Proverbes dramatiques/Le Chien Jupiter

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Proverbes dramatiquesLejaytome V (p. 21-44).


LE CHIEN
JUPITER.

SOIXANTE-UNIEME PROVERBE.


PERSONNAGES.


M. DE SAINT-AURELE, robe-de-chambre brune à grandes fleurs, bonnet de nuit, pantoufles & mouchoir de col.
Mlle DE SAINT-AURELE, Fille de M. de. Saint-Aurele, en robe-de-chambre, tablier vert, & coëffée en petit bonnet.
M. DE VALBERT, habit rouge galonné, épée, & chapeau uni.
FLAMAND, Laquais de M. de Saint-Aurele, redingotte croisée à boutons plats, & petite perruque ronde.


La Scène est chez M. de Saint-Aurele, dans un sallon.

Scène premiere.

Mlle. De SAINT-AURELE, M. De VALBERT.
Mlle. De SAINT-AURELE.

Comprenez-vous bien ce que je vous dis ?

M. De VALBERT.

Oh, sûrement, je vous écoute avec attention.

Mlle. De SAINT-AURELE.

C’est que quelquefois vous êtes si distrait en écoutant…

M. De VALBERT.

Je vous jure que je ne pense qu’à vous, que je ne parle que de vous, & que je ne suis jamais occupé d’autre chose.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Oui, quand il ne le faut pas ; & je suis sûre que ce sont vos distractions qui auront appris à mon pere que nous nous aimons.

M. De VALBERT.

Oh, je ne suis plus distrait.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous ne l’êtes plus ?

M. De VALBERT.

Non, non, je me suis bien corrigé.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Oui, très bien ; en sortant hier de la maison où nous avons soupé, vous avez fait à Madame de Berly toutes les questions que vous me faites ordinairement, & toujours en l’appellant Mademoiselle.

M. De VALBERT.

Moi ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Je vous ai entendu lui parler de son pere, qui est mort il y a dix ans ; vous lui demandiez s’il sortiroit aujourd’hui.

M. De VALBERT.

Cela n’est pas possible.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Cela ne devroit pas être ; mais avec vous, cela n’est pas étonnant. Songez donc à tout ce que vous devez faire pour déterminer Madame votre mere à faire parler à mon pere ; car, comme je vous le répete, je suis persuadée qu’il songe très-sérieusement à me marier : & s’il s’entête une fois de quelque projet, vous pouvez compter que rien ne le fera changer de systême.

M. De VALBERT.

Vous croyez donc qu’il n’aura pas de répugnance à vous marier avec moi ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Non, à présent. Il y a huit jours cela auroit été différent ; votre procès n’étoit pas gagné, & votre fortune n’étoit pas assurée comme elle l’est actuellement.

M. De VALBERT.

Je ne vous en aimois pas moins, & ce ne seroit pas votre fortune qui me feroit changer de sentiment.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Je le crois ; mais ce n’est pas de ma fortune qu’il étoit question, c’étoit de la vôtre.

M. De VALBERT.

Ai-je dit autre chose ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Voilà ce que j’avois de pressé à vous dire, & c’est ce qui m’a fait desirer de vous voir ce soir, avant que mon père fût rentré.

M. De VALBERT.

Quoi ! vous n’avez pas autre chose à me dire ? Ah ! vous ne m’aimez plus !

Mlle. De SAINT-AURELE.

Mais je crois que vous êtes fou ?

M. De VALBERT.

Oui, je le suis, d’aimer une ingrate…

Mlle. De SAINT-AURELE.

Sûrement, vous plaisantez : où est l’ingratitude de vous presser de faire tout ce qu’il est possible, pour déterminer mon pere en votre faveur ?

M. De VALBERT.

Ah ! je vous demande pardon.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous voyez bien que j’avois raison de vous reprocher vos distractions ; puisque même dans ce moment-ci, vous… Mais qu’entends-je ? je crois que c’est mon pere qui rentre déjà.

M. De VALBERT.

Je vais m’en aller.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Et par où ? vous le rencontreriez sûrement. Ecoutez, je vais vous cacher dans ce cabinet…

M. De VALBERT.

C’est bien dit. (Il va pour y entrer.)

Mlle. De SAINT-AURELE.

Attendez donc, il ne viendra peut-être pas ici tout de suite : il se déshabille toujours de l’autre côté.

M. De VALBERT.

Eh bien, que faut-il que je fasse ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Quand il sera endormi, vous sortirez du cabinet.

M. De VALBERT.

Pour vous aller trouver dans votre chambre ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Non pas, s’il vous plaît, pour vous en aller chez vous.

M. De VALBERT.

Rien n’est plus aisé.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Oui, pour un autre ; mais pour vous…

M. De VALBERT.

Ne craignez rien.

Mlle. De SAINT-AURELE.

S’il éteint sa lumiere, vous ne trouverez jamais la porte, & vous ferez du bruit.

M. De VALBERT.

Oh, la porte, elle est à gauche. (Il montre à droite.)

Mlle. De SAINT-AURELE.

Oui, à gauche, de ce côté-là ?

M. De VALBERT.

Qu’est-ce que cela fait ? pourvu que je vous réponde de la trouver.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Mais je crains que vous ne fassiez du bruit, & que mon pere ne se réveille.

M. De VALBERT.

Eh bien, il croira que c’est son chien.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Et pourquoi voulez-vous qu’il le croie ?

M. De VALBERT.

C’est que je le contrefais à merveille.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous ?

M. De VALBERT.

Oui, vous ne vous souvenez pas qu’avec mon mouchoir je contrefaisois le bruit qu’il fait, quand, il se gratte la teigne qu’il a à l’oreille.

Mlle. De SAINT-AURELE.

C’est de Jupiter que vous voulez parler ?

M. De VALBERT.

Oui, voulez-vous que je vous montre ? (Il secoue son mouchoir.) Ecoutez, écoutez.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Eh non, non.

M. De VALBERT.

Vous ne voulez pas entendre ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Eh, Jupiter est mort il y a six mois.

M. De VALBERT.

Mais il en a un autre ; c’est la même chose.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Point du tout, Sultan ne se gratte pas. En vérité vous me faites trembler !

M. De VALBERT.

Soyez tranquille.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Je ne saurois l’être, & si mon père vient à découvrir que vous êtes ici, cela l’irritera contre nous deux, & détruira tous nos projets.

M. De VALBERT.

Ne craignez rien, je vous réponds de tout.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Ne sortez pas qu’il ne soit bien endormi.

M. De VALBERT.

Oui, oui.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Que lorsque vous l’entendrez ronfler. Je crois que le voilà qui vient ; entrez dans le cabinet. (M. de Valbert entre dans le cabinet.)

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Scène II.

Mlle. De SAINT-AURELE, M. De SAINT-AURELE, en robe-de-chambre & en bonnet de nuit, FLAMAND.
M. De SAINT-AURELE, toussant.

Flamand, vous n’oublierez donc pas demain matin, d’aller par-tout où je vous ai dit.

FLAMAND.

Oui, Monsieur.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Papa, vous êtes rentré de bonne-heure.

M. De SAINT-AURELE.

C’est que ce soir je ne me porte pas bien ; mon asthme me tourmente. (Il tousse.)

Mlle. De SAINT-AURELE.

Couchez-vous, au lieu de vous amuser à lire, comme vous faites toujours.

M. De SAINT-AURELE.

Je me garderai bien de me coucher ce soir.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Pourquoi donc ?

M. De SAINT-AURELE.

A cause de mon oppression qui augmenteroit encore ; je vais me mettre sur ma chaise longue. (Il tousse.)

Mlle. De SAINT-AURELE.

C’est bien cruel de souffrir comme cela.

M. De SAINT-AURELE.

Que veux-tu, mon enfant, il faut bien vouloir ce qu’on ne peut empêcher.

Mlle. De SAINT-AURELE.

C’est que vous serez mal à votre aise, & que vous ne pourrez pas dormir.

M. De SAINT-AURELE.

Je lirai.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Oui ; mais cela vous échauffe. Ah ! papa, ne lisez pas ce soir.

M. De SAINT-AURELE.

Mais c’est que je m’ennuierai.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous dormirez.

M. De SAINT-AURELE.

Je le voudrois bien. Flamand, vous irez chez mon Notaire, savoir s’il sera chez lui à midi, demain.

FLAMAND.

Oui, Monsieur.

M. De SAINT-AURELE.

Ma fille, j’ai bien des choses à te dire.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Qu’est-ce que c’est donc, papa ?

M. De SAINT-AURELE.

Ah ! tu n’en seras pas fâchée.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Mais encores ?

M. De SAINT-AURELE.

Va, va te coucher : tu ne te réveilleras pas toujours fille. (Il tousse.) Tu dois m’entendre ; je t’expliquerai cela.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Mais, papa, tant que je serai avec vous, je ne m’ennuierai point d’être fille.

M. De SAINT-AURELE.

Oh, oui, elles disent toujours cela ; mais elles sont bien aises quand on les marie. (Il tousse.) N’est-ce pas, Flamand ?

FLAMAND.

Dame, Monsieur, écoutez donc, Mademoiselle est du bois dont on fait les femmes.

M. De SAINT-AURELE.

Demain, demain, nous parlerons de tout cela.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous ne voulez me rien dire aujourd’hui, papa ?

M. De SAINT-AURELE.

Non, non : allons, bon soir.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Que je vous voie assis, pour savoir si vous serez bien.

M. De SAINT-AURELE.

Flamand m’arrangera, va te coucher.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous me promettez de ne pas lire ?

M. De SAINT-AURELE.

Si j’ai envie de dormir.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Bon soir, papa, (Elle l’embrasse.) Flamand, ne laissez pas lire papa.

M. De SAINT-AURELE.

Adieu, adieu.

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Scène III.

M. De SAINT-AURELE, FLAMAND.
M. De SAINT-AURELE.

Flamand, je crois que ma fille ne sera pas fâchée d’être mariée ?

FLAMAND.

Elle aura raison, sur-tout si vous lui donnez un bon mari. Mais, Monsieur, sera-ce bientôt ?

M. De SAINT-AURELE.

Vous êtes curieux, Monsieur Flamand.

FLAMAND.

Oh, moi, cela ne me fait en rien du tout. Allons, Monsieur, voulez-vous vous coucher, car j’ai encore bien des choses à faire ce soir ?

M. De SAINT-AURELE.

Eh bien, allons. (Il se met sur la chaise longue.) Ai-je tout ce qu’il me faut ?

FLAMAND.

Assurément ; ne semble-t-il pas que je vous laisse jamais manquer de quelque chose ?

M. De SAINT-AURELE.

Si tu te fâches…

FLAMAND.

Je ne me fâche pas. Allons, êtes-vous bien ?

M. De SAINT-AURELE.

Oui, oui.

FLAMAND.

Je m’en vais mettre le couvre-pied.

M. De SAINT-AURELE.

Il n’y aura pas de mal.

FLAMAND.

Vous avez-là votre table…

M. De SAINT-AURELE.

Oui, mais ici, où est l’autre ?

FLAMAND.

Vous n’en avez que faire.

M. De SAINT-AURELE.

Et si, pour mettre la lumiere.

FLAMAND.

La lumiere ?

M. De SAINT-AURELE.

Oui, mon livre, mes lunettes.

FLAMAND.

Vous n’avez que faire de lunettes ni de livre ; parce que vous n’aurez point de lumiere.

M. De SAINT-AURELE.

Je n’aurai pas de lumière ?

FLAMAND.

Non, non, Mademoiselle ne veut pas que vous lisiez.

M. De SAINT-AURELE.

Mais si je le veux, moi ?

FLAMAND.

Ce qu’il faut que vous vouliez, c’est dormir.

M. De SAINT-AURELE.

Mais si je ne peux pas ?

FLAMAND.

Bon ; quand on n’a rien de mieux à faire, il faut bien qu’on dorme.

M. De SAINT-AURELE.

Oui, vous autres, qui dormez quand vous voulez.

FLAMAND.

Vous verrez que nous avons tort. A quelle heure faut-il entrer demain ?

M. De SAINT-AURELE.

De bonne-heure ; quand tu seras levé.

FLAMAND.

C’est bon.

M. De SAINT-AURELE.

Flamand ?

FLAMAND.

Monsieur.

M. De SAINT-AURELE.

Mets toujours là une table, pour ma tabatiere & la sonnette.

FLAMAND.

Ah ! mon Dieu, on ne finit jamais.

M. De SAINT-AURELE.

Veux-tu bien faire ce que je te dis ?

FLAMAND.

Eh bien, est-ce que je ne le fais pas ? (Il apporte la table.)

M. De SAINT-AURELE.

La sonnette y est-elle ?

FLAMAND.

Oui, oui.

M. De SAINT-AURELE.

N’oublies pas ce que je t’ai dit pour demain.

FLAMAND.

Oh, demain il fera jour : dormez, dormez.

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Scène IV.

M. De SAINT-AURELE, M. De VALBERT.
M. De VALBERT, ouvrant la porte du cabinet.

Ecoutons quand il sera endormi.

M. De SAINT-AURELE.

Qu’est-ce que tu dis, Flamand ?

M. De VALBERT.

Oh rien, rien.

M. De SAINT-AURELE.

Ce drôle-là fait le maître. ⸺[1] On est bien à plaindre de dépendre de ses gens. ⸺ Heureusement qu’il me semble que je dormirai bientôt.

M. De VALBERT.

Tant mieux, tant mieux.

M. De SAINT-AURELE.

Ce coquin de Flamand parle toujours tout seul. Veux-tu bien te taire.

M. De VALBERT.

Je ne dirai plus rien.

M. De SAINT-AURELE.

Je suis fâché de ne m’être pas couché dans mon lit. ⸺ Oui, mon oppression ne vient pas. ⸺ Je crois que je m’endors. ⸺ Oui. (Il ronfle.)

M. De VALBERT.

Ecoutons ; il commence à ronfler. (Il entre en reculant pour fermer la porte du cabinet.) Voyons ; tantôt je disois la porte est à droite. (Il marche, & touche une chaise qu’il renverse.)

M. De SAINT-AURELE, se réveillant.

Qu’est-ce qui est là ? (M. de Valbert tire son mouchoir, & fait le chien qui se gratte l’oreille.) J’entends, je crois quelque chose, ou je rêvois. Je suis bien fâché de m’être réveillé. ⸺ (M. de Valbert marche encore, & touche une autre chose.) Mais qu’est-ce donc que cela ? (M. de Valbert secoue son mouchoir.) Je n’y comprends rien. (M. de Valbert renverse la table qui est auprès de lui.) Répondez donc, qu’est-ce qui est là ? (M. de Valbert secoue son mouchoir.) Je ne trouve point ma sonnette ; elle est tombée. (M. de Valbert secoue toujours son mouchoir en cherchant la porte.) Voulez vous bien parler ? Qu’est-ce qui est là ?

M. De VALBERT.

Eh bien, Monsieur, c’est votre chien Jupiter qui se gratte l’oreille. (Il secoue son mouchoir.)

M. De SAINT-AURELE.

Mon chien Jupiter ; il est mort il y a long-tems.

M. De VALBERT.

Je veux dire Sultan. (Il secoue son mouchoir.)

M. De SAINT-AURELE.

Sultan n’a point de mal à l’oreille.

M. De VALBERT.

Ah ! cela est vrai.

M. De SAINT-AURELE.

Qu’est-ce que cela veut dire ? (Il appelle.) Flamand, Flamand.

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Scène V.

Mlle. De SAINT-AURELE, M. De SAINT-AURELE, M. De VALBERT.
Mlle. De SAINT-AURELE, ouvrant la porte de sa chambre, une lumière à la main.

Eh ! mon Dieu, papa, qu’avez-vous donc ; est-ce que vous vous trouvez mal ?

M. De SAINT-AURELE.

Non, non ; mais c’est qu’il y a quelqu’un ici qui fait un bruit du diable, qui a tout renversé, & qui m’a réveillé.

Mlle. De SAINT-AURELE, regardant M. de Valbert, qui se cache derrière elle.

Comment donc ? cela n’est pas possible.

M. De SAINT-AURELE.

Je te dis que si ; puisqu’il m’a parlé.

Mlle. De SAINT-AURELE, regardant M. de Valbert qui est embarrassé.

Il vous a parlé ?

M. De SAINT-AURELE.

Oui, il m’a dit qu’il étoit mon chien Jupiter, & puis Sultan.

Mlle. De SAINT-AURELE, regardant M. de Valbert.

Bon, c’est un rêve que vous avez fait.

M. De SAINT-AURELE.

Je te dis que non, & ce qu’il y a de singulier, c’est que j’ai trouvé que c’étoit la voix de Monsieur de Valbert.

Mlle. De SAINT-AURELE.

De Monsieur de Valbert !

M. De SAINT-AURELE.

Oui, de Monsieur de Valbert. Si c’est lui, il a tort de venir si matin ; & sa mere auroit bien dû l’en empêcher.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Comment sa mere ; vous croyez que c’est elle ?…

M. De SAINT-AURELE.

Elle doit le savoir toujours. Apparemment qu’elle lui aura dit ce que nous avions conclu ensemble.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Je ne vous comprends pas bien, papa.

M. De SAINT-AURELE.

Je voulois te dire tout cela demain. J’ai su que tu aimois Monsieur de Valbert : j’ai été trouver sa mere pour savoir si elle en savoit quelque chose ; elle m’a tout avoué, & qu’il dépendoit de moi de faire le bonheur de son fils.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Est-il possible : & qu’avez-vous répondu ?

M. De SAINT-AURELE.

Que si le parti te convenoit, ce seroit une affaire bientôt faite ; & je voulois raisonner de tout cela avec toi.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Ah ! cher papa, que je vous aurai d’obligation !

M. De SAINT-AURELE.

Apparemment que cet étourdi de Valbert, est venu dès le matin pour me remercier.

Mlle. De SAINT-AURELE.

C’est cela même.

M. De SAINT-AURELE.

Il pouvoit bien attendre un peu plus tard. Mais où est-il donc ?

Mlle. De SAINT-AURELE.

Tenez, le voilà.

M. De SAINT-AURELE.

Ah ! Monsieur le drôle, vous m’avez fait grand tort de me réveiller ; mais je vous le pardonne.

M. De VALBERT.

Monsieur, je ne saurois vous exprimer ma joie : ah ! Mademoiselle.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Mon pere !…

M. De SAINT-AURELE.

Oui, oui, vous direz tout cela demain. J’ai envie de m’aller coucher dans mon lit. Appellez-moi Flamand ; car je ne sai où est ma bonnette.

Mlle. De SAINT-AURELE.

Vous n’aurez pas besoin de lui, papa.

M. De VALBERT.

Oui, oui, nous allons vous aider à vous coucher. Donnez-moi la main. (M. de Saint-Aurele se leve.)

M. De SAINT-AURELE.

Passons dans ma chambre ; mais allez-vous-en tout de suite après, car je veux dormir. (Ils s’en vont.)


Fin du soixante-unieme Proverbe.
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Explication du Proverbe :

61. Il est plus Heureux que Sage.



  1. ⸺ Cette marque indique des momens de silence.