Questions sur l’exode.
LIVRE DEUXIÈME.
[modifier]QUESTIONS SUR L’EXODE
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QUESTION PREMIÈRE.
– (Exod. 1, 19-20.) Sur le mensonge des sages-femmes. – Les sages-femmes voulant épargner la vie des enfants mâles d’Israël à leur naissance, trompèrent Pharaon par un mensonge, en lui disant que les femmes des Hébreux n’accouchaient pas comme les femmes des Égyptiens ; à ce propos, on demande ordinairement si de pareils mensonges ont reçu la sanction de l’autorité divine, puisqu’il est écrit que Dieu fit du bien à ces sages-femmes : mais pardonna-t-il leur mensonge, en considération de leur humanité ; ou bien jugea-t-il digne de récompense ce mensonge lui-même ? c’est ce qui n’est pas certain. Car autre chose était de sauver la vie aux enfants nouveau-nés, autre chose de mentir à Pharaon : en sauvant la vie à ces enfants, les sages-femmes accomplissaient une œuvre de miséricorde, mais en mentant à Pharaon, elles agissaient dans leur intérêt, et par crainte du châtiment, action digne peut-être de pardon, mais non d’éloge. Ceux dont il est dit : « qu’il ne s’est point trouvé de mensonge dans leur bouche[1] » n’ont pas vu, ce me semble, dans ce mensonge, un exemple à suivre. Ceux qui mènent une vie bien éloignée de celle des saints, quand ils commettent ces péchés de mensonge, s’y portent d’eux-mêmes par tempérament et à mesure qu’ils avancent en âge, surtout lorsqu’au lieu d’élever leurs espérances vers les biens célestes, ils recherchent exclusivement les biens de la terre. Mais ceux dont la vie est, suivant le témoignage de l’Apôtre, toute céleste[2], ne doivent pas régler sur l’exemple des sages-femmes leur manière de parler, quand il s’agit de dire la vérité et d’éviter le mensonge. Au reste, cette question mérite d’être traitée avec un soin particulier, en raison des autres exemples que fournit l’Écriture.
II. (Ib. 2, 11-12.) Moise tue un Égyptien : en vertu de quel droit ? — Dans l’ouvrage que nous avons écrit contre Faustus sur la vie des Patriarches, nous avons suffisamment disserté sur le meurtre de l’Égyptien, commis par Moïse : faut-il louer le naturel ardent qui le fit tomber dans cette faute, comme on loue la fécondité de la terre qui produit des plantes inutiles en abondance, avant même que la bonne semence y ait germé ? Cet acte en lui-même est-il tout à fait excusable[3] ? Il semble que non, par la raison que Moïse n’était pas encore en possession de l’autorité légitime, qu’elle lui vint de Dieu ou que la société l’en eût revêtu. Néanmoins, au témoignage de saint Étienne dans les actes des Apôtres, ses frères, pensait-il, comprendraient que Dieu les délivrerait par son ministère[4] ; il semble, d’après cela et malgré le silence que garde ici l’Écriture, que Moïse avait été déjà autorisé par Dieu à faire cet acte d’autorité.
III. (Ib. 3, 4.) Est-ce un ange ou le Christ qui apparaît à Moïse dans le buisson ardent ? — « Le Seigneur l’appela du milieu du buisson. » Le Seigneur était-il caché dans l’ange ? ou le Seigneur est-il ici celui qui s’appelle « l’ange du grand conseil[5] » et qui est le Christ ? Car nous lisons plus haut : « l’Ange du Seigneur lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson. »
IV. (Ib. 3, 8.) Sur la terre promise. — « Les faire passer de cette terre dans une terre bonne et spacieuse, où coulent le lait et le miel. » Cette terre, où le lait et le miel coulent par ruisseaux, doit-elle être entendue dans le sens spirituel ? car, dans le sens propre, telle n’était pas la terre qui fut donnée au peuple israélite. Est-ce une manière de parler pour faire l’éloge de sa fécondité et de ses agréments ?
V. (Ib. 3, 9.) Sur le cri des Israélites. — « Et maintenant voici que le cri des enfants d’Israël vient jusqu’à moi. » Le mot cri n’a pas ici le même sens que quand il est parlé du cri de Sodome[6] pour désigner une iniquité criante, sans crainte et sans pudeur.
VI. (Ib. 3, 22.) Sur l’ordre que Dieu donna aux Hébreux de dépouiller les Égyptiens. — Lorsque le Seigneur ordonna aux Hébreux, par l’intermédiaire de Moïse, de prendre aux Égyptiens des vases d’or et d’argent, et des vêtements, et qu’il ajoute : « Et vous les dépouillerez » il ne faut pas juger ce commandement comme contraire à l’équité. C’est un ordre de Dieu : par conséquent nous n’avons pas à le juger mais à y obéir. Dieu sait en effet, quelle justice préside à ses commandements : quant au serviteur, il n’a qu’à se soumettre par obéissance à ses ordres.
VII. (Ib. 4, 10.) Moïse est convaincu que Dieu peut tout-à-coup, lui délier la langue — Quand Moïse dit à Dieu : « Seigneur, je vous prie de considérer que je ne parle facilement ni d’hier, ni d’avant-hier, ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur » on voit qu’il avait la ferme confiance que Dieu pouvait, si c’était son bon plaisir, lui accorder tout-d’un-coup le don de la parole, puisqu’il ajoute : « ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur. » Celui, pensait-il, qui jusque-là n’avait pas eu le don de la parole, pouvait tout d’un coup l’acquérir, dès lors que Dieu s’entretenait avec lui.
VIII. (Ib. 4, 11.) Sur ces mots : « C’est Dieu qui a fait le muet, etc. » — « Qui a fait le muet et celui qui entend, celui qui voit et celui qui est aveugle ? N’est-ce pas moi, le Seigneur Dieu ? » Il en est qui font un reproche à Dieu, ou plutôt à l’Ancien-Testament, d’avoir dit que c’est Dieu qui a fait l’aveugle et le muet. Que pensent-ils donc de cette parole si nette de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Évangile : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles[7] ? » Mais quel homme, à moins d’être insensé, croira qu’il puisse exister dans son semblable un défaut corporel, contrairement à la volonté divine ? Au surplus, personne ne doute que Dieu est juste dans toutes ses volontés.
IX. (Ib. 4, 12.) Le commencement même de la volonté est l’œuvre de la grâce. — Lorsque le Seigneur dit a Moïse ; « Va maintenant, et j’ouvrirai ta bouche, et je t’apprendrai ce que tu auras à dire », on voit aisément dans ce passage qu’il appartient à la volonté et à la grâce de Dieu, non seulement d’enseigner à parler, mais même d’ouvrir la bouche. Dieu ne dit pas, en effet : Ouvre ta bouche et je t’instruirai, mais il promet l’un et l’autre : j’ouvrirai, et j’instruirai. Il dit ailleurs, aux psaumes : « Ouvre ta bouche, et je la remplirai[8]. » Ces mots marquent, dans l’homme, la volonté de recevoir le don que Dieu fait à celui qui le veut. Ouvre ta bouche, voilà qui se rapporte au commencement de la volonté ; et je la remplirai, voilà l’œuvre de la grâce. Mais Dieu dit ici : « J’ouvrirai ta bouche, et je t’instruirai »
X. (Ib. 4,14-16.) Sur la colère de Dieu. — « Le Seigneur, ému de colère, lui dit. » La colère de Dieu, n’est pas chez lui, comme chez l’homme, le résultat d’un trouble déraisonnable ; une fois pour toutes, il faut retenir cette réflexion, et en faire usage dans les cas où L’Écriture emploie de pareilles expressions, afin que nous ne soyons pas obligés de redire souvent les mêmes choses. Mais on demande avec raison pourquoi, dans sa colère, il dit à Moïse que son frère parlera pour lui au peuple car il semble qu’il punit sa défiance en ne lui accordant pas le pouvoir très-étendu qu’il devait lui donner, et en voulant qu’ils soient deux pour accomplir ce qu’il aurait pu faire à lui seul, s’il avait eu confiance. Cependant toutes ces paroles, à les bien prendre, ne signifient pas que Dieu dans sa colère se vengea par les faveurs accordées à Aaron. Voici en effet ce qu’il est dit : « Aaron ton frère, fils de Lévi, n’est-il pas là ? Je sais qu’il parlera de sa propre bouche. » Ces paroles font voir que Dieu le reprend plutôt de ce que, ayant un frère qui pouvait dire de sa part au peuple ce qu’il voudrait, il s’excuse d’obéir, sur son incapacité, et objecte qu’il a la voix grêle et la langue embarrassée, tandis qu’il aurait dû tout attendre de Dieu. Ce qu’il avait promis peu auparavant, le Seigneur le confirme après la colère qu’il a éprouvée. Il avait dit en effet : « J’ouvrirai ta bouche, et je t’instruirai » il dit maintenant : « J’ouvrirai ta bouche et la sienne, et je vous instruirai de ce que vous devez « faire » mais comme il ajoute : « Et il parlera pour toi au peuple » il semble avoir ouvert la bouche à Moïse, parce qu’il s’était plaint que sa langue fût embarrassée. Quant à sa voix grêle, Dieu ne la change point, mais pour y suppléer, il lui donne l’aide de son frère, dont la voix pourra suffire à enseigner le peuple. Ce qu’il dit : « Tu mettras mes paroles dans sa bouche » fait bien voir que Moïse devait charger son frère du soin de les exprimer : car si Aaron devait seulement les entendre comme le peuple, c’est à ses oreilles et non dans sa bouche qu’il fallait les faire arriver. Il dit un peu plus loin : « Il parlera pour toi au peuple, et il sera ta bouche » sous-entendu, ici, devant le peupla. Et quand il dit : « Il parlera pour toi au peuple » Dieu fait assez entendre que Moïse tient la première place, et qu’Aaron ne tient que la seconde. Enfin dans ces dernières paroles : « Et toi, tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu » se cache peut-être un mystère profond figuré par Moïse, médiateur entre Dieu et Aaron, tandis que celui-ci est médiateur entre Moïse et le peuple.
XI. (Ib. 4,24-25.) Sur la rencontre de Moïse avec l’Ange qui vient le mettre à mort.
— « Et il arriva que l’Ange se présenta à lui dans le chemin, au moment du repas, et cherchait à le mettre à mort ; et Séphora, ayant pris une pierre, circoncit la chair de son fils ; et elle se jeta à ses pieds et dit : Le sang de la circoncision de mon fils s’est arrêté. Et l’Ange se retira de lui ; c’est pourquoi Séphora dit : Le sang de la circoncision a cessé. » Sur ce texte on fait d’abord cette question : était-ce Moïse que l’ange voulait mettre à mort, puisqu’il est dit : « L’ange vint au-devant de lui et cherchait à le faire mourir ? » Car à qui pensera-t-on que l’ange se présenta, si ce n’est à celui qui était en tête de tous les siens et leur servait de guide ? Ou bien l’ange voulait-il la mort de l’enfant, que sa mère sauva par l’opération de la circoncision ? Dans ce cas, l’Ange aurait voulu la mort de l’enfant parce qu’il n’était pas circoncis, et ce châtiment sévère eût été la sanction du précepte de la circoncision. S’il en est ainsi, on ne voit pas à qui s’appliquent ces paroles qui précèdent : « Il cherchait à le mettre à mort » il faut rester dans l’ignorance à ce sujet, à moins que la suite ne le découvre. Assurément l’Écriture, se sert d’une locution fort extraordinaire, quand elle dit : « Il se présenta à lui et cherchait à le tuer » à propos de quelqu’un dont elle n’avait pas parlé auparavant. Mais la même manière de parler se trouve dans le Psalmiste : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes ; le Seigneur aime les portes de Sion[9]. » Tel est en effet le début du Psaume, et rien n’avait été dit auparavant de celui ou de celle à qui il est fait allusion dans ces paroles : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes. » Mais, comme il est dit ensuite : « Le Seigneur aime les portes de Sion » il est question nécessairement dans ce passage des fondements du Seigneur ou de Sion, et mieux, dans un sens plus naturel, des fondements de cette cité. Toutefois comme le pronom ejus est d’un genre indéterminé (car il est de tout genre, masculin, féminin et neutre,) tandis qu’en grec on dit ἀυτὴς au féminin, et ἀυτοῦ pour le masculin et le neutre, et que le texte grec porte du ἀυτοῦ, il s’agit évidemment ici, non point des fondements de Sion, mais des fondements du Seigneur, c’est-à-dire, de ceux qu’il a établis conformément à ces paroles : « C’est le Seigneur qui bâtit Jérusalem[10]. » Et cependant avant de dire : « Ses fondements sont établis sur les montagnes saintes » le Psalmiste n’avait parlé ni de Sion ni du Seigneur ; de même, ici, sans qu’il eût été fait mention de l’enfant, il est dit : « Il se présenta à lui, et cherchait à le mettre à mort » et c’est parla suite du récit que nous découvrons de qui il est question. Néanmoins si quelqu’un préfère appliquer ce passage à Moïse, il ne faut pas beaucoup disputer avec lui sur ce point. Mieux vaut, s’il est possible, avoir l’intelligence de ce qui suit : Pourquoi l’Ange se garda-t-il de mettre à mort l’un ou l’autre, quand la femme eut dit : « Le sang de la circoncision de l’enfant s’est arrêté ? » Car l’Écriture ne dit pas l’Ange laissa l’enfant, parce que sa mère le circoncit, mais, parce que le sang de la circoncision s’arrêta ; non parce qu’il sortit à flots, mais parce qu’il cessa de couler. Si je ne me trompe, il y a ici un grand mystère.
XII. (Ib. 4, 20.) Contradiction apparente.
– Il est dit que Moïse mit sa femme et ses enfants sur des chars, pour se rendre avec eux en Égypte, et plus loin, que Jéthro, son beau-père, vient au-devant de lui avec les mêmes personnes, après que Moïse a tiré son peuple de l’Égypte[11] ; on peut demander comment la vérité s’accorde avec ces deux passages. Mais il faut croire que Séphora reprit avec ses enfants le chemin de son pays, lorsque l’Ange menaça de mort Moïse ou l’enfant. Car, au sentiment de plusieurs interprètes, l’Ange mit l’épouvante dans son âme, afin que la compagnie d’une femme ne fût point un obstacle à la mission que Moïse avait reçue de Dieu.
XII. (Ib. 5, 1-3.) Dieu n’ordonne que ce qu’il veut qu’on fasse.
– Pourquoi dit-on au peuple que Dieu a donné l’ordre de le transporter de l’Égypte dans la terre de Chanaan : tandis qu’on dit à Pharaon que les Hébreux veulent aller trois journées de chemin dans le désert, pour offrir au Seigneur le sacrifice qu’il leur a commandé ? Quoique Dieu sût ce qu’il ferait, car il avait la prescience que Pharaon ne consentirait pas au départ de son peuple, il faut se persuader que ses premiers ordres se seraient accomplis, si le peuple eût été libre de partir. Et si les évènements se passèrent comme l’Écriture en fait plus loin la description, c’est à l’obstination de Pharaon et des siens qu’en revient la responsabilité. Car Dieu ne prescrit point d’une manière menteuse des ordres qu’il sait devoir être transgressés, pour exercer ensuite envers le coupable la justice de ses jugements.
XIV. (Ib. 5, 22-23.) Prière de Moïse.
— Lorsque Moïse dit au Seigneur : « Pourquoi avez-vous affligé votre peuple ? Et pourquoi m’avez-vous envoyé ? Car depuis que je me suis présenté à Pharaon pour lui parler en votre nom, en faveur de votre peuple, vous n’avez pas opéré sa délivrance » ce ne sont pas là des paroles inspirées par la désobéissance ou l’indignation ; c’est une question et une prière : on le voit par la réponse que lui adressa le Seigneur. Il ne lui fait point un reproche de son manque de foi, mais il lui fait part de ses desseins pour l’avenir.
XV. (Ib. 6, 14-28.) Généalogie de Moïse.
– 2 n’est point douteux que l’Écriture voile ici quelque mystère. Car voulant établir la généalogie de Moïse, ainsi que l’exigeait le sujet lui-même, elle commence par l’aîné de Jacob, c’est-à-dire par Ruben, puis de là vient à Siméon, et enfin à Lévi ; elle ne va pas plus loin, parce que Moïse était descendant de ce dernier. Si elle nomme les autres, c’est qu’ils avaient été déjà été mentionnés parmi les soixante-quinze personnes qui firent leur entrée en Égypte avec Israël : car ce n’était ni la première tribu, ni la seconde, mais ta troisième, celle de Lévi, que Dieu destinait au ministère sacerdotal.
XVI. (Ib. 6, 30.) Moïse s’excuse sur la faiblesse de sa voix.
– Quand Moïse dit : « Je suis d’une voix grêle, et comment Pharaon m’écoutera-t-il ? » il semblerait qu’il allègue la faiblesse de sa voix pour s’excuser de ne pouvoir se faire entendre, non-seulement de la multitude mais même d’un seul homme. Or, il serait étonnant que sa voix eût été faible à ce point qu’il ne pût se faire entendre d’un seul homme ! Peut-être cependant l’étiquette de la cour empêchait-elle d’approcher de la personne du roi pour lui parler ? Mais il est dit à Moïse : « Voici que je t’ai établi le dieu de Pharaon, et Aaron, ton frère, sera ton prophète[12]. »
XVII. (Ib. 4, 16 ; 7, 1.) Moïse appelé le Dieu de Pharaon, et Aaron, le prophète de Moïse.
– Chose digne de remarque ! Dieu ne dit pas à Moïse, lorsqu’il l’envoie vers son peuple : Voici que je t’ai établi le dieu de ton peuple, et ton frère sera ton prophète, mais : « ton frère parlera pour toi au peuple. » Il lui dit encore : « Il sera ta bouche, et tu le représenteras dans tout ce qui a rapport à Dieu » il ne dit pas : Tu seras son Dieu. Mais Moïse est établi le dieu de Pharaon, et par analogie, Aaron, le prophète de Moïse, toutefois à l’égard de Pharaon. Il nous semble résulter de là que les prophètes de Dieu rapportent les paroles qu’ils tiennent de lui, et qu’un prophète n’est autre chose que l’organe par lequel Dieu adresse ses paroles aux hommes incapables ou indignes de l’entendre.
XVIII. (Ib. 7, 3.) Endurcissement du cœur de Pharaon.
– Dieu dit à plusieurs reprises : « J’endurcirai le cœur de Pharaon » et il donne pour ainsi dire la raison de sa manière d’agir : « J’endurcirai, dit-il, le cœur de Pharaon, et j’accomplirai mes merveilles et mes prodiges en Égypte » On dirait que l’endurcissement du cœur de Pharaon est comme la condition indispensable à la multiplication ou à l’accomplissement des prodiges de Dieu en Égypte. Dieu sait donc se servir des cœurs mauvais, pour l’instruction ou l’utilité des bons. Et quoique le degré de malice dans chaque cœur, ou autrement, le penchant de chacun au mal, soit le résultat d’un vice personnel, issu du libre choix de la volonté ; cependant, pour que le cœur soit porté au mal dans un sens quelconque, il y a des causes qui agissent sur l’esprit : l’existence de ces causes ne dépend, pas de l’homme ; mais elles proviennent de cette providence cachée, assurément très juste et très-sage, par laquelle Dieu règle et dispose tout ce qu’il a créé. Ainsi, que Pharaon eût un cœur capable de trouver dans la patience de Dieu un excitant, non au bien mais au mal, ce fut en lui un vice personnel ; mais quant aux événements qui déterminèrent ce cœur si dépravé à s’opposer aux ordres de Dieu, car c’est là, à proprement parler, l’endurcissement, puisqu’au lieu de céder humblement, Pharaon résistait avec obstination, ils furent une permission de la divine sagesse, qui préparait à ce cœur un châtiment, non-seulement mérité, mais évidemment plein de justice, et on les hommes craignant Dieu trouveraient une leçon. Étant proposée, par exemple, une récompense pour la perpétration d’un homicide, l’avare et celui qui, méprise la fortune seront mus dans un sens différent ; l’un sera porté à commettre le crime ; l’autre à s’en défendre : la proposition du bénéfice à retirer n’était cependant au pouvoir d’aucun des deux. C’est ainsi qu’il se présente, pour les méchants, des causes d’agir qui ne sont point en leur pouvoir, mais qui les trouvant déjà engagés dans leurs propres vices et par suite d’un choix antérieur de la volonté, les portent à suivre leurs penchants. Toutefois il faut bien voir si ces paroles : « J’endurcirai » ne peuvent aussi signifier : je montrerai combien son cœur est dur.
XIX. (Ib, 7, 9.) Sur le rôle d’Aaron.
— « Si Pharaon vous dit : Donnez-nous un miracle ou un prodige, tu diras à Aaron, ton frère : Prends une verge, et jette-la devant Pharaon et « ses serviteurs ; et ce sera un dragon. » Assurément, dans ce cas, il n’était pas nécessaire de recourir au ministère de la parole, créé en faveur d’Aaron par une sorte de nécessité, pour venir en aide à l’infirmité de Moïse : il s’agissait uniquement de jeter la verge qui devait se changer en serpent. Pourquoi donc Moïse n’a-t-il pas accompli lui-même cette action, sinon parce que cette médiation d’Aaron entre Moïse et Pharaon renferme la figure d’un évènement considérable ?
XX. (Ib. 7, 10.) Sur la verge de Moïse et d’Aaron.
– Autre remarque. Il est écrit, à propos du miracle opéré sous les yeux de Pharaon : « Et Aaron « jeta sa verge. » Si l’Écriture avait dit : Il jeta la verge, il n’y aurait pas matière à discuter ; mais comme elle met le mot sa, bien que Moïse la lui eût donnée, ce n’est peut-être pas sans raison que le texte est ainsi conçu. Cette verge leur aurait-elle été commune à tous les deux, de sorte qu’on pourrait la regarder comme appartenant à l’un aussi bien qu’à l’autre ?
XXI. (Ib. 7, 12.) Changement des verges en serpent.
– « Et la verge d’Aaron dévora leurs verges. » Si le texte eût porté. Le serpent d’Aaron dévora leurs verges, on eût compris que le serpent d’Aaron dévora, non des serpents imaginaires, mais des verges. Car il a pu dévorer des verges réelles, non des apparences sans réalité. Mais nous lisons : « La verge d’Aaron dévora leurs verges » or, si le serpenta pu dévorer les verges des magiciens, la verge ne le pouvait pas. Au lieu d’appeler la chose du nom de l’objet auquel elle a été changée, l’Écriture lui donne donc le nom qu’elle avait avant son changement, par la raison qu’elle est revenue ensuite à son premier état ; il convenait d’ailleurs de lui donner le nom qui exprimait sa nature principale. Mais que faut-il penser des verges des mages ? Furent-elles changées aussi en serpents véritables, et sont-elles appelées verges au même titre que la verge d’Aaron ? Ou plutôt, par un prestige de l’art magique, ne semblaient-elles pas être ce qu’en réalité elles n’étaient point ? Pourquoi donc les unes et les autres sont-elles appelées verges et serpents, sans aucune distinction, quand il est parlé de c es prestiges ? Si l’on admet que les verges des magiciens ont été changées en serpents véritables, une nouvelle et sérieuse difficulté se présente, car il faut démontrer que la création de ces serpents ne fut l’œuvre ni des magiciens, ni des mauvais anges par qui ils opéraient leurs enchantements. Or, parmi tous les éléments corporels de ce monde sont cachées des raisons séminales, qui, à l’aide du temps et d’une cause favorables, deviennent des espèces déterminées parleurs qualités et les fins qui leur sont propres.C'est pourquoi on ne dit pas des anges, par qui ces êtres arrivent à la vie, qu’ils créent des animaux, pas plus qu’on ne dit des laboureurs qu’ils créent les moissons, les arbres ou toute autre production de la terre, parce qu’ils savent utiliser les causes visibles et les circonstances favorables au développement. Ce que ceux-ci font d’une manière visible, les anges l’opèrent d’une manière invisible ; mais Dieu seul, est vraiment créateur, lui qui a déposé dans la nature les causes et les raisons séminales. Je dis tout cela en peu de mots ; mais pour le faire mieux comprendre et l’appuyer d’exemples et d’une discussion sérieuse, il faudrait un long traité ; la précipitation qui préside à ce travail me servira d’excuse.
XXII. (Ib. 7, 22.) Motif de l’endurcissement de Pharaon.
– « Mais les magiciens d’Égypte firent la même chose avec leurs enchantements : et le cœur de Pharaon s’endurcit, et, comme l’avait, dit le Seigneur, il ne les écouta point. » D’après ces paroles, il semblerait que le cœur de Pharaon s’endurcit parce que les enchanteurs Égyptiens imitèrent Moïse et Aaron ; mais la suite fera voir combien fut grande encore son obstination lorsque les enchanteurs eurent montré leur impuissance.
XXIII. (Ib. 8, 7.) Comment les magiciens purent imiter Moïse et Aaron, après la seconde plaie et la troisième.
– « Mais les enchanteurs Égyptiens firent la même chose par leurs sortilèges ; et ils firent venir des grenouilles sur la terre d’Égypte. » De quel endroit, demande-t-on, si déjà ce prodige était accompli partout ? Mais il faut demander aussi comment ils changèrent l’eau en sang, si déjà dans toute l’Égypte l’eau avait subi ce changement miraculeux. On doit donc supposer que le pays habité par les enfants d’Israël ne fut pas frappé de plaies semblables : alors les enchanteurs ont pu y puiser de l’eau qu’ils ont changée en sang, ou en tirer des grenouilles, uniquement pour montrer leur puissance magique. Rien n’empêche non plus d’admettre qu’ils se sont livrés à ces maléfices après que les vrais miracles eurent cessé. Le rapprochement des faits, dans le récit de l’Écriture, n’indique pas qu’ils se soient accomplis simultanément.
XXIV. (Ib. 8, 15.) Sur la patience de Dieu.
– « Et Pharaon vit qu’il y avait un peu de relâche, et son cœur s’appesantit, et comme le Seigneur l’avait dit, il ne les écouta point. » On voit ici que si Pharaon tomba dans l’endurcissement, ce ne fut pas seulement parce que les enchanteurs faisaient la même chose que Moïse et Aaron ; mais ce fut encore à cause de la patience et de la longanimité de Dieu. La patience divine à l’égard du cœur de l’homme est utile à quelques-uns, qui en profitent pour se repentir ; inutile à d’autres, qui en abusent pour s’obstiner contre Dieu et persévérer dans le mal : cependant son inutilité ne vient pas de sa nature, mais, ainsi que nous l’avons dit, de la dépravation du cœur. C’est aussi ce que dit l’Apôtre : « Ignores-tu que la patience de Dieu t’invite au repentir ? Mais par la dureté de ton cœur et par ton impénitence, tu l’amasses un trésor de colère pour le jour de la vengeance et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres »[13]. Et ailleurs, après avoir dit : « Nous sommes partout la bonne odeur du Christ » il ajoute : « Et à l’égard de ceux qui se sauvent, et à l’égard de ceux qui se perdent[14]. » Il ne dit pas qu’il est la bonne odeur du Christ pour ceux qui se sauvent, et la mauvaise pour ceux qui se perdent : mais il dit qu’il est uniquement la bonne odeur. Or, ceux qui se sauvent, gagnés parla bonne odeur du Christ, meurent, ainsi que nous l’avons dit souvent, à cette disposition de l’âme qui doit faire place en eux à une volonté bonne inspirée par la grâce divine ; ils commencent alors à profiter des jugements de Dieu, qui font le malheur des cœurs dépravés. De là cette hymne sortie d’un cœur heureusement transformé : « Mon âme vivra et vous louera ; et vos jugements me soutiendront »[15]. Il ne dit pas : Vos bienfaits, ou Vos récompenses, mais vos jugements. Or c’est beaucoup de pouvoir dire avec une sincère confiance : « Éprouvez-moi, Seigneur, attentez-moi ; brûlez mes reins et mon cœur. » Et dans la crainte de paraître attribuer à ses forces quoi que ce soit, il se hâte d’ajouter : « Car votre miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans votre vérité[16]. » Il rappelle la miséricorde dont il a été l’objet, et qui l’a aidé à se conduire selon la vérité : c’est que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[17]. »
XXV. (Ib. 8, 19.) Les magiciens ne peuvent produire des moucherons : pourquoi ?
– Lorsque les magiciens dirent à Pharaon : « Le doigt de « Dieu est ici » réduits qu’ils étaient à l’impossibilité de produire des moucherons ; ils pensèrent assurément, tant ils connaissaient la puissance de leurs coupables artifices, que leurs efforts pour produire des moucherons avaient été rendus inutiles, non par un art semblable au leur, en ce sens que Moïse s’y serait montré supérieur à eux, mais par le doigt de Dieu, qui agissait en la personne de Moïse. Or, par le doigt de Dieu, on entend le Saint-Esprit, suivant le langage très-net de l’Évangile. Car, tandis qu’un Évangéliste fait dire au Seigneur : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu[18] » un autre Évangéliste, rapportant le même fait et voulant expliquer ce que c’est que le doigt de Dieu, se sert de ces expressions : « Si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu[19]. » Bien que les magiciens, dont le pouvoir inspirait une extrême confiance à Pharaon, aient avoué alors que le doigt de Dieu était sur Moïse, par qui ils avaient été vaincus et réduits à l’impuissance, néanmoins le cœur de Pharaon s’endurcit d’une manière tout à fait étonnante. Mais pourquoi la défaite des magiciens à cette troisième plaie ?car les plaies commencèrent lorsque l’eau fut changée en sang. 2 est difficile de s’en rendre compte et d’en donner l’explication. Car ils pouvaient être frappés d’impuissance dès le premier prodige, celui du changement de la verge en serpent, et à la première plaie, lorsque l’eau fut changée en sang ; et à la seconde, celle des grenouilles, si le doigt de Dieu, c’est-à-dire, l’Esprit de Dieu, l’avait voulu. Quel est en effet l’homme assez insensé pour dire que le doigt de Dieu put arrêter les efforts des magiciens à ce prodige, et qu’il en fut incapable à ceux qui précédèrent ? Il y a donc certainement une raison pour laquelle ils ont eu la liberté d’opérer jusque-là des choses merveilleuses. Peut-être ceci a-t-il rapport à la Trinité : il est certain, et cela résulte de l’examen de leurs écrits, que les plus grands philosophes de la gentilité n’on point connu le Saint-Esprit, quoiqu’ils aient parlé du Père et du Fils : on trouve aussi cette remarque dans l’ouvrage de Didyme sur le Saint-Esprit[20].
XXVI. (Ib. 8, 21-23.) Les plaies d’Égypte ne s’étendaient pas sur la terre de Gessen.
– « Voici que j’envoie des mouches contre toi, contre tes serviteurs et contre ton peuple, et les maisons des Égyptiens en seront remplies ; afin que tu saches que je suis le Seigneur Dieu de toute la terre et je mettrai une séparation entre mon peuple et ton peuple. » Ce que l’Écriture observe ici, pour ne pas le répéter constamment, il faut le comprendre, s’est produit dans les miracles qui ont suivi ou précédé celui-ci : le pays habité par le peuple de Dieu ne fut affligé d’aucune de ces plaies. Mais il était convenable de placer franchement en cet endroit cette observation ; ici, en effet commencent les prodiges que les magiciens n’essayèrent pas même d’imiter : et très-certainement, c’est parce que les moucherons remplissaient tout le royaume de Pharaon, à l’exclusion de la terre de Gessen, que les magiciens s’efforcèrent, mais sans le moindre succès, d’en produire aussi dans cette dernière contrée. Tant que leur art n’a pas été en défaut, le texte sacré ne dit pas que la terre de Gessen ait été préservée, mais il signale la séparation des deux pays quand commencent les prodiges que les magiciens n’osèrent pas même imiter.
XXVII. (Ib. 8, 25.) Permission dérisoire
– « Le texte latin porte : « Allez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays » et le grec : « Venez sacrifier au Seigneur votre Dieu dans ce pays. » Car il ne voulait pas les laisser aller où ils demandaient ; mais il exigeait qu’ils offrissent leur sacrifice en Égypte. Ceci ressort évidemment de la réponse de Moïse : car il dit que cela ne peut se faire ; parce qu’ils seraient un objet d’abomination pour les Égyptiens.
XXVIII. (Ib. 8, 26.) Les sacrifices des Israélites abominables aux yeux des Égyptiens. – Ces paroles de Moïse : « Cela ne peut se faire ainsi : car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu les abominations des Égyptiens » signifient : Nous ferons des sacrifices odieux aux Égyptiens, par conséquent nous ne pouvons sacrifier parmi eux ; tel est le sens qui résulte clairement des paroles suivantes : « Car si nous sacrifions des abominations sous leurs propres yeux, nous serons lapidés. » Plusieurs de nos interprètes, se méprenant sur le sens de ce passage, l’ont traduit de cette manière : Cela ne peut se faire ainsi ; est-ce que nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu ce qui est abominable aux yeux des Égyptiens ? Mais l’Écriture a précisément voulu dire que les Hébreux devaient immoler ce qui était une abomination pour les Égyptiens. D’autres encore parmi les latins traduisent : Cela ne peut se faire ainsi, parce que nous ne ferons pas au Seigneur notre Dieu des sacrifices que les Égyptiens considèrent comme abominables. L’addition de la particule négative constitue un contre-sens, puisque Moïse a dit : « Cela ne peut se faire ainsi ; car nous sacrifierons au Seigneur notre Dieu des abominations pour les Égyptiens » et s’ils exprimaient la volonté d’aller au désert, c’était afin que les Égyptiens ne fussent pas témoins de leurs abominations. Il faut voir ici le même sens mystérieux, que nous avons déjà signalé à propos des pasteurs, qui étaient détestés des Égyptiens[21] ; c’est le motif pour lequel les Israélites reçurent une contrée à part, quand ils vinrent en Égypte. Les sacrifices des Israélites sont un objet d’horreur pour les Égyptiens, comme la vie des justes pour les méchants.
XXIX. (Ib. 8, 28.) L’endurcissement de Pharaon volontaire dans son principe. – Après la disparition des sauterelles, il est dit de Pharaon « Mais en ce temps-là encore Pharaon endurcit son cœur, et ne voulut point permettre au peuple de s’en aller. » Cette fois à coup sûr nous ne lisons pas de cœur de Pharaon fut endurci, mais « Pharaon endurcit son cœur. » C’est ce qui arriva certainement à toutes les plaies. Les vices ont en effet leur principe dans la volonté de l’homme. Des causes, souvent les mêmes, meuvent les cœurs des hommes de différentes manières, les uns dans un sens, les autres dans un autre, chacun suivant les dispositions particulières, qui ont leur principe dans la volonté.
XXX. (Ib. 9, 7.) Progrès de l’endurcissement de Pharaon. – « Lorsque Pharaon vit qu’aucun des animaux des enfants d’Israël n’était mort, son cœur s’endurcit. » Comment cet endurcissement du cœur de Pharaon eut-il son origine dans des motifs opposés ? Si les troupeaux des Israélites avaient péri, il y aurait eu pour lui, ce semble, une raison suffisante de s’endurcir jusqu’à mépriser Dieu, comme si ce désastre était l’œuvre de ses magiciens ; mais maintenant qu’il voit que pas un des animaux des Hébreux n’a péri, son cœur s’endurcit, quand il aurait dû se sentir porté à la crainte ou à la confiance : voilà jusqu’où a pu aller son endurcissement.
XXXI. (Ib. 9, 8.) Sur le rôle de Moïse et d’Aaron dans l’opération des miracles. – Que signifient ces paroles de Dieu à l’adresse de Moïse et d’Aaron : « Prenez, plein vos mains, de la cendre du foyer et que Moïse la jette vers le ciel en présence de Pharaon et de ses serviteurs, et qu’elle s’étende en poussière sur toute la terre d’Égypte » Les miracles précédents s’opéraient avec la verge qu’Aaron, et non point Moïse, étendait sur l’eau, ou dont il frappait la terre ; mais ici, après les deux miracles relatifs aux mouches et à la mortalité des troupeaux, où ni Aaron ni Moïse n’ont point apporté le secours de leur main, il est dit que Moïse doit jeter au ciel la cendre de la fournaise ; tous les deux doivent en prendre ; mais l’un pour la jeter au ciel, l’autre pour la répandre à terre : Aaron, dont le ministère regardait le peuple, dut frapper la terre ou étendre la main soit sur la terre, soit sur l’eau ; tandis que Moïse dont il a été dit : « Tu le représenteras dans toutes les choses qui ont rapport à Dieu[22], reçoit l’ordre de jeter la cendre au ciel. Que signifient les deux miracles précédents, où Moïse ni Aaron n’eurent aucune part ? Pourquoi cette différence ? Ce n’est pas pour rien.
XXXII. (Ib. 9, 16.) Patience de Dieu à l’égard de Pharaon. – « La vie t’a été conservée, pour faire éclater en toi ma puissance et pour rendre mon nom célèbre par toute la terre. » L’Apôtre cite ces mêmes paroles de l’Écriture, en traitant ce sujet extrêmement difficile. Et il ajoute « Mais si Dieu, voulant montrer sa colère et faire éclater sa puissance, a supporté les vases de colère avec une grande patience » en épargnant ceux qu’il savait dans sa prescience devoir être méchants, et auxquels l’Apôtre donne le nom de « vases préparés pour la perdition » c’est aussi, continue-t-il, « afin de faire voir les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde.[23] » De là, dans les Psaumes, ce mot des vases de miséricorde : « Mon Dieu me préviendra par sa miséricorde ; mon Dieu s’est démontré pour moi contre mes ennemis[24]. » Dieu sait donc se servir des méchants, qu’il n’a point cependant créés pour le mal, mais il les supporte patiemment jusqu’au temps qui lui semble opportun ; il ne les souffre pas sans utilité, voulant qu’ils servent d’avertissement et d’épreuve aux bons. En effet la patience divine envers les méchants profite aux vases de miséricorde, par qui le nom de Dieu est publié par toute la terre. Aussi Pharaon fut-il réservé pour l’utilité de ces derniers, ainsi que l’atteste l’Écriture et que la suite nous le fera voir.
XXXIII. (Ib. 9, ##Rem 19, 6,20.) Sur la grêle.
– Pourquoi, en menaçant Pharaon d’une grêle désastreuse, Dieu lui recommande-t-il de rassembler à la hâte ses troupeaux et tout ce qu’il a dans la campagne, dans la crainte que la grêle ne les fasse périr ? Car cet avertissement paraît empreint de miséricorde plutôt que de colère. Mais que Dieu même au milieu de sa colère, tempère le châtiment, cela ne fait aucune difficulté. Ce qui préoccupe et à bon droit, c’est de savoir quels troupeaux il s’agissait de préserver, si tous avaient été frappés de mort dans la plaie précédente, car il est écrit que Dieu distingua les troupeaux des Hébreux de ceux des Égyptiens et que les premiers furent totalement préservés, tandis que les derniers furent entièrement anéantis. Ne peut-on admettre la solution suivante ? Dieu ayant dit que les animaux laissés dans la campagne périraient, c’est à ces animaux que s’appliquerait le mot tous ; ceux qui étaient dans la maison et ceux que les Égyptiens, même dans le doute, purent y rassembler dans la crainte que la prédiction de Moïse ne fût vraie, échappèrent au désastre ; une partie de ces animaux pouvait de nouveau s’être répandue dans la campagne, et c’est pour qu’ils soient préservés de la grêle, que Dieu avertit de les faire rentrer dans les maisons. Les paroles suivantes de l’Écriture viennent corroborer cette opinion : « Celui d’entre les serviteurs de Pharaon qui craignit la parole du Seigneur, rassembla ses troupeaux dans ses maisons ; mais celui qui dans son cœur ne fit point attention à la parole du Seigneur laissa périr ses troupeaux dans les champs. » Quoique l’Écriture garde le silence à ce sujet, les choses ont aussi bien pu arriver de cette manière, quand Dieu menaça de faire périr les troupeaux.
XXXIV. (Ib. 9, 22.) Une seconde fois, Moise élève sa main vers le ciel.
– « Et le Seigneur dit à Moïse : Étends ta main vers le ciel, et il y aura de « la grêle dans toute la terre d’Égypte. » C’est pour la seconde fois que l’ordre est donné à Moïse d’étendre sa main, non sur la terre, mais vers le ciel, comme nous l’avons remarqué précédemment à propos de la cendre.
XXXV. (Ib. 9, 27-30.) Sur la crainte de Pharaon.
– Lorsque Pharaon consterné de l’épouvantable, fracas qui accompagnait la grêle, fait l’aveu de son iniquité et de celle de son peuple et conjure Moïse de prier pour lui, celui-ci lui répond : « Je sais que toi et tes serviteurs, vous ne craignez pas encore le Seigneur. » Quelle crainte exigeait-elle donc, puisque celle de Pharaon n’était pas encore la crainte du Seigneur ? C’est qu’il est facile de craindre le châtiment ; mais ce n’est pas là cette crainte de Dieu, inspirée par l’amour, dont parle Jacob quand il dit : « Si le Dieu de mon père Abraham et le Dieu que craint Isaac ne m’avait assisté, vous m’auriez aujourd’hui renvoyé tout nu[25]. »
XXXVI. (Ib. 10, 1.) Encore sur la patience de Dieu.
– « Le Seigneur dit à Moïse : Va trouver Pharaon, car j’ai endurci son cœur et celui de ses serviteurs, afin que mes prodiges se succèdent en leur personne. » Ne semblerait-il pas que Dieu a besoin de la malice de qui que ce soit ? Mais voici le sens de ces paroles ; c’est comme si Dieu disait : J’ai été patient envers lui et ses serviteurs, quand je les ai épargnés, quand j’ai fait éclater successivement mes prodiges sur eux. Plus Dieu était patient, plus le cœur du prince devenait obstiné. C’est pourquoi le texte sacré dit : « J’ai endurci son cœur » pour signifier : J’ai été patient à son égard.
XXXVII. (Ib. 10, 19.) Le pécheur abuse des bienfaits et de la patience de Dieu.
– « Il ne resta pas une sauterelle dans toute la terre d’Égypte ; et le Seigneur évidemment endurcit le cœur de Pharaon. » L’Écriture signale un bienfait de Dieu dans cet acte par lequel il fait disparaître les sauterelles ; puis elle dit que le Seigneur endurcit le cœur de Pharaon : ce fut certainement parce bienfait, par cette patience, qui permettait au coupable de s’obstiner dans le mal tant qu’il se voyait épargné : c’est ainsi que tous les cœurs dépravés s’endurcissent par un abus déplorable de la patience de Dieu.
XXXVIII. (Ib. 10, 21-22.) Puissance de Moïse.
– Quand il s’agit de produire les ténèbres, c’est pour la troisième fois qu’il est dit à Moïse « Étends ta main vers le ciel. » Or jamais Aaron son frère, n’a reçu un ordre semblable. Lorsque Dieu dit à Moïse : « Étends ta main sur la terre d’Égypte, et que les sauterelles se répandent sur la terre » ces paroles me donnent à entendre que celui qui peut davantage peut moins ; mais il ne s’ensuit pas pour cela que celui qui peut moins, puisse davantage.
XXXIX. (Ib. 11, 2.) Sur l’emprunt des vases et des habits fait par les Hébreux aux Égyptiens.
– Dieu dit à Moïse : « Parle donc en secret au peuple, et que chacun demande à son voisin, et chaque femme à sa voisine, des vases d’or et d’argent, et des habits. » Que personne ne songe à s’autoriser de cet exemple pour dépouiller son prochain de la même manière. Car cet ordre émanait de Dieu, qui savait la part de souffrance qui revenait à chacun : les Israélites ne se sont pas non plus rendus coupables de vol, mais ils se sont prêtés aux ordres de Dieu. C’est ainsi que le bourreau, lorsqu’il exécute un homme condamné à mort parla sentence du juge, se rend coupable d’homicide, s’il agit spontanément et sans ordre, quand même il saurait que l’homme à qui il donne la mort était irrévocablement condamné par le juge. Il y a encore une autre question de quelque importance : Si les Hébreux habitaient séparément le pays de Gessen, où ne se produisaient point les plaies qui affligeaient le royaume de Pharaon, comment put-il se faire que chacun demandât à son voisin ou à sa voisine de l’or, de l’argent et des vêtements ; surtout si l’on considère que cet ordre est donné la première fois à Moïse dans les termes suivants : « Que la femme demande à sa voisine et à sa con-chambrière ou à celle qui habite sous le même toit ? » On doit comprendre par là que les Hébreux n’étaient pas les seuls habitants du pays de Gessen, mais qu’un certain nombre d’Egyptiens y demeuraient avec eux ; ceux-ci, favorisés des bienfaits de Dieu départis à cette contrée, s’attachèrent aux Hébreux par reconnaissance et leur prêtèrent facilement ce qu’ils demandaient ; cependant Dieu ne les jugea pas assez étrangers aux injustices et aux persécutions dont son peuple avait été victime pour leur épargner encore ce dommage après les avoir préservés des plaies qui affligeaient l’Égypte, mais n’atteignaient pas ce pays.
XL. (Ib. 11, 9.) Dieu se sert de la malice de Pharaon.
– « Or, le Seigneur dit à Moïse : Pharaon ne t’écoutera pas, afin que je multiplie mes signes et mes prodiges dans la terre d’Égypte. » On dirait que Dieu avait besoin de la désobéissance de Pharaon, pour multiplier ces mêmes prodiges, qui avaient d’ailleurs leurs utiles résultats : ils inspiraient de la terreur au peuple de Dieu et le formaient à la piété par un sage discernement, Mais c’était là l’œuvre de Dieu, qui faisait servir au bien la malice de ce cœur coupable, plutôt que l’œuvre de Pharaon, qui abusait de la patience de Dieu.
XLI. (Ib. 12, 10-46.) Que restait-il à brûler de l’agneau pascal ?
– « S’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu. » On peut demander comment il restera quelque chose, puisque l’ordre est donné de prendre avec soi des voisins, si la maison ne contient pas un nombre suffisant de personnes pour manger l’agneau. Mais comme il a été dit : « Vous ne briserez pas ses os » les os certainement étaient de reste, et le feu devait les consumer.
XLII. (Ib. 12, 5.) Sur l’agneau pascal.
— « Vous prendrez un agneau parfait, mâle et âgé d’un an. » Cette expression, agnus masculus, comme si un agneau pouvait n’être pas mâle, peut embarrasser celui qui ignore la raison impérieuse de cette traduction. Il a fallu traduire par ovis, brebis, parce que le grec porte πρόβατον; mais πρόβατον, en grec, est du neutre, et tout ce qui suit s’accorde en genre avec ce mot ; c’est comme si on disait : Pecus perfectum, masculum, anniculum erit vobis. On peut dire en latin : masculum pecus, comme on dit : mascula thura, au neutre ; mais on ne pourrait pas dire : ovis masculus, une brebis mâle, parce que ovis, brebis, est du genre féminin. Si on disait une brebis mâle, ce serait une grande absurdité. Et si l’on se servait du mot pecus, le sens serait encore altéré, et l’on ferait disparaître le sens mystérieux de l’Écriture, qui, après avoir parlé de la brebis, ajoute : « Vous la prendrez parmi les agneaux et les chevreaux. » C’est avec raison que l’on voit le Christ désigné dans ce passage. Qu’était-il nécessaire en effet d’avertir qu’il fallait prendre la brebis ou l’agneau parmi les agneaux et les chevreaux, si ce trait ne figurait celui dont la généalogie charnelle compta parmi ses membres des justes et des pécheurs ? Quoique les Juifs s’attachent à démontrer qu’il fallait prendre aussi un chevreau pour la célébration de la Pâque, et que, suivant eux, ces mots : « prendre parmi les agneaux et les chevreaux » signifient qu’il fallait choisir un agneau parmi les agneaux, où, à son défaut, un chevreau parmi les chevreaux ; cependant la réalité accomplie dans le Christ fait bien voir ce qui était figuré dans ce commandement.
XLIII. (Ib. 12, 14.) Sur le mot éternel.
– S’il est écrit : « Vous ferez en ce jour, de race en race, une fête légale qui durera toujours » ou bien, « une fête éternelle » αἲώνιον, selon le texte grec, ce n’est pas à dire qu’il y ait aucun jour de cette vie passagère doué d’une durée éternelle ; mais ce qui est éternel, c’est l’objet signifié par ce jour ; comme quand nous disons que Dieu est éternel, ce n’est pas certainement à ce mot DIEU, mais à ce qu’il signifie que nous attribuons l’éternité. Néanmoins il faut rechercher avec soin en quel sens l’Écriture emploie souvent ce mot éternel ; peut-être Dieu dit-il que ce jour sera solennisé éternellement, pour montrer qu’il ne serait pas permis de le transgresser ou de le changer, de sa propre autorité. Car autre chose est de commander ce qui ne doit se faire qu’en une circonstance déterminée : tel fut l’ordre donné à Josué de faire avec l’arche sept fois le tour de Jéricho[26] : autre chose est de poser un commandement, dont la solennelle observation n’aura jamais de terme et sera quotidienne, ou mensuelle, ou annuelle, ou bien encore fixée à une période régulière de plus ou moins d’années. Donc, ou bien ce que l’Écriture appelle éternel, signifie que les Hébreux ne devront jamais se permettre de mettre un terme à la célébration de la Pâque ; ou bien, je le répète, il faut appliquer cette qualification non aux signes mais aux choses qu’ils désignent.
XLIV. (Ib. 12, 30.) Sur la mort des premiers-nés.
– « Un grand cri s’éleva dans toute la terre d’Égypte. Car il n’y avait aucune maison où il n’y eût un mort. » Ne peut-il se faire qu’il y eût quelque maison où ne se trouvait point de premier-né ? Puisque les premiers-nés étaient seuls voués à la mort, comment donc n’y eut-il aucune maison qui ne comptât point de victime ? Dieu avait-il voulu, dans sa divine prescience, à la sortie de l’Égypte, et durée de leur servitude qu’il y eût dans toutes les maisons des premiers-nés, en qui les Égyptiens seraient châtiés ? Il ne faut certainement pas croire que les Égyptiens du pays de Gessen furent exemptés de cette plaie : car elle frappait les hommes et les animaux et non la terre ; c’est-à-dire que les hommes et les premiers-nés des animaux mouraient, frappés en secret par la main de l’ange, sans qu’on aperçut rien au ciel ni sur la terre qui affligeât les hommes, comme la production des grenouilles, des sauterelles et des ténèbres. Lorsque la terre de Gessen échappa à ces plaies, le bienfait de Dieu s’étendit sans aucun doute sur les Égyptiens qui demeuraient en ce pays avec les Hébreux ; mais tous leurs premiers-nés comptèrent au nombre des victimes dans cette circonstance.
XLV. (Ib. 12, 35-36.) Encore sur l’emprunt fait aux Égyptiens par les Hébreux.
– « Or, les enfants d’Israël firent ce que Moïse leur avait ordonné, et demandèrent aux Égyptiens des vases d’or et d’argent, et des vêtements ; elle Seigneur rendit les Égyptiens favorables à son peuple : ils leur prêtèrent, et les Hébreux dépouillèrent les Égyptiens » Cet évènement était déjà accompli, avant la mort des premiers-nés de l’Égypte : c’est ici une répétition et un retour sur le passé. Ce fait a été raconté en son temps. Comment dans le deuil immense causé – par la mort de leurs enfants, les Égyptiens auraient-ils pu prêter ces objets divers ? Il faudrait admettre alors que les Égyptiens mêlés aux Hébreux dans le pays de Gessen, échappèrent encore à cette plaie.
XLVI. (Ib. 12, 22.) Sur le sang de l’Agneau.
– « Vous prendrez un petit bouquet d’hysope et le trempant dans le sang qui est sur le seuil de la maison, vous en frotterez la porte et les deux poteaux. » On demande quel est réellement ce sang placé près de la porte, puisque l’auteur sacré parle sans aucun doute du sang de l’agneau immolé pour la Pâque. Cet ordre est-il conçu en ces termes, quoique d’ailleurs l’Écriture n’en dise rien, pour que l’Agneau pascal soit mis à mort sur le seuil de la maison ? Ou bien, ce qui est plus probable, quand le texte sacré porte : « dans le sang qui est sur le seuil de la maison » est-ce pour indiquer que celui qui doit en répandre sur la porte et les poteaux, placera le vase, où il a reçu le sang, près de la porte, afin d’y puiser plus facilement ?
XLVII. (Ib. 12, 37-40.) Nombre des Israélites à la sortie de l’Égypte, et durée de leur servitude.
– « Or, les enfants d’Israël partirent de Ramsès pour venir à Socoth, au nombre de six-cent mille hommes de pied, sans compter les bagages, instructum » ou « les biens », s’il est permis de traduire ainsi l’expression grecque άποσχυἠν. Cette expression signifie, d’après l’Écriture, non-seulement ce qui peut être transporté, mais encore ce qui peut se mouvoir : car Juda, s’adressant à son père, lui dit : « Envoie l’enfant avec moi, et nous nous lèverons, pour aller chercher de quoi vivre et ne pas mourir, toi et nous, et ce que nous possédons[27]. » Or, le grec porte en ce passage le mot άποσχυἠν, que le latin rend par substantiam; nos interprètes le traduisent aussi quelquefois par censum, dans le sens que nous donnons ici à instructum, voulant qu’on entende par ce mot les hommes et les bêtes de somme, ou tous les animaux. Peut-on aussi entendre par là les épouses, je l’ignore, Cependant lorsque l’Écriture parle des six-cent mille hommes de pied et qu’elle ajoute : « à l’exception des bagages, ou du bien, ou de ce qu’ils possédaient » ou tout autre terme qui traduirait mieux άποσχυἠν, il est évident qu’elle marque par là les hommes, serviteurs, femmes ou jeunes gens encore incapables de servir, et que les six-cent mille hommes doivent s’entendre exclusivement de ceux qui étaient en état de porter tes armes.
Mais on demande ordinairement si les Hébreux ont pu former un si grand peuple, pendant les années que l’Écriture, attentivement examinée, montre qu’ils ont passées en Égypte. Et d’abord combien d’années y demeurèrent-ils ? Ce n’est pas une petite question. Car, à l’époque où Abraham offrit en sacrifice une vache de trois ans, une chèvre, un bélier, une tourterelle et une colombe ; avant même la naissance d’Isaac et d’Ismaël, Dieu dit à ce patriarche : « Sache bien que ta race demeurera dans une terre étrangère, et qu’elle y sera réduite en servitude et persécutée pendant quatre cents ans[28]. » Si donc on admet que ces quatre cents ans se rapportent à la servitude d’Égypte, on ne trouvera pas trop court le temps qui fut donné à l’accroissement de ce peuple. Mais l’Écriture atteste de la manière la plus évidente que la servitude des Hébreux ne dura pas un temps si considérable. Quelques-uns pensent qu’il faut compter quatre cent-trente ans; à partir de l’entrée de Jacob en Égypte jusqu’à la délivrance du peuple par le ministère de Moïse, attendu qu’il est écrit dans l’Exode : « Le temps d’exil que les enfants d’Israël passèrent dans la terre d’Égypte et dans la terre de Chanaan, eux et leurs pères, fut de quatre cent-trente ans. » Et ils veulent que la servitude ait duré quatre cents ans, parce qu’il est écrit dans la Genèse : « Sache bien que ta race demeurera dans une terre étrangère et qu’elle sera réduite en servitude et persécutée pendant quatre cents ans. » Mais comme les années de la servitude se comptent à partir de la mort de Joseph, car, de son vivant, les Hébreux régnèrent plutôt qu’ils ne furent esclaves, on ne voit pas comment il est possible de trouver quatre cent trente ans pour leur séjour en Égypte. En effet, quand Jacob entra dans cette contrée, son fils Joseph avait trente-neuf ans ; car il en avait trente lorsqu’il parut en présence de Pharaon[29], et commença d’administrer sous son, règne ; vinrent en suite les sept années d’abondance, et Jacob entra en Égypte avec ses autres enfants dans la seconde année qui les suivit[30]. Par conséquent Joseph était alors dans sa trente-neuvième année, et il mourut à l’âge de cent-dix ans[31] : il vécut donc en Égypte, depuis l’arrivée de son père, soixante-et-onze ans : défalquons ce chiffre de quatre cent-trente, il restera, en prenant pour point de départ la mort de Joseph, non plus quatre-cent, mais trois cent cinquante-neuf ans de servitude. Et si nous croyons devoir compter depuis l’époque où Joseph commença de régner sous Pharaon, en sorte qu’Israël serait censé être entré en Égypte au temps où son fils fut élevé au faîte du pouvoir, dans cette hypothèse ou ne trouverait même que trois cent-cinquante ans. Tychonius veut que ce chiffre soit mis pour quatre cents, en prenant la partie pour le tout, c’est-à-dire cinquante pour le chiffre rond cent, et il fait voir, par des exemples, que l’Écriture emploie communément cette manière de parler[32]. Dans l’hypothèse un peu plus probable, que Jacob serait censé descendu en Égypte quand Joseph y fut vendu, il faudrait encore soustraire treize années, et alors on aurait trois cent trente-sept, au lieu de quatre-cent. L’Écriture rapporte encore que Caath, fils de Lévi, aïeul de Moïse, entra en Égypte avec Jacob, son grand-père[33] ; et elle dit qu’il y vécut cent trente ans[34], et son fils Ambram, père de Moïse, cent trente-sept ; enfin que Moïse avait quatre-vingts ans, lorsqu’il délivra son peuple de l’Égypte[35] : or, quand même Caath eût engendré le père de Moïse dans l’année de sa mort, et qu’Ambram à son tour eût engendré Moïse dans la dernière année de sa vie ; cent-trente, cent trente-sept et quatre-vingts font trois cents-quarante-sept, et non pas quatre cent-trente. Si l’on veut que Caath, fils de Lévi, soit né la dernière année de la vie de Joseph, c’est environ soixante-et-dix années qu’on peut joindre à ce total, car Joseph vécut soixante-et-onze ans en Égypte après l’arrivée de son père. Par conséquent, même en additionnant ces soixante-dix années de la vie de Joseph, depuis l’entrée de Jacob en Égypte jusqu’à la naissance de Caath, si tant est qu’il soit né à cette époque, – avec les cent-trente années que vécut Caath, les cent trente-sept de son fils Ambram, père de Moïse, et les quatre-vingts de Moïse lui-même, on n’aura encore que quatre cent dix-sept années, au lieu de quatre cent-trente. Il suit de là que la supputation, suivie par Eusèbe dans sa Chronique, a pour elle évidemment la vérité. Cet historien compte en effet les quatre cent-trente ans à partir de la promesse que Dieu fit à Abraham quand il l’appela de son pays dans la terre de Chanaan[36], et il s’appuie sur l’exemple de l’Apôtre, qui, après avoir loué et recommandé la foi d’Abraham dans la promesse que toutes les tribus de la terre seraient bénies en lui promesse où il voit une prophétie relative au Christ, – ajoute : « Ce que je veux dire, c’est que Dieu, ayant fait un testament en bonne forme, la Loi, qui a été donnée quatre cent-trente ans après, ne l’a pas annulé, ni anéanti les promesses[37]. » D’après l’Apôtre, c’est donc quatre cent-trente ans après la vocation d’Abra ham et lapromesse divine à laquelle crut ce patriarche, et non quatre cent-trente ans après l’entrée de Jacob en Égypte, que la Loi fut publiée. Au reste, le texte sacré le fait assez entendre ; car nous lisons dans l’Exode, non pas : « L’exil des enfants d’Israël » dans le pays d’Égypte fut de quatre cent-trente ans ; mais bien : « L’exil qu’ils passèrent dans le pays d’Égypte et dans le pays de Chanaan, eux et leurs pères. » Il est clair, par conséquent, qu’il faut faire entrer dans la supputation le temps que vécurent les Patriarches Abraham, Isaac et Jacob, depuis l’époque où Abraham mit le pied dans la terre de Chanaan, c’est-à-dire, depuis la promesse à laquelle il eut foi, ce dont l’Apôtre fait l’éloge, jusqu’à l’époque que où Israël descendit en Égypte. Durant ces longues années, en effet, les Patriarches, comme des voyageurs, vécurent en étrangers dans le pays de Chanaan, comme dans la suite les enfants d’Israël, en Égypte : c’est ainsi que le calcul exact de quatre cent-trente années se retrouve, en prenant pour point de départ la promesse, pour aboutir à la sortie d’Égypte, quand fut donnée sur le mont Sinaï la loi qui n’annulait point le testament et laissait intactes les promesses. En effet, au témoignage de l’Écriture, Abraham était dans sa soixante-quinzième année, quand il vint dans le pays de Chanaan[38], et il engendra Isaac à l’âge de cent ans[39]. Il s’écoula par conséquent vingt-cinq années entre la promesse et la naissance d’Isaac. En y ajoutant toutes les années de la vie d’Isaac, c’est-à-dire cent quatre-vingts, on a le chiffre de deux cent-cinq[40] : Jacob avait alors cent-vingt ans, car Isaac en avait soixante, quand il eut ses deux enfants jumeaux, Jacob et Esaü[41] ; dix ans après, Jacob entra en Égypte, âgé de cent-trente ans[42]. Joseph était dans sa trente-neuvième année. Depuis la promesse jusqu’à l’entrée de Jacob en Égypte, on compte donc deux cent-quinze ans. Joseph, âgé de trente-neuf ans, quand son père vint le trouver en Égypte, vécut encore soixante-et-onze ans, car il vécut jusqu’à l’âge de cent-dix ans[43]. Deux cent-quinze et soixante-et-onze font deux cent quatre-vingt-six. Restent deux cent quarante-quatre ou cinq années, qu’on admet pour la durée de la servitude des Israélites en Égypte après la mort de Joseph. En ce qui concerne leur multiplication prodigieuse pendant ce laps de temps, si l’on tient compte de la puissance d’engendrer dans l’homme et de la bénédiction de Celui qui voulut opérer cette merveille, on n’aura plus lieu de s’étonner que le peuple d’Israël sortit d’Égypte au nombre de six cent-mille hommes de pied, sans parler de la suite où se trouvaient les serviteurs, les femmes et tous ceux qui étaient incapables de porter les armes. Lorsque Dieu dit à Abraham : « Sache bien que ta race sera voyageuse dans une terre étrangère, et qu’elle y sera réduite en servitude, et persécutée pendant quatre cents ans » il ne faut donc pas entendre ces paroles, en ce sens que le peuple de Dieu fut aussi longtemps réduit à la plus dure servitude ; mais il est écrit. « D’Isaac sortira la race qui portera ton nom[44] » depuis l’année de la naissance d’Isaac jusqu’à l’année de la sortie d’Égypte, on compte quatre cent-cinq ans. Si des quatre cent-trente années on, soustrait les vingt-cinq qui se trouvent entre la promesse et la naissance d’Isaac, il n’est pas étonnant que l’Écriture donne pour résultat le chiffre rond quatre-cent, au lieu de quatre-cent cinq : quand elle suppute les temps, elle ne tient pas compte en effet de quelques années en plus ou en moins et préfère employer un nombre rond. Ces mots du texte : « Elle sera réduite en servitude et persécutée » n’ont donc pas rapport aux quatre cents ans ; la servitude n’a pas eu la durée de cette longue période ; mais les quatre cents ans se rapportent à ces mots : « Ta race sera voyageuse dans une terre étrangère » car cette race fut voyageuse dans le pays de Chaman aussi bien qu’en Égypte, jusqu’au jour où elle reçut en héritage la terre que Dieu lui avait promise : ce qui s’accomplit quand eut lieu la délivrance de la servitude d’Égypte. Il y a donc transposition dans le texte, et les mots doivent se rétablir dans l’ordre suivant : « Sache bien que ta race sera voyageuse dans une terre étrangère pendant quatre cents ans » le reste : « elle sera.réduiteen servitude et persécutée »
ne doit venir qu’après, et les quatre cents ans ne s’y rapportent point. Car c’est dans la dernière partie des années qui appartiennent à ce chiffre total, c’est-à-dire après la mort de Joseph, que le peuple de Dieu fut soumis en Égypte à une dure servitude.
XLVIII. (Ib. 13, 9.) Sur la foi et les œuvres.
– Pourquoi Dieu dit-il, en ordonnant la Pâque « Ce sera pour toi comme un signe sur ta main ? » Ces paroles signifient-elles : supérieur à tes œuvres, que tu doives préférer à tes œuvres ? Car, en raison de l’immolation de l’agneau, la Pâque se rapporte à la foi dans le Christ et dans le sang qui nous a rachetés. Or, cette foi doit passer avant les œuvres, elle doit être en quelque sorte sur la main, contrairement à l’opinion de ceux qui se glorifiaient dans les œuvres de la Loi. L’Apôtre parle sur cette matière et en traite longuement ; il veut que la foi marche avant les œuvres ; que les bonnes œuvres soient une conséquence de la foi et que celle-ci les prévienne ; enfin qu’on ne la considère pas comme une récompense du mérite des bonnes œuvres[45]. Car la foi a sa source dans la grâce : « or, si elle vient de la grâce, ce n’est donc pas des œuvres ; autrement la grâce ne serait plus grâce[46]. »
XLIX. (Ib. 13, 17.) Il faut écarter les obstacles au bien.
– « Or, Pharaon ayant laissé partir le peuple, Dieu ne les conduisit point par le chemin du pays des Philistins, qui était le plus court : car, disait-il, ce peuple se repentirait peut-être quand il verrait la guerre, et retournerait en Égypte. » On voit par là qu’il faut faire tout ce qui est prudemment possible, pour éviter les obstacles, quand même Dieu viendrait ouvertement en aide.
L. (Ib. 13, 18.) Que faut-il entendre par génération ?
– « Les enfants d’Israël sortirent de la terre d’Égypte à la cinquième génération. » L’écrivain sacré veut-il qu’une génération compte pour un siècle, et parle-t-il de la cinquième génération, parce que l’évènement qu’il raconte s’accomplit après les quatre cent-trente ans ? Ou bien, par générations, ne faut-il pas plutôt entendre celles qui se succèdent depuis Jacob à son entrée en Égypte jusqu’à Moïse qui en sortit à la tête du peuple ? Car on trouve Jacob à la première, Lévi à la seconde, Caath à la troisième, Ambram à la quatrième, et Moïse à la cinquième. Le traducteur latin a rendu par progenies ; le mot grec γενεἀς, que l’Évangile traduit par generationes : or, les générations se comptent par l’ordre de succession généalogique, non point par le nombre des années.
LI. (Ib. 14, 13.) Sur le sens de ces paroles : Vous ne verrez plus jamais les Égyptiens.
– Moïse dit : « Ayez confiance et demeurez fermes, et voyez le salut qui vient du Seigneur et qu’il vous accordera aujourd’hui. Car vous ne verrez plus jamais les Égyptiens, comme vous les avez vus aujourd’hui. » En quel sens faut-il prendre ces paroles, puisque les Israélites ont eu dans la suite l’occasion de voir des Égyptiens ? Est-ce en ce sens que ces mêmes Israélites, qui vol, aient actuellement les Égyptiens, ne les virent plus dans la suite : parce que ceux qui les poursuivaient étaient morts, et que ceux-ci à leur tour avaient tous cessé de vivre ? Car la postérité des uns a pu voir la postérité des autres. Ou bien ces mots : « Vous ne les verrez plus comme aujourd’hui[47] » signifient-ils : Vous ne les verrez plus comme aujourd’hui persécuteurs, ennemis et marchant à votre poursuite en si grand nombre ? Alors il n’y a plus de difficulté sérieuse, pas même à propos de ce jamais dont parle l’auteur : car bien que ces deux peuples doivent se voir au jour de la résurrection, ce ne sera pas certainement dans le même état qu’aujourd’hui.
LII. (lb, 14, 15.) Sur le cri du cœur.
– Que signifie cette parole du Seigneur à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » puisque l’Écriture ne rapporte aucune expression dont se serait servi Moïse, et ne dit point qu’il ait prié ? Ne veut-elle pas nous faire entendre que sa voix restait silencieuse, tandis que son cœur jetait un cri.
LIII. (Ib. 14, 16.) Sur la verge de Moïse.
– « Pour toi lève ta verge et étends ta main vers la mer. » Ici il est dit de cette verge miraculeuse qu’elle appartient à Moïse ; et quand son frère s’en servait pour opérer des miracles, le texte sacré en parlait comme d’une verge qui était à lui.
LIV. (Ib. 15, 12.) Comment Moïse dit-il que la terre a dévoré les Égyptiens ?
– « Vous avez étendu votre droite, et la terre les a dévorés. » Il n’est pas étonnant que la terre soit mise ici pour l’eau. Car toute cette partie du monde, la dernière et la plus basse, est désignée par le mot terre, suivant cette expression tant de fois répétée : Dieu qui a fait le ciel et la terre ; et le psalmiste dans son énumération après avoir appelé à son aide les choses célestes, venant à dire : « Louez le Seigneur, créatures de la terre » ne poursuit-il pas son hymne, en parlant aussi des êtres qui vivent dans les eaux[48] ?
LV. (Ib. 15, ##Rem 10, 8.) Sur l’Esprit-Saint.
– « Vous avez envoyé votre Esprit, et la mer les a engloutis. » C’est déjà pour la cinquième fois qu’il est fait mention de l’Esprit de Dieu, en admettant que ces paroles : « Ceci est le doigt de Dieu[49] » se rapportent à ce divin Esprit. L’Écriture en parle pour la première fois dans ce passage : « L’Esprit de Dieu était porté sur les eaux[50] » la seconde fois, quand il est dit : « Mon Esprit ne demeurera plus dans ces hommes, parce qu’ils sont chair[51] » la troisième fois, lorsque Pharaon dit à Joseph : « L’Esprit de Dieu est en toi[52] » la quatrième fois, quand les enchanteurs Égyptiens s’écrièrent : « Ceci est le doigt de Dieu » la cinquième enfin, dans ce passage du cantique de Moïse : « Vous avez envoyé votre Esprit, et la mer les a submergés. » Mais remarquons à ce sujet que l’Esprit de Dieu intervient non-seulement pour bénir, mais encore pour châtier. Quel autre sens en effet donner à ces paroles que Moïse a dites précédemment « L’eau a été divisée par l’Esprit de votre colère ? » À l’égard des Égyptiens, cet Esprit de Dieu fut donc un Esprit de colère ; car ils trouvèrent leur perte dans la division des eaux ; ils entrèrent dans le lit du fleuve, et quand les eaux reprirent leur cours, ils furent engloutis, par elles. Mais à l’égard des enfants d’Israël, il ne fut pas l’Esprit de la colère de Dieu ; car ceux-ci trouvèrent leur salut dans la division des eaux. On voit donc, par cet exemple, que, suivant la diversité de ses opérations et de ses effets, l’Esprit de Dieu prend des dénominations différentes, quoiqu’il ne soit qu’un seul et même Esprit, qui n’est autre que l’Esprit-Saint dans l’unité de la Trinité. Par conséquent je crois que c’est le même Esprit dont parle l’Apôtre, quand il dit : « Vous n’avez pas reçu de nouveau l’Esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l’esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, notre Père[53] » car la crainte a été imprimée dans ceux qui n’avaient pas encore l’intelligence de la grâce, par ce même Esprit divin, c’est-à-dire, par le doigt de Dieu, qui a gravé la Loi sur des tables de pierres[54] ; la Loi devait les convaincre de leur infirmité et de leurs péchés, et en même temps, comme une sorte de précepteur, les conduire à la grâce qui se trouve dans la foi en Jésus-Christ[55]. Mais quant à cet Esprit d’adoption et de grâce, je veux dire, cette opération par laquelle l’Esprit de Dieu accorde la grâce et la régénération pour la vie éternelle, il est caractérisé par ces mots : « L’Esprit vivifie » tandis qu’on lit plus haut : « La lettre tue[56] » c’est-à-dire, la lettre qui est écrite et qui contient des prescriptions, mais ne donne pas la grâce.
LVI. (Ib. 15, 23-24.) Sur le nom de Merra.
– « Or, ils vinrent à Merra, et ils ne pouvaient boire des eaux de Merra, parce qu’elles étaient amères. » Si ce lieu prit le nom d’Amertume, parce que son eau était trop amère et qu’on ne put en boire, car Merra veut dire amertume, comment l’Écriture dit-elle que les Israélites vinrent à Merra ? N’est-ce pas parce quelle donne au lieu où ils vinrent, le nom qu’il avait déjà reçu quand écrivait l’auteur inspiré ? Le récit sacré, en effet, est évidemment postérieur aux faits qu’il rapporte.
LVII. (Ib. 15, 25.) Sur le bois qui adoucit les eaux de Merra.
– « Le Seigneur lui montra un bois, qu’il jeta dans l’eau, et l’eau devint « douce. » La vertu de ce bois était-elle naturelle ? Ou bien, Dieu, qui faisait tant de prodiges, pouvait-il avec un bois quelconque opérer ce changement ? Ces expressions « il lui montra » semblent, plus favorables à la première hypothèse ; elles donnent lieu de penser que ce bois était doué de la propriété d’adoucir l’eau : mais peut-être aussi cet endroit était-il absolument dépourvu de bois ; en sorte que le Seigneur montra à Moïse un bois dans un lieu qui n’en possédait point. Il faudrait voir alors jusque dans ce fait l’intervention du secours divin ; et l’adoucissement des eaux par la vertu du bois serait une figure prophétique de la gloire et de la grâce de la croix : mais quand même ce bois aurait possédé naturellement cette vertu, qui faudrait-il en louer, si ce n’est Celui qui.l'acréé et qui l’a montré à son serviteur ?
LVIII. (Ib. 16, 4.) Sur la tentation de la part de Dieu.
– « Alors le Seigneur dit à Moïse : Voilà que je vous ferai pleuvoir des pains du ciel ; et le peuple ira en amasser ce qui suffira pour chaque jour, afin que je tente s’il marche, ou « non, dans la loi. » Cette tentation est une épreuve, et non un entraînement au péché ; et si Dieu éprouve, ce n’est pas pour apprendre ce qu’il ignorait, mais afin que les hommes se connaissant mieux et devenus plus humbles, implorent le secours de Dieu et ne méconnaissent pas sa grâce.
LIX. (Ib. 16, 8.) Sur ces mots : Que sommes-nous?
– Entre autres paroles, Moïse et Aaron adressent celles-ci au peuple : « Parce que le Seigneur a entendu le murmure que vous faites éclater contre lui. Pour nous, qu’est-ce que nous sommes ? Car ce n’est pas contre nous ; mais contre Dieu, que s’élève votre murmure. » Chargés d’une mission divine, ils ne veulent pas pour cela se croire autant que Dieu ; car ils disent : « Que sommes-nous ? » afin de leur faire comprendre que leurs murmures attaquaient celui qui les avait envoyés et qui se servait d’eux comme d’instruments pour ses prodiges. Ce n’est pas dans le même sens que Pierre dit à Ananie « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, mais à Dieu[57]. » Car il ne dit pas : Comment as-tu osé me mentir ? Ce n’est pas à moi que tu as menti mais à Dieu : s’il avait tenu ce langage, il aurait parlé comme Moïse et Aaron. Il n’a pas dit non plus : Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? ce n’est pas à l’Esprit-Saint que, tu as menti, mais à Dieu : un tel langage eût été la négation de la divinité du Saint-Esprit. Mais après avoir dit « Comment as-tu osé mentir à l’Esprit-Saint ? » sachant qu’Ananie croyait avoir menti à des hommes, Pierre ajouta pour montrer la divinité du Saint-Esprit : « Ce n’est pas aux hommes que tu as menti ; mais à Dieu. »
LX. (Ib. 16, 12.) Ce qui est signifié par les chairs et les pains que Dieu envoie à son peuple.
– Dieu fait dire à son peuple par l’intermédiaire de Moïse : « Ce soir vous mangerez de la chair, et le matin, vous serez rassasié de pains. » Les pains ne sont pas marqués ici pour désigner toute espèce d’aliments : car ces termes comprendraient également la chair qui sert d’alimentation. Les pains dont il vient d’être fait mention ne sont pas non plus ceux qu’on pétrit avec le froment et auxquels on donne communément le nom de pains ; mais c’est la manne qui est ainsi appelée. Or, ce n’est pas sans raison que Dieu promet de donner de la chair, le soir, des pains le matin. Car ce qui arriva à Élie, quand un corbeau lui apportait sa nourriture[58] a une signification semblable. La chair que Dieu envoyait le soir, et le pain qu’il envoyait le matin, ne sont-ils pas une figure de celui qui s’est livré pour nos péchés, et qui est ressuscité pour notre justification[59] ? Car, le soir, il est mort dans sa faiblesse et il a été enseveli ; et le matin étant ressuscité par sa propre vertu, il est apparu à ses disciples.
LXI. (Ib. 16, 33.) La mesure de manne planée devant Dieu.
– « Moïse dit à Aaron : Prends un vase d’or, mets dans ce vase, plein un gomor de manne, et tu le placeras devant Dieu, afin qu’elle se conserve pour les races à venir, selon que Dieu l’a ordonné. » On peut demander comment Aaron put placer devant Dieu le vase rempli de manne, puisqu’il n’y avait point d’image en l’honneur de la divinité, et quelle arche d’alliance n’était pas encore construite. Le futur, « tu placeras » n’est-il pas mis pour donner à entendre que le vase pourrait être placé devant Dieu, quand l’arche existerait ? Ou plutôt, ces expressions : « devant Dieu » ne marquent-elles pas la piété qui devait présider à l’offrande d’Aaron, en quelque lieu d’ailleurs que le vase serait placé ?car où Dieu n’est-il pas ? Mais ce qui suit : « Et Aaron mit ce vase en réservé devant le tabernacle » fait préférer le premier sens. Car alors l’Écriture dit par anticipation ce qui s’est réalisé dans la suite, quand le tabernacle du témoignage fut érigé.
LXII. (Ib. 16, 35.) Sur la manne.
– « Or, les enfants d’Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu’à ce qu’ils.vinssentdans la terre qui est habitée. Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins de la Phénicie. » L’Écriture anticipe ; racontant par anticipation ce qui arriva dans la suite, elle dit ici que les enfants d’Israël n’eurent d’autre nourriture que la manne dans le désert. Car c’est le sens de ces mots : « jusqu’à la terre qui est habitée » c’est-à-dire, celle qui n’est déjà plus le désert. Ce n’est pas qu’ils aient cessé de manger de la manne, aussitôt qu’ils furent parvenus à la terre habitable ; mais ils n’ont pas cessé auparavant. On dit en effet que lorsqu’ils eurent opéré le passage du Jourdain, la manne ne tomba plus, et qu’ils mangèrent des pains du pays. Quand ils eurent atteint la terre habitable avant d’avoir traversé le Jourdain, ils purent donc vivre uniquement de manne, ou de manne et de pain : il est permis de le conjecturer, puisque, comme l’Écriture nous l’apprend, la manne cessa seulement de tomber après le passage du Jourdain. Mais pourquoi, au milieu des privations du désert, désirèrent-ils avoir des viandes, puisqu’ils emmenèrent à leur sortie d’Égypte des quantités considérables de troupeaux ? Cette question a de l’importance. Ne peut-on point dire que les pâturages du désert étant de moindre valeur, la fécondité de leurs animaux leur parut devoir en souffrir, et qu’ils épargnèrent leurs troupeaux, dans la crainte que tous venant à manquer, il, n’y eût plus même de victimes pour les sacrifices ? Ne pourrait-on encore, pour la solution de cette difficulté, trouver quelque autre explication ? On croit, avec plus de raison, qu’ils ne désirèrent point les viandes qu’auraient pu leur procurer leurs troupeaux, mais celles qui leur manquaient, c’est-à-dire la chair de poisson, car ils n’en trouvaient point dans ce désert : c’est pourquoi Dieu leur envoya des râles ; la plupart des traducteurs latins disent des cailles, quoique ces oiseaux, sans différer beaucoup, soient cependant d’espèces différentes. Dieu savait ce qui faisait l’objet de leurs désirs et l’espèce de viande qui pouvait les rassasier. Mais l’Écriture ayant dit qu’ils désiraient des viandes, sans observer quelle sorte de viandes ils réclamaient, nous devions traiter cette question.
LXIII. (Ib, 16, 35.) Quelle est cette Phénicie dont parle l’Exode?
– « Ils mangèrent de la manne, jusqu’à ce qu’ils vinssent sur les confins « de la Phénicie. » Déjà l’auteur sacré avait dit « jusqu’à ce qu’ils vinssent dans la terre habitée » mais comme il n’avait pas indiqué expressément en quelle terre, il semble qu’il a voulu le dire en propres termes, dans ces mots : « sur les confins de la Phénicie. » Il y a lieu de croire que tel était alors le nom de ce pays ; mais aujourd’hui, on lui en donne un autre. Il est vrai que la réunion de Tyr et de Sidon s’appelle Phénicie ; mais nous ne lisons pas que les enfants d’Israël aient passé par là. Cependant l’Écriture a pu donner le nom de Phénicie à la région où commençaient les palmiers, sur la limite du désert, parce que palmier en grec s’exprime de la même manière[60]. Au commencement du voyage, ils trouvèrent un lieu où étaient douze fontaines et soixante-dix palmiers ; après, commença pour eux la vaste solitude du désert, où rien de semblable ne leur apparut, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint les ; régions habitées. Mais il est plus probable que ce pays portait à cette époque le nom de Phénicie. Car il en est de beaucoup de contrées et de pays comme des fleuves et des cités, qui dans la longue suite du temps, ont changé leurs noms antiques pour des raisons particulières.
LXIV. (Ib. 17, 5.) Supériorité de Moïse sur Aaron.
– « Le Seigneur dit à Moïse : Marche devant le peuple ; mène avec toi des anciens du peuple, et prends en ta main la verge avec laquelle tu as frappé le fleuve. » Suivant le texte, ce n’est pas Moïse, mais Aaron qui frappa le fleuve avec la verge. Moïse s’en servit pour diviser la mer, mais non le fleuve ; que signifient donc ces expressions : « Prends la verge dont tu as frappé le fleuve ? » Est-ce que l’Écriture donne le nom de fleuve à la mer ? Il faut chercher un exemple, s’il en est, d’une pareille manière de s’exprimer. Ou bien ce que faisait Aaron n’est-il pas attribué à Moïse, parce que Dieu donnait par l’intermédiaire de Moïse les ordres qu’Aaron exécutait ? À Moïse appartenait le commandement, à son frère l’exécution de ses ordres. Effectivement Dieu lui dit dès le principe à propos de ce dernier : « Il tiendra ta place auprès du peuple, et tu tiendras à son égard la place auprès de Dieu[61].
LXV. (Ib. 17, 9.) Sur la verge de Dieu.
– « Voici que je me tiens debout sur le sommet de la colline, et la verge de Dieu à la main » dit Moïse à Josué, fils de Navé, lorsqu’il lui ordonne de combattre contre Amalech. La verge appelée d’abord verge d’Aaron, puis de Moïse, s’appelle donc maintenant la verge de Dieu : comme l’Esprit de Dieu est appelé l’esprit d’Élie[62], parce que Élie en a été rendu participant, ainsi a-t-on pu donner différents noms à cette verge. On dit également la justice de Dieu, pour désigner la nôtre, mais considérée comme un don de Dieu parlant sur cette matière, l’Apôtre reproche aux Juifs « leur ignorance de la justice de Dieu et leurs efforts pour établir leur propre justice[63], c’est-à-dire celle qui viendrait d’eux-mêmes ; c’est contré ces aberrations qu’il s’élève en disant « Qu’as-tu en réalité que tu n’aies reçu[64] ? »
LXVI. (Ib. 18, 12.) Que signifie : Devant Dieu?
– « Araon et tous les anciens d’Israël vinrent manger du pain avec le beau-père de Moïse devant Dieu » (ante Deum), ou suivant d’autres exemplaires, en présence de Dieu (coram Deo) : en grec, ἐναντίον τοῦ θεοῦ. On demande où ce repas se fit devant Dieu, puisque le tabernacle et l’arche d’alliance n’existaient pas encore et furent érigés seulement dans la suite. Nous ne pouvons pas rapporter ce fait à un temps à venir, comme nous l’avons dit pour la manne placée dans un vase d’or[65]. On doit donc regarder comme fait devant Dieu ce qui se fait pour sa gloire : car où Dieu n’est-il pas ?
LXVII. (Ib. 18, 15.) Éternité de la loi de Dieu.
– Moïse dit à son beau-père : « Le peuple vient à moi pour recevoir le jugement de Dieu ; lorsqu’il leur arrive quelque différend et qu’ils viennent à moi, je juge chacun d’eux, et je les instruis des ordonnances et des lois de Dieu. » On peut demander comment un pareillangage.setrouve dans la bouche de Moïse, puisque la loi de Dieu n’était pas encore écrite. N’est-ce point parce que la loi de Dieu est éternelle et que toutes les âmes pieuses la consultent, afin de conformer leurs actions, leurs ordres ou leurs défenses avec ses préceptes, qui reposent sur l’immuable vérité ? Se persuadera-t-on, en effet, que Moïse, bien qu’admis à des entretiens familiers avec Dieu, le consultait ordinairement pour chaque difficulté, quand parfois il était retenu du matin au soir dans l’exercice de la justice pour terminer les différends survenus parmi cette multitude ? Et cependant s’il n’avait pas consulté le Seigneur comme le guide de sa conscience, et s’il ne s’était sagement inspiré de son éternelle loi, il n’aurait pu juger les différends suivant les règles de la plus stricte justice.
LXVIII. (Ib. 18, 18-19.) Excellent conseil de Jéthro à Moïse.
– À propos du conseil que Jéthro donna à son gendre, Moïse, de ne pas se consumer lui et son peuple dans les intolérables embarras de la justice, on demande d’abord pourquoi Dieu, qui honorait son serviteur de révélations si nombreuses et si importantes, permit qu’un étranger lui fit une leçon. L’Écriture nous apprend par là qu’un bon conseil, de quelque part qu’il vienne, ne doit pas être méprisé. Il faut voir encore si Dieu n’a pas voulu qu’un étranger reprit Moïse sur un point où l’orgueil avait pu le tenter, puisque seul il siégeait pour rendre les arrêts de la justice souveraine en présence de tout le peuple. C’est ce qu’indique le texte, car Jéthro veut qu’on choisisse, pour juger les causes du peuple, des hommes ennemis de la superbe. De plus, on voit assez dans ce passage combien il faut être fidèle aux conseils que donne l’Écriture en un autre endroit : « Mon fils, ne t’engage point dans une multitude d’actions[66]. » Enfin les termes, dans lesquels est conçu l’avis de Jéthro à Moïse, sont à considérer : « Maintenant donc, lui dit-il, écoute-moi, et je te donnerai un conseil, et Dieu sera avec toi. » Le sens qui me paraît en résulter, c’est que l’esprit humain, trop appliqué aux actions humaines, se vide en quelque sorte de Dieu, et qu’il s’en remplit à mesure qu’il se porte plus librement vers les choses célestes et éternelles.
LXIX. (Ib. 18, 19-20.) Encore sur le conseil de Jéthro à Moïse.
– Ce qu’ajoute Jéthro : « Sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu, et tu rapporteras à Dieu leurs paroles et tu leur apprendras les ordonnances et la loi divines ; et tu leur montreras les voies par lesquelles ils marcheront, et ce qu’ils auront à accomplir » fait voir que toutes ces choses concernent le peuple pris en masse. Car Jéthro ne dit pas : Tu rapporteras à Dieu les paroles de chacun, mais « leurs paroles » après qu’il venait de dire : « sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu. » Ensuite il veille à ce que le soin des affaires particulières ne soit pas délaissé : des hommes justes et puissants, ennemis de l’orgueil et serviteurs fidèles de Dieu, seront choisis pour être établis les uns sur mille hommes, les autres sur cent, les autres sur cinquante, les autres enfin sur dix. C’est ainsi que, sans accabler ces derniers, il déchargea Moïse d’occupations graves et épineuses. En effet mille hommes étant confiés à la conduite d’un seul, qui avait au-dessous de lui, dix, vingt et cent autres chefs, il arrivait nécessairement que chacun de ceux-ci avait à peine de quoi juger. On découvre aussi dans ce passage un exemple d’humilité dans là personne de Moïse : favorisé d’entretiens particuliers avec Dieu, il ne conçut point de dédain ni de mépris pour le conseil que lui donnait un étranger, son beau-père. Cependant, comme Jéthro n’était pas Israélite, faut-il le compter aussi bien que Job, étranger aussi à ce peuple, parmi les adorateurs du vrai Dieu et les sages éclairés par la religion ? Cette question mérite d’être posée et parait devoir être résolue affirmativement. Il est vrai que le texte ne dit pas clairement s’il a sacrifié au vrai Dieu parmi son peuple, quand il vit son gendre, ou si c’est Moïse qui l’a adoré ; mais quand même on dirait positivement que Moïse l’adora, l’honneur rendu par lui à son beau-père n’eût différé en rien des marques de respect familières aux patriarches à l’égard des hommes : ainsi est-il dit qu’Abraham adora le fils de Chet[67]. Quant aux γραμματοεισαγωγεῖς, que le texte désigne après les décurions, il n’est pas facile de savoir ce qu’ils étaient : car ce nom est tout à fait inusité parmi ceux qui exercent nos charges ou nos emplois. Quelques-uns le traduisent par doctores, docteurs, comme si l’on disait : maîtres des lettres, qui introduisent la connaissance des lettres ; c’est le sens du mot grec. On voit par là que les Hébreux avaient une littérature, avant la publication de la Loi : mais quand a-t-elle commencé, je ne sais s’il est possible de s’en assurer. Car il en est qui pensent que l’usage des lettres remonte aux premiers hommes, qu’elles passèrent à Noé, de lui aux ancêtres d’Abraham, et ensuite au peuple d’Israël : mais comment en établir les preuves, je l’ignore.
LXX. (Ib. 19, 1-11.) Sur les cinquante Jours écoulés entre la Pâque et la publication de la Loi.
– « Le troisième jour du troisième mois depuis la sortie de l’Égypte, les enfants d’Israël vinrent au désert de Sina ; ils étaient partis de Raphidin, et étant arrivé au désert de Sina, Israël campa au pied de la montagne ; et Moïse monta sur la montagne de Dieu, et le Seigneur l’appela du haut de la montagne, et lui dit : Voici ce que tu annonceras aux enfants d’Israël », etc. Et un peu plus loin : « Descends, et parle au peuple, et purifie-le aujourd’hui et demain, qu’ils lavent leurs vêtements, et qu’ils soient prêts pour le troisième jour. Car dans trois jours le Seigneur descendra sur le mont Sina, en présence de tout le peuple. » C’est en ce jour, comme on le voit par la suite du récit
[68], que fut donnée la Loi, écrite du doigt de Dieu.surdes tables de pierres. Or, il est constant que ce jour est le troisième du mois depuis la sortie d’Égypte. On compte donc cinquante jours depuis celui où les Israélites célébrèrent la Pâque par l’immolation et la manducation de l’agneau, c’est-à-dire, depuis le quatorzième jour du premier mois, jusqu’à celui où la Loi fut publiée : savoir dix-sept jours qui restent du premier mois, en partant du quatorzième ; puis les trente jours du second mois, qui, réunis aux précédents, donnent quarante-sept ; et enfin les trois jours du troisième mois : ce qui fait cinquante jours à partir de la solennité de la Pâque. Ainsi l’ancien Testament était comme une ombre de l’avenir de même qu’il s’est écoulé cinquante jours entre la fête de l’immolation de l’agneau et la promulgation de la Loi par le doigt de Dieu ; de même.dansle nouveau Testament, où la Vérité même est apparue, on compte cinquante jours depuis la fête de l’immolation de Jésus-Christ, l’agneau immaculé, jusqu’au jour où le Saint-Esprit descendit des cieux[69]. Déjà précédemment nous avons dit[70], sur le témoignage de l’Évangile, que, par le doigt de Dieu, il faut entendre l’Esprit-Saint.
LXXI. (Ib. 20, 1-7) Division des préceptes du Décalogue.
– 1. On demande comment il faut classer les dix commandements de la Loi : y en a-t-il quatre, y compris le précepte du sabbat, qui aient Dieu pour objet ; et six qui regardent l’homme, en commençant par celui-ci : « Honore ton père et ta mère ? » Ou bien faut-il de préférence en admettre trois qui se rapportent à Dieu, et sept qui se rapportent à l’homme? Ceux qui s’en tiennent à la première clarification font un commandement, à part, de ces paroles : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi » et un autre de celles-ci : « Tu ne te feras pas d’idoles, etc » qui renferment la condamnation du culte des faux dieux. Ils ne trouvent, au contraire, qu’un seul précepte dans ces paroles : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain » et tout ce qui suit jusqu’à la fin. Mais ceux qui adoptent la seconde classification ne voient qu’un commandement dans le précepte de n’adorer que Dieu et la défense de rendre à aucune créature le culte qui est dû à lui seul ; suivant eux il y a au contraire, deux commandements dans les dernières paroles du Décalogue : l’un exprimé par ces mots : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain » l’autre par ceux-ci : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. » Néanmoins tous s’accordent à reconnaître dix commandements, parce que l’Écriture le dit en termes exprès.
2. Pour moi, je regarde comme préférable la seconde classification, parce que les trois préceptes qui ont Dieu pour objet apparaissent, quand on y regarde attentivement, comme un symbole de la Trinité. À vrai dire, qu’est-ce que la défense du culte des idoles, sinon une sorte de commentaire de ces paroles : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ? » Quant à la convoitise de la femme du prochain et à la convoitise de la maison du prochain, ce sont deux péchés de nature différente, car à ces mots : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain » l’Écriture ajoute immédiatement ceux-ci : « ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni sa bête de somme, ni aucun de ses animaux, ni quoique ce soit qui appartienne à ton prochain. » On voit que la convoitise de la femme d’un autre diffère essentiellement de la convoitise de la maison du prochain, parce que chacune de ces prescriptions commence de la même manière : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain ; Tu ne désireras pas la maison de ton prochain » tandis que les paroles qui suivent ne forment qu’un tout avec ce dernier commandement. Après avoir dit : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain » l’Écriture n’ajoute pas : ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur, et le reste ; elle n’unit ensemble que ce qui forme un seul commandement et le sépare du précepte où il est question de la femme du prochain. Mais quand il est dit : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi » ce qui suit paraît n’être que le développement exact de la même pensée. « Tu ne te feras pas d’idole, ni aucune image de tout ce qui est en haut dans le ciel, et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans l’eau sous la terre ; tu ne les adoreras point et tu ne leur rendras point de culte » à quoi tout cela se rapporte-t-il, si ce n’est à ce commandement : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ? »
3. On demande encore quelle différence il y a entre ces mots : « Tu ne déroberas point » et la défense qui est faite, un peu plus bas, de désirer les biens du prochain. Sans doute on n’est pas voleur, parce qu’on désire le bien d’autrui ; mais si tout voleur sent en lui ce désir, la défense de voler pouvait donc être comprise dans la défense générale de convoiter le bien du prochain. De même, quelle différence entre ces mots : « Tu ne commettras point d’adultère » et ceux-ci qui viennent un peu après : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain ? » En disant ; « Tu ne commettras pas d’adultère » ne comprenait-on pas l’un et l’autre ? Mais peut-être la double défense de voler et de commettre l’adultère regarde-t-elle les actes extérieurs ; tandis que les autres prescriptions se rapportent à la convoitise de l’âme ; deux choses tout à fait différentes. Car on peut se rendre coupable d’adultère, sans désirer la femme de son prochain, en commettant le mal avec elle pour tout autre motif ; comme on peut le désirer, mais ne pas en venir à l’acte coupable, par là crainte du châtiment. La Loi a peut-être voulu faire voir qu’il y a péché dans l’un et l’autre cas.
4. On demande aussi ordinairement si la fornication est comprise dans le mot mœchia, adultère, mot grec que l’Écriture a latinisé. Les Grecs ne désignent sous cette expression que les hommes adultères. Cependant la Loi n’a pas été donnée pour les hommes à l’exclusion des femmes. Parce qu’il est écrit : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain » la femme ne doit pas se croire en dehors de la Loi ni autorisée à désirer l’homme de sa voisine. Si donc le texte de la Loi qui parle de l’homme, s’applique également à la femme, quoiqu’il ne la nomme pas, à combien plus forte raison ce commandement : « Tu ne commettras point d’adultère » regarde-t-il les deux sexes, puisqu’il peut s’appliquer à l’un et à l’autre, de même que ces préceptes : « Tu ne tueras point, tu ne déroberas point » et autres semblables qui ne désignant point de sexe, se rapportent à tous les deux. Cependant quand il y en a un de nommé, c’est le plus noble, c’est-à-dire l’homme, et la femme doit se considérer comme liée par les mêmes commandements. Par conséquent, si une femme mariée est adultère, en se livrant à un homme qui n’est pas le sien, bien qu’il soit libre ; de même un homme marié est certainement coupable d’adultère, s’il commet le péché avec une femme qui n’est pas la sienne, quoiqu’elle ne soit point liée par le mariage. Mais voici une question qui vaut la peine d’être posée : Un homme qui n’est pas marié et une femme qui ne l’est pas non plus, ayant commerce ensemble, transgressent-ils tous les deux ce commandement ? S’ils ne le transgressent pas, le Décalogue ne contient aucune défense contre la fornication, mais seulement contre l’adultère, quoique, suivant le langage de l’Écriture, tout adultère soit une fornication. Le Seigneur ne dit-il pas en effet, dans l’Évangile : « Quiconque renverra sa femme, excepté pour cause de fornication, la fait tomber dans l’adultère[71] ? » Qu’une femme mariée pèche avec un autre, il appelle cela fornication : ce qui est cependant un adultère. Tout adultère est donc désigné dans l’Écriture sous le nom de fornication. Peut-on dire, par réciprocité, que bute fornication est un adultère ? Il ne me revient pas à la mémoire un seul passage de l’Écriture où cette manière de parler soit employée Mais s’il n’est pas permis de dire que toute fornication soit un adultère, je ne vois pas en quel endroit du Décalogue se trouve défendu le commerce entre deux personnes libres. Toutefois, si l’on considère comme un vol toute usurpation illégitime du bien d’autrui, – car celui qui a défendu le vol n’a point autorisé la rapine ; mais en mettant la partie pour le tout il a voulu exprimer tout ce qui ne peut légitimement être ravi au prochain, – nous devons également regarder comme défendu sous le nom d’adultère tout acte coupable et tout usage illégitime des membres.
5. Quant à. ce commandement. « Tu ne tueras pas » on ne doit pas croire qu’il est violé, lorsque Dieu ou la loi condamne quelqu’un à mort. À celui qui commande revient la responsabilité, quand celui qui exécute n’a pas le droit de refuser l’obéissance.
6. Enfin on demande souvent si dans ces paroles : « Tu ne diras pas de faux-témoignage contre ton prochain » se trouve la condamnation de toute espèce de mensonge : ce commandement s’élèverait-il contre ceux qui disent qu’il est permis de mentir, quand le mensonge est utile à quelqu’un et ne fait point de tort à celui à qui l’on ment ? De pareils mensonges ne sont point contre le prochain : or, c’est ce que l’Écriture semble avoir eu principalement en vue ; car elle aurait pu dire simplement : « Tu ne diras pas de faux témoignage » comme elle a dit « Tu ne tueras pas, Tu ne commettras pas d’adultère, Tu ne déroberas point. » Mais c’est là une question qui exigerait de grands développements, et le temps nous manque pour expliquer ici à notre aise en quel sens il faut prendre ces paroles : « Vous perdrez ceux qui usent de mensonge[72] » celles-ci : « Garde-toi de toute espèce de mensonge[73] » et autres semblables.
LXXII. (Ib. 20, 18.) Emploi du verbe voir.
– « Et tout le peuple voyait la voix, et les lampes, et ce son de la trompette, et la montagne couverte de fumée. » On a coutume de demander comment le peuple voyait cette voix, puisque, comme on le voit, c’est à l’oreille plutôt qu’aux yeux que s’adressent les sons. Mais de même que je viens de dire : comme on le voit, rapportant ce mot à tout ce que j’avais dit ; de même, voir, dans son acception générale, s’entend des facultés de l’âme aussi bien que de nos sens corporels de là ces mots de la Genèse : « Jacob ayant vu qu’il y avait du blé en Égypte[74] » quand rien de tout cela n’était sous ses yeux. Cependant, au sentiment de plusieurs interprètes, voir une voix signifierait la comprendre, ou la voir des yeux de l’âme. Voulant faire ici une énumération rapide, l’historien sacré rapporte ce que voyait le peuple : la voix du tonnerre et les lampes, le son de la trompette et la montagne toute en feu ; mais s’il s’était servi du verbe entendre, combien il eût été plus difficile d’expliquer comment le peuple entendait les lampes et la montagne couverte de fumée, objets qui tombent sous le sens de la vue. On dira peut-être que la brièveté est ici un défaut, et qu’il eût fallu dire pour ne rien omettre : le peuple entendait la voix et voyait des lampes, entendait le son de la trompette et voyait la montagne toute en feu. Il y avait deux sons qui se faisaient entendre : celui des nues, du tonnerre vraisemblablement, et celui de la trompette, en supposant toutefois que le premier son dont il est parlé sortait des nues. En somme, dès lors que l’Écriture a voulu tout exprimer en peu de mots, il était préférable qu’elle.employâtle verbe voir dans son acception générale, en parlant des choses qui frappent l’oreille, plutôt que d’employer le verbe entendre, en parlant des objets qui tombent sous le sens de la vue. Cette dernière façon de parler n’est point dans nos usages. Nous disons bien : Vois ce bruit, mais non : Écoute cette lumière.
LXXIII. (Ib. 20, 19.) – La crainte, caractère : principal de l’ancien Testament ; l’amour, caractère du Nouveau.
— « Parle-nous toi-même ; que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions. » L’Écriture nous montre à plusieurs reprises, et d’une manière incontestable, que la crainte est le signe distinctif de l’ancienne Alliance, et l’amour, le signe distinctif de la nouvelle ; celle-ci était cependant en germe dans l’ancienne, et en est comme l’épanouissement. Mais comment avancer que le peuple d’Israël voyait la voix de Dieu, en donnant à ce mot le sens de comprendre, puisqu’il craignait de mourir en l’entendant ? en vérité, nous n’avons pas de raison suffisante pour admettre cette interprétation.
LXXIV. (Ib. 20, 20.) Dieu éprouve son peuple par la terreur.
– « Et Moïse leur dit : Ayez confiance ; car Dieu, est venu à vous pour vous tenter, afin que sa crainte soit en vous, et que vous ne péchiez point. » La crainte des châtiments sensibles, voilà donc le frein par lequel Dieu les empêche de pécher ; car ils n’étaient pas encore capables d’aimer la justice pour elle-même ; et cette épreuve, Dieu la permet pour mettre au grand jour les dispositions qui les animent. Ce n’est pas qu’il en eût besoin pour les connaître : il les connaissait parfaitement ; mais il voulait les faire connaître les uns aux autres, et à eux-mêmes. Ces terreurs, qui forment le trait caractéristique de l’ancien Testament, avaient cependant leur utilité ; l’Epître aux Hébreux en fait l’éloge en termes très-expressifs[75].
LXXV. (Ib. 20, 21.) Comment Dieu se manifeste à Moïse dans la nuée.
– « Or, Moïse entra dans la nuée où Dieu était » c’est-à-dire où Dieu faisait éclater les plus grands prodiges, afin de se faire connaître. Comment, en effet, se montrait-il dans une nuée, Lui que les cieux des cieux ne peuvent contenir ?n’était-ce point de la même manière qu’il est partout, Lui qui n’est en aucun lieu en particulier ?
LXXVI. (Ib. 20, 23.) Sur les idoles
– « Vous ne vous ferez point de dieux d’argent ni de dieux d’or. » Répétition de la défense renfermée dans le premier commandement : car par les dieux d’or et d’argent il faut entendre toute espèce de simulacres : « les idoles des nations, dit le Psalmiste, sont de l’or et de l’argent
[76]. »
LXXVII. (Ib. 21, 2.) Sur la loi relative aux esclaves.
– La loi de Moïse règle que l’esclave hébreu servira pendant six ans, et qu’à la septième année il sera renvoyé libre et quitte de toute obligation. Dans la crainte que les esclaves chrétiens ne réclament de leurs maîtres un semblable privilège, Saint Paul, s’appuyant sur son autorité apostolique, ordonne aux esclaves d’obéir à ceux dont ils sont les serviteurs, afin que le nom de Dieu et sa doctrine ne soient point outragés par des blasphèmes[77]. Au reste, cette prescription mosaïque renferme quelque mystère : ce qui le prouve, c’est l’ordre donné par Dieu de percer avec une alêne, contre un poteau ; l’oreille de celui qui refusait le bénéfice de la liberté.
LXXVIII. (Ib. 21, 7-11.) Sur la loi relative aux filles esclaves.
– « 1. Si quelqu’un a vendu sa fille pour esclave, elle ne sortira point comme font les autres servantes. Si elle a déplu à son maître, qui ne lui a pas donné son nom, il lui donnera une récompense. Mais il n’est pas le maître de la vendre à un peuple étranger, parce qu’il l’a méprisée. S’il la fait épouser à son fils, il la traitera comme il est juste de traiter les filles. Et s’il en prend une autre pour son fils, il ne refusera pas de lui donner l’entretien, le vêtement et la cohabitation. S’il ne lui accorde point ces trois choses, elle sortira, sans qu’il en puise tirer d’argent. » Ce passage est rendu si obscur par l’emploi de termes et de constructions inusités, que nos commentateurs savent à peine comment en expliquer le sens. Cet endroit n’est pas plus facile à comprendre dans le grec. J’essayerai pourtant de dire ce que j’y vois.
2. « Si quelqu’un, porte le texte sacré, a vendu sa fille pour servante » c’est-à-dire pour qu’elle soit servante, ce que les Grecs expriment parle mot ὁιχέτνς, « elle ne s’en ira point comme se retirent les servantes. » Cela veut dire qu’elle ne se retirera pas, comme les servantes juives au bout de six ans. Car il faut admettre que, devant cette loi mosaïque, la femme était mise sur le même pied que l’homme. Pourquoi donc ne se retirera-t-elle point la septième année, si ce n’est parce que, durant son service, son maître l’a avilie, en abusant d’elle ? Les paroles qui suivent viennent confirmer cette interprétation. Voici en effet ce que nous lisons : « Si elle ne plaît pas à son maître, qui ne lui a pas donné son nom », c’est-à-dire, ne l’a pas prise pour épouse, « il lui donnera une récompense » ce qui signifie, comme il a été dit plus haut, « qu’elle ne s’en ira point comme s’en vont les servantes. » La justice veut en effet qu’elle reçoive un dédommagement pour avoir été avilie, puisque son maître ayant eu commerce avec elle, il ne l’a pas prise pour épouse, en d’autres termes, ne lui a pas donné son nom. Plusieurs interprètes traduisent : « il l’a rachètera », ce que nous avons rendu par « il la récompensera. » Si le grec avait porté ἀπολυτρῶσεται, on l’aurait traduit comme dans ce passage du Psaume : « Il rachètera lui-même Israël[78] » où on lit ἀπολυτρῶσεται. Mais ici nous lisons : ἀπολυτρῶσετει: ce qui donne à entendre que le maître reçoit, plutôt que de donner quelque chose pour le rachat de sa servante. À qui, en effet, le maître donnera-t-il, pour racheter celle qu’il possède en qualité de servante ? « Il n’est pas le maître de la vendre à un peuple « étranger, parce qu’il a eu du mépris pour elle. » Le mépris qu’il a eu pour elle, ne lui donne pas le droit de la vendre ; en d’autres termes, il n’en sera – pas tellement le maître, qu’il ait le droit de la vendre à un peuple étranger. Avoir eu du mépris pour elle, ou l’avoir méprisée, c’est la même chose ; l’avoir méprisée, signifie l’avoir avilie, c’est-à-dire avoir eu commerce avec elle sans la prendre pour épouse. Le grec porte ὴθέτησεν, qui correspond à notre mot : sprevit; dont l’Écriture se sert dans Jérémie : « Comme une femme méprise celui avec « qui elle a commerce[79]. ».
3. L’Écriture dit ensuite : « S’il lui fait porter le nom de son fils, il la traitera comme il est juste de traiter les filles. » Ici revient l’expression employée précédemment : « à qui il n’a pas donné son nom. » Or, ces paroles : « S’il lui fait porter le nom de son fils » que signifient-elles, sinon qu’il la lui donne pour épouse ? Car il est marqué : « Il la traitera comme il est juste de traiter les filles » c’est-à-dire qu’il la mariera comme une fille en lui apportant une dot. L’Écriture ajoute : « Mais s’il prend une autre femme pour son fils » autrement, s’il ne lui donne pas l’esclave pour épouse, et lui en accorde une autre, « il ne refusera pas à cette servante l’entretien, le vêtement et la cohabitation » parce qu’elle n’est pas demeurée l’épouse de son fils, il lui donnera ce qui convient ; ce qu’il lui aurait accordé, s’il ne lui eût pas fait prendre son nom, après l’avoir cependant avilie par le commerce charnel. « Il ne lui refusera pas la cohabitation », le grec porte : ὁμιλιαν, manière chaste de désigner le commerce charnel. Maintenant que signifie : « Il lui donnera en place une récompense ? » Au livre de Daniel[80], les vieillards qui accusent faussement Suzanne, déposent en ces « termes : Un jeune homme qui était caché, est venu, et a commis le péché avec elle. » Daniel interroge l’un des deux à ce sujet et leur dit : « Sous « quel arbre les as tu vus parler ensemble ? » expression modeste qu’il substitue à celle dont ils s’étaient servis. Puis, s’adressant à l’autre et le convainquant de mensonge : « Race de Chanaan, lui dit-il, et non de Juda, la beauté t’a séduit, et la passion a perverti ton cœur. C’est ainsi que vous traitiez les filles d’Israël, et elles, ayant peur, vous obéissaient. » On lit dans le grec : Elles vous parlaient : ces expressions désignent le commerce charnel. Car dans ce passage : « Sous quel arbre les avez-vous surpris » le grec s’exprime de cette sorte : Les avez-vous surpris parlant ensemble : ce qui, encore une fois, signifie l’union des corps.
4. Quant aux autres paroles qu’on lit dans l’Écriture : « S’il ne fait pas ces trois choses, elle sortira sans rien recevoir », en voici le sens : S’il ne l’avilit point par le commercé charnel, s’il ne la donne point pour épouse à son fils, ou la renvoie sans avoir marié son fils à une autre, « elle se retirera sans qu’on paie rien pour elle » c’est-à-dire qu’il lui suffira de ne plus être tenue en servitude. Elle s’en ira, comme un esclave hébreu, sans rien recevoir. Il n’est pas permis à son maître de la marier à un autre qu’à un hébreu, pas plus qu’il ne lui est permis de la vendre à un peuple étranger. Mais s’il la marie à un hébreu, il faut comprendre qu’elle se retirera avec son mari, sans qu’on paie rien pour elle et sans qu’on puisse non plus la séparer de lui.
LXXIX. (Ib. 21, 12) Sur l’homicide volontaire et involontaire.
– « Si quelqu’un frappe un homme au point de le faire mourir, qu’il soit puni de mort. S’il n’a pas voulu la mort de cet homme, mais que Dieu l’ait fait tomber entre ses mains, je te donnerai un lieu où il pourra se réfugier. » On demande quel est le sens de ces paroles : « S’il n’a pas voulu donner la mort, mais que Dieu ait livré entre ses mains. » Ne semblerait-il pas que celui qui commettrait un homicide volontaire, serait dans son droit, si Dieu ne faisait pas tomber la victime en ses mains ? Mais voici la signification de ce passage : quand l’homicide a été involontaire, Dieu seul intervient dans cet acte, et c’est précisément pour exprimer cette pensée, qu’il est dit : « Que Dieu a fait tomber la victime sous les coups » du meurtrier. Mais quand l’homicide a été volontaire, il y a à la fois l’intervention du meurtrier et celle de Dieu qui livre la victime entre ses mains. Dans le premier cas, apparaît donc exclusivement l’action de Dieu, dans le second, l’action de Dieu et l’action libre, volontaire de l’homme : seulement l’homme n’intervient pas à la manière de Dieu. Dieu en effet n’est que juste, tandis que l’homme est digne de châtiment, non pour avoir tué celui dont Dieu ne voulait pas la mort, mais pour avoir donné la mort injustement. Il n’a pas été l’instrument de la volonté de Dieu, mais l’esclave de sa malice et de sa passion. Dans un seul et même acte se trouvent donc réunis ces deux extrêmes Dieu, dont il faut bénir la justice mystérieuse, et l’homme, qui mérite la punition de son crime. Judas, qui a livré le Christ à la mort
[81], n’est point excusable, parce que Dieu n’a pas épargné son propre fils et l’a livré pour nous tous[82].
LXXX. (Ib. 21, 22-25.) Sur l’avortement d’une femme, provenant d’une rixe entre deux hommes.
– « Si deux hommes se querellent ensemble et frappent une femme dans sa grossesse, et qu’elle mette au monde un enfant qui n’est pas formé, le meurtrier paiera l’indemnité que lui imposera le mari de la femme, sur sa demande. » Il me semble que l’Écriture a moins en vue les circonstances du fait qu’elle signale, qu’une signification particulière. Si elle n’avait en vue.quela défense de frapper une femme enceinte et de la faire avorter, elle ne parlerait pas de deux hommes qui se querellent ensemble ; un seul, dans une rixe avec cette femme, ou même sans querelle et uniquement dans le dessein de nuire à la postérité d’autrui, peut causer ce funeste résultat. Mais quand l’Écriture ne voit pas un homicide dans la mort donnée à un enfant qui n’est pas formé, c’est qu’elle ne considère pas comme un homme le fœtus encore en cet état dans le sein maternel. Ici l’on soulève ordinairement une question au sujet de l’âme : Ne peut-on pas dire que ce qui n’est pas formé encore, n’est pas même animé, et conséquemment qu’il n’y a pas homicide, puisqu’il est impossible d’ôter la vie à ce qui n’avait pas d’âme ? Qu’on lise encore ce qui suit : « Mais si l’enfant est formé, il donnera vie pour vie[83]. » Qu’est-ce à dire, sinon qu’il mourra ? Prenant occasion de là, le législateur établit pour les autres crimes des pénalités analogues : « Œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure[84] » c’est la justice du talion. La loi mosaïque l’a établi, pour faire voir dans quelle mesure on avait le droit de tirer vengeance, Car si la Loi n’avait pas fixé cette règle, comment aurait-on connu la valeur du pardon ! Comment aurait-on pu dire ; « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent[85] ? » La loi fait donc connaître le débiteur, afin qu’on mesure la valeur du pardon sur l’importance de la dette. Car nous ne saurions pas nous-mêmes ce que nous remettrions aux autres, si nous ne savions, par les prescriptions de la Loi, ce qui nous est dû. Si donc l’enfant existe déjà, mais informe en quelque sorte, quoique animé,(sur cette grande question de l’âme, il serait téméraire de prononcer à la hâte un jugement irréfléchi,) la Loi ne veut pas que ce soit un cas d’homicide. Supposé en effet qu’une âme vivante puisse exister dans un corps informe et par conséquent privé de sensibilité, on ne peut dire cependant que cette âme vit, tant que le corps n’est pas doué de ses sens. Quant à ces mots : « Et il paiera sur sa demande» μετὰ ἀξίωμὰτος l’indemnité que le mari fixera pour l’avortement, il n’est pas facile d’en déterminer le sens. Ἀξίωμα le mot grec correspondant, s’interprète de plusieurs manières, et la traduction la plus supportable est encore celle qui porte : « cum postulatione » sur sa demande. Peut-être cela signifie-t-il : il demandera qu’il lui soit permis de donner, afin de satisfaire à Dieu de cette manière, quand même le mari ou sa femme n’élèverait aucune prétention.
LXXXI. (Ib. 21, 28.) Le taureau qui aura attaqué de sa corne et tué un homme sera lapidé.
– « Si un taureau frappe de sa corne un homme ou une femme, et qu’ils en meurent, il sera lapidé, et l’on ne mangera point de sa chair ; mais le maître du bœuf sera innocent. » La justice veut qu’on fasse périr l’animal qui nuit aux hommes, et quand la Loi parle du taureau en particulier, c’est la partie qui est prise pour le tout ; de là tous les animaux au service de l’homme, dès qu’ils lui sont nuisibles, doivent également être sacrifiés. Mais s’il faut les faire périr, pourquoi employer la lapidation ? Qu’importe en effet le genre de mort pour un animal destiné à périr ? De plus il ne faut point se nourrir de sa chair ; à quoi tout cela a-t-il rapport ? L’Écriture, fidèle à l’esprit qui l’anime, – n’a-t-elle pas ici en vue quelque signification mystérieuse ?
LXXXII. (Ib. 21-35.) Sur le taureau qui blesse et tue un autre taureau.
– « Si le taureau de quelqu’un frappe de sa corne le taureau du voisin, et qu’il en meure, ils vendront le taureau qui est vivant ; et ils en partageront le prix, et ils partageront le bœuf. » Est-ce que cette loi ne devait avoir d’application que pour le taureau, et non pour tous les autres animaux en pareil cas ? Il est évident qu’ici encore la partie est mise pour le tout ; seulement si la chair de l’animal tué était de celle dont on ne mangeait point, la loi n’avait plus en ce point de raison d’être.
LXXXIII. (Ib. 22, 1.) Loi relative au vol des veaux ou des brebis.
– Pourquoi la loi veut-elle qu’on rende cinq veaux pour un seul, et quatre brebis pour une, si ceci ne voile quelque mystère ?
LXXXIV. (Ib. 22, 2.) Sur les voleurs qui s’attaquent aux maisons.
– « Si un voleur est surpris perçant la muraille, et qu’étant blessé il en meure, il n’y aura pas homicide. Mais si le soleil se lève sur lui, le meurtrier sera coupable, et il mourra. » Par conséquent, si le voleur est tué pendant la nuit, ce n’est pas un cas d’homicide ; mais le contraire a lieu, si c’est pendant le jour. Car tel est le sens de ces paroles : « si le soleil se lève sur lui. » On pouvait discerner alors s’il se présentait pour voler et non pour tuer, ce qui ne donnait pas le droit de le mettre à mort. La législation antique des païens, moins ancienne cependant que celle de Moïse, permettait aussi de tuer impunément et de quelque manière que ce soit le voleur de nuit, et même le voleur de jour, quand il se défendait à main armée : car alors c’était plus qu’un voleur[86].
LXXXV. (Ib. 22, 9.) Sur le parjure dévoilé par Dieu lui-même.
– Que veulent dire ces mots : « Celui qui aura été convaincu par Dieu, rendra le double ? » Ne signifient-ils pas que Dieu veut parfois, à certains signes, faire connaître le parjure ?
LXXXVI. (Ib. 22, 28.) Que signifie : Les dieux ?
– « Tu ne maudiras point les dieux. » Qui appelle-t-il de ce nom ? Sont-ce les premiers qui rendent la justice au peuple ? Moïse fut de même appelé le dieu de Pharaon[87]. Alors ce qui suit : « Et tu ne maudiras point le prince de ton peuple » – le grec porte : tu ne diras pas de mal, – serait l’explication de ce qui précède, et ferait voir ceux que le législateur entend désigner par cette expression : les dieux. Ou bien faut-il donner à cette parole le sens que lui prête l’Apôtre, quand il dit : « car encore qu’il y en ait, dans le ciel ou sur la terre, qui sont appelés dieux, et qu’en ce sens il y ait plusieurs dieux et plusieurs Seigneurs[88] ? » en ajoutant : dans ce sens il y en a, l’Apôtre veut dire qu’il est des créatures vraiment dignes de ce nom, mais c’est à cette condition que ce qu’on nomme en grec λατρεία, en latin servitus, c’est à dire le culte d’adoration, n’est dû qu’au seul vrai Dieu, qui est notre Dieu à nous. Il est défendu de maudire les dieux, mais en supposant même qu’il y ait des créatures vraiment dignes de ce nom ; il n’y a pas de loi qui commande de les honorer par des sacrifices ou par aucune démonstration qui tienne du culte de latrie
LXXXVII. (Ib. 23, 2.) Le mauvais exemple du grand nombre n’excuse pas du péché.
– « Tu ne seras pas avec le plus grand nombre pour le mal. » Juste condamnation de ceux qui excusent leur conduite sur l’exemple du plus grand nombre, ouqui pensent être par cela même irréprochables.
LXXXVIII. (Ib. 22, 3.) Sur la miséricorde et la justice
– « Tu n’auras pas compassion du pauvre, en le jugeant ». Sans cette addition, « en le jugeant » le texte précité eût donné lieu à une grave question. D’ailleurs quand cette addition n’eût pas été écrite, il aurait fallu la suppléer par la pensée. Plus haut, le texte porte : « Tu ne te joindras pas à la multitude, pour te laisser aller avec le plus grand nombre à porter un jugement injuste » quand on lit ensuite « Et tu n’auras pas compassion du pauvre » on pouvait donc sous-entendre : « devant la justice. » Mais dès lors que l’addition s’y trouve, la raison de ce précepte est évidente : il ordonne que quand nous rendons la justice, si nous voyons que le riche ait droit contre le pauvre, nous ne favorisions pas le pauvre contrairement à la justice, sous prétexte d’humanité. La miséricorde est donc bonne, mais elle ne doit pas être contraire au jugement, c’est-à-dire, pour interpréter ce mot de l’Écriture, à ce qui est juste. Dans la crainte qu’on ne conclue de cette maxime que Dieu défend la miséricorde, le texte qui vient ensuite dit avec beaucoup d’à propos : « Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi, ou sa bête de somme, lorsqu’ils sont égarés, tu les ramèneras et les lui rendras » afin donc que tu saches que l’exercice de la miséricorde ne t’est pas défendu, pratique-la, même à l’égard de tes ennemis, quand tu le peux, en dehors de la justice : car en ramenant et en rendant à ton ennemi son bœuf égaré, tu n’es plus un, juge qui siège sur son tribunal et exerce ses fonctions.
LXXXIX. (Ib. 23, 10.) Sur le repos de la terre pendant la septième année.
– « Tu sèmeras ta terre pendant six ans, et tu en recueilleras les fruits ; mais tu feras relâche la septième année, et tu la laisseras reposer ; et les pauvres de ton peuple auront à manger : ce qu’ils laisseront, les bêtes sauvages le mangeront. Tu feras de même pour ta vigne et ton plant d’oliviers. » On peut demander ce que le pauvre trouve à recueillir, si le possesseur laisse ses champs sans même les ensemencer. Car ce n’est pas à la vigne, ni aux oliviers que se rapportent ces mots. « Les pauvres de ton peuple auront à manger » d’une terre non ensemencée, incapable de porter des moissons, ils n’auront rien à recueillir, et quant à la vigne et aux oliviers, il est dit qu’il faut faire la même chose : il s’agit donc ici des champs qui fournissent le froment. À ces paroles : « Tu sèmeras ta terre pendant six ans, et tu en recueilleras les fruits » faut-il donner l’interprétation suivante : pendant six ans tu sèmeras et tu recueilleras ; mais la septième année, tu ne recueilleras pas, sous-entendu, après avoir semé ? Ainsi pendant six ans, le possesseur sèmerait et recueillerait, mais la septième année il abandonnerait ce qu’il aurait semé ? Autrement qu’est-ce qui en reviendrait aux pauvres, dont les restes sont encore réservés aux bêtes sauvages, c’est-à-dire à celles qui peuvent se nourrir des mêmes aliments, tels que les sangliers, les cerfs et autres animaux d’espèce semblable ? Cette prescription doit néanmoins voiler quelques figures. Car, si Dieu en donnant les préceptes aux hommes, ne s’inquiète pas de bœufs[89] : – ce qui signifie, non qu’il ne nourrît pas les animaux qui ne sèment, qui ne moissonnent ni n’amassent point dans des greniers, mais que ses préceptes n’ont point pour objet de prescrire à l’homme le soin qu’il doit avoir de son bœuf ; – combien moins s’inquiète-t-il de lui prescrire le soin qu’il doit avoir des bêtes sauvages. Ne les nourrit-il pas lui-même des trésors qu’il a déposé dans le sein fécond de la nature, et – n’a-t-il pas soin de leur nourriture pendant les six années où l’on récolte ce que l’on a semé.
XC. (Ib. 23 19.) L’agneau ne doit pas être cuit DANS LE LAIT DE SA MÈRE.
– « Tu ne feras pas cuire l’agneau dans le lait de sa mère. » Est-il possible de prendre ce passage dans le sens propre et littéral, je n’en sais vraiment rien. Car si l’on admet que la défense de faire cuire l’agneau dans le lait symbolise quelque mystère, je réponds que l’usage de cuire un agneau dans le lait n’existe nulle part. Et si l’on veut que ces mots signifient : pendant qu’il est encore à la mamelle, quel est, observerai-je, le Juif qui a jamais attendu, pour faire cuire un agneau, qu’il cessât de téter ? Mais que signifie : dans le lait de sa mère; est-ce que, en admettant ce dernier sens, la loi ne serait pas transgressée si l’agneau, que l’on fait cuire ayant perdu sa mère, était allaité par une autre brebis ? Il n’est personne qui ne reconnaisse à cette loi un sens figuratif. Les prescriptions mêmes qui peuvent être observées à la lettre, n’ont pas été commandées sans motif ; elles ont leur signification. Ici je ne vois pas quel sens littéral a, ou pourrait avoir ce commandement. Cependant j’admets l’interprétation, qui y voit une prophétie relative à Jésus-Christ : il ne devait pas, dans son enfance, être mis à mort par les Juifs, mais échapper aussi à la cruauté d’Hérode, qui cherchait à le faire mourir[90] ; alors cette expression.:« Tu feras cuire » désignerait le feu de la Passion, en d’autres termes, la tribulation. L’Écriture ne dit-elle pas, en effet : « La fournaise éprouve les vases du potier, et l’épreuve de la tribulation, les hommes justes[91]. » Comme Jésus-Christ n’a point souffert dans son enfance, lorsque poursuivi par Hérode il semblait sur le point de succomber au danger, on doit reconnaître une prédiction de cet évènement dans ces paroles : « Tu ne feras pas cuire « l’agneau dans le lait de sa mère. » Il ne serait peut-être pas non plus déraisonnable d’admettre, avec certains commentateurs, que le Prophète a voulu, par ce commandement, empêcher les vrais Israélites de s’associer aux mauvais Juifs, qui ont fait souffrir le Christ. Comme un agneau dans le lait de sa mère, c’est-à-dire, au jour anniversaire de sa conception. On dit en effet des femmes que, du jour où elles ont conçu, elles amassent du lait. Or, la conception et la passion du Christ ont eu lieu dans le même mois, comme l’attestent la célébration de la Pâque et le grand jour, si connu dans les églises, consacré à la fête de sa Nativité. Venu au monde au terme des neuf mois, le huit de calendes de janvier, il a été conçu nécessairement vers le huit des calendes d’avril ; or ce fut aussi dans ce temps qu’eut lieu sa passion, dans le lait de sa mère, c’est-à-dire au temps ou sa mère vivait encore.
XCI. (Ib. 23, 20-21.) Sur l’Ange conducteur des Hébreux.
– « Voici que j’envoie mon Ange devant toi, pour qu’il te garde dans le chemin, qu’il te conduise dans la terre que je t’ai préparée. Écoute-le, et garde-toi de ne point te confier à lui : il ne te pardonnera rien ; car mon nom est sur lui. » Ces paroles s’appliquent à celui dont le nom a été changé en celui de Jésus, ou Josué : c’est lui en effet qui a introduit le peuple dans la terre promise.
XCII. (Ibi 23, 25-27.) Sur les récompenses temporelles.
– « Tu serviras le Seigneur ton Dieu ; et je bénirai ton pain, et ton vin, et ton eau, et j’éloignerai de vous l’infirmité. Il n’y aura point d’homme qui n’ait des enfants, point de femme stérile dans ta terre. Je remplirai le nombre de tes jours. Et j’enverrai la crainte pour te précéder ; et je ferai perdre la raison aux nations « chez lesquelles tu entreras, etc. » Ces promesses peuvent être prises aussi dans le sens spirituel ; mais entendues de la félicité temporelle, elles forment le type caractéristique de l’ancien Testament. Là, si nous en exceptons les commandements qui cachent une signification mystérieuse, nous trouvons les mêmes préceptes moraux que dans la loi nouvelle, mais les promesses sont toutes charnelles et terrestres. Aussi, au Psaume soixante-douzième, l’homme de Dieu dit-il que ses pieds ont presque fléchi et qu’il a été sur le point de tomber, lorsqu’il voyait d’un œil jaloux la paix dont jouissaient les pécheurs[92]. Il voyait les impies posséder en abondance ces biens qu’annonçait l’Alliance antique, et qu’il attendait du Seigneur Dieu, comme la récompense de sa soumission. De là cette pensée impie qui commençait à gagner son cœur : Dieu ne s’inquiète pas de l’homme ; mais il s’arrête, dit-il, n’osant condamner la conduite des saints ; alors la lumière commence à descendre dans son âme, et il s’écrie : « C’est là un travail difficile pour moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu et que je comprenne quelle sera la fin[93]. » Là en effet seront données les récompenses qui sont le privilège du nouveau Testament, et les impies n’y auront point de part : alors les châtiments atteindront les impies, et nul d’entre les saints n’éprouvera leurs tourments.
XCIII. (Ib. 23, 28.) Sur les guêpes dont le Seigneur fait précéder son peuple dans la terre promise
– « Et j’enverrai devant toi des guêpes et elles chasseront loin de toi les Amorrhéens, les Evéens, les Chananéens et les Chettéens. » Que faut-il entendre par ces guêpes ? Dieu promet qu’il les enverra, et le livre de la Sagesse affirme qu’il a rempli sa promesse : « Et il envoya ; y lisons-nous, des guêpes en avant de son armée[94]. » Cependant nous ne lisons la relation de cet événement ni au temps de. Moïse, ni à l’époque de Josué, fils de Navé, ni enfin sous le gouvernement des Juges ou des Rois. Il est donc permis d’entendre par ces guêpes les aiguillons de la crainte qui tourmentaient les peuples cités plus haut et les forçaient à se retirer devant les enfants d’Israël. C’est Dieu qui parle et si sa parole, contenant un sens figuré, ne s’accomplit point dans le sens littéral et suivant la propriété des termes, cela n’empêche point d’ajouter foi à l’histoire où la vérité du récit apparaît. Il en est de même de ce que rapportent les Évangélistes : les faits réels n’y perdent rien de leur crédibilité, parce que le Christ tient quelquefois un langage figuré.
XCIV. (Ib. 23, 33.) Sur le service et l’adoration qui sont dus à Dieu.
– « Si tu sers leurs dieux, ils seront pour toi un sujet de scandale. » Ici le texte grec porte δουλεύσης, tu serviras, au lieu de λατρεὐσης, tu adoreras. Il suit de là que le service, δουλεία, est dû à Dieu en sa qualité de Seigneur, mais que l’adoration, λατρεία, n’est due qu’à Dieu et par cela même qu’il est Dieu
XCV. (Ib. 24, 1-3.) Sur les ordonnances du Seigneur.
– Et il dit à Moïse : « Monte vers le Seigneur, toi et Aaron, et Nadab, et Abiud, et les soixante-dix anciens d’Israël, et ils adoreront le Seigneur de loin, et Moïse s’approchera seul du Seigneur, mais pour eux ils ne s’approcheront pas, et le peuple né montera pas avec eux. Or, Moïse vint et rapporta au peuple toutes les paroles et toutes les ordonnances de Dieu, et le peuple répondit tout d’une voix, en disant : Nous ferons et nous écouterons tout, ce que le Seigneur a dit. » On voit qu’il est question, jusqu’à cet endroit de l’Écriture, des ordonnances qui furent faites au peuple et qu’il fut recommandé d’observer. Comme il ressort du texte lui-même, elles commencent par la loi relative à l’esclave hébreu, dont l’oreille devait être percée contre un poteau, et c’est là que ce mot d’ordonnance est écrit pour la première fois. Or, il faut bien distinguer dans toutes ces ordonnances les règles qu’on peut en tirer pour la conduite et la conservation des bonnes mœurs. Car on trouve en elles beaucoup de choses qui renferment plutôt un sens mystérieux que des règles de morale. Les interprètes latins ont bien rendu parle mot ordonnances, justificationes, ce que les Grecs expriment par le mot διχαιώματα.
XCVI. (Ib. 24, 3.) Sur ces paroles : Nous ferons, et nous écouterons.
– Il faut observer que le peuple répond pour la seconde fois : « Nous ferons et nous écouterons tout ce que le Seigneur a dit. » Mais l’ordre naturel devait être Nous écouterons et nous ferons. Je serais étonné qu’il n’y eût pas ici un sens caché. Car si nous écouterons est mis pour : nous comprendrons, il faut d’abord accomplir humblement la parole de Dieu, afin d’être conduit par lui à l’intelligence des choses qu’on a faites d’après ses ordres digne récompense de la docilité dont on aura fait preuve, au lieu de mépriser ses lois. Mais il faut voir si le peuple hébreu ne s’est point montré semblable à ce fils, qui répondit aux ordres de son père : « J’irai à la vigne » et n’y alla point[95], tandis que les Gentils, qui avaient conçu pour le Seigneur un profond mépris, justifiés dans la suite par l’obéissance d’un seul, s’attachèrent à la justice qu’ils ne suivaient pas auparavant[96].
XCVII. (Ib. 24, 4.) Sur l’autel élevé par Moïse au pied du Sinaï. – Remarquons cette particularité : « Moïse dressa un autel au pied de la montagne, et douze pierres pour les douze tribus d’Israël. » Ces douze pierres qui composent l’autel signifient que ce peuple est l’autel de Dieu, aussi bien qu’il en est le temple[97].
XCVIII. (Ib. 24, 5.) Sur ce mot : la victime du salut.
– « Et ils immolèrent à Dieu la victime du salut. » Le texte ne porte pas : la victime salutaire, mais la victime du salut : en grec on lit également σωτηρίου, du salut. Le Psalmiste dit de même : « Je prendrai le calice du salut », et non pas le calice salutaire[98]. Il faut examiner si ce passage ne ferait pas allusion à Celui que désignent ces paroles de Siméon : « Mes yeux ont vu votre Sauveur[99].. » C’est Celui-ci que célèbre également le Palmiste dans ces mots : « Annoncez bien de jour en jour le Sauveur qui vient de lui[100]. » Or, si nous y regardons attentivement, que prétend-il désigner dans ces mots : de jour en jour, si ce n’est Celui qui est la lumière de la lumière, Dieu, de Dieu, en d’autres termes, le Fils unique de Dieu
XCIX. (Ib. 24, 6). Premier sacrifice offert dans le désert.
– « Moïse prit la moitié du sang, qu’il versa dans une coupe, et répandit l’autre moitié sur l’autel, et, prenant le livre de l’alliance, il en fit la lecture devant le peuple. » Faisons ici une remarque : c’est la première fois que l’Écriture dit clairement que Moïse offrit un sacrifice depuis la sortie d’Égypte. Précédemment elle avait parlé, mais en termes assez ambigus, d’un sacrifice offert à Dieu par son beau-père, Jéthro[101]. Remarquons aussi que la lecture du livre de l’alliance se fait en même temps que l’effusion du sang de la victime : or, nous devons croire que dans ce livre étaient consignées les divines ordonnances. Car nous voyons que le Décalogue ne fut gravé sur les tables de pierres que dans la suite.
C. (Ib. XXIV. 7,) Nouvelle répétition.
– « Et ils dirent : Nous ferons et nous écouterons tout ce que le Seigneur a dit. » C’est littéralement la même réponse qu’ils font pour la troisième fois.
CI. (Ib. 24, 9.) Dieu parait sous une forme sensible.
– « Et Moïse monta ; ainsi que Aaron, et Nadab, et Abiud, et les soixante-dix anciens d’Israël ; et ils virent le lieu où s’était arrêté le Dieu d’Israël. » Pour ceux qui entendent l’Écriture, il est évident que Dieu n’est contenu en aucun lieu, et qu’il n’est pas assujetti comme nous avec nos corps, à prendre diverses situations, comme de s’asseoir, de se coucher, de se tenir debout, et le reste. Ces exigences s’imposent uniquement aux corps. Or Dieu est esprit[102]. Si donc il s’est manifesté sous la forme d’un corps ou par des signes exprimés corporellement, sa substance divine, qui fait qu’il est ce qu’il est, ne s’est point montrée à des yeux mortels ; mais, en prenant des formes sensibles, il a fait acte de toute-puissance.
CII. (Ib. 24, 10-11.) Sur les élus d’Israël.
– « Et parmi les élus d’Israël, pas un seul ne fut en désaccord : et ils vinrent au lieu où Dieu avait été, et ils mangèrent, et ils burent. » Peut-on mettre en doute que ces élus d’Israël ne soient les personnages que l’Écriture vient de désigner nommément, et avec eux, les soixante-dix anciens ? Ils étaient incontestablement la personnification des élus du peuple de Dieu. « Car la foi n’est pas commune à tous, et Dieu connaît ceux qui sont à lui[103]. Dans une grande maison, il y a des vases pour des usages honnêtes, et d’autres pour des usages honteux[104]. Puisqu’il a prédestiné ceux qu’il a connus dans sa prescience ; appelé ceux qu’il a prédestinés ; justifié ceux qu’il a appelés ; glorifié enfin ceux qu’il a justifiés[105] » il n’y eut donc assurément point de désaccord parmi les élus d’Israël. Or, le nombre quatre, représenté par Moïse, Aaron, Nadab et Abiud, est une figure des quatre Évangiles et de la promesse faite au monde entier, qui se divise en quatre parties ; le nombre des anciens, soixante-dix, qui n’est autre que le nombre sept décuplé, est la figure de l’Esprit-Saint. Le saphir est l’image de la vie céleste, surtout parce qu’ « il ressemble au firmament. » Et qui ne sait qu’on donne au firmament le nom de ciel ? Les côtés de ce saphir représentent le carré lui-même, ou la stabilité, ou bien encore les mystères cachés dans le nombre quatre. Le repas de Moïse et de ses compagnons dans le lieu où Dieu avait apparu, est le symbole des délices et de l’abondance, qui constituent le bonheur du royaume de l’éternité. « Bienheureux, en effet, ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés[106]. » Aussi le Seigneur déclare-t-il qu’il en viendra plusieurs, ce sont évidemment ceux qu’il a élus, connus dans sa prescience, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, qui s’assiéront avec Abraham, Isaac et, Jacob dans le royaume des cieux[107]. Et ailleurs ne promet-il pas aux fidèles de leur faire prendre place au festin, d’aller et de venir, et de les servir[108] ?
CIIL (Ib. 24, 13.) Sur Jésus, fils de Navé (Josué.)— Comment se fait-il que Jésus, fils de Navé, qui n’est pas désigné avec les quatre personnages cités plus haut, parait tout-d’un-coup avec Moïse, le suit sur la montagne pour recevoir les tables de la Loi, puis tout-d’un-coup rentre dans l’obscurité, c’est-à-dire, n’est plus mentionné par l’écrivain sacré ? Comment, après cela, lorsque Moïse reçoit la Loi gravée sur les deux tables, Jésus reparaît-il auprès de lui ? Ne montre-t-il pas par son nom de Jésus que le nouveau Testament est caché dans l’Ancien, et apparaît quelquefois à ceux qui ont l’intelligence ? Quant au nom de Jésus, nous lisons au livre des Nombres[109], la circonstance ou il fut imposé au fils de Nave : c’est quand il était sur le point d’entrer dans la terre promise. L’Écriture anticipe donc ici sur un évènement postérieur. Car tous ces évènements ont été décrits après leur accomplissement ; aussi quand arriva celui qui vient d’être mentionné, Jésus n’avait pas encore reçu ce nom nouveau ; mais il le portait au moment où fut écrite cette page sacrée.
CIV. (Ib. 25, 11-12.) Des cymaises et des anneaux d’or de l’Arche-d’alliance.
– « Et tu feras des cymaises d’or qui tourneront autour de l’arche. » Ces symaises affectaient la même forme que l’arche, et, comme cela se voit à une table carrée, couraient d’un angle à l’autre. Elles tournaient autour, mais n’étaient point pour cela mobiles. Elles étaient fixées, je le répète, comme celles d’une table ; tournaient alentour, c’est-à-dire, étaient contournées pour la forme; les Grecs ont le mot strepta, pour désigner ce genre d’ornementation ; c’étaient deux filets, pareils à ceux d’une colonne torse, ou deux petites baguettes entrelacées en forme de câbles, imitant une guirlande ou une couronne. « Tu fabriqueras aussi quatre anneaux d’or, et tu les placeras sur les quatre côtés, deux anneaux sur le premier côté, et deux anneaux sur le second. » Cela veut dire que ces quatre anneaux correspondent à chacun des quatre coins : de cette manière tout en n’étant posés que sur deux côtés, ils sont en réalité sur les quatre. Un coin tient à deux côtés ; c’est la seule manière d’expliquer comment on peut placer deux anneaux sur les quatre côtés, puisqu’ il n’y a que quatre anneaux ; il en faudrait huit, si l’on entendait la chose autrement que nous venons de l’exposer. Les anneaux sont mis aux quatre coins, afin qu’on y introduise les bâtons à l’aide desquels quatre hommes peuvent porter l’arche.
CV. (Ib. 25, 17.) Sur le Propitiatoire.
— On demande ordinairement ce que signifie le Propitiatoire placé sur l’Arche. Comme il devait être d’or et avoir en longueur et en largeur les dimensions données pour l’arche, il est hors de doute que c’était comme une table d’or destinée à couvrir l’arche elle-même : deux Chérubins étaient sur le propitiatoire, se regardant l’un l’autre ; leur visage était du côté du propitiatoire et ils le couvraient de leurs ailes : sujet plein de mystère. L’or est le symbole de la sagesse divine l’arche, le symbole des secrets de Dieu. Il est prescrit de placer dans l’arche la Loi, la manne, et la verge d’Aaron : dans la Loi sont renfermés les préceptes ; la verge est la marque de la puissance ; la manne, l’image de la grâce : frappant symbolisme, qui nous fait voir que, sans la grâce, il est impossible d’accomplir les commandements. La Loi ne peut néanmoins être parfaitement accomplie par tout homme qui fait des progrès dans le bien : c’est ce qui est marqué par la place élevée du propitiatoire. Dieu en effet doit être propice à l’homme pour qu’il réussisse dans cette tâche ; le propitiatoire mis sur l’arche est donc l’image de la miséricorde qui l’emporte sur la justice[110]. Les deux Chérubins déploient leurs ailes sur le propitiatoire, pour l’honorer en étendant sur lui comme un voile, parce qu’il renferme des choses mystérieuses ; ils se regardent l’un l’autre, parce qu’ils s’accordent, comme les deux Testaments, dont ils sont la figure ; leurs visages sont tournés vers le propitiatoire, pour nous faire mieux sentir le prix de la miséricorde divine, source unique d’espérance. Dieu enfin promet à Moïse de lui parler du milieu des Chérubins, de dessus le propitiatoire. Or comme ces deux animaux sont le type d’une vaste science dans la création raisonnable, c’est en effet ce que signifient les Chérubins, il faut à ce sujet quelques remarques : par la charité, ils couvrent le propitiatoire de leurs ailes, parce qu’il ne faut s’attirer aucune qualité, mais en rapporter à Dieu tout le mérite, c’est-à-dire l’honorer par l’éclat des vertus dans lesquelles on excelle ; enfin leurs visages ne sont tournés que vers le propitiatoire, parce que, en dehors de la miséricorde divine, il né faut point espérer faire de progrès dans le vaste champ de la science.
CVI. (Ib. 25, 27.) Sur les anneaux de l’Arche.
– « Les anneaux seront dans des étuis qui serviront à porter la table. » Cela veut dire que les anneaux seront comme les gaines des bâtons sur lesquels sera portée l’arche ; en d’autres termes, que les bâtons entreront dans ces anneaux comme dans des étuis. « Les anneaux seront dans des étuis » c’est-à-dire qu’ils en tiendront lieu.
CVII. (Ib. 26, 1.) Sur le Tabernacle.
– Dieu ordonne qu’il soit fait dix rideaux pour le tabernacle : c’est l’image des dix commandements de la Loi. Les rideaux, en raison de leur ampleur, signifient l’accomplissement facile des commandements. Car la charité est la plénitude de la Loi[111] ; et la charité seule rend facile la fidélité aux préceptes : de là cet éloge de l’expansion de l’âme : « Vous avez élargi le chemin sous mes pas, et mes pieds n’ont pas été affaiblis[112]. » Mais comme cette sorte de dilatation de l’âme a sa source dans la grâce divine, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs[113] ; comme elle ne vient pas de nous, mais de l’Esprit-Saint, qui nous a été donné ; nous retrouvons ici le nombre mystérieux qui désigne l’Esprit-Saint, par qui est rendu possible l’accomplissement de la loi. La longueur du rideau doit être de vingt-huit coudées. Or, il faut diviser ce nombre par sept, pour avoir la largeur du rideau, qui devait être de quatre coudées. Quatre fois sept, en effet, font vingt-huit. C’est de plus un nombre parfait, car il se compose, comme le nombre six, de ses propres éléments, Quant à ces paroles du texte, si fréquemment répétées : « Tu feras les Chérubins en ouvrage de broderie » quel en est le sens ; sinon qu’une science immense présida à toutes ces choses ; c’est d’ailleurs la signification du mot Chérubin,
CVIII. (Ib. 26, 7) Sur les onze couvertures de poils de Chèvre, etc.
– « Tu feras pour le tabernacle des couvertures de poils ; tu en feras onze. » Ces onze couvertures de poils, c’est-à-dire tissues de poils de chèvres, sont un symbole de la transgression. Pourquoi ? Parce que le nombre onze va au-delà du nombre dix, symbole, à son tour, de la Loi elle-même. Le nombre onze, multiplié par sept, produit soixante-dix-sept : ce dernier chiffre est l’image de la rémission de tous les péchés : « Tu pardonneras, dit le Sauveur, non pas seulement sept fois, mais encore soixante-dix sept fois[114] » ce chiffre égale aussi le nombre des générations que Saint Luc énumère, après avoir raconté le baptême du Seigneur, en remontant de lui jusqu’à Dieu par l’intermédiaire d’Adam[115]. Si ces couvertures figurent les péchés, c’est pour que nous nous en confessions et qu’ils soient effacés et couverts parla grâce donnée à l’Église selon cette parole : « Heureux ceux à. qui les iniquités sont remises et dont les péchés sont couverts[116]. » Dieu ordonne ensuite d’étendre sur ces couvertures des peaux de béliers teintes en ronge. Or, qui ne voit dans le bélier marqué de cette couleur, le Christ lui-même ensanglanté dans sa passion ? Ces peaux teintes en rouge figurent également les saints martyrs, dont les prières obtiennent de Dieu miséricorde pour les péchés de son peuple. Enfin les peaux d’hyacinthe, qui forment la dernière couverture, sont une image du printemps éternel de la vie bienheureuse.
CIX. (Ib. 26, 17 selon les Septante.) Sur les coins qui assujettissaient les colonnes du tabernacle.
– « Tu feras à chaque colonne, deux petits coudes opposés l’un à l’autre » c’est-à-dire, un d’un côté de la colonne, et l’autre de l’autre. Ces petits coudes sont nos coins vulgaires, comme il s’en trouve aux colonnes des pressoirs, contre lesquelles s’appuient les pièces de bois qui supportent les cuves. On leur a donné ce nom, par analogie avec la situation d’un homme, qui, étant couché à table, est appuyé sur le coude.
CX. (Ib. 26, 21.) Sur la base et le chapiteau des colonnes.
– « Tu feras deux bases à chacune des colonnes. » Il semble que l’Écriture ne parle pas seulement ici des bases sur lesquelles sont assises les colonnes, mais encore des chapiteaux qui en forment le couronnement. C’est pourquoi nous lisons : Tu feras « deux bases à une colonne pour ses deux parties. » Que signifient en effet ces derniers mots, sinon la partie inférieure et la partie supérieure ?
CXI. (Ib. 26, 23.) Sur les huit colonnes dressées derrière le tabernacle.
– Après avoir dit qu’il y aura six colonnes derrière le tabernacle, l’Écriture ajoute que les colonnes seront au nombre de huit et les bases, selon l’explication qui nous venons de donner, au nombre de seize. En ajoutant aux six colonnes mentionnées d’abord les deux colonnes des angles, on a le même chiffre total.
CXII. (Ib. 26, 33.) Sur le Saint et le Saint des Saints.
– « Le voile vous servira de séparation médiane entre le Saint et le Saint des Saints » en d’autres termes, le voile dont il est question actuellement, suspendu à quatre colonnes, séparera le Saint du Saint des Saints. L’épître aux Hébreux fait voir la différence qui existait entre ces deux parties de Tabernacle[117]. À l’intérieur, au-delà du voile, était le Saint des Saints, qui contenait l’Arche d’alliance ; au-dehors, se trouvaient la table et le candélabre, qui avec les autres objets, sur la confection desquels Dieu avait donné ses ordres précédemment, formaient le Saint, et non le Saint des Saints. L’extérieur du voile était le type de l’ancien Testament ; l’intérieur, le type du nouveau : car l’un et l’autre se découvrent, dans l’ancien Testament, exprimés dans les faits et figurés d’une manière symbolique. Ainsi le Saint est la figure de la figure ; car il est le type de l’ancien Testament ; tandis que le Saint des Saints est la figure de la vérité elle-même, puisqu’il est le type du nouveau Testament. Tout l’ancien Testament nous présente des figures dans ces objets et ces observances dont la fidèle exécution est prescrite.
CXIII. (Ib. 27, 1.) Sur l’autel des holocaustes.
– On demande comment Dieu exige que l’autel ait trois coudées de haut, puisque cette mesure égale à peu près la taille de l’homme. Comment donc pouvait-on servir à l’autel, puisqu’ailleurs il est défendu d’établir des degrés qui y conduisent ? « Dans la crainte, dit le texte sacré, que tu ne laisses voir ce qui est honteux[118]. » Mais là, il était question du massif de l’autel, qui devait être ou de terre ou de pierre, et dont les degrés eussent fait corps avec lui ; tandis qu’ici l’autel dont Dieu ordonne la construction devait être de bois ; si à l’heure où le lévite remplissait son office, quelque chose était déposé sur l’autel et devait en être enlevé, quand il avait terminé ses fonctions, cet objet certainement ne faisait pas corps avec l’autel. Comment, encore, le feu pouvait-il être mis au sacrifice sur un autel de bois, quand on pense surtout que cet autel devait être creux, et la grille placée au milieu de la cavité ? Serait-ce que dans ce texte : « Tu feras des cornes qui s’élèveront aux quatre coins de l’autel, et tu les couvriras d’airain
[119] » ces dernières paroles : « Tu les couvriras d’airain », ne se rapportent pas seulement aux cornes de l’autel, mais encore à tous les autres matériaux qui devaient entrer dans sa construction ?
CXIV. (Ib. 28, 3, 4.)
1. Sur l’esprit d’intelligence.
– « Parle à tous ceux qui sont sages d’esprit, que j’ai remplis de l’esprit d’intelligence. » Le grec porte ici aistheseos, que l’on traduit exactement par, sens, et non, par intelligence. Mais l’Écriture ne se sert pas ordinairement d’un autre mot pour marquer le sens intérieur, ce que nous appelons l’intelligence. En voici un exemple tiré de l’Épître aux Hébreux : « La nourriture solide est pour les parfaits, pour ceux qui ont le sens, l’esprit, exercé par un long usage à discerner le bien du mal[120]. » Le texte grec porte aisthesis, là où le texte latin emploie le mot sensus. Mais à quel esprit fait allusion ce passage, sinon à l’Esprit-Saint ?
2. Sur les vêtements sacerdotaux, « Et voici les vêtements qu’ils feront : le pectoral, l’huméral, la tunique traînante, et la tunique avec des franges de lierre. » Notons en passant la nomenclature de ces vêtements et les détails qui suivent car il avait été dit plus haut qu’il ne serait fait qu’une seule robe traînante. Quant à la tunique, au lieu de dire qu’elle avait des franges, ornement dont la disposition heureuse donne de la grâce aux vêtements, les traducteurs latins ont jugé plus convenable de dire qu’elle serait ornée de lierre.
CXV. (Ib. 28, 4,16, 9,10.) Sur certaines particularités des vêtements sacerdotaux.
– Ces ornements du vêtement sacerdotal, que le texte appelle, aspidiscas[121], sont-ils de petits boucliers (scutulas), diminutif du mot latin scutum, bouclier ? Les Grecs eux aussi se servent du mot aspida, pour désigner un bouclier. Ou bien le texte emploie-t-il le terme aspidiscas au figuré, le vêtement devant être fortement serré comme dans les replis d’un aspic, de même qu’il dit des lamprois, muraenulas, pour signifier une chaîne ? – « Le rationnal aura une palme en longueur, une palme en largeur[122]. » Quelques interprètes latins supposent que cette mesure égale toute l’étendue de la main depuis l’extrémité du pouce jusqu’à l’extrémité du petit doigt. – « Tu prendras deux pierres d’onyx, sur lesquelles tu graveras les noms des enfants d’Israël, six sur une pierre, et six sur l’autre, suivant l’ordre de leur naissance. » Ces derniers mots doivent-ils s’entendre de l’ordre dans lequel sont nés les enfants d’Israël ?
CXVI. (Ib. 28, 22.) Sur le rational.
– « Tu feras sur le rational des franges enlacées ensemble, d’un or pur. » C’est à défaut d’un mot propre que les traducteurs latins ont employé ce terme, rationale, le rational. Le grec porte logion, et non pas logikon. Notre expression rationale a le sens du logikon des Grecs.Logos en grec signifie tantôt le verbe, la parole ; tantôt la raison et sert à désigner l’un et l’autre : là où logion paraît signifier le verbe, nos commentateurs se servent du mot parole, eloquium, dans leur traduction ; c’est ainsi qu’à notre version : « Les paroles (eloquia) du Seigneur sont des paroles chastes[123] » le grec a pour expression correspondante logia. Mais quand il est question de ce vêtement sacerdotal qui doit être carré et double, placé sur la poitrine du prêtre, composé d’or, d’hyacinte, de pourpre, de fil d’écarlate retors et de fin lin retors, désigné sous le nom de logion, dans l’incertitude si ce terme signifie ici raison ou verbe, nos interprètes ont préféré la première signification à la seconde et ont traduit logion par rationale.
CXVII. (Ib. 28, 30.) Sur l’Ourim et le Thummim.
– « Tu placeras sur le rational du jugement : Doctrine et Vérité. » Que signifie ce passage ? Là Doctrine et la Vérité étaient-elles placées au-dessus du rational sur une bande d’étoffe ou sur une plaque de métal ? car, selon le texte, elles étaient réellement attachées au vêtement du prêtre. C’est une question difficile à résoudre, Plu sieurs interprètes imaginent que c’était une pierre, dont la couleur changeait suivant la bonne ou la mauvaise fortune, lorsque le prêtre entrait dans le sanctuaire ; de là, selon eux, ces mots « Aaron portera sur sa poitrine les jugements des enfants d’Israël » Dieu se servant de l'Ourim et du Thummim, pour manifester à son peuple l’expression de ses volontés. Il y a cependant quelque vraisemblance que ces mots : Doctrine et Vérité, étaient gravés sur le rational.
CXVIII. (Ib. 28, 31.) Sur la tunique de l’éphod.
– « Tu feras de couleur d’hyacinthe une tunique longue » c’est-à-dire, qui descende jusqu’aux talons, « sur le milieu existera une ouverture » par où la tête passera : car c’est ce que les Grecs expriment par le mot peristomion. « Le bord de cette ouverture sera tissu tout à l’entour » c’est-à-dire qu’il ne s’y trouvera aucune couture apparente ; c’est ce qui résulte, ce semble, de ces expressions : commisuram contextam, cette pièce sera tissue. De là ces autres mots du texte : « ce bord ne fera qu’un avec la tunique, de peur qu’il ne rompe. » Le sens de ce passage est que le bord lui-même devra entrer dans la trame de la tunique.
CXIX. (Ib. 28, 35.) Sur les sonnettes du vêtement sacerdotal
– « Et lorsque Aaron s’acquittera des fonctions du sacerdoce, on l’entendra entrer dans le sanctuaire en présence du Seigneur et en sortir, afin qu’il ne meure point. » Il est question ici du retentissement des sonnettes à l’entrée et à la sortie du prêtre, et ces mots afin qu’il ne meure point » indiquent combien grave est la sanction de la prescription divine Dieu a donc voulu attacher au vêtement sacerdotal des significations mystérieuses : c’est l’Église en effet que symbolise ce vêtement, et ces sonnettes sont une image le la vie édifiante du Prêtre : « Montre-toi, dit l’Apôtre, aux yeux de tous un modèle de bonnes œuvres[124] » et encore : « Ce que tu as appris de moi devant un grand nombre de témoins, confie-le à des hommes fidèles, qui seront eux-mêmes capables d’en instruire d’autres[125]. » Ce vêtement contient-il quelque autre signification ? Quelle qu’elle puisse être, elle a de l’importance. Le datif «intranti et exeunti» tient lieu du génitif intrantis et exeuntis; vox, la voix est mis pour sonitus, le son : les sonnettes rendent un son, ne font pas entendre une noix.
CXX. (Ib. 28, 36, 38.) Sur la lame d’or de la tiare.
– « Tu feras une lame d’or pur, et surelle tu formeras ces caractères : la Sainteté du Seigneur; tu la placeras sur une bande double d’hyacinthe ; cette lame sera sur la mitre et de là exposée aux regards ; elle sera mise sur le front d’Aaron, et quelles que soient les choses que sanctifieront les enfants d’Israël, Aaron ôtera les péchés des saints, de tout présent de leurs saints. » Je ne vois pas, à moins que ce ne soit avec des lettres, comment ce titre symbolique : la sainteté du Seigneur, était placé sur une lame. C’étaient, suivant, quelques interprètes, quatre lettres hébraïques, formant ce que les Grecs appellent un tétragramme, en exprimant le nom ineffable de Dieu. Mais de quelque nature que soient ces lettres, de quelque manière qu’elles existent, ainsi que je l’ai dit, ces lettres : la sainteté, ou, si on l’aime, mieux la sanctification du Seigneur, conformément au terme grec agiasma, n’a pu être, selon moi, marqué sur l’or qu’avec des lettres. Or, il est dit que le prêtre ôtera les péchés des saints. « Quelles que soient les choses que sanctifieront les enfants d’Israël, de tout présent de leurs saints. » Il me semble que ces mots font allusion aux sacrifices qu’offraient les Israélites pour leurs péchés ; il ne s’agit donc pas ici des saints, mais des choses saintes. Car ce qui est offert pour les péchés devient par là même une chose sacrée. Voici par conséquent le sens de ce passage : le prêtre ôtera tout ce que les enfants d’Israël offrent pour leurs péchés : ces offrandes sont appelées choses saintes, parce que la matière du sacrifice est sainte, et péchés, parce que le sacrifice est offert pour les péchés. L’Écriture, on le sait, se sert fréquemment d’expressions semblables. Il est dit plus loin : « Ce titre sera mis sur le front d’Aaron, pour leur être toujours favorable en présence du Seigneur. » Ici le texte sacré parle de nouveau de cette lame d’or, destinée à orner le front du prêtre, figure en même temps de la confiance que donne une vie pure. Or, il n’y a qu’un prêtre qui puisse ôter les péchés des autres et n’a pas besoin d’offrir de sacrifice pour les siens ; c’est Celui qui possède, non plus en figure, mais en réalité et dans toute sa perfection, cette éminente pureté de vie.
CXXI. (Ib. 28, 41.) Sur ces mots : Tu rempliras leurs mains.
– « Après avoir donné à Moïse ses ordres relatifs aux vêtements et à l’onction d’Argon et de ses fils, Dieu ajoute : « Et tu rempliras leurs mains, afin qu’ils accomplissent les fonctions de mon sacerdoce. » Serait-il question ici des présents qui devaient être offerts en sacrifice à Dieu ?
CXXII. (Ib. 28, 42.) Sur les caleçons des prêtres.
– « Tu leur feras aussi des caleçons de lin, pour couvrir ce qui n’est pas honnête dans le corps, ils iront depuis les reins jusqu’aux cuisses. » Le vêtement du prêtre couvrait tout son corps, pourquoi donc Dieu dit-il : « Tu feras « des caleçons de lin, pour couvrir ce qui n’est « pas honnête dans le corps ? » L’ampleur du vêtement sacerdotal ne rendait-elle pas une indécence impossible ? N’y aurait-il pas ici, dans la pensée de Dieu, une image de la continence ou de la chasteté ? Si tin vêtement en est le type, c’est pour nous faire comprendre que ces vertus ne viennent pas de l’homme, mais de la grâce.
CXXIII. (Ib. 29, 8,9.) Sur les cidares des prêtres.
– Dieu dit, en parlant des fils d’Aaron « Tu les revêtiras de tuniques, et tu les ceindras de ceintures, et tu les envelopperas de cidares. » On ne sait ce qu’il faut entendre par cette dernière expression, car le sens n’en est pas fixé, et jamais notre langue n’en fait usage. Pour moi, je pense, contrairement à l’opinion de plusieurs interprètes, que la cidare n’était point destinée a couvrir la tête, Le texte en effet porterait-il : « tu les envelopperas » s’il était question d’un objet qui, servit, non pas au corps, mais à la tête ?
CXXIV. (Ib. 29, 9.) Sur la durée du sacerdoce d’Aaron. —
« Et mon sacerdoce sera en eux pour toujours. » Plusieurs fois déjà nous avons précédemment expliqué en quel sans l’Écriture attribue l’éternité à ces institutions figuratives. La vérité est que ce sacerdoce a changé, et celui qui a pour lui l’éternité est selon l’ordre de Melchisédech, non selon l’ordre d’Aaron. Ici Dieu a engagé sa parole et elle sera sans repentante, c’est-à-dire opposée à tout changement. « Le Seigneur a fait ce serment, et il ne le rétractera pas : Vous êtes le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech[126]. » Mais s’il est dit de l’ordre d’Aaron qu’il est pour toujours, c’est par ce qu’aucune limite n’était assignée primitivement à sa durée, ou parce qu’il était un type des choses éternelles ; quoi qu’il en soit, nulle part il n’est écrit de ce même sacerdoce que Dieu eût pris l’engagement irrévocable de le conserver. Et si, à propos du sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech, il est dit : « Il ne s’en repentira pas » c’est afin de nous faire comprendre qu’il s’est repenti d’avoir créé celui d’Aaron, en d’autres termes, qu’il l’a changé.
CXXV. (Ib. 29, 9.) Sur le pouvoir sacerdotal.
– Que signifient ces mots : « Tu perfectionneras les mains d’Aaron et les mains de ses enfants ? » Est-ce le pouvoir que l’on désigne ici par les mains; et cette expression marque-t-elle la communication faite aux prêtres du pouvoir de consacrer ? Ce pouvoir lui-même, en reçurent-ils la perfection, lorsqu’ils se sanctifièrent sur l’ordre de Moïse ?
CXXVI. (Ib. 29, 10.) Suite du précédent.
– « Tu amèneras le veau à la porte du tabernacle du témoignage, et Araon et ses enfants mettront leurs mains sur la tête du veau en présence du Seigneur. » Voilà l’explication de ce qui précède : leurs mains seront perfectionnées, c’est-à-dire que leur pouvoir aura atteint sa perfection, quand ils sanctifieront à leur tour : ce qui a lieu, quand ils mettent leurs mains sur le veau destiné au sacrifice.
CXXVII. (Ib. 29, 18.) Sur les sacrifices de bonne odeur.
– Souvent, dans l’Écriture, il est dit que les sacrifices des animaux sont en « odeur de suavité au Seigneur. » Évidemment Dieu ne prend point plaisir à l’odeur de la fumée de ces sacrifices, mais ceci doit se prendre dans un sens spirituel, c’est-à-dire qu’un sacrifice de victimes, offert dans des dispositions surnaturelles, est agréable à Dieu, en, raison des choses qu’il, symbolise. Dieu en effet n’a pas comme nous le sens matériel de l’odorat. La signification des sacrifices est donc spirituelle comme leur odeur que Dieu respire.
CXXVIIL (Ib. 29, 26.) Sur la part du Grand-Prêtre dans les sacrifices.
– « Tu prendras aussi la poitrine du bélier de la consécration, qui est la part d’Aaron » c’est-à-dire, de ce même Aaron, présent au sacrifice ; Dieu voulant que cette portion de la victime appartint au grand-prêtre.
CXXIX. (Ib. 29, 28-30.)
1. – La part des prêtres leur est due par un droit perpétuel. – « Aaron et ses enfants exerceront éternellement ce droit sur les enfants d’Israël. » Il s’agit ici de la poitrine et de l’épaule des victimes. Éternellement a donc dans ce passage le sens que nous avons exposé précédemment.
2. – Sur les vêtements sacerdotaux et l’entrée du grand-prêtre dans le Saint. – « Le vêtement dit Saint, qui est à Aaron, sera à ses enfants après lui, afin qu’en étant revêtus, ils reçoivent l’onction et que leurs mains soient consacrées. Celui d’entre ses enfants qui lui succédera en qualité de prêtre, et qui entrera dans le tabernacle du témoignage pour s’acquitter de ses fonctions dans le Saint, portera ce vêtement pendant sept jours. » Ces paroles donnent lieu à plusieurs questions. Et d’abord, notons en quel sens le texte mentionne le vêtement du Saint, au singulier ; puis ajoute, au pluriel, afin qu’étant revêtus DE CES VÊTEMENTS ils reçoivent l’onction sainte, comme si en réalité il y avait plusieurs vêtements. C’est qu’en effet l’Écriture avait décrit plus haut les vêtements divers qui composaient l’ornement du grand-prêtre. Toutefois le texte renferme quelque ambiguïté, et il est douteux si ce pronom in ipsis, qui est de tout genre, se rapporte aux noms neutres par lesquels sont désignés tous les accessoires du vêtement sacerdotal : c’est du moins le plus probable, car voici la suite du texte : « Le prêtre qui lui succédera portera ces vêtements pendant sept jours » en d’autres termes, il portera tous les vêtements particuliers mentionnés dans l’Écriture à l’endroit où elle décrit le vêtement sacerdotal. « Et afin que leurs mains soient perfectionnées. » Ces mots ne sont évidemment que la répétition de ceux qu’on lit au verset précédent ; nous avons dit[127] le sens qu’il faut, selon nous, y attacher. Le texte ajoute : « Le prêtre portera ces vêtements pendant sept jours. » Est-ce à dire qu’aux autres jours il ne s’en revêtira pas ? Mais cela signifie sept jours de suite, qui formeront comme la dédicace de son sacerdoce ; une semaine de fête en solennisera le début. Il est parlé ensuite du successeur d’Aaron « qui entre dans le tabernacle du témoignage, pour s’acquitter de ses fonctions dans le Saint : » ici il est fait allusion au prêtre, qui jouissait exclusivement de ce privilège ; les enfants d’Aaron ne pouvaient y prétendre du vivant de leur père ; il est donc question du successeur d’Aaron lui-même. Mais comment l’Écriture peut-elle dire qu’il n’appartenait qu’à celui-ci, « d’entrer dans « le tabernacle du témoignage, pour s’acquitter u de ses fonctions dans le Saint » puisqu’on donne le nom de Saint aux objets placés en dehors du voile qui fermait le Saint des Saints, et que la même dénomination s’applique au tabernacle du témoignage, qui renfermait des choses saintes, c’est-à-dire la table et le candélabre ? Les autres prêtres avaient accès dans leur ministère auprès de la table, du candélabre et même de l’autel : comment donc l’auteur sacré dit-il que le successeur d’Aaron avait seul le droit « d’entrer dans le tabernacle du témoignage « pour s’acquitter de ses fonctions dans le Saint ? » S’il avait dit : « pour s’acquitter de ses fonctions dans le Saint des Saints » la question serait tranchée. Car cette partie du Tabernacle, oit était déposée l’Arche d’alliance, ne s’ouvrait que devant le grand-prêtre ; la remarque en est faite expressément dans l’Épître aux Hébreux[128]. Mais peut-être en disant qu’il était exclusivement réservé à celui-ci « d’entrer dans le tabernacle du témoignage, pour officier dans le Saint » l’Écriture n’a-t-elle voulu désigner autre chose que le Saint des Saints, appelé aussi le Saint. Car tout ce qui est Saint ne peut s’appeler le Saint des Saints, mais ce qui est le Saint des Saints, est assurément Saint. Quant au prêtre qui, seul, entrait une fois chaque année dans le Saint des Saints, l’Épître aux Hébreux, nous fait voir en lui, un type très-expressif de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Autre remarque sur le Saint des Saints au-dessus de l’Arche, qui contenait la loi, se trouvait le propitiatoire, dans lequel il faut reconnaître une image de la miséricorde divine pour les péchés de ceux qui n’accomplissent pas la loi ; la même signification symbolique n’apparaît dans le vêtement sacerdotal : que signifie-t-il en effet, sinon les sacrements de l’Église ? Sur le rational, qui couvrait la poitrine du prêtre, Dieu avait établi les jugements, et sur la lame d’or la sanctification et le pardon des péchés : le rational, placé sur la poitrine, est semblable à l’Arche qui contenait la Loi ; et la lame, mise sur le front, a du rapport avec le propitiatoire qui était au-dessus de l’Arche : ce double symbole justifie cette parole de nos Saints Livres : « La miséricorde l’emporte sur le jugement[129]. »
CXXX. (Ib. 29, 37.) Sur la consécration de l’autel des sacrifices.
– Pourquoi l’Écriture dit-elle, que, après avoir été purifié et sanctifié pendant sept-jours, l’autel sera saint de saint ? Elle ne lui donne pas, il est vrai, le nom de saint des saints comme à cette partie du tabernacle, séparée par un voile, où était dressée l’Arche d’alliance ; cet autel, placé en dehors du voile est devenu saint de saint plutôt par la sanctification qui dura sept jours que par l’onction. Et l’Écriture ajoute : « Quiconque touchera l’autel, sera sanctifié. »
CXXXI. (Ib. 30, 3-4.) Sur les anneaux de l’autel des parfums, difficulté littérale.
– Dieu, parlant à Moïse des anneaux de l’autel de l’encens, qu’il lui ordonne de couvrir d’or et non d’airain, lui dit : « Tu feras aussi deux anneaux d’or pur sous la couronne qui, régnera autour ; tu les feras pour deux, côtés, sur deux côtés » c’est la traduction littérale du grec : eis ta duo klite poieseis en tois dusipleurois. Car klite signifie côtés, et pleura aussi. Plusieurs interprètes latins ont donné la traduction suivante : Tu les feras en deux parts sur deux côtés Mais le grec, au lieu de porter mere, qui signifie parts, porte klite, qui signifie côtés. C’est le même mot qu’on lit au psaume : « Ton épouse est comme une vigne féconde aux côtés de ta maison[130]. » Toute la différence consiste dans l’accusatif et l’ablatif employés successivement pour le même mot : In duo latera facies, in duobus lateribus. Il est difficile d’en fixer le sens ; à moins qu’on n’admette que l’Écriture, à qui l’ellipse est familière, manque ici d’un mot qu’il faut sous-entendre : or, en sous-entendant : erunt, ils seront, voici le sens qu’on obtiendrait : « Tu feras pour deux côtés, ils feront sur deux côtés » en d’autres termes : Tu feras pour les deux côtés des anneaux qui devront être placés sur les deux côtés.
CXXXII. (Ib. 30, 4.) Même sujet.
– « Et il y aura des arcs pour les bâtons qui serviront à le porter. » Le texte désigne ici par le mot arcs ce qu’il vient d’appeler des anneaux; et il a donné le nom d’anneaux à des anses arrondies. Or, qu’est-ce qu’un anneau, un cercle, sinon un arc de tous côtés ? Plusieurs interprètes, ne voulant point du mot arcus, ont préféré le terme thecae, étuis; suivant eux, il faudrait lire : Et il y aura des étuis par lesquels on fera passer les bâtons. Ils ne réfléchissent pas que les grecs auraient pu se servir du mot theca, puisqu’il vient de leur langue ; leur texte porte cependant psalides, qui signifie arcus, arcs.
CXXXIII. (Ib. 30, 8-10) Destination de l’autel des parfums.
– « Il brûlera sur cet autel l’encens de continuation, en présence du Seigneur d’âge en âge. » Dieu veut faire entendre, en employant ce terme d’encens de continuation, qu’il doit brûler toujours et sans interruption. Parlant de l’autel des parfums, Dieu avait réglé qu’il n’y serait offert ni holocauste, ni sacrifice, ni libation, mais uniquement de l’encens, qui serait renouvelé chaque, jour. Ici néanmoins voici ce qu’il ordonne : « Aaron implorera, ou priera une fois l’an sur les cornes de l’autel, en y répandant son sang pour l’expiation des péchés. » Depropitiabit, il implorera, d’où vient depropitiatio, qui a pour terme correspondant en grec exilasmos, Comprenons ce passage : cet ordre donné au prêtre et qui doit s’accomplir une fois chaque année sur les cornes de l’autel des parfums, pour apaiser Dieu ; ce sang de l’expiation des péchés, c’est-à-dire qui provient des victimes immolées pour les péchés, et qui doit toucher une fois l’an les cornes de l’autel : tout cela n’a point de rapport avec le commandement qui est fait au prêtre de placer chaque jour de l’encens sur ce même autel. C’étaient des parfums, et non du sang, que Dieu commandait d’y déposer, non pas une fois dans l’année, mais chaque jour. Comprenons-le donc : le prêtre n’entrait pas une seule fois l’an dans le Saint des Saints, mais une seule fois chaque année pour y répandre du sang ; chaque jour il y entrait pour un autre motif, afin d’y déposer de l’encens ; il n’y entrait avec du sang qu’une seule fois l’année. Ce qui suit confirme, parfaitement notre interprétation : « Il purifiera cet autel une « fois l’an, c’est le Saint des Saints pour le Seigneur. » Le prêtre n’offrira donc pas l’encens une fois chaque année, c’est un devoir qui lui incombe chaque jour ; mais une fois l’an, il purifiera l’autel, et cela avec du sang. Dieu ajoute : « C’est le Saint des Saints pour le Seigneur. » Par conséquent si le Saint des Saints était, non, pas en dehors, mais en dedans du voilé, l’autel dont il est ici question, qui devait être placé vis-à-vis du voile, se trouvait aussi à l’intérieur.
CXXXIV. (Ib. 30, 12.) Sur le dénombrement du peuple.
– Pourquoi Dieu dit-il : « Si tu fais le dénombrement des enfants d’Israël en les visitant ? » N’est-ce point parce qu’il exige qu’on les visite et les compte parfois, en d’autres termes, qu’on en fasse le dénombrement ? Si David fut puni de l’avoir opéré, c’est parce qu’il avait agi sans avoir reçu l’ordre de Dieu[131].
CXXXV. (Ib. XXX ; 26-33.) Sur l’huile des onctions.
– Remarquons aussi et notons comment Dieu donne (ordre d’oindre tout avec l’huile du chrême, je veux dire, le tabernacle, et tout ce qu’il contenait ; comment tout dès lors, par l’effet de l’onction, devient Saint des Saints. Quelle différence verrons-nous donc entre les objets placés à l’intérieur, que cachait le voile, et tout le reste, si tout ce qui recevait l’onction devenait par là même Saint des saints ? Cette question doit être sérieusement étudiée : J’ai cru du moins devoir l’indiquer. Ajoutons une autre remarque : de même qu’après l’onction de l’au tel des sacrifices, auquel il impose dès lors la dénomination de Saint de Saint, Dieu dit : « Quiconque le touchera, sera sanctifié » de même après avoir fait oindre tout le reste et avoir dit que tout cela est devenu Saint des Saints, Dieu prononce cette sentence : « Quiconque les touchera sera sanctifié. » Ce qui peut s’entendre de deux manières : On sera sanctifié en les touchant ; ou l’on se sanctifiera pour pouvoir les toucher : en supposant toutefois qu’il ne fût pas permis au peuple de toucher le tabernacle, quand il amenait les victimes, ou quand on offrait à Dieu ce qu’il avait apporté pour le sacrifice. Mais les avertissements que Dieu donne ensuite ne s’adressent pas seulement aux prêtres et aux Lévites, puisqu’il dit à Moïse : « Tu parleras en ces termes aux enfants d’Israël. » Or, les enfants d’Israël, c’était tout le peuple ; et voici ce qu’il leur fait dire : « Cette huile qui doit servir aux onctions, vous sera une chose sainte de génération en génération : on n’en oindra point la chair de l’homme, et vous ne ferez pas pour vous-mêmes des compositions semblables à celle-là. C’est une chose sainte, et ce sera pour vous un moyen de sainteté. Quiconque en fera de semblables, et quiconque en donnera à une nation étrangère, périra du milieu de son peuple. » Cette défense de composer une huile semblable pour des usages profanes, ne concerne donc pas seulement les prêtres, mais encore tout le peuple d’Israël. Car c’est le sens de ces mots : « On n’en oindra point la chair de l’homme. » Il leur défend d’en taire de semblables pour leurs propres usages, et il menace de la mort ce lui qui se rendrait coupable de cette faute, c’est-à-dire, qui composerait à son usage une huile pareille à l’huile des onctions, ou qui en communiquerait une portion à un peuple étranger. Enfin quand Dieu fait dire à tout le peuple d’Israël : « Ce sera pour vous un moyen de sanctification » je ne vois pas quel sens donner à ces paroles, sinon qu’il était permis à tous les Israélites de toucher le tabernacle, quand ils y venaient avec leurs offrandes ; et que cet attouchement les sanctifiait, à cause de l’huile qui avait été répandue sur toutes les parties du tabernacle : de là cette parole ; « Quiconque touchera ces choses sera sanctifié » non toutefois comme les prêtres, qui, avant d’exercer les fonctions du sacerdoce, devaient recevoir l’onction de cette huile sainte.
CXXXVI. (Ib. 30, 34.) Sur la composition de l’encens.
– Lorsque Dieu désigne les aromates qui doivent entrer dans la composition du parfum, c’est-à-dire de l’encens, lorsqu’il dit qu’il doit passer au feu suivant l’art du parfumeur, unguentarii, nous ne devons pas conclure du mot latin que c’était une, huile propre à faire des onctions ; c’était, comme il est dit, un parfum, un encens destiné à l’autel l’encens sur lequel il n’était pas permis d’offrir des sacrifices, et qui était dans le Saint des Saints.
CXXXVII. (Ib. 30, 36.) En quel lieu devait brûler l’encens.
– « De ces choses tu feras une poudre et tu en placeras vis-à-vis des témoignages, dans le tabernacle du témoignage, d’où je me ferai connaître à toi. Cet encens sera pour vous le Saint des Saints. » C’est pour la seconde fois que cet encens reçoit semblable dénomination, parce qu’il était déposé à l’intérieur du tabernacle, sur l’autel qui était lui-même à l’intérieur ; le tabernacle du témoignage proprement dit était cette partie intérieure elle-même où se trouvait l’arche et qui est distinguée par ces mots : « De là je me ferai connaître à toi. » Dieu avait déjà tenu ce langage en parlant du propitiatoire, qui était à l’intérieur, c’est-à-dire au-dedans du voile au-dessus de l’arche.
CXXXVIII. (Ib. 31, 2-5.) Sur l’esprit dont fut rempli Bésélées.
– Lorsque Dieu veut employer Bésélées à la construction du tabernacle, en quel sens dit-il qu’il « l’a rempli de l’esprit divin de sagesse, d’intelligence et de science pour toute espèce de travaux, pour inventer, construire etc ? » Faut-il voir un don du Saint-Esprit dans la fabrication de ces ouvrages, qui semblent du ressort de l’artisan ? ou bien encore faut-il interpréter ces paroles en un sens mystérieux ? alors le symbolisme des diverses parties du tabernacle aurait eu pour auteur l’Esprit divin de sagesse, d’intelligence et de science. Toutefois, même ici, lorsque l’Écriture dit expressément que Bésélées a été rempli de l’esprit divin de sagesse, d’intelligence et de science, elle ne nomme pas l’Esprit-Saint.
CXXXIX. (Ib. 31, 13.) Sur l’observation du Sabbat.
– Pourquoi Dieu dit-il, en prescrivant l’observation du sabbat : « C’est un testament éternel en moi et dans les enfants d’Israël » au lieu de dire : entre moi et les enfants d’Israël ? Est-ce parce que le sabbat est l’image du repos, et que ce repos, nous ne le trouverons qu’en lui ? Car il est hors de doute que, sous cette dénomination d’enfants d’Israël, Dieu entend tout son peuple, c’est-à-dire la race d’Abraham ; mais il y a Israël selon la chair, et Israël selon l’esprit. Si le nom d’Israël ne devait s’appliquer qu’à ceux qui en descendent selon la chair, l’Apôtre dirait-il : « Voyez Israël selon la chair[132] ? » Et par cette expression ne fait-il pas sentir qu’il y a un Israël selon l’esprit, qui n’est autre que le Juif intérieur et circoncis de cœur ? Le meilleur serait donc probablement de partager la phrase en deux membres.« C’est un testament éternel en moi » serait le premier membre ; viendrait ensuite celui-ci : « Et pour les enfants d’Israël, c’est un signe éternel » c’est-à-dire le signe d’une chose éternelle, de même qu’il est dit : « que la pierre était le Christ » c’est-à-dire qu’elle représentait Jésus-christ[133]. Ainsi il ne faut pas lier les mots de la manière suivante : « C’est un testament éternel en moi et dans les enfants d’Israël » comme si en réalité les enfants d’Israël entraient pour quelque chose avec Dieu dans ce testament ; mais voici comment il faut lire : « C’est un testament éternel en moi » parce qu’en lui nous a été promis l’éternel repos ; « et pour les enfants d’Israël, c’est un signe éternel » parce qu’ils ont reçu l’ordre d’observer ce signe symbolique du repos éternel, qui est la récompense des vrais Israélites, c’est-à-dire, des enfants de la promesse admis au bonheur de voir Dieu face à face tel qu’il est.
CXL. (Ib. 31, 18.) Sur les deux tables de la Loi.
– « Et il donna à Moïse, aussitôt qu’il eut cessé de lui parler sur le mont Sinaï, les deux tables du témoignage, qui étaient de pierre et écrites du doigt de Dieu. » Après avoir révélé tant de choses à Moïse, Dieu ne lui donne cependant que deux tables de pierre, appelées tables du témoignage, et destinées à demeurer dans l’arche. C’est que, à le bien prendre, et si l’on y regarde attentivement, on se convaincra que toutes les autres prescriptions de Dieu découlent des dix commandements gravés sur les deux tables, comme ces dix commandements, à leur tour, se résument dans ces ceux-ci, l’amour de Dieu et du prochain, où sont renfermés la Loi et les Prophètes[134].
CXLI. (Ib. 32, 2.) Sur le Veau d’or.
— Quand Aaron exige que « les femmes et les filles se dépouillent de leurs pendants d’oreilles » pour qu’il leur en lasse des dieux, on peut raisonnablement penser qu’il leur impose ce pénible sacrifice, afin de les détourner de leur projet. Cette grande privation qu’elles se sont imposée pour avoir tout l’or nécessaire à la fabrication d’une idole, j’ai cru devoir la remarquer à l’adresse de ceux qui s’attristent quand Dieu ordonne de faire ou de supporter patiemment, quelque chose de semblable pour obtenir la vie éternelle.
CXLII. (Ib. 32, 8.) Pensée interprétée.
– Le Seigneur, faisant connaître à Moïse la conduite de son peuple à propos du veau, c’est-à-dire, de l’idole qu’il a faite de son or, lui dit qu’ils se sont écriés : « Israël, ce sont là tes dieux qui t’ont tiré de l’Égypte. » On ne lit pas qu’ils aient tenu ce langage, mais Dieu fait connaître la pensée qui les animait. Le sentiment qu’expriment ces paroles était dans leur cœur, et Dieu ne pouvait l’ignorer.
CXLIII. (Ib. 32, 14.) Quand Dieu fait du mal, il n’est pas méchant, il est juste.
– « Et le Seigneur s’apaisa, pour ne point faire à son peuple le mal dont il avait parlé. » C’est un châtiment qu’il veut dire, comme dans ce passage : « Leur sortie de ce monde a été considérée comme un mal[135]. » Il est dit dans le même sens que « le bien et le mal viennent de Dieu[136] » il n’est pas question ici de la malice propre à l’homme méchant. Dieu n’a point de malice ; mais il envoie des maux aux méchants, parce qu’il est juste.
CXLIV. (Ib. 32, 16.) Moïse brise les deux tables de la Loi.
– Nous voyons Moïse, dans sa colère, jeter et briser les tables du témoignage écrites du doigt de Dieu : profond mystère qui symbolise le second Testament, l’ancien devant un jour disparaître pour faire place au nouveau. Il est bon de le remarquer : si Moïse fut si sévère dans son indignation et sa vengeance, que ne fit.ilauprès du Seigneur pour obtenir grâce en faveur de son peuple ? Ailleurs, dans notre ouvrage contré Fauste, le manichéen[137], nous avons exposé comment, selon nous, il fallait interpréter sa conduite, quand il brise et met dans le feu le veau coulé en fonte, puis en jette la poussière dans l’eau et la fait boire au peuple.
CXLV. (Ib. 32, 24.) Excuse d’Aaron.
— « Ils m’ont donné leur or, je l’ai jeté dans le feu, et ce veau en est sorti. » Aaron s’explique sommairement ; il ne dit pas qu’il a lui-même jeté en fonte les pendants-d’oreilles, afin d’en former un veau. A-t-il menti sous l’inspiration de la crainte et dans l’intention de s’excuser, en donnant à entendre qu’il avait jeté au feu cet or périssable et qu’un veau en était sorti à son insu ? Il n’est pas croyable que son langage ait été dicté par une pensée semblable ; car Moïse, avec qui Dieu daignait converser, ne pouvait ignorer sa pensée intime, et en réalité il ne lui a point reproché de mensonge.
CXLVI. (Ib. 32, 25.) Aaron responsable des fautes du peuple.
– « Moïse ayant vu que le peuple était dépouillé, car Aaron les dépouilla, au point qu’ils devinrent un sujet de joie pour leurs ennemis. » Remarquons ici qu’Aaron est chargé de tout le mal commis par ce peuple, pour avoir consenti à satisfaire leur coupable demande. Le texte porte en effet : « Aaron les dépouilla » parce qu’il céda à leur exigence, plutôt que de dire : ils se sont dépouillés eux-mêmes, quand ils ont voulu un si grand mal.
CXLVII. (Ib. 32, 31-32.) Prière et dévouement de Moïse.
– Lorsque Moïse adressa à Dieu cette prière : « Ce peuple à commis un grand péché, et ils se sont fait des dieux d’or ; mais maintenant, je vous conjure, si vous leur pardonnez leur péché, pardonnez-le ; sinon effacez-moi de votre livre, que vous avez écrit » il parle avec l’assurance que son raisonnement aura d’heureuses conséquences, c’est-à-dire que Dieu pardonnera au peuple ce péché, parce qu’il ne voudra pas effacer Moïse de son livre. Il faut remarquer toutefois quel grand mal Moïse voyait dans ce péché, puisqu’il crut devoir l’expier par des flots de sang, lui qui, dans son amour pour les siens, trouva en leur faveur des paroles si généreuses.
CXLVIII. (Ib. 32, 35.) Aaron pardonné.
– Il est dit plus haut qu’Aaron avait dépouillé le peuple : pourquoi donc, demande-t-on et à bon droit, nul châtiment ne vint-il l’atteindre, ni lorsque Moïse fit mettre à mort par les Lévites en armes tous ceux qu’ils rencontrèrent en passant et en repassant d’une porte à l’autre ; ni lorsque se réalisa, dans la suite, cette prédiction de l’Écriture : « Et le Seigneur frappa le peuple à cause du veau d’or, qu’avait fait Aaron ? » Qu’on note bien surtout que dans ce passage la même pensée se trouve mentionnée de nouveau. En effet nous ne lisons pas : « Le Seigneur frappa le peuple à cause du veau » qu’ils firent, mais « que fit Aaron : » et cependant Aaron ne fut pas châtié ; il y a plus : Dieu fit exécuter les commandements qu’il avait donnés au sujet de son sacerdoce avant son péché. Il lui ordonna seulement de se purifier lui et ses enfants, avant d’exercer les fonctions du sacerdoce. Dieu sait donc qui il épargne jusqu’à ce qu’il s’améliore, et qui il épargne pour un temps, voyant dans sa prescience qu’il ne s’amendera pas ; qui il n’épargne pas pour le convertir, et qui il n’épargne pas sans aucun espoir de changement : tout ceci revient à cette exclamation de l’Apôtre : « Que les jugements de Dieu sont impénétrables, et ses voies incompréhensibles[138] ! »
CXLIX. (Ib. 33, 1.) La colère de Dieu apaisée par l’amour de Moïse envers son peuple.
– « Va, sors d’ici, toi et tort peuple, que tu as tiré de la terre d’Égypte. » Ces paroles : « toi et ton peuple que tu as tiré » paraissent empreintes de colère ; sans quoi Dieu aurait dit : toi et mon peuple, que j’ai tiré d’Égypte ; mais quand ils ont demandé une idole, voici ce qu’ils ont dit : « Moïse, cet homme qui nous a tiré de la terre d’Égypte, nous ne savons ce qu’il lui est arrivé[139] » leur faute a été d’attribuer à un homme leur délivrance. Elle leur est rappelée dans ces paroles : « Toi et ton peuple, que tu as tiré de la terre d’Égypte[140] » ce fut pour eux un crime, mais Moïse fut innocent. Car Moïse voulait qu’ils, missent leur espérance en Dieu, et non en lui-même et qu’ils se reconnussent redevables à la miséricorde du Seigneur de leur délivrance de la servitude : cependant tel est, par une grâce spéciale, le crédit de ce fidèle serviteur auprès de Dieu, que Dieu lui dit : « Laisse-moi, et dans ma colère je les briserai. » Laisse-moi, faut-il voir dans ces mots un commandement ou une sorte de prière ? Impossible, ce semble, d’admettre ni l’un ni l’autre. Car, si Dieu commande, alors le serviteur désobéit à son ordre ; et si l’on suppose que Dieu lui demande une grâce, une telle supposition est indigne de Dieu, puisqu’il pouvait, malgré.sonserviteur, exercer sa vengeance sur eux. Voici donc le sens qui se présente naturellement : Dieu a voulu nous marquer dans ces paroles l’avantage immense qui revint au peuple d’être tant aimé de cet homme, objet lui-même de tant d’amour de la part du Seigneur, et nous apprendre par là que quand nos péchés nous rendent indignes de son amour, nous pouvons nous relever auprès de lui, grâce aux mérites de ceux qu’il aime. Que veulent dire, en effet, ces paroles du Tout-Puissant à un homme:« Laisse-moi, et je les briserai », sinon : Je les briserais s’ils n’étaient aimés de toi ? – Laisse-moi signifie donc : Ne les aime plus, et je les briserai car ton amour est un obstacle. Il aurait fallu s’incliner devant cette parole du Seigneur : Ne les aime plus, si elle eût exprimé un ordre, au lieu d’être une simple indication de la cause qui retenait le bras de Dieu. Quoique Moïse emploie sa médiation, Dieu cependant ne laisse pas d’infliger un châtiment à son peuple. Car, pour inspirer à Moïse un tel amour, je ne sais comment Dieu les aimait lui-même plus secrètement, tout en leur adressant extérieurement des paroles menaçantes.
CL. (Ib. 33, 1-3.) Dieu par miséricorde s’éloigne de son peuple et il envoie un Ange.
– « Va, dit le Seigneur à Moïse, toi et ton peuple, que tu as tiré de la terre d’Égypte, va dans la terre que j’ai promise avec serment à Abraham, à Isaac et à Jacob, en disant : Je la donnerai à votre race. » Il parle encore à Moïse, et tout-à-coup, se servant d’une forme de langage que les Grecs appellent apostrophe, il s’adresse directement au peuple en ces termes:« J’enverrai en même temps mon Ange devant toi et il chassera le Chananéen, l’Amorrhéen, le Chettéen, le Phéréséen, le Gergéséen, l’Evéen et le Jébuséen, et il t’introduira dans un pays ou coulent le lait et le miel. Car je ne monterai pas avec toi, parce que tu es un peuple à la tête dure, de peur que je ne t’extermine dans le chemin. » Profond mystère qui ravit et qui étonne ! Ne dirait-on pas que l’Ange, épargnant ce peuple dont la tête est dure, surpasse Dieu en miséricorde, puisque Dieu ne ferait pas grâce, s’il était au milieu d’eux ? Et cependant c’est Dieu qui, absent en quelque sorte du milieu de son peuple, quoiqu’il ne puisse en réalité être absent nulle part, déclare qu’il accomplira, par le ministère de son Ange, les serments qu’il a faits à leurs pères : il semble montrer par là que s’il agit de la sorte, ce n’est pas qu’ils soient dignes de ses bienfaits, mais parce qu’il en a fait la promesse à leurs ancêtres qui étaient des saints. Que signifie donc cette parole : que Dieu ne sera pas avec eux, parce qu’ils ont la tête dure, sinon que l’humilité et la piété ont seules droit à sa miséricorde et à sa bonté ? Quand Dieu est avec les hommes dont la tête est dure, il est pour punir et pour exercer ses vengeances ; quand il n’est pas de la sorte avec les méchants, c’est donc dans des vues de miséricorde : ce qui justifie ces paroles : « Détournez votre visage de mes péchés[141]. » En effet, si Dieu envisage le péché, il renverse le coupable : « Comme la cire fond devant le feu, ainsi les pécheurs périssent devant Dieu[142]. »
CLI. (Ib. 33, 12-13.) Apparition de Dieu à Moïse.
– « Et Moïse dit au Seigneur : Voilà que vous me dites : Emmène ce peuple. Mais vous ne me faites pas voir qui vous envoyez avec moi. Cependant vous m’avez dit : Je te connais entre tous les autres, et tu trouveras grâce devant moi. Mais si j’ai trouvé grâce en votre présence, montrez-vous vous-même à moi, pour que je vous voie plus clairement, que je trouve grâce devant vous, et que je sache que cette nation est votre peuple. » Plusieurs interprètes latins ont traduit le terme grec gnosto par clairement ; l’Écriture ne dit pourtant pas phaneros. Il aurait peut-être été plus convenable de traduire : « Si j’ai trouvé grâce en votre présence, montrez-vous vous-même à moi afin que je vous voie de façon à vous connaître » paroles qui montrent assez que Moïse ne voyait pas Dieu avec toute la familiarité qu’il désirait. C’est que, dans ces visions divines accordées à des regards mortels, où se produisait un son qui atteignait une oreille mortelle, Dieu prenait la forme qu’il voulait et telle qu’il voulait ; alors sa nature divine, totalement invisible en quelque lieu que ce soit, incapable d’être contenue dans un espace quelconque, ne pouvait être perçue par aucun sens du, corps. Mais comme toute la Loi se résume en deux commandements, celui de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain[143], Moïse manifestait un désir qui avait trait à l’un et à l’autre ; à l’amour de Dieu, quand il disait : « Si j’ai trouvé grâce en votre présence, montrez-vous vous-même à moi, afin que je vous voie clairement et que je trouve grâce devant vous » à l’amour du prochain quand il ajoutait : « Et afin que je sache que cette nation est votre peuple. »
CLII. (Ib. 33, 17.) En quel sens dit-on que Dieu connaît et ignore ? – Que signifie cette parole de Dieu à Moïse : « Je te connais entre tous ? » Est-ce qu’il y a du plus ou du moins dans la connaissance que Dieu a des choses ? Parle-t-il ici dans le sens de ces mots qu’il adresse dans l’Évangile à quelques-uns : « Je ne vous connais pas[144] ? » C’est en ce sens qu’on dit des choses qui sont agréables à Dieu, qu’il les connaît, et des choses qui lui déplaisent, qu’il ne les connaît pas, non qu’il les ignore, mais parce qu’il les désapprouve ; de même qu’on dit très-bien de l’art qu’il ne connaît pas le vice, parce qu’il le condamne. Dieu connaissait donc Moïse entre tous, parce que Moïse entre tous était agréable à Dieu.
CLIII. (Ib. 33, 12,17.) L’Écriture n’a pas rapporté toutes les révélations de Dieu à Moïse.
– Observons que Moïse avait adressé plus haut ces paroles à Dieu : « Vous m’avez dit : Je te connais entre tous. » Or, ces paroles que Moïse rappelle, Dieu les prononce effectivement ensuite, mais auparavant nous ne lisons rien de semblable. Cela nous montre que toutes les révélations de Dieu à son serviteur ne sont point insérées dans l’Écriture. Il faut toutefois rechercher soigneusement dans les premières parties de l’Écriture si la chose est ainsi.
CLIV. (Ib. 33, 4-23.) Interprétation prophétique de ces mots : Je passerai devant toi.
– Moïse ayant dit au Seigneur : « Montrez-moi votre gloire » le Seigneur lui répond : « Je passerai devant toi dans ma gloire et je nommerai le Seigneur en ta présence ; j’aurai eu pitié de celui dont j’aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde. » Or un peu plus haut Dieu avait dit : « Je te précéderai moi-même, et je te donnerai le repos. » Moïse semble avoir interprété cette parole : « Je te précéderai » en ce sens que Dieu ne serait pas présent au milieu du peuple dans le voyage ; aussi répond-il : « Si vous ne venez pas vous-même avec nous, ne me faites point sortir d’ici, etc. » Et cette prière Dieu ne la rejette pas encore, il lui dit : « Je ferai encore ce que tu viens de demander. » Comment donc après que Moise lui a dit Montrez-moi votre gloire, donne-t-il de nouveau à entendre dans ces paroles : « Je passerai devant, toi » qu’il les précédera, mais qu’il ne sera pas avec eux ? Ne faut-il pas évidemment admettre ici un autre sens Celui en effet qui fait entendre ce langage : « Je passerai devant toi », est Celui dont l’Évangile parle en ces termes : « Jésus voyant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père[145] » passage qui est encore appelé la Pâque. Ici par conséquent se trouve une prophétie de haute importance. C’est Lui qui a passé de ce siècle à son Père avant tous les saints, pour leur préparer dans le royaume des cieux les demeures qu’il leur donnera à la résurrection des morts ; devant passer avant tous, il est devenu le premier-né d’entre les morts[146].
2. Continuation de la même prophétie. – Quand Dieu ajoute : « Je nommerai le Seigneur en ta présence » il fait connaître d’une manière frappante la grâce qu’il a mise en lui : C’est comme s’il disait : en présence du peuple d’Israël, car Moïse en était le type, au moment où ses paroles s’adressaient à lui. Or, le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ est publié parmi toutes les nations, sous les yeux de son peuple dispersé en tout lieu. Le texte porte : Je nommerai, au lieu de : «je serai nommé; » l’actif est mis, par extraordinaire, pour le passif : ceci voile évidemment un sens profond. Peut-être Dieu, en signalant ici son intervention, a-t-il voulu faire entendre que par un effet de sa grâce, le nom du Seigneur serait prononcé parmi toutes les nations.
3. Sur la vocation des Gentils. — « J’aurai pitié de celui dont j’aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde. » Ici Dieu montre encore plus expressément le caractère de notre vocation à son royaume et à sa gloire : elle n’est pas le fruit de nos mérites, mais de sa miséricorde. Car après avoir promis d’introduire les nations, en disant : « Je nommerai le Seigneur en ta présence » il attribue cette faveur à sa miséricorde, selon ce mot de l’Apôtre : « Je déclare que le Christ a été le ministre de la circoncision, pour la véracité de Dieu, dans l’accomplissement des promesses faites à nos pères ; mais quant aux Gentils, ils doivent louer Dieu de sa miséricorde[147]. » Tel était donc le sens de cette prédiction : « J’aurai pitié de celui dont j’aurai eu pitié, et je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde. » De là, défense à l’homme de mettre sa gloire dans le mérite de ses propres vertus : il faut que « celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur[148]. » Car il ne dit pas : « J’aurai pitié » de tels est tels, mais « de celui envers qui j’aurai été miséricordieux » voulant faire voir que personne n’a mérité la grâce de cette sublime vocation par ses bonnes œuvres précédentes. Le Christ est mort, en effet pour des coupables[149].
4. Sur la miséricorde de Dieu. – Dans les paroles suivantes : « Je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde », ou selon d’autres interprètes, « envers qui j’aurai été miséricordieux » faut-il voir la répétition de ce qui précède, ou bien quelque chose de différent ? Je l’ignore. Car ce que le grec exprime en deux mots eleeso et oikteireso, qui semblent n’avoir qu’une seule et même signification, le latin ne peut le rendre par des mots différents, et c’est avec une variante de forme qu’il exprime la même pensée de miséricorde. Si le texte portait : « Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde » et : « Je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde » il semblerait que cette rédaction est imparfaite. La répétition employée ici, rend cependant le sens avec plus de force : car, ou bien Dieu s’est servi de cette répétition pour mieux affermir sa miséricorde, comme quand il est dit : l’amen, amen, fiat, fiat ; le double songe de Pharaon, et plusieurs autres exemples semblables pourraient être cités à l’appui. Ou bien encore dans la bouche de Dieu, c’est l’annonce de la miséricorde qu’il doit exercer envers les deux peuples, je veux dire les Gentils et les Hébreux. C’est ce que dit l’Apôtre : « Comme autrefois vous ne croyiez pas en Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde à l’occasion de l’incrédulité des Juifs ; ainsi à présent les Juifs n’ont pas cru à la miséricorde que vous avez reçue, afin qu’ils obtiennent eux-mêmes miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les peuples dans l’incrédulité, afin d’exercer sa miséricorde envers tous.[150] »
5. La vision de Dieu est réservée au Ciel. – Après cet éloge de sa miséricorde, Dieu répond à cette prière de Moïse : « Montrez-moi votre gloire » ou à cette autre demande qu’il lui avait faite précédemment : « Montrez-vous vous-même à moi, afin que je vous voie clairement. »
— « Tu ne pourras, lui dit-il, voir mon visage : car nul homme ne le verra sans mourir[151]. » Il nous enseigne par là qu’il ne peut être vu de nous tel qu’il est, pendant cette vie, qui se passe dans les sens mortels d’une chair corruptible ; mais qu’il est visible dans cette autre vie, où il n’est donné de vivre, qu’à celui qui es mort à la vie de ce monde.
6. Le lieu où Dieu appelle Moïse, image de l’Église. – Nous lisons ensuite dans l’Écriture : « Le Seigneur dit encore » et voici la suitede.sondiscours : « Il y a un lieu où je suis[152]. » Or, en quel lieu Dieu n’est-il pas, puisqu’il n’est absent pour aucun endroit de la terre. Dans ces paroles : « Il y a un lieu où je suis » c’est l’Église qu’il signale et qu’il nous signale comme son temple. « Et, ajoute-t-il, tu te tiendras sur la pierre. » C’est « sur cette pierre, dit le Seigneur, que je bâtirai mon Église[153]. » – « Aussitôt que ma gloire passera », ce qui veut dire du te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera ; car après le passage du Christ, en d’autres termes après sa passion et sa résurrection, le peuple fidèle est tenu sur la pierre. Nous lisons encore ; « Et je te mettrai dans la caverne de la pierre » ce qui signifie une position inébranlable. Plusieurs traduisent dans l’échauguette de la pierre ; mais le grec porte open, expression que nous rendons mieux par creux ou caverne.Moïse type des Juifs convertis après la résurrection de Jésus-Christ. – « Je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé ; ensuite je retirerai ma main, et alors tu me verras par-derrière, mais tu ne verras pas mon visage. » Dieu ayant dit : « Tu te tiendras sur la pierre aussitôt que ma gloire passera » ceci impliquait la promesse de la stabilité sur la pierre après le passage de Dieu. Comment donc interpréter ce qui suit : « Je te mettrai dans la caverne de la pierre, et je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé ; puis je retirerai ma main et alors tu me verras par-derrière. » Ici il semble que Moïse se tient déjà sur la pierre ; Dieu le couvre de sa main, et c’est ensuite qu’il passe, tandis que Moïse ne pouvait être sur la pierre qu’après le passage de Dieu. Mais il faut voir dans ce passage une de ces transpositions qu’on rencontre si fréquemment dans l’Écriture. Elle amis après ce qui devait être avant. Le récit doit marcher dans l’ordre suivant : « Je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé, et alors tu me verras par-derrière : car tu ne verras pas mon visage ; et tu te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera, et je te mettrai dans la caverne de la pierre. » C’est en effet ce qui se réalise dans la personne de ceux que représentait Moïse, je veux dire, dans les Israélites, qui au rapport des Actes des Apôtres, crurent ensuite au Seigneur Jésus, c’est-à-dire aussitôt que sa gloire fut passée. Après sa Résurrection d’entre les morts et son Ascension au Ciel, il envoya le Saint-Esprit ; et au moment où les Apôtres parlaient les langues de tous les peuples, plusieurs d’entre ceux qui crucifièrent le Christ « furent « touchés de componction en leur cœur[154] » une portion d’Israël, en effet, était tombée dans l’aveuglement[155], selon cette parole : « Je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé » et ils méconnurent et crucifièrent le Seigneur de la gloire. Ce qui fait dire au Psalmiste : « Le jour et la nuit, votre main s’est appesantie sur moi[156]. »Le jour, c’est le temps où le Christ opérait ses miracles divins ; la nuit, c’est le moment de sa mort en tant qu’homme, où se trouvèrent ébranlés ceux mêmes qui avaient cru en lui durant le jour. « Lorsque je serai passé, tu.me verras par-derrière » signifie donc : Lorsque je serai passé de ce monde.àmon Père, après cela seulement, ceux dont tu es le type croiront en moi[157]. C’est alors en effet qu’ils dirent avec un cœur plein de componction : « Que faut-il que nous fassions ? » Et les Apôtres leur ordonnèrent de faire – pénitence et de recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, pour qu’ils obtinssent la rémission de leurs péchés. Nous voyons l’enchaînement de ces faits au psaume cité plus haut. Après avoir dit : « Le jour et la nuit, votre main s’est appesantie sur moi » pour m’empêcher de connaître, « car s’ils avaient connu le Seigneur de la gloire, jamais ils ne l’auraient crucifié[158] », il ajoute : « Je me suis tourné vers vous dans ma désolation, tandis que l’épine me pénétrait » c’est-à-dire, tandis que mon cœur était dans la componction ; il dit ensuite : « J’ai connu mon péché, et je n’ai pas caché mon crime » ce qui eut lieu quand ils reconnurent la grandeur du forfait qu’ils avaient commis en crucifiant le Christ. Il leur fut conseillé ensuite de faire pénitence et de recevoir dans le baptême la.rémissionde leurs péchés, c’est pourquoi le Palmiste ajoute : « J’ai dit : Je m’accuserai moi-même de mon péché devant le Seigneur, et vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur. ». Ce que Dieu veut dire est une prophétie. – Il est évident de soi que ce discours de Dieu à Moïse est surtout une prophétie. En effet, – nous ne lisons pas que la pierre ou sa caverne, ni cette main dont Dieu devait couvrir Moïse, ni le privilège qu’il lui aurait accordé de le voir par-derrière, ni rien en un mot de tout ce qui est rapporté dans ce passage ait existé. Sans autre transition qu’une particule, l’Écriture ajoute : «Et le Seigneur dit à Moïse » ; or, c’est le même Seigneur qui vient de parler plus haut, et l’Écriture relie de cette manière aux paroles précédentes ce que Dieu dit ensuite : « Fais-toi deux tables de pierre, semblables aux premières, etc. »
CLV. (Ib., 34, 7.) Que signifie : purifier ?
– Quand on dit du Seigneur : « Il ne purifiera pas le coupable », que signifient ces paroles sinon Il ne le dira pas innocent ?
CLVI. (Ib. 34, 10.) Dieu, mécontent des Israélites, continue de ne pas les appeler son peuple.
– Quand Moïse est sur le point de graver, sur la montagne, les deux nouvelles tables de pierre, Dieu lui dit entre autres choses : « Je ferai des merveilles en présence de tout ton peuple. » Il ne daigne pas dire encore en présence de mon peuple. Car ces mots, ton peuple, n’a-t-il pas dans sa bouche, la même signification que s’ils s’adressaient à tout autre homme du même peuple, comme s’il eût dit : le peuple dont tu fais partie ; ou comme nous disons ta ville, pour signifier non pas elle où tu commandes, ni celle que tu as, bâtie, mais celle dont tu es citoyen ? Un peu plus loin en effet, il dit : Tout le peuple au milieu desquels tu es : n’est-ce pas dire en des termes différents ton peuple? S’il ne se sert pas de ces termes : au milieu duquel, il faut voir là un tour de langage qui n’est pas rare.
CLVII. (Ib, 34, 12.) Sur la défense de faire alliance avec les habitants de la terre promise.
– Que signifie cette observation faite à Moïse « Prends garde qu’il ne fasse alliance avec ceux qui demeurent dans ce pays ? » Car le grec ne porte pas : prends garde de faire, mais qu’il ne fasse. Dieu veut-il parler du peuple dont Moïse fut le conducteur ? Mais ce n’est pas lui qui le fit entrer dans cette terre, dont les habitants ne doivent pas être admis à contracter alliance avec les Israélites. Cette locution, si toutefois c’en est une, et s’il ne faut pas y voir plutôt un sens particulier, a donc de.quoinous étonner, et jusqu’ici nous ne l’avons.rencontréeni remarquée.
CLVIII. (Ib. 34, 13-15.) Sur l’idolâtrie.
– Quand Dieu ordonne à Moïse, une fois qu’il sera mis en possession du pays, d’extirper l’idolâtrie et d’empêcher le culte des dieux étrangers, il ajoute : « Car le Seigneur Dieu s’appelle jaloux, Dieu veut être aimé uniquement » en d’autres termes : Jaloux est le nom même du Seigneur Dieu, parce que Dieu veut être uniquement. Dieu pour cela n’éprouve pas le trouble, ce défaut de l’homme toujours et en toute manière il est immuable et tranquille ; mais il emploie cette expression pour montrer que la nation choisie ne peut impunément se prostituer à des dieux étrangers. Ce mot emprunte métaphoriquement sa signification à la jalousie du mari attentif à conserver la chasteté de son épouse. Ici l’avantage est pour nous, et non pour Dieu. Quel homme en effet pourrait nuire à Dieu par ce genre de fornication ? Mais c’est à lui-même qu’il nuit plutôt, en causant sa perte. Dieu en s’appelant jaloux, inspire pour ce péché une terreur profonde : « Vous avez perdu, a dit le Psalmiste, tout adultère qui s’éloigne de vous. Pour moi, mon bonheur est d’être uni à Dieu[159]. » Enfin Dieu conclut par ces mots : « Dans la crainte que tu fasses alliance avec ceux qui habitent cette terre et qu’ils ne se corrompent avec leurs dieux[160]. »
CLIX. (Ib. 34, 20.) Que signifie : Paraître devant Dieu, et, sans avoir les mains vides ?
– Dieu dit : « Tu ne paraîtras pas en ma présence les mains vides. » Eu égard aux circonstances dans lesquelles Dieu parle, ces mots : « en ma présence » signifient dans mon tabernacle, et ces autres : « Tu ne paraîtras pas ici les mains vides » veulent dire : Tu n’entreras pas sans apporter quelque présent. Il y a là, au sens spirituel, un mystère d’une grande profondeur ; pourtant ces paroles concernaient les ombres, et les figures.
CLX. (Ib. 34, 21.) Sur l’observation dit Sabbat.
– Que signifient ces paroles qui suivent le précepte du sabbat : « Tu te reposeras dans les semailles et la moisson » c’est-à-dire, au temps des semailles et de la moisson ? L’observation du repos sabbatique serait-elle donc commandée d’une manière si rigoureuse, qu’aux yeux de Dieu, ces saisons, si précieuses au laboureur pour la nourriture et l’existence, ne présenteraient pas elles-mêmes de sujet d’excuse ? Le repos du sabbat est ordonné, même au temps des semailles et de la moisson, à l’époque où l’ouvrage presse beaucoup : ainsi le travail doit cesser en tout temps le jour du sabbat puisqu’il est spécialement défendu pendant les saisons qui réclament le plus de bras.
CLXI. (Ib. 34, 24.) Dieu promet que, pendant les trois fêtes annuelles, aucun ennemi n’attaquera les Israélites.
– « Personne ne convoitera ton pays, lorsque tu monteras te présenter devant le Seigneur, à trois époques de l’année. » Ces paroles veulent dire que chacun devra monter avec sécurité et sans s’inquiéter de sa terre, grâce à la promesse par laquelle Dieu s’engage à y veiller : nul ne la convoitera, et celui qui sera monté n’aura rien à redouter en son absence. Et ici l’on voit assez le sens de ces paroles citées plus haut : « Tu ne paraîtras par les mains vides en présence du Seigneur ton Dieu » elles désignent le lieu où Dieu devait avoir son tabernacle ou son temple.
CLXII. (Ib. 34, 25.) L’agneau pascal et les azymes.
– Quel est le sens de ces paroles : « Tu ne m’offriras point avec du levain le sang de mes victimes » ? Dieu appelle-t-il ici ses victimes celles qui sont immolées au temps de la Pâque, et défend-il qu’il y ait alors du levain dans la maison, parce que ce sont les jours azymes ?
CLXIII. (Ib. 34, 25.) Explication grammaticale.
– Que signifient ces mots : « La chair de la victime immolée pour la solennité de la Pâque, ne dormira pas jusqu’au matin ? » N’est-ce pas, en d’autres termes, l’ordre qu’il a donné formellement plus haut, de ne rien conserver jusqu’au matin des chairs de la victime immolée ? L’obscurité de ce passage venait du, mot : dormira, qui est mis pour : demeurera.
CLXIV. (Ib. 34, 26.) En quoi consiste la fidélité de l’histoire ?
– « Tu ne feras point cuire l’agneau dans le lait de sa mère. » Ici revient pour la seconde fois cette prescription, dont le sens m’échappe. Cependant, dût-on la prendre dans le sens littéral, elle renferme une grande prophétie, dont le Christ est l’objet : à combien plus forte raison, si l’interprétation littérale était inadmissible. Car il ne faut pas croire que toutes les paroles de Dieu, par exemple ce qu’il dit de la pierre, de la caverne et de sa main qu’il étendra sur Moïse, aient été mises à exécution. Ce que la fidélité de l’histoire exige, c’est que les faits mentionnés se soient accomplis réellement, et que les discours relatés par elle aient été prononcés véritablement. On exige les mêmes conditions des récits évangéliques.ilsrapportent certains discours du Christ donnés en forme de paraboles ; il n’est cependant par douteux que le Christ ait dit ces choses ; le récit en est authentique et fidèle.
CLXV. (Ib. 34, 28.) Second jeûne de Moïse.
– « Moïse y demeura en présence du Seigneur quarante jours et quarante nuits, sans manger de pain et sans boire d’eau. » Ces mots sont une répétition de ce qui a été dit précédemment, quand Moïse reçut les tables qu’il brisa : toutefois, ce n’est pas le même fait, mais un autre, que mentionne ici le texte sacré. Nous avons déjà dit quelle signification se rapporte à cette seconde publication de la Loi. Quant à ces mots : « Il ne mangea point de pain, et il ne but point d’eau, n le sens en est évident : c’est-à-dire il jeûna » la partie est mise pour le tout : sous le nom de pain, l’Écriture comprend toute espèce d’aliments, et sous le nom d’eau toute espèce de breuvage.
CLXVI. (Ib. 34, 28.)
1. Moïse chargé d’écrire les dix commandements sur les nouvelles tables de la loi. – « Et il écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance, ces paroles au nombre de dix. » Le texte dit formellement que Moïse écrivit lui-même les commandements ; un peu plus haut, Dieu lui avait dit. « Écris pour toi ces paroles.[161] » Or, quand il reçut pour la première fois la loi dont il rejeta loin de lui et brisa les tables, il n’est pas rapporté que les tables de pierre aient été préparées par lui tandis que nous lisons ici : « Fais-toi deux tables de pierre ;[162] » de plus, l’ordre ne lui fut pas donné d’écrire, comme en cette circonstance ; enfin le livre sacré ne dit pas qu’il ait écrit sur les tables, comme nous voyons qu’il le fit cette fois : « Il écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance, ces paroles au nombre de dix. » Mais voici le récit de ce qui ce passa alors : « Et aussitôt qu’il eut cessé de lui parler sur le mont Sinaï, Dieu donna à Moïse les deux tables du témoignage, qui étaient de pierre et écrites du doigt de Dieu[163]. » Et un peu plus loin : « Moïse, retournant, descendit de la montagne, les deux tables du témoignage en ses mains ; ces tables étaient de pierre, écrites de chaque côté, d’un côté et de l’autre ; les tables étaient l’ouvrage de Dieu, et l’écriture, l’écriture de Dieu gravée sur les tables[164]. » Une grande question surgit de ces prémices : Comment les tables, qui devaient être brisées par Moïse, – Dieu le savait dans sa prescience, – sont-elles, au rapport de l’Écriture, l’ouvrage de Dieu, et non celui de l’homme ? Comment furent-elles écrites, non par la main de l’homme, mais par le doigt de Dieu ; tandis, que les dernières tables, destinées à une durée si longue, appelées à prendre place dans le tabernacle et dans le temple de Dieu, furent taillées et gravées, sur l’ordre de Dieu, il est vrai, mais parla main de l’homme ? Les premières tables ne figuraient-elles pas, non l’œuvre de l’homme, mais la grâce divine, dont se montrèrent indignes les enfants d’Israël, quand ils reportèrent leurs cœurs vers l’Égypte et se firent une idole ? Ils furent en conséquence privés de ce bienfait, et Moïse dut briser les tables. Quant aux dernières tables, n’étaient-elles point la figure de ceux qui se glorifient dans leurs œuvres, et dont l’Apôtre parle en ces termes : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et s’efforçant d’établir la leur propre, ils ne se sont point soumis à cette justice de Dieu »[165] ? C’est pourquoi Dieu leur donna des tables taillées et écrites par la main de l’homme, pour qu’elles fussent conservées parmi eux comme un type figuratif de la gloire qu’ils chercheraient, non dans le doigt, c’est-à-dire, dans l’Esprit de Dieu, mais dans leurs œuvres.
2. La première Loi, image de l’ancien Testament ; la seconde, image du nouveau.
– Mais il est incontestable que les secondes tables, données au Sinaï, symbolisent le nouveau Testament ; comme les premières, brisées et entièrement détruites, symbolisaient l’ancien. Ce qui confirme surtout cette manière de voir, c’est que la Loi fut donnée pour la seconde fois sans aucun appareil terrible, sans ces appareils formidables de flammes, de nuées et de trompettes qui arrachaient ce cri au peuple consterné : « Que Dieu ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions[166]. » La crainte est donc le trait distinctif de l’ancien Testament, et la dilection, du nouveau. Mais quelle solution donner à la question suivante Pourquoi les premières tables furent-elles l’œuvre de Dieu et écrites de son doigt ? Pourquoi les dernières furent-elles l’œuvre de l’homme ? Les premières ont-elles figuré l’antique alliance, surtout à cause que Dieu y donna ses commandements, mais que l’homme n’y fut point docile ? Car la Loi a paru dans l’ancien Testament, pour convaincre les transgresseurs, et « son apparition a donné lieu à l’abondance du péché[167]. » Ne pouvant être accomplie que par la charité, elle n’était point observée sous l’impression de la crainte. Aussi est-elle appelée l’ouvrage de Dieu, parce que Dieu en est l’auteur, parce qu’il l’a écrite ; elle n’est en aucune manière l’ouvrage de l’homme, parce que l’homme ne s’est point soumis à Dieu, et que la Loi a plutôt établi sa culpabilité. Quant aux secondes tables, l’homme, soutenu de l’aide de Dieu, les a faites et les a écrites, parce que la charité constitue la loi du nouveau Testament. Aussi le Seigneur dit-il : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir[168]. » « La charité, dit à son tour l’Apôtre, est l’accomplissement de la loi[169] » et encore : « La foi agit par la charité[170]. » Ce qui était difficile dans l’ancien Testament, est donc devenu facile dans le nouveau, à l’homme doué de la foi qui agit par la charité ; le doigt de Dieu, c’est-à-dire, son divin Esprit, écrivant la loi, non plus au-dehors sur une pierre, mais au-dedans, au plus intime du cœur de l’homme : « non plus, dit l’Apôtre, sur des tables de pierre, mais sur les cœurs comme sur des tables de chair[171] » car, « la charité » qui donne d’être vraiment fidèle au précepte, « a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[172]. » La Loi qui fut publiée au premier lieu type figuratif de l’ancienne alliance qui est l’œuvre exclusive de Dieu, écrite de son doigt, est donc caractérisée par ces paroles de l’Apôtre : « Ainsi la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon[173]. » La loi, sainte et bonne en elle-même, est l’œuvre de Dieu ; et l’homme n’y intervient nullement, parce qu’il n’obéit pas ; devenu coupable, il est plutôt écrasé par ses menaces et ses condamnations. Car, ajoute l’Apôtre, « le péché, pour faire paraître ce qu’il est, m’a donné la mort par une chose qui était bonne[174]. » Heureux celui qui, aidé de la grâce de Dieu, fait son œuvre de ce précepte saint, juste et bon !
CLVII. (Ib. 35, 1) Dieu agit avec nous. – Lorsque Moïse fut descendu de la montagne vers les enfants d’Israël, tenant en ses mains les autres tables, et le front couvert d’un voile, à cause de la gloire qui brillait sur son visage, et dont les enfants d’Israël ne pouvaient soutenir l’éclat : « Voici, leur dit-il, les paroles dont le Seigneur veut l’accomplissement. » Cette construction ambiguë permet de douter. Si c’est le Seigneur lui-même, ou si ce sont les Israélites qui doivent accomplir ces paroles ; toutefois il est évident que leur accomplissement regarde ces derniers, car c’est Dieu qui vient de dicter ses ordres. Mais peut-être est-ce à ce dessein que l’Écriture parle ainsi, afin que cette expression s’entendit également et de Dieu et de l’homme car le Seigneur agit quand il vient en aide à ceux qui agissent, conformément à la doctrine de l’Apôtre : « Opérez votre salut avec crainte et tremblement, car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir[175]. »
CLXVIII. (Ib. 35, 24.) Sur les offrandes volontaires des enfants d’Israël. – « Chacun offrant ce qu’il se retranchait, ils apportèrent généreusement au Seigneur de l’argent et de l’airain. » Ce qui revient à dire : Quiconque apporta, donna une chose ou une autre ; seulement, l’argent et l’airain sont spécialement mentionnés parmi les autres offrandes dont parle l’Écriture. Les Latins ont bien traduit par demptionem, retranchement, le mot grec aphairema; et ce terme est fort convenable, car celui qui apportait au Seigneur s’imposait une privation, un sacrifice.
CLXIX. (Ib. 35, 29.) Encore sur Béséléel, l’esprit dont il est rempli, et ses travaux.
– Moïse rappelle, mot pour mot, ce que Dieu lui avait dit de Béséléel : « Qu’il l’avait rempli de l’Esprit divin de sagesse, d’intelligence et de science, pour exécuter les travaux du tabernacle, appartenant aux arts mécaniques. » Nous avons dit plus haut notre sentiment sur ce passage[176]. Mais nous avons cru devoir le rappeler, parce que cet ordre, donné précédemment à Moïse de la part du Seigneur, n’est pas sans un dessein particulier répété en des termes tout à fait identiques. L’architecture nous est représentée ici, comme comprenant des travaux où entrent l’or, l’argent et les autres métaux ; la chose, je l’avoue, est assez singulière : car l’architecture ne s’entend ordinairement que de la construction des édifices.
CLXX. (Ib. 36, 2, 3.) Sur les ouvriers employés aux travaux du, tabernacle.
– « Et tous ceux qui voulaient d’eux-mêmes aller aux travaux, pour y prendre part ; et ils reçurent de Moïse tous les dons offerts généreusement. » Moïse ne mentionne que les travaux commandés par le Seigneur, pour le tabernacle et ses accessoires, et les vêtements sacerdotaux. Il cite aussi les noms de quelques ouvriers, à qui, dit-il, l’Esprit de Dieu fut donné pour l’exécution de ces ouvrages : mais, comme on le voit, il y en eut un grand nombre qui vinrent s’offrir d’eux-mêmes, sans avoir reçu aucun ordre, et l’Écriture ne dit pas que le Seigneur ait dicté leurs noms à Moïse. Ceux dont les noms figurent dans le texte sacré, ne furent donc pas les seuls favorisés du don céleste, mais peut-être y participèrent-ils d’une manière plus large et plus abondante. Ce qu’il faut louer dans tous ces ouvriers, c’est, au lieu de dispositions grossières et serviles, le dévouement spontané et la libéralité qu’ils apportèrent dans leurs travaux.
CLXXI. (Ib. 36, 4, 5.) Probité des ouvriers.
– Il faut noter que ces ouvriers, qualifiés du nom de sages, saintement adonnés à leur travail, étaient en réalité des hommes intègres. Ils recevaient tout ce que le peuple offrait et jugeait nécessaire à l’achèvement de leurs ouvrages ; mais voyant qu’il apportait au-delà du nécessaire, ils en avertirent Moïse, qui fit annoncer au peuple par un héraut de ne plus rien apporter à l’avenir. Ils pouvaient, s’ils avaient voulu, détourner beaucoup de choses ; mais ils furent empêchés par un principe d’honneur ou effrayés par un sentiment de religion.
CLXXII. (Ib. 35, 2.) Sur le Sabbat.
— Lorsque Moïse est descendu de la montagne, il recommande les travaux relatifs à la construction du tabernacle et au vêtement sacerdotal ; mais, avant de donner aucun ordre pour ces ouvrages, il parle au peuple de là sanctification du Sabbat. Il vient de recevoir les dix paroles de la Loi consignées sur les nouvelles tables de, pierre, qu’il a taillées et gravées lui-même ; ce n’est donc pas à tort qu’on demande pour quel motif, une fois descendu de la montagne, il entretient le peuple du Sabbat exclusivement. S’il ne fut pas nécessaire de publier de nouveau, devant le peuple, les dix commandements de la Loi, pourquoi cette exception en faveur du sabbat, qui compte au nombre de dix préceptes ? N’y aurait-il pas ici quelque chose de semblable à ce voile dont Moïse se couvrit le visage, parce que les enfants d’Israël ne pouvaient en supporter l’éclat ? En effet, des dix commandements, c’est le seul qui ait été prescrit d’une manière figurative ; quant aux neuf autres, nous ne doutons aucunement qu’ils ne nous obligent encore sous la Loi nouvelle, tels qu’ils ont été formulés. Il n’y a que le précepte du Sabbat qui fut voilé pour les Israélites par l’observation symbolique du septième jour ; ce précepte était mystérieux et figuratif, à ce point que nous ne sommes pas tenus maintenant de l’observer, mais que nous devons tenir compte uniquement de sa signification. Or, ce repos qui exclut les œuvres serviles, est l’image des abîmes profonds de la grâce divine. Car les bonnes œuvres s’opèrent en repos, quand « la foi agit par l’amour[177] » la crainte au contraire, porte avec soi son supplice, et quel repos est compatible avec ce supplice ? La crainte n’est donc pas avec la charité[178], et « la charité a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, qui nous a « été donné[179]. » C’est pourquoi « le repos du sabbat est saint devant le Seigneur[180] » c’est-à-dire qu’il faut l’attribuer à la grâce de Dieu, et non pas à nous, comme venant de nous. Sans quoi nos œuvres seront tout humaines, ou coupables, ou bien s’inspireront de la crainte et non de l’amour, et par conséquent deviendront serviles et ne procureront point le repos. La plénitude du sabbat aura sa réalité dans le repos éternel. Et ce n’est pas sans raison que fut institué le grand Sabbat[181].
CLXXIII. (Ib. 40, 9,-10.) Sur les objets sanctifiés par l’onction.
– Précédemment, lorsque Dieu enjoignit pour la première fois d’oindre le tabernacle, il donna l’ordre d’en sanctifier tous les accessoires au moyen de la même onction, et dit que ces objets seraient Saints des Saints. Quant à l’autel des holocaustes, sanctifié de la même manière, il avait dit qu’il était devenu Saint de Saint[182] : et toute la différence semblait consister en ce que la dénomination de Saint des Saints s’appliquait exclusivement à ce qui était séparé du Saint par un voile, dans cette portion du tabernacle où était l’arche d’Alliance et l’autel de l’encens. Mais ici, revenant sur les mêmes prescriptions, Dieu ordonne qu’une même onction sanctifie le tabernacle et ce qu’il contient, et le rende saint ; puis, parlant de l’autel des holocaustes, auquel il avait fait donner d’abord la dénomination de Saint de Saint, il dit maintenant qu’il est devenu, en vertu de la même onction, Saint des Saints. Ceci nous donne à entendre que ces deux dénominations Saint de Saint et Saint des Saints, ont la même signification ; que tout ce qui a reçu l’onction, c’est-à-dire, le tabernacle et ce qu’il renfermait, appelés d’abord Saint des Saints, reçoivent ici indifféremment le nom de Saints, et que chacun de ces objets en particulier, comme l’autel des holocaustes, une fois sanctifié par l’onction, s’appelait non-seulement Saint de Saint, mais encore Saint des Saints. Toute la différence, quant au nom, entre les objets placés à l’intérieur au dedans du voile, auprès de l’Arche d’Alliance, et ceux qui étaient placés en dehors, consiste en ce que les premiers étaient qualifiés de Saints de Saints, même avant d’avoir reçu l’onction, tandis que l’onction devait sanctifier les autres,.avant qu’ils reçussent ce nom. Il faut du loisir pour démêler ce que signifient ces choses.
CLXXIV. (Ib. 40, 19) Sur les tapis du tabernacle.
– L’Écriture, faisant le récit des circonstances de l’érection du tabernacle, dit que Moïse « étendit des tapis au-dessus:» Il est évident que ce n’est pas sur le toit du tabernacle, mais autour des colonnes, dont il venait d’être fait mention.
CLXXV. (Ib. 40, 29) Sur l’emplacement de l’autel des holocaustes : – En employant ces expressions : « Sur le parvis autour du tabernacle et de l’autel », l’Ecriture fait voir que l’autel des holocaustes était placé en dehors et vis-à-vis de l’entrée du tabernacle, de sorte que le parvis occupait tout le tour, et que l’autel était dans la partie inférieure, entre la porte du parvis et celle du tabernacle.
CLXXVI. (Ib. 40, 34-35). Sur la nuée qui couvrait le tabernacle.
– Circonstance étonnante et bien digne de remarque ! Lorsque là nuée, la gloire du Seigneur, comme l’appelle encore l’Écriture, s’abaissait et remplissait le tabernacle, Moise ne pouvait y entrer, et cependant, sur le mont Sinaï, lorsque la Loi lui fut donnée pour la première fois, il pénétra dans la nuée où Dieu était[183]. Il n’est donc pas douteux qu’en ces deux circonstances, il était l’image de personnages différents : la première fois, il représentait ceux qui participent aux secrets de la vérité divine ; la seconde, les Juifs à qui la gloire du Seigneur s’oppose comme une nuée dans le Tabernacle, lequel est à son tour une figure de la grâce du Christ : ils ne l’ont pas comprise, et c’est pour cela qu’ils n’entrent point dans le tabernacle de l’alliance. Et il faut croire, qu’aussitôt après l’érection du tabernacle, ce fait se produisit une fois, avec cette signification mystérieuse ou quelque autre analogue. Car la nuée ne demeurait pas toujours sur le tabernacle, au point d’en interdire l’accès à Moise : elle s’élevait pour avertir de sortir, c’est-à-dire de transporter leur camp d’un lieu à l’autre : la nuée protégeait leur marche pendant le jour, une flamme les guidait pendant la nuit. Et tour à tour la nuée et la flamme, la première pendant jour, la seconde pendant la nuit, demeuraient sur le tabernacle, partout où ils campaient.
DU TABERNACLE.
[modifier]
CLXXVII.
— 1. But de ce travail. — Comme le livre de l’Exode se termine par le récit de l’érection du Tabernacle, et qu’il donne à ce sujet, dans les Chapitres précédents, de nombreux détails difficiles à comprendre, inconvénient ordinaire de toute topographie ou description historique d’un lieu quelconque ; j’ai voulu traiter, à part, de tout ce qui a rapport au tabernacle lui-même. Afin, s’il est possible, d’arriver à faire comprendre et ce qu’il fut et quel il fut, j’examinerai selon l’occasion le sens littéral du texte, remettant à une autre fois l’explication du sens figuratif ; car il ne faut pas croire qu’il y eut une seule des prescriptions relatives au Tabernacle quine fût dans les desseins de Dieu, le type de quelque chose de grand, dont la connaissance importe à la foi et à la piété.
2. (Ex. 26, 1.) Sur les rideaux du tabernacle. – Dieu ordonne donc à Moïse de faire pour le tabernacle dix rideaux de fin lin retors, de couleur d’hyacinthe, de pourpre d’écarlate, avec des chérubins en broderie. Le mot grec aulaias est rendu en latin par aulaea, rideaux, ce qu’on nomme vulgairement des courtines. Il ne s’agit dont pas de dix parvis, comme l’ont cru trop légèrement plusieurs interprètes : car le grec ne porte pas aulas mais aulaias. Des chérubins doivent être brodés sur les rideaux, dont la hauteur aura vingt-huit coudées, et la largeur quatre[184]. Ces rideaux doivent s’attacher ensemble et s’unir entre eux, cinq d’un côté et cinq de l’autre, en sorte que l’espace renfermé dans leur enceinte forme l’espace du tabernacle[185]. Or, comment étaient rattachés entre eux les cinq rideaux placés du même côté, c’est ce que Dieu précise en ces termes Tu feras des cordons d’hyacinthe sur le bord d’un rideau d’une part pour servir d’attache, et tu feras de même sur l’autre bord pour la seconde attache[186] » en d’autres termes, à l’endroit où un rideau tient à un autre rideau, le troisième par exemple au second, lequel tient déjà au premier, c’est-à-dire lui est uni et attaché, chacun des rideaux fera face à celui qui lui correspond de l’autre côté ; car il est exigé que les rideaux soient placés cinq par cinq vis-à-vis les uns des autres. L’espace compris entre eux était-il ou rond ou carré, c’est ce qu’on ne voit pas encore ; mais on sera édifié sur ce point, lorsqu’il sera fait mention des colonnes, auxquelles seront appendus les rideaux. C’est donc à dessein qu’il n’est parlé que des trois premiers, de la manière dont le premier est uni au second, et le second au troisième, afin que les autres soient unis ensemble de la même manière. Il est prescrit de faire cinquante cordons pour le premier rideau du côté où il touche au second, et cinquante pour le troisième du côté ou il se joint au second ; quant à celui-ci, quittent le milieu entre ces cinquante cordons de part et d’autre, Dieu veut qu’il ait cinquante anneaux d’or, d’une part, afin qu’il soit attaché aux cinquante cordons du premier rideau ; il fallait conséquemment qu’il eût aussi le même nombre d’anneaux pour être attaché aux cordons du troisième rideau. C’est ce que l’Écriture exprime sommairement en ces termes : « Tu feras cinquante anneaux d’or, et tu joindras un rideau à un rideau par des anneaux, et il n’y aura qu’un tabernacle[187]. » Cinquante anneaux d’or du deuxième rideau étaient donc enlacés dans les cinquante cordons d’hyacinthe du premier rideau, et cinquante anneaux dans cinquante cordons du troisième rideau ; les autres rideaux s’unissaient de la même manière et des cinq n’en faisaient qu’un ; les cinq autres, placés vis-à-vis, reproduisaient le même arrangement.
3. Sur les tapis de poils de chèvre, destinés à couvrir le tapis précieux. – Dieu ajoute : « Tu feras encore des tapis de poils pour couvrir le tabernacle[188]. » Ces tapis serviront de couverture au tabernacle, non en forme de toit, mais en forme d’enceinte. Nous disons aussi, en effet, qu’une chose est posée sur une autre, comme sur une bande de lin, non à la manière d’un toit sur une maison, mais comme un enduit qui couvre un mur : « Tu feras, dit-il, ces tapis au nombre de onze[189]. La longueur d’un tapis sera de trente coudées, et la largueur d’un tapis de quatre coudées : ce sera la même mesure pour les onze tapis[190]. Et tu joindras cinq tapis entre eux, et les six autres ensemble.[191] » De même qu’il a ordonné d’unir les rideaux cinq par cinq de chaque côté, ainsi Dieu veut que l’on assemble cinq tapis d’un côté et six de l’autre, onze en tout, au lieu de dix. « Tu relèveras, dit-il, le sixième tapis à l’entrée du tabernacle[192] » pour empêcher l’embarras qui devait résulter du nombre impair. Dieu règle ensuite la manière dont il faut unir entre eux les tapis de poils. Il répète ce qu’il a dit, mais peut-être plus clairement : « Tu feras encore cinquante cordons sur le bord de l’un de ces tapis, qui touche à celui du milieu[193] » c’est-à-dire au second, parce que celui-ci tiendra le milieu entre le premier et le troisième : « pour servir d’attache » c’est-à-dire, pour les unir entre eux. « Et tu feras cinquante cordons sur le bord du tapis, qui est joint au second[194] » en d’autres termes ; sur le bord du troisième tapis, afin de l’attacher au second. « Tu feras encore cinquante anneaux d’airain, et tu feras passer les cinquante cordons dans les anneaux et tu joindras les tapis, et ils n’en feront qu’un[195]. » Dieu exige donc qu’il y ait au tapis du milieu, c’est-à-dire ; au second, cinquante anneaux, par lesquels passeront cinquante cordons qui l’uniront au premier et au troisième. Il n’y a de différence que pour les anneaux qui doivent être d’airain, au lieu d’être d’or. Quant aux cordons, il avait été prescrit qu’ils seraient de couleur d’hyacinthe pour les rideaux ; mais comme il n’est pas dit de quelle nature seront ceux des tapis de poils, n’est-il pas vraisemblable qu’ils étaient de poils tommes les tapis ?
4. Difficultés non résolues – Ce qui suit est réellement si difficile à comprendre, que je crains de le rendre encore plus obscur, en voulant l’expliquer : « Tu relèveras, dit le Seigneur, dans les tapis du tabernacle la moitié du tapis, qui sera de surplus, et cet excédant des tapis, tu en couvriras le derrière du tabernacle[196]. Une coudée d’un côté et une coudée de l’autre provenant des surplus de la longueur des tapis, seront étendues sur les côtes du tabernacle et les couvriront de part et d’autre[197]. » Il a été prescrit de relever le sixième tapis à l’entrée du tabernacle : pourquoi donc Dieu dit-il qu’il y aura la moitié d’un tapis en surplus ? Comment encore comprendre ces expressions : « une coudée d’un côté et une coudée de l’autre » puisque la moitié d’un tapis est de quinze coudées, Dieu ayant voulu que la longueur d’un tapis fût de trente coudées ? Ou bien, s’il y a de l’excédant dans la longueur des tapis, parce que les rideaux de fin lin, de couleur d’écarlate, de pourpre et d’hyacinthe, doivent avoir vingt-huit coudées de long, tandis que les tapis de poils doivent en avoir trente, chacun des rideaux a deux coudées en moins que chacun des tapis de poils : en somme, en laissant de côté le onzième tapis qui doit être relevé, cela fait vingt coudées que les tapis ont de plus que les rideaux. Deux coudées en excédant de longueur pour chacun des dix tapis, donnent en effet pour le total vingt coudées ; ainsi ce n’était pas, comme dit l’Écriture, une coudée ce chaque côté, mais bien dix qui pouvaient être en surplus. Il nous faut donc différer l’explication de ce passage, jusqu’à ce que nous voyions le tabernacle dressé dans tout son ensemble, reposant sur toutes ses colonnes et entouré de son parvis. Peut-être, en effet, en parlant des tapis de poils, l’Écriture dit-elle par anticipation quelque chose qui se rapporte à des objets dont il n’a pas été question. Ces mots, par exemple : « Tu feras des tapis de poils pour couvrir le tabernacle[198] » signifient-ils que les tapis couvriront le tabernacle tout entier en y comprenant le parvis, qui, on le voit plus loin, en fera le tour ; ou seulement cette portion intérieure du tabernacle qui devait être formée de dix rideaux ? On ne peut le dire. Nous lisons plus loin : « Tu feras encore une couverture pour le tabernacle avec des peaux de moutons teintes en rouge [199]. » Cette autre couverture devait-elle s’étendre sur tout le tabernacle et tout autour, ou seulement sur sa partie intérieure ? Nouveau sujet d’incertitude. Mais pour ce qui suit : « Tu feras des peaux de couleur d’hyacinthe pour couvrir le dessus » il faut admettre que ces peaux n’étaient pas placées tout autour, mais qu’elles formaient une sorte de voûte descendant du toit.
5. Sur les colonnes du tabernacle. – « Tu feras encore pour le tabernacle des colonnes de bois incorruptible[200] : une colonne aura dix coudées de hauteur, et une coudée et demie de largeur[201], et deux coins qui soient vis-à-vis l’un de l’autre ; c’est ainsi que tu feras pour toutes les colonnes du tabernacle[202]. » Je ne vois pas bien à quel dessein Dieu commande ces coins, dont j’ai d’ailleurs expliqué précédemment la nature[203]. Car s’ils devaient servir à porter les colonnes il en fallait au moins quatre ; et s’ils devaient supporter des barres, il en fallait encore un plus grand nombre : à chaque colonne en effet il avait fait placer cinq barres. À moins que ces coins ne fussent d’aucun usage, mais seulement des objets figuratifs, comme le onzième tapis de poils. En réalité la colonne, élevant comme des bras ses deux coins de part et d’autre, est une figure de la Croix. Voyons maintenant le nombre des colonnes pour nous former une idée de la disposition du tabernacle, pour savoir s’il affectait une forme carrée, ou ronde, ou celle d’un carré long, les côtés étant plus longs que le frontispice, comme dans la plupart des basiliques ; c’est évidemment cette dernière forme que le texte indique. Voici en effet ce qu’il porte : « Tu feras encore des colonnes pour le tabernacle, vingt colonnes pour le côté qui regarde l’Aquilon.[204] » « Et tu feras quarante bases d’argent pour les vingt colonnes, deux bases pour une colonne en ses deux parties. Le second côté, vers le midi, recevra vingt colonnes et leurs quarante bases d’argent ; deux bases pour une colonne en ses deux parties, et deux bases pour une colonne en ses deux parties.[205] » Qu’on ne s’étonne pas de cette redite : c’est une manière de parler qui signifie que toutes les colonnes dont il n’est rien dit seront disposées de la même manière. Quant aux bases, nous avons déjà dit précédemment pourquoi il y en a deux pour une ; c’est que l’Écriture comprend sous ce nom les chapiteaux avec les bases[206].
6. Suite du même sujet. – Nous voyons donc vingt colonnes se dresser aux deux côtés, méridional et septentrional, du Tabernacle ; restent les deux autres côtés, le côté oriental et le côté occidental ; s’ils avaient, à leur tour, le même nombre de colonnes, il s’ensuivrait nécessairement que le tabernacle était carré. Mais si l’Écriture parle du côté occidental, elle garde le silence sur le côté oriental ; est-ce parce qu’il était privé de colonnes, et que les rideaux s’étendaient seulement de la dernière colonne d’un côté à la dernière colonne du côté correspondant ? ou bien n’y a-t-il pas quelque raison à ce silence, malgré lequel nous devrions supposer que ces colonnes existaient réellement ? Je l’ignore. Ce qui est certain, c’est qu’il est fait mention, dans la suite, de dix colonnes placées du côté de l’Orient ; mais pour le parvis, qui devait, comme on le voit plus loin, s’étendre tout autour du Tabernacle. Après avoir parlé des deux côtés du tabernacle, tournés au nord et au midi, l’Écriture ajoute : « Dans la partie postérieure du tabernacle, qui regarde la mer, tu feras six colonnes[207]. Tu feras encore deux colonnes aux angles du derrière du tabernacle[208]. Elles seront pareilles de bas en haut, et se rapporteront l’une à l’autre, et seront semblables quant aux chapiteaux pour être unies ensemble. C’est ainsi que tu feras pour les deux angles ; qu’ils soient pareils[209]. Et il y aura huit colonnes, qui auront seize bases d’argent : deux bases pour une colonne, et deux bases pour une colonne en ses deux parties. » En ce qui concerne les bases, même sens et même manière de parler. Le côté de l’Occident, car c’est celui qui regarde la mer, se prolonge donc appuyé sur huit colonnes, six intermédiaires, et deux qui doivent offrir aux angles la même disposition et servir de liaison : je crois qu’un angle est le point de jonction de deux côtés, et que la colonne placée à l’angle relie, l’une le côté occidental et le côté septentrional, l’autre le côté oriental et le côté du midi. Quant à cette observation, que les colonnes angulaires doivent être pareilles de bas en haut, elle signifie que ces colonnes seront exactement perpendiculaires, et ne seront pas plus massives à la base qu’à la partie supérieure, comme le sont la plupart des colonnes.
7. Sur les barres qui devaient assujettir les colonnes. – « Tu feras encore, dit l’Écriture, des barres de bois incorruptible, cinq pour une colonne d’un côté du tabernacle[210], et cinq pour une colonne du second côté du tabernacle, et cinq pour une colonne derrière le tao bernacle, du côté qui regarde la mer. » Comment douter, après cela, que le côté oriental ne fût privé de colonnes à cette partie intérieure du tabernacle, sur laquelle le parvis s’ouvrit dans la suite ? Dieu veut donc que chacune des colonnes sur les trois côtés soit maintenue par cinq barres. « Que la barre du milieu, ajoute-t-il, passe par.lemilieu des colonnes d’un côté à un autre côté[211]. » Cela semble signifier que la barre allait d’une colonne à l’autre et s’appuyait contre ces mêmes colonnes : par conséquent, chaque colonne n’avait pas ses cinq barres respectives, auxquelles aboutissaient cinq barres qui partaient de la colonne voisine. « Tu doreras les colonnes, et tu feras des anneaux d’airain, dans lesquels tu feras passer les barres, et tu doreras ces barres[212]. » Afin d’empêcher qu’on ne fasse dans les colonnes des trous, pour y faire passer les barres, Dieu donne l’ordre de faire de anneaux, dans lesquels s’engageront de part et d’autre les extrémités des barres. On comprend dès lors que ces anneaux étaient suspendus à des cordons fixés eux-mêmes au bois des colonnes, et qu’ils pouvaient recevoir et maintenir l’extrémité des barres.8.Sur le voile et ce qui doit être mis au-dedans et au-dehors. – « Tu dresseras, dit le Seigneur, le tabernacle selon l’image qui t’a été montrée sur la montagne[213]. Tu feras encore un voile de couleur hyacinthe, de pourpre, d’écarlate retors et de fin lin filé ; tu le feras avec des Chérubins travaillés au tissu[214]. Et tu le placeras sur quatre colonnes incorruptibles revêtues d’or, dont les chapiteaux seront d’or et les quatre bases d’argent[215]. Tu placeras ce voile sur les colonnes, et tu mettras au-dedans du voile l’arche du témoignage : et le voile séparera par le milieu le Saint d’avec le Saint des Saints[216]. Et tu couvriras du voile l’arche du témoignage dans le Saint des Saints[217]. » Tout cela est clair : ainsi à l’intérieur du voile qui était suspendu à quatre colonnes, fut déposée l’arche du témoignage : mais le voile ne doit pas poser sur le couvercle de l’arche ; Dieu prescrit seulement de l’appuyer contre elle. Il ajoute : « Tu mettras aussi la table au-dehors du voile ; et le chandelier vis-à-vis de la table au côté du tabernacle qui regarde le midi ; et tu mettras la table au côté du tabernacle qui regarde le septentrion[218]. » Ceci est également facile à comprendre. On lit ensuite : « Tu feras encore pour l’entrée, un voile qui sera d’hyacinthe, de pourpre, d’écarlate retors et de fin lin retors, travaillé par la main du brodeur[219]. Et tu feras pour le voile cinq colonnes, et tu les couvriras d’or, et leurs chapiteaux seront d’or, et tu leur fondras cinq bases d’airain[220]. » On ne découvre pas ici, mais on verra plus loin la destination de ce voile suspendu à cinq colonnes. Dieu veut que ce voile occupe l’entrée du tabernacle intérieur, qu’environne le parvis. Viennent ensuite ses prescriptions relatives à l’autel des sacrifices et des holocaustes. Dieu dit comment on doit le faire ; il n’indique pas maintenant où l’on doit le poser, mais ceci encore se verra plus loin.
9. (Ex. 27, 9.) Sur le parvis. – A partir de cet endroit jusque vers la fin du chapitre, il est question du parvis, qui doit régner autour du tabernacle pour l’érection duquel Dieu a précédemment donné ses ordres. « Tu feras aussi, dit-il, le parvis » en grec aulen et non pas aulaian plusieurs de nos interprètes, n’ayant pas fait cette distinction, ont traduit également par le mot parvis, et l’expression ci-dessus aulen et le mot aulaea rideaux, qui a pour terme correspondant en grec aulaias et non pas aulas; ils font dire au texte : « Tu feras un tabernacle qui aura dix parvis[221] » quand ils auraient dû traduire : « qui aura dix rideaux. » Quelques-uns, plus ineptes encore, ont admis dans leurs versionsle mot portes comme synonyme de aulas et de aulaias. De même que nous trouvons en latin aulaea, traduction du mot grec aulaias; ainsi l’expression grecque aulen a été rendue, grâce aux nôtres, par aula. Mais ce terme ne signifie pas atrium, parvis, dans la langue latine, il veut dire demeure royale ; tandis que le grec aule signifie : parvis. Dieu dit donc : « Tu feras le parvis du tabernacle du côté qui regarde le midi ; les rideaux du parvis seront de fin lin retors ; que la longueur soit de cent coudées pour un côté[222]. Leurs colonnes seront au nombre de vingt, leurs bases d’airain au nombre de vingt ; leurs anneaux et leurs crochets seront d’argent[223]. Il y aura de même du côté de l’aquilon des rideaux de cent coudées de long, avec leurs vingt colonnes et leurs vingt bases d’airain ; leurs anneaux, les crochets des colonnes et les basses revêtues d’argent[224]. La largeur du parvis qui est du côté de la mer et ses rideaux seront de cinquante coudées ; leurs colonnes seront au nombre de dix, et leurs bases au nombre de dix[225]. Et la largeur du parvis qui est vers l’orient sera de cinquante coudées ; il y aura dix colonnes et autant de bases[226]. »
10. Suite. – Venant à parler du parvis, l’Écriture nous apprend maintenant qu’il y avait des colonnes au côté oriental du tabernacle, et que ce côté en avait dix avec des bases d’airain, comme le côté occidental : or, de là surgit une question extrêmement difficile à résoudre. En effet, il nous est aisé d’admettre à l’Orient un rang de colonnes, appartenant au parvis, qui environnait tout le tabernacle intérieur sur ses quatre côtés : car, de ce côté, le tabernacle intérieur n’avait point de colonnes. Mais il en avait déjà huit à l’Occident. Comment donc admettre encore ces dix colonnes, dont il est fait mention pour le parvis extérieur ? Du côté de l’Occident, se dressaient donc deux rangs de colonnes, huit à l’intérieur et dix à l’extérieur ? S’il en est ainsi, les côtés du parvis extérieur seront plus longs que ceux du tabernacle intérieur, et sur tous ces côtés s’élèvera un autre rang de colonnes, qui ne correspondra point avec le premier rang de colonnes du tabernacle intérieur. Alors il arrivera nécessairement que les vingt colonnes qui décorent l’intérieur du tabernacle, au midi et au septentrion, seront moins espacées entr’elles que les vingt colonnes qui s’élèvent sur les mêmes côtés dans le parvis extérieur. Et comme, suivant l’Écriture, ces rangs de colonnes placées à l’extérieur, mesurent cent coudées ; et que les rangs intérieurs, composés d’un même nombre de colonnes, en mesurent telle quantité en moins que l’on voudra, attendu que l’Écriture ne dit rien formellement à ce sujet, il s’ensuivra que les huit colonnes de l’intérieur du tabernacle du côté de l’Occident seront plus espacées que les vingt colonnes du côté du tabernacle au nord et au midi, afin de fournir l’étendue suffisante pour suspendre les dix rideaux dont il a été parlé d’abord à l’occasion de la construction de ce tabernacle. En effet, ces rideaux ont vingt-huit coudées de long, ce qui donne deux cent-quatre-vingts coudées pour le tout ; s’il y avait cent de ces coudées, aux deux côtés du nord et du midi, où se trouvent vingt colonnes, il devrait y en avoir quarante sur les deux côtés de l’Orient et de l’Occident, et la proportion serait exacte entre les quarante coudées qui sont suspendues à huit colonnes et les cent coudées suspendues à vingt colonnes ; mais, dans ce cas, les côtés du parvis extérieur ne mesureraient pas une étendue plus longue, puisque leur limite est fixée à cent coudées, et alors il n’eût pas été possible que le rang de dix colonnes, allant du côté sud au côté nord, renfermât dans son enceinte les huit colonnes intérieures. Pour que le parvis environne le tabernacle intérieur de toutes parts, il faut donc nécessairement que celui-ci soit établi dans des proportions plus restreintes ; par conséquent, que ses vingt colonnes latérales, dans le sens de la longueur, soient plus rapprochées que les vingt du parvis extérieur, tandis que, au contraire, les huit colonnes intérieures placées à l’Occident, doivent être plus espacées que les deux colonnes correspondantes du parvis extérieur : car le nombre de coudées en moins qu’on étendra de ces rideaux sur les vingt colonnes des deux côtés sud et nord, doit trouver sa place aux côtés de l’Orient et de l’Occident, pour que les rideaux aient leurs deux cents coudées de développement. Il n’en est pas de ces rideaux comme des tapis de poils, où il s’en trouve un eu surplus : Dieu ne prescrit pas d’y faire un double pli. Si donc on diminue la longueur du tabernacle intérieur, afin que le parvis extérieur puisse le renfermer dans son enceinte ; si, au lieu de cent coudées de rideaux, il n’y en a, par exemple, que quatre-vingt-seize de suspendues à ses vingt colonnes, ce qui fait quatre coudées eu moins ; alors ce sera quatre coudées, ou plutôt huit coudées, qui devront s’étendre sur les deux autres côtés à l’Orient et à l’Occident : de cette manière, ce n’est plus quarante coudées qui se suspendent aux colonnes occidentales du tabernacle intérieur, mais quarante-quatre ; les quarante-quatre autres occupent le côté oriental. Par conséquent, lorsque cinquante coudées de rideaux sont tendues sur les dix colonnes du parvis extérieur, et quarante-quatre coudées sur les huit colonnes placées à l’intérieur du tabernacle, on trouve les intervalles des huit colonnes intérieures plus espacés que ceux des dix colonnes extérieures : car, s’ils étaient égaux, on suspendrait quarante coudées à huit colonnes aussi bien que cinquante à dix colonnes, la proportion étant la même de huit à dix que de quarante à cinquante. En effet, quarante renferme huit fois le nombre cinq, et cinquante dix fois le même nombre.
11. Suite. – Nous ne serions pas étonnés de cette différence d’intervalle entre les colonnes, les unes étant plus rapprochées dans le sens de la longueur où elles sont au nombre de vingt, et les autres plus espacées dans le sens de la largeur où il n’y en a que huit, s’il n’y avait pas quelque chose qui nous force à changer de sentiment. Après avoir dit en effet que la largeur du parvis du côté de la mer aura cinquante coudées de rideaux, dix colonnes et dix bases, que la largeur du parvis à l’Orient aura de même cinquante coudées, dix colonnes et autant de bases ; après avoir ainsi, ce semble, décrit entièrement la forme du tabernacle avec son parvis qui l’environne de toutes parts, le texte sacré parle des autres objets dont on ne peut que très-difficilement se faire une idée, et auxquels il n’est pas aisé d’assigner une place : « D’un côté, est-il dit, il y aura une hauteur de quinze coudées de rideaux, trois colonnes et leurs trois bases[227]. Le second côté aura également une hauteur de quinze coudées de rideaux, trois colonnes et trois bases[228]. Et à la porte du parvis sera un voile de vingt coudées de haut, fait d’hyacinthe, de pourpre, d’écarlate filée et de fin lin retors, ouvrage travaillé à l’aiguille : il y aura là quatre colonnes et quatre bases[229]. » Où placer tous ces objets dans l’ensemble si parfait du tabernacle ? Je ne le vois pas ; mais ce que je vois bien, c’est qu’on trouve ici également dix colonnes, trois d’une part, trois de l’autre, et quatre au milieu. Ces rideaux de cinquante coudées ne seront donc par unis ensemble, afin de laisser un passage pour l’entrée dans le parvis : les vingt coudées du milieu seront séparées des quinze coudées, et formeront une tenture à la porte du tabernacle, autrement un voile, qui sera suspendu à la fois comme un ornement et un rideau ; ce voile occupera l’espace de quatre colonnes, qui a été désigné et réservé pour la porte du parvis. Et ce voile, distinct et séparé des rideaux qui mesurent quinze coudées, Dieu veut encore qu’il en diffère par la beauté, et qu’il soit parsemé de dessins brodés de quatre couleurs. Mais si les côtés, qui mesurent quinze coudées et comptent chacun trois colonnes, sont placés sur la même ligne que la porte du parvis et lui sont adhérents, il ne restera plus d’intervalle libre entre les dix colonnes du parvis extérieur et les huit colonnes de l’intérieur du tabernacle, pour recevoir l’autel de cinq coudées, qui y occupe un espace carré ; ni devant cet autel, pour le service qui s’y rapporte ; ni enfin entre ce même autel et l’entrée du tabernacle intérieur, pour recevoir le bassin d’airain. Cette place en effet fut désignée pour le bassin, afin que les prêtres pussent s’y laver les pieds et les mains, quand ils entraient dans le tabernacle, ou quand ils s’approchaient de l’autel, pour y remplir les fonctions de leur ministère ; et si l’on n’imagine pas que ce bassin se trouvait en dehors du tabernacle et dans le parvis, comment les prêtres pouvaient-ils se laver les mains et les pieds, avant d’entrer dans le tabernacle ? Nous ne pouvons cependant mettre l’autel en dehors du parvis : car le tabernacle et l’autel doivent positivement être placés dans l’enceinte du parvis lui-même. Voici donc la dernière hypothèse à admettre : ces côtés, qui avaient chacun des rideaux de quinze coudées soutenus par trois colonnes, formaient.unintervalle d’égale grandeur entre la porte du parvis et l’entrée du tabernacle intérieur ; la porte du parvis s’ouvrait sur une largeur de vingt coudées et de quatre colonnes, auxquelles était suspendu le voile de vingt coudées semé de broderies faites à l’aiguille ; plus loin se trouvait l’entrée du tabernacle, avec un voile suspendu à cinq colonnes : tout cela n’était point disposé dans l’espace fermé de huit colonnes, mais en dehors, dans le parvis. Dans cette hypothèse, le voile de l’entrée du tabernacle formait comme une porte à doubles battants, à l’endroit où les rideaux n’étaient pas unis entre-eux par des anneaux et des cordons. Peut-être encore ce voile, suspendu à cinq colonnes à l’entrée du tabernacle, occupait-il l’intérieur du tabernacle fermé d’un rang de huit colonnes, de sorte que quand on entrait dans le tabernacle, l’intérieur en demeurait caché et voilé aux regards profanes, toutefois, que le voile fût placé en-dedans ou en dehors de ce rang de colonnes, – point qui n’est pas suffisamment éclairci, – il est hors de doute qu’il en était à une distance convenable, sans quoi les cinq colonnes trop rapprochées des quatre suivantes, eussent plutôt empêché que voilé l’accès du tabernacle.
12. Suite. – D’après cette forme et cette disposition, il n’est plus désormais nécessaire de resserrer les vingt colonnes placées au midi et au nord dans l’intérieur du tabernacle et d’espacer davantage les huit colonnes placées à l’Occident. Car ces dix colonnes du parvis extérieur, du côté de l’Occident, ne forment pas un long rang de colonnes, qui enceigne les huit colonnes intérieures ; mais trois d’entre elles s’élèvent de chaque côté et quatre à la porte, circonscrivant l’espace où se trouvent l’autel des holocaustes, entre la porte du parvis et l’entrée du tabernacle ; le bassin, entre l’entrée du tabernacle.etl'autel ; et l’intervalle nécessaire au service de l’autel, entre l’autel lui-même et la porte du parvis : de cette manière toute la surface du parvis est limitée par dix colonnes, dont trois au nord, trois au midi et quatre à l’Occident, formant ensemble la figure de la lettre grecque Pi. Ainsi cet espace lui-même s’ajoutait à celui qui était enfermé dans la longue suite de colonnes du tabernacle intérieur. Pour se faire une idée de cette disposition, qu’on prolonge les jambages ou les iotas de la lettre pi du côté où elle est ouverte, et qu’on la ferme au point où commence cette prolongation, de façon que les iotas s’étendent de part et d’autre. On pouvait donc trouver dix colonnes formant une longue ligne au côté occidental dans l’intérieur du tabernacle, mais en ajoutant aux huit colonnes intérieures les deux dernières qui faisaient angle au nord et au midi. Car sur ces dix colonnes qui tenaient proprement au parvis, et donnaient entrée dans le tabernacle, il y en avait trois sur les côtés, et quatre de face, à l’endroit où se trouvait la porte : elles embrassaient ainsi l’espace exigé pour l’offrande des sacrifices, dans l’intérieur du parvis et en avant du tabernacle. Aux trois colonnes latérales étaient suspendues des tentures de lin longues de quinze coudées ; et aux quatre colonnes de la porte, un voile de vingt coudées brodé et travaillé à l’aiguille.
13. Et qu’on ne se trouble point, si on lit dans l’Écriture : « La hauteur des tentures sera d’un côté de quinze coudées ; elles auront trois colonnes et trois bases[230]. Et la hauteur des tentures de l’autre côté, sera également de quinzecoudées, avec trois colonnes et trois bases[231]. « Et le voile de la porte du parvis aura trente coudées de hauteur[232]. » Le texte sacré veut dire la longueur, quand il parle de la hauteur des leutures. Car leur hauteur, quand on les tisse, correspond à leur longueur, quand on les étend, Et dans la crainte qu’on ne s’y trompe, l’Écriture dit ailleurs expressément : « Et ils firent le parvis qui est au midi, les tentures du parvis, de fin lin retors, cent pour cent[233] » en d’autres termes, cent coudées de tentures pour l’espace de cent coudées occupé par vingt colonnes. On lit ensuite : « Leurs vingt colonnes et leurs vingt bases étaient d’airain. Et du côté du midi les tentures étaient aussi cent pour cent, leurs vingt colonnes et leurs vingt bases étaient d’airain ; et du côté qui regarde la mer les rideaux avaient cinquante coudées, dix colonnes et dix bases.[234] » Ici rideaux et tentures sont synonymes. « Et du côté de l’Orient les tentures avaient également cinquante coudées. » Ensuite le texte sacré traite de nouveau de la partie postérieure du tabernacle, pour montrer comment les dix colonnes embrassaient l’espace du parvis dont il a été parlé précédemment. « Il y avait, y est-il dit, quinze coudées par-derrière. » Il appelle derrière la partie postérieure du tabernacle, située à l’Occident. Il ajoute : « Leurs colonnes et leur bases étaient au nombre de trois. Et par-derrière, également de chaque côté de la porte du parvis, étaient des rideaux de quinze coudées, avec leurs trois colonnes et leur trois bases.[235] » Ce qu’il nomme les deux derrières du parvis, maintenant qu’il rapporte la manière dont ils furent érigés, ne diffère point évidemment de ce qu’il appelait les côtés, en faisant connaître l’ordre que Dieu avait donné de les construire : c’était un des côtés, en tant qu’unis de part et d’autre à la porte ; ils embrassaient l’espace du parvis à l’Occident : c’étaient pareillement des derrières, parce que cette portion du parvis occupait la partie postérieure du tabernacle, c’est-à-dire l’Occident. « Tous les rideaux du parvis étaient de fin lin retors, les bases des colonnes d’airain, leurs anneaux d’argent et leurs chapiteaux argentés ; et toutes les colonnes du parvis étaient aussi couvertes d’argent.[236] » Le texte fait ensuite mention d’une particularité qu’il n’avait pas encore signalée ici: « Les voiles dudit parvis étaient un ouvrage de broderie, d’hyacinthe, de pourpre, d’écarlate filée et de fin lin retors ; ils avaient vingt coudées de longueur et de largeur[237] ##Rem. » Il résulte de ce passage que la hauteur mentionnée plus haut correspond à la longueur des rideaux quand ils sont étendus. Le texte ajoute enfin : « Et cinq coudées de largeur. » Les tentures du parvis extérieur avaient, en effet, ce nombre de coudées en largeur, tandis que celles de l’intérieur n’en avaient que quatre ; c’est ainsi qu’il a été dit plus haut : « La longueur du parvis était de cent pour cent, de cinquante pour cinquante, et la hauteur de cinq coudées de fin lin retors. » L’Écriture appelle longueur ce qu’elle nomme ensuite hauteur, parce que la largeur d’un objet placé à terre est la même que la hauteur du même objet placé debout. En d’autres termes, comme je viens de le dire, la hauteur d’une étoffe, quand on la tisse, devient sa longueur, quand on l’étend.
14. Sur les couvertures de poils. – Nous avons différé jusqu’ici l’examen d’une difficulté relative au tapis de poils ; voyons maintenant comment nous pouvons la résoudre d’après la forme du tabernacle que nous avons décrit en son entier, comme nous avons pu. Peut-être l’obscurité dont cette question est enveloppée vient-elle de ce que l’auteur sacré a parlé, par anticipation d’un détail sur lequel il devait revenir plus tard, dans la description du parvis qui faisait le tour du tabernacle. Examinons donc le texte en lui-même. « Tu relèveras encore, y est-il dit, ce qui sera en surplus dans le tapis du tabernacle, tu cacheras la moitié du tapis qui sera de surplus, et l’excédant des tapis, tu le cacheras derrière le tabernacle[238]. » Tout cela ne signifie qu’une seule et même chose : c’est que la moitié du tapis qui était de reste, c’est-à-dire, qui était en surplus parmi les voiles du tabernacle, doit être caché derrière le tabernacle. Comment donc y a-t-il en surplus, comment reste-t-il la moitié d’un tapis sans emploi ? Il faut pour s’en rendre compte ; examiner dans quel ordre les tapis étaient reliés entre eux : Dieu ordonne qu’il y en ait cinq d’une part, et six d’autre part unis ensemble ; le sixième lapis devait de cette manière, ainsi qu’il l’avait dit précédemment, être doublé au-devant du tabernacle, c’est-à-dire à l’Orient. Car bien des fois le texte a fait entendre que le derrière du tabernacle était à l’Occident, c’est-à-dire du côté de la mer. Que faut-il donc entendre par le devant du tabernacle, si ce n’est la partie qui regardait l’Orient ? La partie où cinq tapis, sont unis ensemble mesure cent-cinquante coudées, autrement cinq fois trente ; car Dieu avait commandé que ces tapis eussent chacun trente coudées ; et la partie où six tapis, au lieu de cinq, se trouvaient pareillement unis ensemble, mesurait cent-quatre-vingt coudées, autrement six fois trente ; par conséquent, dès lors qu’on pliait un de ces tapis au-devant du tabernacle suivant l’ordre de Dieu, on retranchait quinze coudées sur le total, et il ne restait plus que cent soixante-cinq coudées. Et après avoir mesuré, du côté où il y avait six tapis, cent cinquante coudées de développement, longueur égale au côté qui n’avait que cinq tapis, il restait également quinze coudées en surplus. Car le côté des cinq tapis mesurait cent cinquante coudées, et le côté des six tapis, en défalquant la moitié du voile plié en avant du tabernacle, en présentait cent soixante-cinq. Ce côté-ci avait donc quinze coudées en plus. C’est cette moitié de tapis qu’il faut cacher derrière le tabernacle ; si l’on a du en plier une moitié sur le devant, il ne faut pas faire de même à la partie postérieure du tabernacle, mais cacher ces quinze coudées de tapis à l’arrière du tabernacle ; d’après cette disposition, on retranchait cette longueur par-derrière comme on avait fait par-devant, grâce au pli d’un tapis ; aux cent-cinquante coudées des cinq tapis correspondaient cent-cinquante coudées provenant des six autres, parce qu’on avait pris trente coudées sur les cent quatre-vingts, en pliant un tapis au-devant du tabernacle et en cachant par-derrière l’autre moitié.
15. Suite. – Ce qui suit est différent et fournit matière à une autre question, qui est la cause principale pour laquelle nous avons cru devoir différer l’explication de ce passage ; ayant voulu auparavant voir la forme donnée au tabernacle et la description du parvis qui l’environnait. Voici donc ce qui suit : « Une coudée d’un côté et une coudée de l’autre, provenant du surplus de la longueur des tapis, seront étendues sur les côtés du tabernacle et les couvriront de part et d’autre[239]. » Autre chose est le surplus qui existe au côté qui est orné de six tapis, comparativement au côté qui n’en a que cinq, différence numérique dont nous avons déjà parlé ; autre-chose est le surplus qui existe sur la longueur du tapis, et dont il est question maintenant. Ainsi il ne s’agit pas de comparer un côté à l’autre, et de trouver leur différence en longueur ; l’un, celui qui est orné de six tapis, en ayant plus que celui qui en compte cinq ; inégalité qui disparaissait, grâce au pli fait à un tapis sur le devant du tabernacle, et au développement d’une moitié de tapis à la partie postérieure. Mais il s’agit de la comparaison entre les tapis de poils et les dix rideaux, tissés de quatre couleurs, que Dieu avait ordonné de faire pour l’intérieur du tabernacle : il se trouve que les tapis dépassent les rideaux de deux coudées. Ceux-ci en effet n’avaient que vingt-huit coudées et ceux-là trente ; aussi l’Écriture ne dit-elle pas : Le surplus des tapis, mais : « le surplus de la longueur des tapis. » Quel sens faut-il donc donner à ces paroles : « Une coudée d’un côté et une coudée de l’autre seront étendues sur les côtés du tabernacle ? » N’est-ce pas que ces deux coudées, dont les tapis dépassent en longueur les rideaux, ne doivent pas être entièrement ramassées sur un côté, en d’autres termes, que tout le surplus ne doit pas être reporté sur le derrière du tabernacle, mais que la distribution doit s’en faire avec égalité, qu’il y en ait autant à l’avant du tabernacle qu’à l’arrière ? autrement, puisque chaque tapis a deux coudées de plus que chacun des rideaux, qu’une coudée aille d’un côté, et une coudée de l’autre : ainsi chaque côté aura les dix coudées qui lui appartiennent ; car les dix tapis étant chacun plus longs de deux coudées l’emportent d’une longueur totale de vingt coudées, sur la série correspondante des rideaux.
16. Suite. – Il faut examiner ensuite quel espace doivent enceindre les vingt coudées de tapis qui sont en excédant. Car si les tapis de poils couvrent tout le tabernacle intérieur, que pourra-t-on couvrir avec tout ce qui est de trop ? Il faut alors qu’ils soient cachés, et par là même qu’ils disparaissent : ce que l’Écriture ne dit pas. Or, les dix rideaux, longs chacun de vingt-huit coudées, qui sont tendus autour du tabernacle intérieur, embrassent un espace de deux-cent-quatre-vingts coudées ; les deux côtés de plus prolonge, le nord et le midi, où se trouvent vingt colonnes, prennent chacun cent de ces coudées ; restent quatre-vingts, que se partagent, à parts égales, les deux côtés les moins longs, le côté oriental, qui n’a pas de colonnes, et le côté occidental, où l’on en compte huit. En retranchant trente coudées sur les tapis de poils, il en restait trois cents : par conséquent si les deux cent quatre-vingts coudées de rideaux sont couvertes par les trois cents coudées des tapis de poils, il restera vingt coudées qui seront sans emploi. Les deux coudées que les tapis de poils ont chacun en surplus, et qui ensemble donnent vingt coudées, doivent donc être distribuées, de cette manière : « une coudée d’une part et une coudée de l’autre » c’est-à-dire, de telle sorte qu’elles ne soient pas toutes amassées sur un seul point, mais qu’elles servent à couvrir les côtés du tabernacle, toutefois vers le parvis extérieur : en d’autres termes, ces trois cent coudées des tapis de poils doivent toutes environner le tabernacle à l’extérieur. En effet si l’on tient compte des cent coudées que mesurent les côtés du parvis extérieur au nord et au midi, il restera pour l’Orient et l’Occident cinquante coudées ; ce qui forme les trois cents coudées, que suffisent à couvrir les trois cents coudées des tapis de poils. C’est ce que signifient ces mots : « Une coudée d’une part et une coudée de l’autre » cette distribution des deux coudées que chaque tapis de poils mesure en plus, est marquée dans ces autres mots du texte : « Le surplus provenant de la longueur des tapis, couvrira les côtés du tabernacle » il s’agit ici des côtés extérieurs, qui tiennent au parvis et « qui doivent être couverts de part et d’autre » et non des côtés du parvis lui-même, qui ont vingt colonnes et une tenture de cent coudées ; car ces côtés ne sont pas plus longs que les côtés du tabernacle intérieur, où se trouvent également dix colonnes, auxquelles sont suspendus les dix rideaux. Les côtés du parvis extérieur comme ceux du tabernacle intérieur s’étendent également à l’aquilon et au midi, sur un espace de cent coudées. La longueur excédante des tapis de poils sur les rideaux n’est donc pas employée à couvrir les vingt colonnes du parvis extérieur, qui demanderaient autant d’étoffe que les côtés du tabernacle intérieur, c’est-à-dire, cent coudées chacun, deux cents coudées en tout : au contraire, quarante coudées suffiraient pour le côté oriental et le côté occidental si les tapis de poils ne couvraient que le tabernacle intérieur, mai si l’on prolonge ces côtés jusqu’au parvis, ce n est pas assez de quarante coudées, il en faut cinquante ; l’excédant de longueur des tapis de poils relativement aux rideaux, a pu servir à couvrir ces côtés : de cette manière les deux coudées qui forment un excédant de longueur, ne seraient pas tendues d’un seul côté, mais « une coudée d’un côté et une coudée de l’autre » le côté oriental aurait ainsi dix coudées prises sur cet excédant, et le côté occidental les dix autres. Car deux fois dix font vingt ; dans ce calcul ne sont pas comprises les trente coudées du onzième voile, à raison du pli et du développement particulier qu’il reçoit.
17. Suite. – Les latins ont traduit : « Une coudée d’un côté, et une coudée de l’autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle, couvriront les côtés (latera) du tabernacle. » Mais comme le grec porte plagia, que plusieurs traducteurs rendent en latin par obliqua, et non par latera, une question intéressante s’élève à ce propos. Car, quoique l’on ne voie ici rien d’oblique, puisque les quatre côtés sont tous à angles droits ; si l’on ne peut pas dire du côté oriental, qui fait face, ni du côté occidental, qui est par-derrière, qu’ils sont obliques, cependant on peut l’affirmer du côté du nord et du côté du midi. Puisque les côtés, qui ont cinquante coudées de long, ne sont pas obliques, ce sont ces mêmes côtés qui pouvaient être couverts comme nous l’avons dit par le surplus de la longueur des tapis de poils, comment donc la vérité se trouve-t-elle dans ces paroles : « Une coudée de l’autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle, couvriront les côtés du tabernacle ? » Mais il est évident que l’Écriture parle ici des côtés qu’elle nomme encore derrière, et qui, outre les trois colonnes mesurant quinze coudées d’étendue, comprennent la porte du parvis qui a vingt coudées et quatre colonnes, ce qui fait un ensemble de cinquante coudées et de dix colonnes. À l’une des extrémités de ces côtés, se trouve la porte du parvis, et à l’autre l’entrée du tabernacle : entre la porte du parvis et l’entrée du tabernacle existe un espace limité, à la porte, par une étendue de vingt coudées ; à droite et à gauche, par une étendue de quinze coudées. Dans cet espace, est dressé l’autel des holocaustes, entre la porte du parvis et en avant de l’entrée du tabernacle : et entre l’autel et l’entrée du tabernacle, est le bassin d’airain, où les prêtres se lavaient les mains et les pieds. En prenant les mesures avec soin, peut-être, trouvera-t-on quelque obliquité dans ces côtés où se trouvent trois colonnes, et que les Grecs désignent par le terme plagia; alors ce ne serait pas sans raison que plusieurs de nos interprètes auraient traduit par obliques le plagia des Grecs. Car les tapis de poils ne peuvent avec quinze de leurs coudées couvrir quinze coudées de rideaux sur ces côtés, à moins qu’avant d’y aboutir, ils ne soient pas étendus à la partie postérieure du tabernacle sur une longueur de plus de dix coudées. Ainsi, pour la ligne droite qui part du derrière du tabernacle, c’est-à-dire de l’Occident : cette ligne après avoir eu huit colonnes, qui faisaient partie de l’intérieur du tabernacle, en eut dix, en y joignant les côtés du parvis extérieur ; et après avoir mesuré quarante coudées provenant de ses huit colonnes, elle en compta cinquante avec dix colonnes : quand on aura, sur cette ligne, couvert avec le tapis de poils les dix coudées aboutissant de chacun des angles, il restera donc trente coudées intermédiaires, qui ne seront pas couvertes par les tapis de poils, mais seulement par les rideaux, qui mesurent trente coudées et au milieu desquels était l’entrée du tabernacle. Par conséquent, si ces côtés, formés de trois colonnes et mesurant quinze coudées, à partir des limites extrêmes où ils touchaient à la porte du parvis, se trouvaient distants entre-eux de vingt coudées, parce que telle était la largeur de la porte qui séparait ces côtés ; si à l’autre extrémité, où ils se reliaient à la ligne postérieure du tabernacle, dont nous avons parlé, ils avaient entr’eux l’intervalle de trente coudées ; il est hors de doute qu’ils étaient obliques : car leur distance respective était plus grande à l’endroit où se trouvaient trente coudées intermédiaires qu’à l’endroit où il n’y en avait que vingt. Ainsi les dix coudées de tapis de poils, c’est-à-dire la moitié de l’excédant en longueur, cinq d’un côté et cinq de l’autre, complétaient à la partie postérieure du tabernacle, tournée vers l’Occident, comme les dix autres, à la partie antérieure, tournée vers l’orient, la couverture des côtés que les Grecs qualifient de plagia. À leur défaut, il y aurait eu sur ces côtés dix coudées couvertes, et cinq privées de couvertures. Aussi, autant que je puis en juge le but de ces mots : « Une coudée d’un côté, et une coudée de l’autre, provenant du surplus de la longueur des tapis du tabernacle » est moins de nous apprendre qu’il y avait dix coudées de part et d’autre, en effet il y en avait cinq, que de nous montrer cette longueur de deux coudées comme des tapis de poils par rapport aux rideaux : une coudée de chaque tapis allait du côté de l’Orient ; restait l’autre pour le côté de l’Occident, et de cette manière une coudée couvrait la partie oblique du tabernacle. De là ces mots « afin de couvrir de part et d’autre » car au défaut de ces cinq coudées, le tout n’a pas été couvert.
18. Récapitulation. – C’est avoir assez discuté, pour comprendre tout ce qui paraissait obscur dans l’établissement du tabernacle ; essayons maintenant, s’il est possible, de faire voir en peu de mots le résultat de cette discussion. On entrait donc du côté de l’Occident, et la première porte d’entrée était celle du parvis, large de vingt coudées et ornée de quatre colonnes ; à ces colonnes était suspendu un voile de vingt coudées de large et de cinq coudées de haut, teint des quatre couleurs souvent mentionnées et brodé à l’aiguille. En entrant par cette porte, on pénétrait dans le parvis, dont les côtés, à droite et à gauche, se prolongeaient à l’intérieur sur une longueur de quinze coudées, où se dressaient trois colonnes : on avait devant soi l’entrée du tabernacle placée vis-à-vis de la porte du parvis, qui occupait le milieu du.côtépar où l’on entrait. Ce parvis mesurait donc plus de largeur que de longueur. Car il n’avait guère que quinze coudées depuis la porte jusqu’à l’entrée du tabernacle intérieur ; quant à sa largeur, elle était de vingt coudées à la porte, et de trente coudées à l’entrée. On comprend dès lors que les deux côtés, à droite et à gauche, formés de trois colonnes et mesurant quinze coudées, étaient obliques. Dans ce parvis se trouvait l’autel des sacrifices, de forme carrée, ayant cinq coudées de long, et autant de large. Entre la porte et l’autel était un espace libre, pour ceux qui portaient les sacrifices sur l’autel ; plus loin, entre l’autel et l’entrée du tabernacle, était un endroit creusé pour recevoir les cendres, et ensuite le bassin d’airain, où les prêtres se lavaient les mains et les pieds, soit avant de servir à l’autel dans le parvis, soit avant d’entrer dans l’intérieur du tabernacle. Or, les rideaux de ce parvis, sur les côtés formés de trois colonnes, étaient de fin lin, et mesuraient quinze coudées en largeur et cinq en hauteur.
19. Suite. – Du parvis, on entrait donc dans le tabernacle, en laissant derrière soi l’autel et le bassin d’airain. Pour entrer, on soulevait des rideaux : ceux-ci, au nombre de dix, cinq d’un côté et cinq de l’autre se faisant face, ornaient tout le tabernacle intérieur. Après avoir franchi cette entrée, on se trouvait en face du voile, qui était suspendu à cinq colonnes, et teint lui aussi de quatre couleurs ; en commandant de le faire, Dieu le désigna par un mot particulier, adductorium; c’est, je crois, parce qu’il était mobile, et fermait ou ouvrait l’entrée, selon qu’il était ramené ou poussé en avant. Au-delà de ce voile, on se trouvait dans le milieu du tabernacle, entre le voile qui vient d’être cité et un autre voile plus intérieur, teint également de quatre couleurs, qui était suspendu à quatre colonnes et formait la séparation entre le Saint et le Saint des saints. Dans cet espace intermédiaire limité par les deux voiles, était au nord la table d’or, qui portait les pains de proposition ; et en face, du côté du midi ; le chandelier d’or à sept branches. Les prêtres du second ordre pouvaient pénétrer jusque-là,
20. Suite. – L’intérieur, c’est-à-dire le Saint des Saints, au-delà du voile que supportaient quatre colonnes, renfermait l’arche du Témoignage couverte d’or. L’arche elle-même contenait les tables de pierre de la Loi, la verge d’Aaron et un vase d’or rempli de manne. Au-dessus de l’arche étaient le propitiatoire d’or que couvraient de leurs ailes, deux chérubins tournés l’un vers l’autre en même temps vers le propitiatoire. Devant l’arche, c’est-à-dire, entre l’arche et le voile étain dressé l’autel de l’encens : tantôt l’Écriture dit qu’il était d’or, tantôt qu’il était revêtu d’or ; il est probable qu’en le disant fait d’une matière aussi précieuse, elle voulait simplement dire qu’il était doré. Il n’était permis qu’au grand-Prêtre d’entrer tous les jours dans ce Saint des Saints pour y porter l’encens ; d’y entrer une fois l’année, avec du sang, pour purifier, l’autel ; et parfois encore, quand les péchés du prêtre ou de toute la synagogue, exigeaient une expiation, suivant ce qui est écrit au Lévitique[240]. C’est ainsi qu’on entrait dans le tabernacle du côté de l’Occident, c’est-à-dire, par la porte du parvis, et qu’on parvenait du côté de l’Orient à cette partie intérieure de l’édifice qui renfermait l’arche du témoignage.
21. Ce tabernacle intérieur, qui ne commençait pas à la porte du parvis, mais à l’entrée dite du tabernacle, et se terminait dans le sens de la longueur au côté oriental, où était l’arche du témoignage, était fermé par dix rideaux, qui mesuraient chacun vingt-huit coudées. Cinq de ces rideaux occupaient un côté, et cinq occupaient l’autre ; ils étaient unis entre eux par des cordons et des anneaux, et se correspondaient mutuellement. Aux côtés du nord et du midi, qui étaient les plus longs, s’élevaient vingt colonnes ; du côté de l’Occident, il y en avait huit ; mais à l’Orient, il n’y en avait point, il n’y avait de ce côté que des rideaux. Ces rideaux, au nombre de dix, avaient quatre coudées de hauteur, et formaient tout autour une tenture longue de cent-quatre-vingt coudées. Au nord et au midi, les côtés les plus longs, il y avait cent coudées de rideaux, suspendus à vingt colonnes ; aux deux autres côtés, qui avaient moins d’étendue, il y avait quarante coudées ; à l’Occident, les rideaux étaient suspendus à huit colonnes ; mais à l’Orient, qui n’avait point de colonnes, les rideaux étaient seulement suspendus aux deux colonnes des angles, sans qu’il y en eût d’intermédiaires : ces dix rideaux étaient tissus de quatre couleurs. Ce tabernacle intérieur était environné d’un parvis ; vingt colonnes s’élevaient au Midi, et vingt colonnes au Nord. Ces deux côtés du parvis s’étendaient sur une longueur égale aux côtés du tabernacle intérieur car ils avaient également vingt colonnes et mesuraient aussi cent coudées. Du côté de l’Orient, dix colonnes, sur une étendue de cinquante coudées, fermaient l’enceinte du parvis ; ce rang de colonnes formait une ligne droite et venait rejoindre les deux colonnes placées aux angles du tabernacle intérieur, les seules qui fussent de ce côté ces deux colonnes faisaient donc partie des dix. Du côté de l’Occident, le parvis en avait également dix ; mais, comme nous l’avons déjà fait voir, elles n’étaient pas en ligne droite : elles formaient une sorte de portique à trois pans ; quatre colonnes se dressaient à la porte, et trois de chaque côté.
22. Tout le parvis, à l’entour du tabernacle, était fermé par des rideaux de fin lin, qui avaient cinq coudées de haut : onze tapis de poils les couvraient, cinq unis ensemble d’un côté, et six de l’autre. Les cinq tapis réunis formaient une longueur de cent-cinquante coudées ; et les six tapis, réunis d’autre part, en formaient cent-quatre-vingt : car chaque tapis avait trente coudées de long. Mais, pour rendre les deux côtés égaux, on avait plié un tapis sur le devant du tabernacle, c’est-à-dire, à l’Orient ; et caché, la moitié d’un tapis sur le derrière du tabernacle, c’est-à-dire, à l’Occident : de cette sorte, on avait retranché trente coudées, longueur égale à celle d’un tapis, et d’un côté comme de l’autre, il ne restait plus que cent-cinquante coudées. Les tapis de poils, qui fermaient l’enceinte du parvis, étaient donc tendus sur une longueur de trois-cent coudées, tandis que les dix rideaux de l’intérieur du tabernacle n’en mesuraient que deux-cent-quatre-vingt. Car chaque rideau avait vingt-huit coudées de long, au lieu que les tapis de poils en avaient trente. Aussi les rideaux qui devaient faire le tour de l’intérieur du tabernacle, sur une longueur de deux-cent-quatre-vingt coudées, en mesuraient-ils cent aux côtés les plus étendus du nord et du midi, et quarante aux côtés plus étroits de l’Orient et de l’Occident ; tandis que les tapis de poils, destinés à fermer l’enceinte du parvis extérieur, sur une longueur de trois cents coudées, en mesuraient cent, aux côtés les plus prolongés du nord et du midi, parallèles et égaux à ceux du tabernacle intérieur ; et cinquante aux deux autres côtés de l’Orient et de l’Occident. Il suit de là que les deux coudées, dont un tapis de poils excédait un rideau en longueur, ne trouvaient pas leur emploi aux côtés du nord et du midi, qui étaient d’égale longueur pour le parvis extérieur et l’intérieur du tabernacle, mais aux côtés de l’Orient et de l’Occident. Car, avec le parvis qui s’étendait à l’entour extérieurement, ces côtés du tabernacle étaient devenus plus larges. Mais, à l’Orient, les cinquante coudées de tapis de poils étaient suspendues à dix colonnes, disposées en ligne droite, et l’on obtenait cette longueur, moyennant l’une des deux coudées que chaque tapis avait de surplus, au lieu que les cinquante coudées, destinées à l’Occident, et que complétait l’autre coudée disponible, n’étaient point suspendues à des colonnes disposées en ligne droite. Car il y avait là une sorte de portique à trois pans, qui enfermait, entre quatre colonnes dans le sens de la porte et trois seules côtés, cette partie du parvis où était l’autel des sacrifices. Ces cent-cinquante coudées ne pouvaient donc en même temps comprendre la porte dans leur enceinte, mais elles couvraient les côtés obliques, oui étaient trois colonnes sur une longueur de quinze coudées, Or, les tapis de poils avaient quatre coudées de hauteur et protégeaient les rideaux de fin lin du parvis, dont la hauteur était de cinq coudées.
23. Les peaux teintes en rouge venaient ensuite sur les tapis de poils. Au-dessus, je veux dire du côté du toit, des peaux d’hyacinthe couvraient le tabernacle en forme de voûte : couvraient-elles et le parvis et l’espace enfermé ? Rien ne le fait voir ; mais il est très-probable que les intervalles compris entre les colonnes intérieures et les colonnes extérieures étaient à ciel ouvert, surtout du côté de l’Occident, où était l’autel des holocaustes.
- ↑ Apoc. 14, 5
- ↑ Phi. 3, 20
- ↑ Cont. Faustus liv. 22, ch. 60, et suiv.
- ↑ Act. 8, 25
- ↑ Isa. 9, 6
- ↑ Gen. 18, 20
- ↑ Jn. 9, 39
- ↑ Psa. 80,11
- ↑ Psa. 85,1-2
- ↑ Ps. 146, 2
- ↑ Ex. 18, 1-5
- ↑ Ex. 7, 1
- ↑ Rom. 2, 4-6
- ↑ 2 Cor. 11, 16
- ↑ Ps. 118, 175
- ↑ Ps. 25, 2-3
- ↑ Ps. 24, 10
- ↑ Lc. 11, 10
- ↑ Mt. 12, 28
- ↑ Didym.liv. 1 sur l’Esp. St.
- ↑ Gen. 46, 34
- ↑ Ex. 4, 16
- ↑ Rom. 9, 22-23
- ↑ Ps. 58, 11-12
- ↑ Gen. 30, 42
- ↑ Jos. 6, 3-4
- ↑ Gen. 43, 8
- ↑ Gen. 15, 13
- ↑ Gen. 41, 46
- ↑ Id. 45, 6
- ↑ Id. 50, 22-25
- ↑ Tychonius, in Regular. Lib.
- ↑ Gen. 46, 11
- ↑ Ex. 6, 18, 20
- ↑ Id. 7, 7
- ↑ Eusèb. Chroniq an du monde 3260.
- ↑ Gal. 3, 17
- ↑ Gen. 12, 4
- ↑ Id. 21, 5
- ↑ Id. 35, 28
- ↑ Id. 25, 26
- ↑ Id. 48, 9
- ↑ Id. 50, 22
- ↑ Id. 21, 12
- ↑ Rom. 11, 8
- ↑ Rom. 11, 8
- ↑ Rom. 11, 8
- ↑ Ps. 148, 7
- ↑ Exo. 8, 19
- ↑ Gen. 1, 2
- ↑ Id. 6, 3
- ↑ Id. 41, 38
- ↑ Rom. 8, 15
- ↑ Exo. 31, 18
- ↑ Gal. 2, 22-26
- ↑ 2 Cor. 3, 6
- ↑ Act. 5, 3, 4
- ↑ 1 R. 17, 6
- ↑ Rom. 4, 25
- ↑ palmier.
- ↑ Ex. 4, 16
- ↑ Lc. 1, 17
- ↑ Rom. 10, 3
- ↑ 1 Cor. 4, 7
- ↑ Ci-dessus, Ques. LXI.
- ↑ Sir. 11, 10
- ↑ Gen. 23, 7
- ↑ Ex. 31, 18
- ↑ Act. 2,1 ss
- ↑ Quest. XXV
- ↑ Mt. 5, 12,
- ↑ Ps. 5, 7
- ↑ Sir. 7, 14
- ↑ Gen. 42, 1, suivant les Septante
- ↑ Heb. 12, 24-28
- ↑ Ps. 113, 4 ; 134, 15
- ↑ Eph. 6, 5 ; 1 Tim, 6, 1
- ↑ Ps. 129, 8
- ↑ Jér. 3, 20
- ↑ Dan. 13, 37, 54-58
- ↑ Mt. 26, 48
- ↑ Rom. 8, 32
- ↑ Exo. 21, 23
- ↑ Exo. 16, 24-25
- ↑ Mt. 6, 12
- ↑ Voir la loi des 12 Tables, ces paroles en sont extraites par Cicéron dans son discours pro Milone.
- ↑ Exod. 7, 1
- ↑ 1 Cor. 8, 5
- ↑ Cor. 9, 9
- ↑ Mt. 2, 16
- ↑ Sir. 27, 6
- ↑ Ps. 72, 2-71
- ↑ Sag. 12, 8
- ↑ Sag. 12, 8
- ↑ Mt. 21, 30
- ↑ Rom. 9, 30
- ↑ 2 Cor. 6, 16
- ↑ Ps. 115, 13
- ↑ Lc. 2, 30
- ↑ Ps. 115, 8
- ↑ Ex. 18, 22
- ↑ Jn. 4, 24
- ↑ 1 Thes. 3, 2
- ↑ 2 Tim. 2, 19-20
- ↑ Rom. 8, 30
- ↑ Mt. 5, 6
- ↑ Mt. 8, 11
- ↑ Lc. 12, 37
- ↑ Nb. 13, 17
- ↑ Jac. 1, 13
- ↑ Rom. 13, 10
- ↑ Ps. 17, 37
- ↑ Rom. 5, 5
- ↑ Mt. 18, 22
- ↑ Lc. 3, 23-38
- ↑ Ps. 31, 1
- ↑ Héb. 9, 1-12
- ↑ Exod. 20, 26
- ↑ Ex. 27, 2
- ↑ Héb. 5, 14
- ↑ Au figuré, de petits boucliers ; dans le sens propre, de petits aspics, sorte de serpents.
- ↑ Ex. 38, 16
- ↑ Ps. 11, 7
- ↑ Tit. 2, 7
- ↑ 2 Tim. 2, 2
- ↑ Ps. 109, 4
- ↑ Voir plus haut, Question CXXV.
- ↑ Héb. 9, 7
- ↑ Jac. 2, 13
- ↑ Ps. 127, 3
- ↑ 2 R. 24,1 ss
- ↑ 1 Cor. 10, 18
- ↑ 1 Cor. 10, 4
- ↑ Mt. 22, 37-40
- ↑ Sag. 3, 2
- ↑ Sir. 11, 14
- ↑ Cont, Faust.liv. 22, ch. 93.
- ↑ Rom. 11, 33
- ↑ Ex. 32, 1, 23
- ↑ Id. 32, 10
- ↑ Ps. 50, 11
- ↑ Id. 67, 3
- ↑ Mt. 22, 37-40
- ↑ Id. 25, 12
- ↑ Jn. 13, 1
- ↑ Col.I, 18
- ↑ Rom. 8, 9
- ↑ 2 Cor. 10, 17
- ↑ Rom. 5, 6
- ↑ Rom. 11, 30-32
- ↑ Ex. 33, 20
- ↑ Id. 21
- ↑ Mt. 16, 18
- ↑ Act. 2, 37
- ↑ Rom. 11, 25
- ↑ Ps. 30, 1, 4-5
- ↑ Act. 2, 37
- ↑ 1 Cor. 2, 8
- ↑ Ps. 72, 7, 28
- ↑ Ex. 34, 15
- ↑ Exo. 34, 27
- ↑ Id. 1
- ↑ Id. 31, 18
- ↑ Id. 32, 15-16
- ↑ Rom. 10, 3
- ↑ Ex. 20, 19
- ↑ Rom. 5, 20
- ↑ Mt. 5, 17
- ↑ Rom. 13, 10
- ↑ Gal. V. 6
- ↑ 2 Cor. 3, 3
- ↑ Rom. 5, 5
- ↑ Id. 7, 12
- ↑ Id. 13
- ↑ Phil. 2, 12-13
- ↑ Ci-dessus Question CXXXVIII.
- ↑ Gal. 5, 6
- ↑ Jn. 4, 18
- ↑ Rom. 5, 5
- ↑ Ex. 25, 2
- ↑ Lév. 25
- ↑ Id. 30, 26-38 ; 29, 37
- ↑ Exod. 19, 20
- ↑ Ex. 26, 2
- ↑ Id. 3
- ↑ Id. 4
- ↑ Exo. 26, 6
- ↑ Id. 7
- ↑ Id. 7
- ↑ Id. 8
- ↑ Id. 9
- ↑ Id
- ↑ Id. 10
- ↑ Id
- ↑ Id. 11
- ↑ Ex. 21, 12
- ↑ Id. 13
- ↑ Ex. 26, 7
- ↑ Id. 14
- ↑ Id. 15
- ↑ Id. 16
- ↑ Id. 17
- ↑ Voir Quest. CIX
- ↑ Ex. 26, 18
- ↑ Ex. 26, 19
- ↑ Ci-dessus q. CX.
- ↑ Ex. 26, 22
- ↑ Id. 23
- ↑ Id. 24
- ↑ Ex. 26, 26
- ↑ Id. 28
- ↑ Id. 29
- ↑ Id. 30
- ↑ Id. 31
- ↑ Id. 32
- ↑ Ex. 26, 33
- ↑ Ib. 34
- ↑ Id. 35
- ↑ Id. 36
- ↑ Id. 37
- ↑ Id. 27, 1
- ↑ Ex. 27, 9
- ↑ Id. 10
- ↑ Id. 11
- ↑ Id. 12
- ↑ Id. 13
- ↑ Ex. 26, 14
- ↑ Id. 15
- ↑ Id. 16
- ↑ Exod. 38, 11
- ↑ Id. 15
- ↑ Id. 16
- ↑ Exod. 38, selon les Septante comp, la Vulgate, Exod. 38, 9. et suiv
- ↑ Id
- ↑ Id
- ↑ Id
- ↑ Ex. XXXXVII, 1, 9-18
- ↑ Id. 26, 12
- ↑ Ex. 26, 13
- ↑ Lev. 16, 1