ne peut la voir sans l’aimer,
Qu’il est doux de lui rendre hommage !

Oh ; mais c’est de la louange toute pure. Il est difficile d’être méchant quand on veut. Ah ! ceci sera bon.

Que l’adorer est le vrai bien,
Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

A merveilles ! A merveilles ! Il se leve & se promene en chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Bien, bien !

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Il en faut faire un second. Il s’assied & il écrit en chantant.

Que de ses yeux le doux langage,
En faisant former mille vœux…

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Scène V.

M. DE LA BARRE, LA PIERRE.
LA PIERRE, annonçant.

Monsieur, Madame Poursuit.

M. DE LA BARRE, chantant.

Rendent l’Amant respectueux.

LA PIERRE.

Monsieur ?

M. DE LA BARRE.

Qu’est-ce que tu veux ?

LA PIERRE.

Madame Poursuit demande à vous parler.

M. DE LA BARRE, chantant.

Sans oser dire davantage.

LA PIERRE.

La laisserai-je entrer ?

M. DE LA BARRE.

Non, je suis en affaire.

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Scène VI.

M. DE LA BARRE, Mad. POURSUIT.
Mad. POURSUIT.

Oh, en affaire ! il n’y a point d’affaire qui tienne avant la mienne, Monsieur ; il faut que vous ayez la bonté de m’écouter.

M. DE LA BARRE, chante entre ses dents.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Qu’est ce que vous dites donc, Monsieur ?

M. DE LA BARRE.

Je dis que vous ayez la bonté de vous asseoir ; que votre Mémoire est fait ; qu’il est chez l’imprimeur, & qu’il faut que vous attendiez qu’il soit distribué, pour demander une audience ; voilà dans ce moment-ci, tout ce que vous avez à faire, & tout ce que je peux vous dire. Il reprend sa plume & chante tout bas en composant.

Mad. POURSUIT.

Monsieur, c’est un nouvel accident qui m’arrive ; on attaque mes mœurs, ma réputation.

M. DE LA BARRE, chantonnant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Mais Monsieur, vous n’en croyez rien, il faut pourtant bien que vous le croyiez ; puisque c’est vous qui me défendrez.

M. DE LA BARRE.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Comment, comment, vous n’en croyez rien ? Quoi, Monsieur, vous refuseriez de prendre la défense d’une femme malheureuse ? Cela seroit barbare.

M. DE LA BARRE.

Je vous demande pardon ; je ne vous dis pas cela. C’est une autre affaire que j’ai dans la tête, & pour laquelle je fais un Mémoire actuellement…

Mad. POURSUIT.

Mais la mienne est plus ancienne.

M. DE LA BARRE.

Oui, c’est vrai. Vous pouvez toujours parler.

Mad. POURSUIT.

Monsieur, vous connoissez tous mes procédés vis-à-vis de mon mari ; & tout le monde sait que je suis honnête femme.

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Comment donc ! vous en douteriez ?

M. DE LA BARRE.

Non, non, continuez.

Mad. POURSUIT.

Pendant dix ans que j’ai été avec mon mari, j’ai eu dix enfans dont il me reste quatre, & tous quatre sont de lui sûrement ; cependant…

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Monsieur, vous m’insultez.

M. DE LA BARRE.

Moi ? comment donc ?

Mad. POURSUIT.

Quoi, Monsieur, à tout ce que je vous dis, vous répondez toujours : je n’en crois rien.

M. DE LA BARRE.

Hé non, Madame ; ce n’est pas à vous, encore une fois ; ce sont des notes que je fais à un Mémoire.

Mad. POURSUIT.

Des notes, des notes ! Faites-en sur ce que je vous dis.

M. DE LA BARRE.

Ne vous inquiétez pas, continuez, je vous prie.

Mad. POURSUIT.

Mes enfans sont devenus grands ; & mon mari est mort.

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Mais, Monsieur, vous savez bien que je suis veuve ?

M. DE LA BARRE.

Veuve ? oui, oui.

Mad. POURSUIT.

Depuis que mon mari est mort, je ne puis plus tenir mes enfans dans le respect ; le plus grand, qui est majeur, m’accuse de l’avoir fait périr faute de secours.

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Mais vraiment, vous avez bien raison ; le pauvre homme ! Je l’aimois si tendrement ! Elle pleure.

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Cela est pourtant bien vrai, Monsieur.

M. DE LA BARRE, chantant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT.

Monsieur, on n’a jamais traité une honnête femme comme vous faites.

M. DE LA BARRE.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Mad. POURSUIT, en colere, se levant.

Vous m’insultez, Monsieur ; vous m’outragez ; je m’en plaindrai à Monsieur le Premier Président.

M. DE LA BARRE.

De quoi donc ?

Mad. POURSUIT.

C’est affreux à vous ! Une pauvre veuve ; oui, Monsieur, vous me rendrez tous mes papiers ; vous ne plaiderez plus pour moi.

M. DE LA BARRE.

A la bonne heure, Madame.

Mad. POURSUIT.

Il n’y a pas à dire à cela, je n’en crois rien ; je vais faire dresser une requête contre vous.

M. DE LA BARRE.

Faites, Madame, si vous pouvez.

Mad. POURSUIT.

Vous serez interdit. Elle s’en va.

M. DE LA BARRE.

Nous verrons.

Mad. POURSUIT, revenant.

Oui, Monsieur, interdit, interdit, je vous en réponds ; adieu, adieu. Elle s’en va.

M. DE LA BARRE.

La peste soit de la folle ! J’ai pensé ne pas pouvoir faire le dernier vers.

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Scène VII.

M. DE LA BARRE, M. DE LA MOTTE, LA PIERRE.
LA PIERRE, annonçant.

Monsieur de la Motte.

M. DE LA MOTTE.

Hé bien, allons-nous ?

M. DE LA BARRE.

Assied, assied-toi-là.

M. DE LA MOTTE.

Mais il est huit heures & demie ; n’est il pas temps ?

M. DE LA BARRE.

Ma foi, si tu veux que je te dise ; j’ai changé d’avis.

M. DE LA MOTTE.

Quoi, nous n’irons pas au Caffé ?

M. DE LA BARRE.

Non, je ne m’en soucie plus. Nous nous ennuirions sûrement là.

M. DE LA MOTTE.

Il ne falloit donc pas me faire dégager de Chez Madame Desglands.

M. DE LA BARRE.

Qu’est ce que cela fait ?

M. DE LA MOTTE.

Cela fait tout. Elle m’a laissée aller, à condition que je lui rendrois compte de tout ce que je verrois. Que veux tu que je lui dise ?

M. DE LA BARRE.

Ce que je vais te dire.

M. DE LA MOTTE.

Hé, quoi ?

M. DE LA BARRE.

Elle n’aime pas Madame Dourcy.

M. DE LA MOTTE.

C’est vrai.

M. DE LA BARRE.

Ni moi non plus ; c’est ce qui m’a fait changer d’avis.

M. DE LA MOTTE.

Mais il y a une heure que tu étois enchanté d’aller à son Caffé.

M. DE LA BARRE.

Oui ; mais j’ai fait bien des réflexions sur son Caffé & sur elle-même.

M. DE LA MOTTE.

Quelles réflexions ?

M. DE LA BARRE.

Elle est vaine ; & au lieu de lui faire ma cour, j’ai imaginé une chose excellente.

M. DE LA MOTTE.

Qu’est-ce que c’est ?

M. DE LA BARRE.

J’ai fait trois couplets sur elle.

M. DE LA MOTTE.

J’aimerois mieux voir son Caffé.

M. DE LA BARRE.

Bon, son Caffé ! Pense donc comme elle sera desespérée. Tiens, tiens, écoute. Il chante.

Chez Dourcy, tout plaît, tout engage.
On dit qu’elle sait tout charmer ;
Qu’on ne peut la voir sans l’aimer ;
Qu’il est doux de lui rendre hommage !

M. DE LA MOTTE.

Tu crois qu’elle sera désespérée de cela ?

M. DE LA BARRE.

Que l’adorer est le vrai bien.

M. DE LA MOTTE.

Mais c’est le plus honnête du monde.

M. DE LA BARRE.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

M. DE LA MOTTE.

Ah, j’entends. Mais elle ne t’a rien fait.

M. DE LA BARRE.

Je veux m’amuser ; écoute, écoute. Il chante.

Que de ses yeux le doux langage,
En faisant former mille vœux,
Rendent l’Amant respectueux,
Sans oser dire davantage ;
Que dans ses chaînes tout retient.
Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Ensemble.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

M. DE LA BARRE.

Voici le troisieme ; c’est toujours on dit :

Qu’elle est modeste, douce & sage,
Et qu’elle inspire la gaité,
Et que de la félicité,
Tout en elle montre l’image ;
Mais qu’elle craint un doux lien,
Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Ensemble.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

M. DE LA MOTTE.

Si tu m’en crois, tu ôteras son nom, & tu mettras Doris, Cloris.

M. DE LA BARRE.

Pourquoi ?

M. DE LA MOTTE.

On saura toujours que c’est elle ; on le lui dira.

M. DE LA BARRE.

Oui, quand le nom n’y est pas, on n’a rien à dire. Ne trouves-tu pas cette idée délicieuse ?

M. DE LA MOTTE.

Oui ; mais j’aimerois mieux aller à son Caffé.

M. DE LA BARRE.

Bon, cela doit être insipide, ennuyeux. Allons-nous-en plutôt chez Madame Desglands.

M. DE LA MOTTE.

J’y pensois.

M. DE LA BARRE.

Elle sera charmée de ma chanson, par le plaisir qu’elle se promettra, de la rage où sera Madame Dourcy.

M. DE LA MOTTE.

Sûrement, & elle la fera courir tout Paris.

M. DE LA BARRE.

Et quand on louera Madame Dourcy ; qu’on dira qu’elle est délicieuse, charmante ; tout le monde répondra ;

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.

Ensemble en s’en allant.

Je n’en crois rien,
Je n’en crois rien.


Fin du vingt-quatrieme Proverbe.
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Explication du Proverbe :

24. Il fait bon battre glorieux.