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Questions sur le Lévitique (Augustin)

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QUESTIONS SUR L’HEPTATEUQUE.
Œuvres complètes de Saint Augustin (éd. Raulx, 1866)


LIVRE TROISIÈME

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QUESTIONS SUR LE LÉVITIQUE

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PREMIÈRE QUESTION (Lev. 5, 1.) De l’obligation de dénoncer un parjure. – « Si un homme pèche, parce qu’il a entendu quelqu’un faire un serment, et qu’en ayant été témoin, pour l’avoir vu, ou pour en être assuré, il ne l’a pas dénoncé, et il est lui-même coupable de péché. » Cela veut dire : « Il est certainement coupable d’avoir gardé le silence. » La particule et, est une addition familière à l’Écriture. Mais comme ce sens lui-même offre un côté obscur, il semble nécessaire de l’expliquer. Ce passage parait signifier qu’un homme est coupable quand il entend quelqu’un prêter un faux serment, et qu’en ayant acquis la certitude il ne dit rien. Or, il en a la certitude, s’il a été témoin de la chose jurée, soit pour avoir vu, soit pour en avoir eu l’assurance c’est-à-dire pour en avoir eu connaissance de quelque manière, qu’il ait vu de ses propres yeux, ou que celui qui a fait le serment s’en soit ouvert à lui car il a pu ainsi en acquérir la certitude. Mais entre la crainte de commettre ce péché, et la crainte de dénoncer ses semblables, il existe d’ordinaire une violente tentation. Car nos-conseils ou notre défense peuvent détourner d’un si grand crime un homme prêt à se parjurer ; mais s’il refuse de nous écouter, et qu’il prête un faux serment sur un objet connu de nous, faut-il révéler sa faute, même dans le cas où cette révélation l’exposerait à la mort ? Cette question est d’une extrême gravité. Toutefois, comme il n’est pas dit formellement à qui doit se faire cette dénonciation, si c’est au juge, ou si c’est au prêtre ou à quelqu’un qui non seulement n’a point le pouvoir de le poursuivre et de l’envoyer au supplice, mais peut même prier en sa faveur, il me semble que le dénonciateur est absous de tout péché, sil révèle ce qu’il sait à ceux qui peuvent être utiles plutôt que nuisibles au parjure, soit en le ramenant de son erreur, soit en apaisant la colère de Dieu à son égard, dès lors qu’il aura lui-même recours au remède de la confession.
II. (Ib. 5, 2-6.) Lois touchant le sacrifice pour le délit. – Après avoir signalé le péché de celui qui ne dénonce pas un parjure, Dieu n’ordonne aucun sacrifice pour son expiation ; mais il ajoute : « Quiconque touche une chose impure, soit un cadavre, soit un animal impur pris par une bête, soit le corps mort de quelque animal impur dont le cadavre est un objet abominable et impur, ou qui touche quelque chose d’un homme qui soit impur, ou enfin quelque autre objet impur dont le contact souille, et s’il ignore sa faute mais qu’il la connaisse ensuite, et devienne coupable. » Ici encore point de sacrifice prescrit pour ce genre de péché ; mais nous lisons plus loin : « Quiconque, par, une parole précise, aura fait serment de mal faire ou de bien faire, selon tout ce qui aura été précisé dans le sûrement, s’il l’ignore et qu’il le reconnaisse ensuite, et pèche en l’un de ces points, puis fasse contre lui l’aveu du péché dont il s’est rendu coupable. » Tout cela se suit dans le texte sans qu’il soit fait mention de sacrifice ; puis viennent les prescriptions suivantes : « Il offrira, pour le délit qu’il a commis envers le Seigneur, pour le péché dont il s’est rendu coupable, une jeune brebis femelle prise parmi les brebis, ou une chèvre prise parmi les chèvres, pour son péché, et le prêtre priera pour son péché, et son péché lui sera remis. » Pourquoi donc aucun sacrifice n’est-il commandé, soit pour le silence gardé à l’égard d’un parjure, soit pour la souillure contractée au contact d’un cadavre ou d’un objet impur, tandis que Dieu ordonne l’offrande d’une jeune brebis ou d’une chèvre pour le péché de celui qui fait un faux serment sans le savoir ? Ne faut-il pas admettre que ce sacrifice est obligatoire dans tous les cas énumérés précédemment ? Alors, avant de faire connaître par quel sacrifice ces fautes peuvent être expiées le législateur a voulu les indiquer toutes. Mais dans l’énumération de ces divers péchés ; se trouvent quelques obscurités, qui proviennent de l’emploi de certaines expressions, des suivantes, par exemple : morticinium jumentorum, le cadavre des animaux. La plupart de nos interprètes traduisent le mot grec κτήνη par le mot latin jumenta; cette dernière expression désigne ordinairement dans notre langue les animaux dont le travail vient en aide à l’homme, principalement les bêtes de charge, comme les chevaux, les ânes, les mulets, les chameaux, et autres animaux semblables ; tandis que le sens du mot κτήνη a, dans le grec, une extension si large, qu’il s’applique à tous les animaux, ou du moins à presque tous. Aussi, a-t-on employé un nouveau genre de locution, et fait une sorte de pléonasme, quand on a traduit du grec le mot impurs pour en qualifier le mot latin jumenta; car parmi les animaux que désigne l’expression κτήνη, il y en a qui sont purs ; au lieu que ceux que nous désignons sous le nom de jumenta sont tous d’après la distinction de la Loi, classés parmi les animaux impurs.
III. (Ib. 5, 4-6.) Difficultés littérales sur le même sujet. — Le texte porte : « Quiconque, par une parole précise (distinguens labiis) aura juré de faire quelque chose de bon ou de mauvais. » Que signifie encore cette expression distinguens ? Car elle est fréquemment employée dans l’Écriture. Ainsi dans ce passage : « J’accomplirai mes vœux que mes lèvres ont formulés avec précision[1] ; » et dans Ézéchiel : « Lorsque je dirai au méchant : Tu mourras ; si tu n’as pas dit avec précision et parlé[2] », et ailleurs encore : « Si quelque jeune fille, établie dans la maison de son père, fait un vœu, formulant son dessein avec précision contre sa propre vie[3]. » La distinction, distinguere, dont il est parlé ici, serait donc une sorte de définition par laquelle on distingue une chose ries autres qui ne peuvent être ; exprimées par un seul mot. Ce passage signifierait par conséquent : « Celui qui aura juré, en définissant son dessein de mal faire ou de bien faire, selon tout ce qui aura été défini dans le serinent, s’il l’ignore », c’est-à-dire s’il jure de faire une chose sans savoir si elle doit s’accomplir oui ou non ; « et qu’il le reconnaisse et pèche en l’un de ces points », soit pour avoir juré sans connaissance, soit pour avoir accompli son serment, ayant connu ensuite qu’il ne devait ni le faire ni le mettre à exécution ; « puis, fasse l’aveu du péché dont il s’est rendu coupable », pro quo peccavit au lieu de quod peccavit, c’est une locution propre à l’Écriture. Elle ajoute : «contre lui. » Que signifient ces paroles, si ce n’est que le coupable s’est levé contre son propre péché, c’est-à-dire qu’il l’a accusé en en faisant l’aveu ? « Et il offrira pour le délit dont il s’est rendu coupable devant le Seigneur, pour le péché qu’il a commis, une jeune brebis femelle prise parmi les brebis. » C’est par un tour de langage qui lui est propre que le texte sacré qualifie de femelle une jeune brebis comme si elle pouvait ne pas l’être ; et dit une chèvre parmi les chèvres, et une jeune brebis, prise parmi les brebis, comme si une jeune brebis et une jeune chèvre pouvaient être prises ailleurs que dans un troupeau de leur espèce. Maintenant il n’est pas insignifiant, ni même sans importance de savoir pourquoi l’Écriture répète souvent cette formule. : « Si après cela il connaît, et commet le délit ; » il semblerait que le délit commence à exister lorsqu’on en a connaissance. Cela ne signifierait-il pas plutôt qu’il n’est possible de satisfaire que pour un délit que l’on connaît ? Mais l’Écriture ne dit pas : Si après cela il connaît sa faute et s’en repent. Quel est donc le sens de ces mots : « Si après cela il connaît, et commet le délit », sinon que la faute a suivi la connaissance ; en sorte que si l’on a fait sciemment ce qui n’était pas à faire, l’expiation est une suite nécessaire du délit ? Mais le langage qui précède n’est pas celui-là. Dieu ne semble y avoir, en vue que les péchés commis par ignorance, et par là même contre le gré de la volonté. Alors on peut croire, que par un tour de langage à part, cette expression deliquerit, commettre un délit, signifie, savoir que c’est un délit. Ou bien encore, suivant un usage fréquent dans l’Écriture, le texte n’aurait-il pas interverti dans ce passage ce qu’il rapporte avec un ordre logique en d’autres passages semblables ? Ailleurs en effet nous lisons souvent : « Il a commis le délit et l’a connu ; » on n’a donc fait ici, comme nous l’avons remarqué, que changer l’ordre, l’on a dit ; « il a connu », avant « il a commis le délit: » Rétabli dans l’ordre qui lui convient, le texte pourrait se lire ainsi qu’il suit : « Quiconque touche une chose impure, soit d’un cadavre soit d’un animal impur pris par une bête soit le corps mort de quelque animal impur dont le cadavre est un objet abominable et impur ; ou qui touche quelque chose d’un homme qui soit impur, ou enfin quelque autre objet impur dont le contact souille, et si dans l’ignorance il commet cette faute, et le reconnaît par la suite. »
IV. (Ib. 5, 7.) Offrande du pauvre dans le sacrifice pour le délit. – « Mais s’il n’est pas en son pouvoir d’offrir une brebis, il offrira au Seigneur, pour le péché dont il s’est rendu coupable, deux tourterelles ou deux petits de colombes, l’un pour le péché, et l’autre en holocauste. » Ce texte éclaircit évidemment la question qui nous embarrassait un peu plus haut. Car de ces mots « l’un pour le péché, et l’autre en holocauste », il semble résulter que l’oblation du sacrifice pour le péché était inséparable de l’holocauste. De plus lorsque précédemment Dieu donne à part les lois relatives aux holocaustes, il ne parle point de deux tourterelles mais d’une seule [4] ; ici au contraire, il fait mention de deux, parce que l’on n’offrait point de sacrifice pour le péché sans y joindre l’holocauste. D’après ces paroles que nous lisons : « Il mettra sur l’holocauste[5] », il n’est pas douteux non plus que l’holocauste était offert d’abord et qu’on ajoutait l’autre victime par-dessus ; mais en parlant ici de l’offrande des oiseaux, Dieu ordonne que l’un soit d’abord immolé pour le péché, et l’autre en holocauste.
V. (Ib. 5, 15.) Le mot âme synonyme du mot homme. – « Si une âme ignore par oubli ; » c’est-à-dire, s’il arrive par suite d’un oubli que quelqu’un ignore ; le mot eum qu’emploie le latin, anima silatueriteum, se rapporte à homme. Ame et homme sont ici synonymes.
VI. (Ib. 5, 15,16.) Loi relative au sacrifice pour le péché d’ignorance dans les choses saintes. – « Et si cet homme pèche sans le vouloir contre les choses saintes du Seigneur. » On ne voit pas bien d’abord en quoi consiste cette espèce de péché ; mais la suite le fait voir, quand il est dit, qu’après avoir offert un bélier en sacrifice, le coupable « restituera et ajoutera un cinquième en sus. » On voit en effet, dans ce passage, que le péché d’oubli relatif aux choses saintes consistait à prendre par oubli la part des prémices ou de toute autre chose semblable réservée aux prêtres, ou destinée aux oblations.
VII. (Ib. 5, 17-19.) Autre loi sur le même sujet. – « Quiconque péchera, en faisant une des choses défendues par les préceptes du Seigneur, et l’ignorera, et ayant commis le délit, n’aura pas connu son péché, apportera au prêtre pour son délit un bélier sans tache pris d’entre les brebis et acheté à prix d’argent ; et le prêtre priera pour lui, à cause de l’ignorance dans laquelle il est tombé, sans le savoir, et elle lui sera pardonnée : car il a commis un délit devant le Seigneur. » Abstraction faite d’un nombre peu ordinaire de locutions qui ne doivent plus rien avoir de nouveau pour nous en raison de leur répétition fréquente, ce passage reste encore plein d’obscurité : comment en effet mettre une différence entre ce genre de délit et ceux que l’Écriture comprend un peu plus haut dans une prescription générale ? Il semble rationnel que des péchés du même genre exigent pour leur expiation des sacrifices d’un genre semblable. Or, le péché dont il s’agit dans le texte que je viens de citer, ne constitue pas une espèce à part ; mais il rentre dans la loi générale portée précédemment, et suivant laquelle le prêtre doit offrir un veau pour son péché, la synagogue entière un veau également, le prince un chevreau, et toute âme, autrement tout homme en particulier, une chèvre, ou, s’il le préfère, une brebis, pourvu que la victime soit femelle[6]. L’Écriture signale ensuite certaines espèces particulières de péchés, et dit en propres termes ce qu’il faut offrir pour leur expiation ; ainsi entendre un parjure et ne pas le dénoncer, toucher un cadavre et une chose impure, faire un faux serment par ignorance, sont des péchés à part ; pour les expier, il est prescrit d’offrir une jeune brebis, ou une chèvre, ou une paire de tourterelles, ou deux petits de colombes, ou enfin la dixième partie d’un éphide fleur de farine ; quant à celui qui a péché en s’emparant par ignorance de ce qui appartenait aux choses saintes, il est tenu d’offrir un bélier, de restituer la chose due et d’y ajouter un cinquième en plus[7]. Et ici, sans avoir signalé une espèce particulière de péché, Dieu dit d’une manière générale : « Quiconque péchera, et violera quelqu’un de tous les commandements du Seigneur, en faisant quelque chose qu’il a défendu de faire, la prescription générale disait déjà : une chose qui ne doit pas être faite contre les commandements du Seigneur[8], et ne le sachant pas, commettra le délit », c’est-à-dire, péchera par ignorance sans le vouloir ; celui-là offrira en sacrifice un bélier, au lieu d’une chèvre ou d’une jeune brebis, comme dans le même genre de péché compris sous la loi générale. Que signifie donc cette confusion ? Dans ce passage : « Il a en effet commis un délit devant le Seigneur », ces mots « devant le Seigneur » nous donneraient-ils donc à entendre qu’il est question ici d’une faute commise devant le Seigneur, ou, en d’autres termes, dans le service du tabernacle ? Un peu auparavant, l’Écriture avait déjà touché ce sujet, quand elle dit : « Il a péché contre les choses saintes », paroles que la restitution ordonnée nous a fait interpréter dans le sens suivant : « Il s’est approprié une partie des choses saintes. » Or, comme non seulement on peut pécher sur ce point, en prenant par oubli, une chose destinée aux sacrifices ; mais comme il est encore possible, de commettre, par ignorance, beaucoup d’autres fautes dans ce culte rendu au Seigneur : c’est ce genre de délit que l’Écriture a voulu désigner en dernier lieu sous une formule générale ; aussi, dans ces deux cas, l’offrande d’un bélier est-elle prescrite par la Loi. L’Écriture est remplie de passages où nous lisons ces mots : « devant le Seigneur » ; ils demeurent inintelligibles, à moins qu’on n’entende par là ce qu’on offre à Dieu comme un sacrifice, les prémices ou tout autre oblation qui se rapporte au service divin.
VIII. (Ib. 5, 7.) L’exception en faveur des pauvres doit-elle s’étendre à tous les cas ? – On demande encore s’il faut donner un sens absolu à ce passage : Si le coupable n’a pas le moyen de fournir une brebis, il devra offrir deux tourterelles ou deux petits de colombes ; et à leur défaut, une certaine quantité de fleur de farine. Si l’on prétend que cette exception s’étend à tous les cas, comme on ne peut pas dire que le prêtre, ni toute la synagogue, ne peuvent offrir un veau, ni le prince un chevreau ou une brebis, à quoi bon dès lors prescrire que le silence gardé sur le parjure d’autrui, la souillure contractée au contact d’un objet impur, et le parjure commis par ignorance, soient expiés par le sacrifice d’une jeune brebis ou d’une chèvre, puisque les mêmes sacrifices avaient été ordonnés pour une classe générale de péché, dans laquelle ceux-ci pouvaient rentrer ? Mais si ces derniers se distinguent des autres, parce qu’il était permis d’offrir pour leur expiation des tourterelles et des petits de colombes, ou même, à leur défaut, de la fleur de farine, tandis que cela n’était pas permis dans les cas où il n’en est pas fait mention, il semble que la loi n’a pas eu d’égard pour le pauvre ; car si tels étaient les seuls cas où il fût permis d’offrir une chèvre, une jeune brebis, de petits oiseaux et de la fleur de farine, il pouvait se produire un grand nombre de délits, qui n’étant point formellement désignés, devaient rentrer dans la catégorie générale, et par là même être à charge aux indigents. Peut-être dira-t-on que la seule différence entre les péchés qui sont exceptés et désignés par leurs propres noms, et ceux qui rentrent dans la loi générale, vient de ce qu’ici il est question d’un agneau, et là d’une brebis, de sorte que l’âge des victimes constituait une certaine différence : mais que dans l’un et l’autre cas on tenait également compte du besoin du pauvre, lequel, s’il ne possédait pas d’animaux à quatre pieds, pouvait offrir pour ses péchés d’ignorance, les oiseaux indiqués tout à l’heure ou de la fleur de farine. Peut-être aussi s’inquiètera-t-on de savoir pourquoi le Seigneur, après avoir établi une loi générale pour tous les péchés d’ignorance, et réglé les divers sacrifices expiatoires, en se fondant, non sur la qualité des péchés, mais sur la qualité des personnes ; veut ensuite établir une distinction entre les péchés, et prescrire divers sacrifices en rapport avec cette distinction, comme si tous ne rentraient pas dans la loi générale ; il faut entendre cette exception faite en dernier lieu, en ce sens que tous les péchés qu’elle ne mentionne pas formellement et expressément, demeurent compris dans la généralité de la loi. Nous n’avons pas à chercher ailleurs l’exemple d’une pareille manière de parler ; mais l’Écriture nous l’offre dans ce passage de l’Apôtre : « Tout péché que l’homme commet, est dit-il, en dehors du corps [9]. » Il semble qu’il n’excepte absolument aucun péché ; puis qu’il dit : « Tout péché que l’homme commet ; » et cependant il fait ensuite une exception pour la fornication, quand il dit : « Mais celui qui commet la « fornication pèche contre son propre corps[10]. » Dans notre langage ordinaire, nous exprimerions la même pensée de la manière suivante Tout péché que l’homme commet, excepté la fornication, est en dehors du corps ; mais celui qui.commetla fornication, pèche contre son propre corps. De même, dans ce chapitre, après avoir dit en général par quels sacrifices doivent être expiés tous les péchés d’ignorance, le Seigneur établit une exception pour ceux qu’il désigne en termes exprès et formels, et prescrit l’espèce particulière des sacrifices qui se rapporte à leur expiation : à l’exception de ces péchés, tous les autres rentrent donc dans la loi générale.
IX. (Ib. 6, 6, 10.) Difficultés littérales, touchant un des sacrifices pour le délit. – « Il offrira un bélier sans tache, pris d’entre les brebis, d’un prix, pour son délit. » Ce texte ne doit pas s’entendre en ce sens que la victime était le prix équivalent du péché, mais que le bélier offert devait être d’un prix, c’est-à-dire être acheté. Cette particularité paraît même renfermer, dans le dessein de Dieu, quelque signification mystérieuse ; car il n’a pas déterminé le prix de la victime. S’il l’eût déterminé, on aurait pu traire que son but était d’empêcher qu’on n’offrit un animal de peu de valeur, et d’obliger celui qui l’offrirait saris l’avoir acheté de présenter une victime d’un prix égal. Mais le texte porte non-seulement, pretio, d’un prix, pour signifier que le bélier offert doit être acheté ; mais encore : siclorum sanctorum, du prix des sicles du sanctuaire, car il est dit : « du prix de l’argent des sicles du sanctuaire[11] », ce qui signifie que le bélier coûtera plusieurs sicles : Dieu ne veut pas d’un bélier qui n’eût valu qu’un sicle. Nous avons expliqué, quand nous l’avons jugé convenable, ce qu’il faut entendre par le sicle sacré. Après avoir dit : « Il offrira au Seigneur le bélier sans tache de son délit, pris parmi les brebis à prix d’argent », l’Écriture ajoute « pour le délit qu’il a commis ; » cela veut dire : il fera son offrande en vue de son délit, pour cet objet-là même. « Et (le prêtre) ôtera l’holocauste que le feu aura, consumé, cet holocauste de dessus l’autel[12]. » Mais qu’en reste-t-il, s’il est consumé ? Car Dieu donne l’ordre au prêtre d’enlever l’holocauste, après qu’il a brûlé toute la nuit, c’est-à-dire, après que le feu la consume. Que signifie encore l’addition de ces mots : cet holocauste, illam holocaustosim, puisque holocarpoma κάρπωμα et holocaustosis ont la même signification ? Le mot convenable rie serait-il par celui qu’on trouve dans un exemplaire où on lit, non pas : Auferet holocarposim, mais auferet catacarposim? Ainsi portent maintenant les Septante, c’est-à-dire, il enlèvera les restes de l’holocauste livré aux flammes. En appelant holocauste ces restes qui se comprend de cendres et de charbons, l’Écriture appelle du nom de la chose à consumer ce qui demeure après que la victime a été consumée.
X. (Ib. 6, 9.) L’holocauste de chaque jour – « Voici, dit l’Écriture, la loi de l’holocauste », et elle l’expose dans les termes suivants : « Cet holocauste sera sur le brasier de l’autel toute la nuit jusqu’au matin, et le feu de l’autel y brûlera, il ne s’éteindra pas. » Sans la particule et, cette phrase aurait plus de rapport avec notre manière de parler ; car, en supprimant cette conjonction, le texte se rétablirait comme il suit « Cet holocauste sera sur le brasier de l’autel « toute la nuit jusqu’au matin, le feu de l’autel « y brûlera », c’est-à-dire sur l’autel. Puis afin d’insister surabondamment sur ce qu’il ordonne, Dieu ajoute : « Il ne s’éteindra point ; » ce qu’il avait déjà commandé, en voulant que le feu brûlât « toute la nuit. »
XI. (Ib. 6, 11.) Sur les cendres de l’holocauste. – « Il prendra un autre vêtement, et jettera l’holocauste, holocarpoma, en dehors du camp, « dans un endroit convenable. » Ce que l’Écriture appelle holocarpoma, c’est ce qui a été consumé parle feu : dans l’exemplaire grec précité, nous lisons katakarposis. Au mot holocarpoma quelques interprètes latins ont ajouté : quod concrematum est, qui a été brûlé, et ils ont traduit « Il jettera hors du camp, dans un endroit convenable, l’holocauste qui a été brûlé. »
XII. (Ib. 6, 12.) Le feu perpétuel. – « Et le feu brûlera toujours sur l’autel, étant pris à celui-là, et ne s’éteindra point », c’est-à-dire, qu’il sera allumé au feu de l’holocauste qui brûlait jusqu’au matin. Dieu ne veut pas que le feu s’éteigne jamais ; et quand l’holocauste a brûlé jusqu’au matin, et qu’on enlève les restes de la victime consumée, il ne faut pas pour cela qu’il s’interrompe ; mais on doit le rallumer au feu de l’holocauste, afin qu’il consume les autres victimes qui seront mises sur l’autel.
XIII. (Ib. 6, 12, 13.) Encore sur l’holocauste de chaque jour. – Nous lisons ensuite : « Le prêtre fera brûler du bois sur l’autel le matin le matin, et mettra l’holocauste dessus, et il y joindra la graisse de l’hostie pacifique ; et le feu brûlera toujours sur l’autel sans jamais s’éteindre. » Ces mots le matin le matin signifient-ils qu’il ne doit pas se passer un seul jour, saris que l’holocauste et la graisse de l’hostie pacifique soient présentés à l’autel ? Ou bien qu’au jour où on les présente, ils ne doivent jamais être placés sur l’autel que le matin ? Si nous admettons le premier sens, que devait-il arriver dans le cas où personne n’eût apporté d’offrande ? Que les prêtres aient obtenu du public ou fourni eux-mêmes l’holocauste de chaque jour, on plaçait par-dessus cet holocauste, selon l’ordre de Dieu, les victimes qu’il avait commandés d’offrir pour les péchés ; et celui qui offrait des sacrifices pour le péché n’était pas obligé d’offrir l’holocauste sur lequel on mettait les autres, à moins qu’il ne présentât deux tourterelles ou deux petits de colombes : car, en cette circonstance, on était absolument obligé d’offrir l’un pour le péché et l’autre en holocauste [13] ; la victime, pour le péché, la première, et l’holocauste en dernier lieu. On peut demander ensuite si l’holocauste prescrit pour le matin était le même qui brûlait toute la nuit jusqu’au matin du lendemain ; ou si l’holocauste qui devait, suivant l’Écriture, brûler toute la nuit, était celui du soir, en sorte que Dieu donnant sa loi sur l’holocauste aurait commencé par parler de celui-là il serait extraordinaire, en effet, qu’il n’en dit rien, et ne fit pas connaître l’obligation d’offrir, chaque soir, cette sorte de sacrifice.
XIV. (Ib. 6, 20.) Sur l’offrande du Grand-Prêtre au jour de sa consécration. – « Le Seigneur parla ensuite à Moïse et lui dit : Voici le don d’Aaron et de ses fils, qu’ils offriront au Seigneur, quel que soit le jour où tu lui donneras l’onction. » Autres sont ces sacrifices, mentionnés dans l’Exode[14], et par lesquels les prêtres doivent se sanctifier durant sept jours, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions ; autre est celui que mentionne ici l’Écriture, et que le grand-prêtre doit offrir au jour de sa consécration, c’est-à-dire, de son onction. Car tel est le sens de ces paroles : « Quel que soit le jour où tu lui donneras l’onction. » Le texte ne porte pas : « Le jour où tu leur donneras l’onction ; » quoique les prêtres du second ordre dussent aussi la recevoir. Le Seigneur désigne ensuite la matière du sacrifice : « La dixième partie d’un éphide fleur de farine, en sacrifice perpétuel. » On demande comment ce sacrifice durera toujours, s’il est offert par le grand-Prêtre, au jour de son onction ; cela ne signifie-t-il pas que, dans la suite, tous les grands-Prêtres devront offrir le même sacrifice, au jour où l’onction les aura consacrés ? Ce passage néanmoins peut s’entendre encore dans ce sens que la signification, et non la réalité de ce sacrifice, est éternelle.
XV. (Ib. 6, 20, 21.)[15] Suite. – « La moitié le matin, et la moitié après midi ; » le grec porte δειλινόν, le soir. « Elle sera préparée dans l’huile, dans la poêle, le prêtre l’offrira détrempée, et par morceaux ; » il s’agit de la fleur de farine. Nous lisons fresa à la fin : ce mot traduit sans doute convenablement l’expression grecque epikta, et se trouve au pluriel neutre. Remarquons en effet, que l’Écriture ne dit pas fresam, comme si ce terme se rapportait à similaginem, aussi bien que conspersam. Ce qu’elle appelle fresa est un sacrifice composé de morceaux. Mais sont-ce ces morceaux qui doivent être réduits en poudre, fresa, ou bien ce mot s’applique-t-il à la poudre très fine de la fleur de farine ? Cela n’est pas clairement indiqué. XVI. (Ib. 6, 21, 23.) Continuation. – L’Écriture ajoute : « Sacrifice d’une odeur agréable au Seigneur. Celui de ses fils qui recevra l’onction du sacerdoce à sa place fera la même chose. » Le mot perpétuel » signifiait donc probablement qu’à la mort du grand-Prêtre, quiconque lui succédait, devait accomplir le même rite, au jour de son onction ; c’est pour cela que Dieu dit : « Cette loi est éternelle. » Il est permis néanmoins encore de l’appeler ainsi à cause de sa signification.
XVII. (Ib. 6, 23.)[16] Continuation. – Le texte porte encore : « Tout sera consumé ; » il y a dans le grec ἐπιτελεσθήσεται; et plusieurs interprètes ont traduit : « Tout sera mis dessus ; » ce qui désigne nécessairement un holocauste, puisqu’il n’en doit rien rester. Enfin l’Écriture ajoute : « Et tous les sacrifices des prêtres seront des holocaustes, et l’on n’en mangera point. » C’est donc en ce sens qu’il faut prendre ces mots « Tout sera consumé. »
XVIII. (Ib. 6, 26.) Sur la loi de l’hostie pour le péché. – L’Écriture dit, en parlant du sacrifice pour le péché : « Le prêtre qui offrira l’hostie, la mangera. » Il ne mangera pas la victime, puisqu’elle doit être consumée par le feu, mais ce qui en restera : car il ne s’agit pas ici de l’holocauste, qui doit être brûlé tout entier sur l’autel. Cependant le texte sacré dit plus loin : « Tout ce qui est pour le péché et dont on porte du sang dans le tabernacle du témoignage, afin de prier dans le sanctuaire, ne sera pas mangé, mais brûlé au feu[17]. » Comment donc est-il donné aux prêtres de manger ce qui reste des sacrifices pour le péché ? Une exception, par conséquent, doit être admise en faveur des sacrifices où l’on touchait du sang de la victime l’autel de l’encens placé.dansle tabernacle du témoignage. Dieu avait en réalité prescrit le même rite, pour le veau que le prêtre devait offrir en expiation de son péché, ou du péché de toute la synagogue ; les chairs qui en restaient devaient être brûlées en dehors du camp[18] : le texte précité rappelle cette loi en peu de mots.

XIX. (Ib. 7, 1.) Continuation. – « Telle est la loi du bélier, offert pour le délit ; cette vie finie est très-sainte. » En d’autres termes, les prêtres ont le droit de manger ce qui en reste.
XX. (Ib. 7, 7.) Sur le péché et le délit. – 1. Pourquoi l’Écriture, après avoir parlé du sacrifice d’un bélier pour le délit, et avoir expliqué les cérémonies de ce sacrifice, ajoute-t-elle « Comme on fait pour le péché, ainsi fera-t-on pour le délit : il n’y a qu’une loi pour les deux ? » On demande quelle est la différence entre le péché et le délit ; car s’il n’en existait aucune, certainement le texte sacré ne porterait pas : « Comme on fait pour le péché, ainsi fera-t-on pour le délit. » En effet, quoique la loi et le sacrifice qu’elle règle ne diffèrent point, puisqu’il n’y a qu’une loi pour les deux ; cependant, s’il n’existait aucune différence entre ces deux choses, le délit et le péché, pour lesquels s’offre un seul et même sacrifice ; si ces deux noms ne désignaient qu’une même chose, l’Écriture ne prendrait pas un soin si exact de faire voir qu’il n’y a qu’un seul sacrifice pour l’un et l’autre.
2. Par le péché, il faut donc peut-être entendre la perpétration du mal, et par le délit, l’abandon du bien : ainsi, de même que dans une vie digne d’éloge, autre chose est l’éloignement du mal, autre chose la pratique du bien, comme l’Écriture nous en avertit dans ces paroles : « Éloigne-toi du mal et fais le bien[19]; » de même, dans une vie condamnable, autre chose serait l’éloignement du bien, autre chose la pratique du mal ; l’une constituerait le délit et l’autre le péché. À s’en tenir au terme en lui-même, que signifie en effet delictum, délit, si ce n’est derelictum, abandon ? et qu’est-ce qu’abandonne l’homme coupable d’un délit, si ce n’est le bien ? Les Grecs, eux aussi, ont deux mots pour désigner ce mal déplorable. Chez eux, paraptroma et πλημμελεία signifient également délit. Dans ce passage du Lévitique on trouve πλημμελεία. Et quand l’Apôtre dit : « Si quelqu’un est tombé par surprise dans quelque délit[20] », le texte grec porte παραπτώματι : si l’on veut se rendre compte de l’origine de ces mots, à propos de παραπτώματι, on comprendra que celui qui commet un délit tombe en quelque sorte. Ainsi le substantif cadaver, cadavre, que les Latins font venir de cadere, tomber, se rend en grec par ptoma, qui vient de piptein (apo tou piptein), dont la signification est celle de cadere. Donc, celui qui fait le mal en péchant, y prélude par une chute qui consiste dans l’abandon du bien. πλημμελεία présente à son tour le sens analogique de négligence : car négligence se rend en grec par ameleia, par la raison que ce qu’on néglige n’est l’objet d’aucun soin. En grec, je n’ai pas de soin, se traduit en effet par ou melei moi. Or, la particule plem, qu’on ajoute pour faire πλημμελεία signifie hors de ; ameleia, qui veut dire négligence, paraît donc être synonyme de sine cura, sans soin, et πλημμελεία, de praeter curam, hors de soin : ce qui est à peu près la même chose. C’est pour cette raison que plusieurs ont préféré ''negligentiam à delictum, pour la traduction du mot πλημμελείαν. Et en latin que signifie negligitur, sinon non legitur, autrement non eligitur, ne pas choisir ? Aussi les auteurs latins donnent-ils pour étymologie au mot loi le mot legere, ou eligere, choisir. De ces notions élémentaires il résulte qu’on se rend coupable d’un délit en s’éloignant du bien, et qu’en s’éloignant du bien on tombe parce qu’on ne fait pas un choix. Mais d’ou vient peccatum, qui se rend en grec par ἁμαρτίας ? Je n’en vois l’origine ni dans l’une ni dans l’autre langue.
3. On peut aussi considérer le délit comme une faute commise imprudemment, c’est-à-dire, par ignorance, et le péché comme une faute commise sciemment. Cette différence parait admise dans ce passage des divines Écritures : « Qui est capable de connaître les délits[21] ? » et dans cet autre : « Vous savez mon imprudence[22] : » car le psalmiste ajoute aussitôt : « Et mes délits ne vous sont pas cachés », sorte de répétition de la même pensée sous une autre forme. Le mot de l’Apôtre, que je viens de citer : « Si quelqu’un est tombé par surprise dans quelque délit[23] », ne s’écarte pas non plus de cette manière de voir : car cette chute inattendue provient de l’imprudence. Quant au péché, l’Apôtre saint Jacques dit, comme dans une sorte de définition, qu’il consiste dans la science de ce que l’on fait ; telles sont, en effet, ces paroles : « Celui-là est coupable de péché, qui, sachant le bien qu’il doit faire, ne le fait pas[24]. » Mais quelle que soit la différence entre le péché et le délit; que ce soit celle-ci ou celle-là, ou toute autre, il est certain que s’il n’en existait aucune, l’Écriture ne tiendrait pas ce langage : « Comme on « fait pour le péché, ainsi fera-t-on pour le délit : il n’y aura qu’une loi pour les deux. »
4. Néanmoins d’ordinaire le mot péché désigne aussi le délit, et le mot délit, le péché; par exemple, quand on dit que la rémission des péchés se fait dans le baptême, cela ne veut pas dire que les délit s sont exceptés du pardon : on ne désigne pas ces deux espèces de fautes, parce qu’un seul mot les comprend toutes les deux. C’est ainsi que le Seigneur déclare que « son sang est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés[25]. » S’il ne parle pas des délits, quelqu’un osera-t-il conclure de là que le sang du Fils de Dieu n’est pas la source du pardon des délits ? De même quand l’Apôtre écrit : « Nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour une seule faute ; mais la grâce nous a justifiés de plusieurs délits[26] », sous cette dernière expression, ne comprend-il pas en même temps les péchés ?
5. Même dans ce livre du Lévitique, qui nous oblige à découvrir ou admettre une différence entre le délit et le péché, voici les paroles du passage qui contient les ordres de Dieu relatifs aux sacrifices pour les péchés : « Si toute l’assemblée des enfants d’Israël a été dans l’ignorance, et « qu’une parole ait échappé à ses yeux, et qu’elle « ait fait contre les commandements de Dieu « une chose qu’elle ne devait pas faire, et qu’ils « aient commis un délit, et qu’ensuite ils connaissent le péché qu’ils ont commis en cela[27]. » Ainsi, après avoir parlé de délit, le texte parle immédiatement après de péché, désignant ainsi évidemment la même faute par deux noms différents. « Si un prince pèche, est-il dit un peu plus loin, et fait, sans le vouloir, quelqu’une des choses défendues par tous les commandements du Seigneur son Dieu, et qu’il se rende coupable de délit[28]. » Nous lisons en suivant : « Si quelqu’un du peuple pèche, sans le vouloir, en faisant ce qui n’est pas permis contre un commandement du Seigneur, quel qu’il soit, et commet un délit, et qu’ensuite son péché lui soit connu[29]. » Voici encore ce qu’on lit : « Quiconque, par une parole précise, aura fait serment de mal faire, ou de bien faire selon tout ce qui aura été précisé dans le serment, s’il l’ignore, et qu’il le reconnaisse ensuite, et pèche en l’un de ces points, puis fasse contre lui l’aveu du péché dont il s’est rendu coupable ; il offrira pour son délit envers le Seigneur, pour le péché dont il s’est rendu coupable[30]. » Et un peu après : « Le Seigneur parla encore à Moïse en ces termes : Si quelqu’un ignore par oubli, et pèche sans le vouloir contre les choses saintes du Seigneur, il offrira au Seigneur pour son délit un bélier sans tache pris d’entre les brebis, au prix de l’argent des sicles du sanctuaire, en expiation de son délit; et pour le péché qu’il a commis contre les choses saintes, il restituera et il ajoutera une cinquième partie en plus, et il donnera cela au prêtre ; et le prêtre priera pour lui en offrant le bélier pour le délit, et il obtiendra son pardon[31]. » L’Écriture ajoute encore : « Quiconque aura péché, et fait une des choses contraires aux préceptes du Seigneur, et ne l’ayant pas connu, se sera rendu coupable d’un délit, et aura fait un péché; apportera au prêtre pour son délit un bélier pris d’entre les brebis à prix d’argent ; et le prêtre priera pour lui, pour l’ignorance dans laquelle il est tombé sans le savoir et elle lui sera pardonnée. « Car il s’est rendu coupable d’un délit devant le Seigneur[32]. » Et plus loin : « Le Seigneur parla encore à Moïse en ces termes : L’homme qui aura péché, et méprisant les préceptes du Seigneur, aura menti à l’égard de son prochain pour un dépôt, ou pour une convention, ou pour une chose dérobée ; ou qui aura commis quelque injustice à l’égard de son prochain ; ou qui, ayant trouvé une chose perdue, le niera, et de plus aura fait un faux serment sur une chose qu’un homme est capable de faire : coupable de ces péchés et de ces délits, il restituera l’objet qu’il a dérobé, ou le tort qu’il a fait, ou le dépôt qui lui a été confié, ou la chose perdue qu’il a trouvée, en expiation de ses faux serments ; il restituera la chose elle-même et donnera de plus une cinquième partie à celui qui en étai possesseur ; au jour où il aura été convaincu de son délit, il offrira au Seigneur un bélier sans tache pris d’entre les brebis, d’un prix, pour son délit; et le prêtre priera pour lui devant le Seigneur, et il recevra le pardon de ce en quoi il s’est rendu coupable[33]. » Presque toutes les fautes mentionnées dans ce chapitre prennent donc tour à tour la qualification de délit et de péché. Ainsi, d’après un grand nombre de passages des Écritures, ces deux termes s’emploient indifféremment l’un pour l’autre ; et pourtant, l’Écriture atteste qu’il y a quelque différence entre eux, quand elle dit : « On fera pour le délit comme on a fait pour le péché. »
XXI. (Ib. 7, 23-25.) Défense touchant la graisse et le sang. – « Vous ne mangerez point de la graisse des bœufs, des brebis et des chèvres ; la graisse des bêtes mortes et de celles qui ont été prises par une autre bête servira à tout usage, mais ne pourra être mangée. Quiconque mangera de la graisse des animaux que vous offrez en sacrifice au Seigneur, périra au milieu de son peuple. » L’Écriture avait dit auparavant : « Toute la graisse appartient au Seigneur[34] ; » et nous avions recherché s’il s’agissait de tous les animaux purs, car, pour les animaux impurs, il n’en est pas du tout question, et ce que l’on faisait de la graisse, dont il n’était pas permis de manger ; la même Écriture fait connaître ici l’usage auquel était réservée la graisse des bêtes mortes et de celles qui avaient été déchirées par d’autres bêtes ; cette graisse s’employait à tout usage, c’est-à-dire pour les travaux où cette substance est nécessaire. Il reste donc à savoir ce que l’on faisait de la graisse des autres, animaux purs, propres à être mangés. Or, quand Dieu dit que celui qui mangera de la graisse des animaux qu’on offre au Seigneur, périra du milieu de son peuple, il semble avoir établi en principe que sa défense ne regarde que les animaux destinés aux sacrifices ; nous avons appris cependant que les Juifs n’usent d’aucune graisse dans leur alimentation. Mais la question est de savoir ce que veut l’Écriture, et non quelle est leur opinion. Quel usage légitime feront-ils donc de la graisse dont ils s’abstiennent, et comment peuvent-ils la jeter quand Dieu a dit : « Toute la graisse appartient au Seigneur », si ce commandement ne doit pas seulement s’entendre de la graisse des sacrifices, mais encore de celle de tous les animaux, même immondes, qu’on n’offrait pas en sacrifice ? c’est ce qu’ils ignorent.
XXII. (Ib. 7, 19, 20, etc.) Sur les sacrifices pacifiques.— Pourquoi à propos du sacrifice pacifique, Dieu insiste-t-il pour dire que celui qui offre le don de sort sacrifice pacifique devra donner aux prêtres la poitrine et le bras de la victime, à condition que la graisse de la poitrine sera offerte avec la graisse du foie ; tandis qu’en donnant plus haut ses prescriptions sur le même sujet, il exige qu’on offre la graisse du foie avec celle des entrailles, des reins et des cuisses, mais sans faire mention de la poitrine[35] ? Serait-ce une lacune comblée ici ? Mais alors pourquoi parle-t-il de la graisse du foie dans les deux passages ? Y aurait-il par hasard une différence entre le sacrifice pacifique considéré en général, et le sacrifice personnel dont il serait parlé ici ?
XXIII. (Ib. 4, 3.) Sur le sacrifice pour le péché, offert à la consécration d’Aaron et de ses fils. —1. Dans ce chapitre l’Écriture faisant mention des lois touchant le sacrifice pour le péché, dit qu’un veau doit être offert pour le péché du prêtre qui a fait pécher le peuple ; puis, quand elle rapporte la manière dont furent exécutés les ordres du Seigneur à l’égard d’Aaron et de ses fils, elle dit qu’un veau fut offert pour le péché[36]; mais il avait été prescrit précédemment de toucher avec le sang du veau les cornes de l’autel de l’encens, de faire l’aspersion de ce même sang devant le voile du sanctuaire et de répandre le reste au pied de l’autel des holocaustes[37] ; or, quand Aaron est consacré, il n’est point fait mention de l’aspersion du sang devant le voile on parle bien des cornes de l’autel mais sans dire si c’est l’autel de l'encens; et quand le texte ajoute que le sang fut répandu à la base de l’autel[38], il ne dit pas : à sa base: ce qui aurait pu faire croire que cet autel, devait être celui dont les cornes avaient été touchées avec le sang : en conséquence, malgré le vague des expressions, on est libre d’admettre que les rues s’accomplirent selon les prescriptions formulées antérieurement par rapport à l’oblation du veau pour le péché ; que le sang ne fut pas répandu à la base du même autel, dont les cornes avaient été touchées ; mais qu’on en toucha les cornes de l’autel de l’encens, et que le reste fut répandu au pied de l’autel des sacrifices.
2. En statuant plus haut[39] d’une manière générale ce qui doit se pratiquer dans le cas où le prêtre pèche, l’Écriture ordonne au prêtre quia reçu l’onction et la perfection du Sacerdoce, c’est-à-dire, au grand-Prêtre, d’offrir les sacrifices énumérés précédemment ; or, quand a lieu la consécration d’Aaron, c’est Moïse lui-même qui offre et qui reçoit en ses mains la poitrine de l’imposition[40], et cependant, suivant ce qu’il avait dit antérieurement, cette portion de la victime devait être donnée au prêtre. Ce surnom de poitrine de l’imposition vient, ce me semble, de ce que la graisse en était déposée sur l’autel, selon l’ordre donné dans la loi sur ce sacrifice pacifique. Mais puisque le souverain sacerdoce paraît avoir commencé dans la personne d’Aaron, quelle idée nous faisons-nous donc de Moïse ? S’il ne fut point honoré du sacerdoce ; pourquoi en remplit-il ici toutes les fonctions ? S’il le fut, comment considérons-nous son frère comme le premier de tous les grands-Prêtres ? Il est vrai que ce passage du Psaume : « Moïse et Aaron furent au nombre de ses prêtres[41] », fait cesser le doute sur la participation de Moïse à la dignité du sacerdoce. Cependant c’est Aaron et les grands-prêtres, ses successeurs, qui sont appelés à recevoir le vêtement sacerdotal, type mystérieux de grandes choses[42]. Au livre de l’Exode, avant la description des rites qui concernent la sanctification et ce qu’on pourrait appeler l’ordination des prêtres, au moment où Moïse gravit la montagne, défense de monter est faite aux prêtres, qui n’étaient autres assurément que les enfants d’Aaron ; l’Écriture, suivant une manière de parler qui lui est familière, les nomme ainsi par anticipation : non qu’ils fussent déjà prêtres, mais parce qu’ils étaient appelés à le devenir[43]; c’est ainsi que le fils de Navé est appelé Jésus[44], longtemps avant l’époque où, suivant l’Écriture, ce surnom lui l’ut donné[45]. Moïse et Aaron étaient ils donc grands-Prêtres à la fois ? ou bien Moïse était-il le premier et Aaron le second ? Le souverain sacerdoce avait-il pour signe distinctif, dans celui-ci le vêtement du pontife, et dans celui-là l’excellence de la dignité ? Car il lui a été dit dès le commencement : « Il tiendra ta place auprès du peuple, et toi la sienne dans tout ce qui a rapport à Dieu[46]. »
3. On peut demander encore à qui revint, après Moïse, la charge de consacrer le grand-prêtre qui, sans aucun doute, ne pouvait succéder au précédent qu’après sa mort. Ayant déjà reçu l’onction sainte parmi les prêtres du second ordre, car l’huile qui sanctifiait le grand-Prêtre, servait également à l’onction des prêtres inférieurs, le nouveau Pontife se contentait-il de prendre le vêtement, qui était le signe distinctif de sa supériorité ? En ce cas prenait-il le vêtement lui-même ou bien un autre l’en revêtait-il, comme fit Moïse pour son neveu à la mort d’Aaron ? Si le grand-prêtre était vêtu par un autre, un prêtre du second rang ne pouvait-il donc s’acquitter de ce devoir ? Ce qui parait d’autant plus nécessaire que le vêtement du grand-prêtre exigeait l’aide d’une personne pour être mis. Ne l’en revêtait-il pas cette première fois comme les autres ? Car, après l’avoir mis, le grand-Prêtre ne le conservait pas toujours et quand il le déposait, c’était pour le reprendre ensuite. Rien donc n’empêchait que les prêtres du second ordre revêtissent le premier, non à titre de supérieurs, mais à titre d’inférieurs. Mais de quelle manière pouvait-on savoir à qui des enfants du grand-Prêtre revenait l’honneur de lui succéder ? Car l’Écriture n’assigne point cette succession au premier-né ou à l’aîné. Dieu sans doute le faisait connaître, soit par l’intermédiaire des Prophètes, soit dans ses réponses aux consultations qui lui étaient adressées : nous voyons cependant des contestations s’élever dans la suite à ce sujet, ce qui fut cause qu’il y eut plusieurs grands-prêtres à la fois ; car pour mettre un terme aux prétentions des prêtres les plus dignes de cet honneur, on l’accordait à plusieurs en même temps.
XXIV. (Ib. 8, 35.) Comment il faut entendre le mot s’asseoir. – Que signifie le commandement que Moïse adresse à Aaron et à ses fils, lorsqu’il les sanctifie pour leur entrée en fonction : « Vous serez assis, leur dit-il, jour et nuit, pendant sept jours, à l’entrée du tabernacle, de peur que vous ne mouriez ? » Est-il croyable que l’ordre leur ait été donné de rester, jour et nuit, pendant sept jours, dans la position d’un homme assis, sans changer absolument de place ? Rien cependant ne nous force à admettre, au lieu de la chose qui est irréalisable, une allégorie cachant un sens mystérieux ; il est préférable de voir dans ce passage une manière de parler particulière à l’Écriture ; elle dit s’asseoir, dans le sens d’habiter, demeurer. Par exemple, quand elle rapporte que Séméï s’assit trois ans à Jérusalem[47], il ne faut pas conclure de là que pendant tout ce laps de temps, il demeura constamment assis sur un siège, sans le quitter. Aussi donne-t-on le nom de siège aux lieux mêmes qu’habitent ceux qui y ont leurs sièges ; ce mot désigne leur résidence.

XXV. (Ib. 9, 1.) Sur les anciens d’Israël. – « Le huitième jour, Moïse appela Aaron et ses fils, et le sénat d’Israël. » Quelques-uns de nos traducteurs ont rendu par senatum, l’expression γερουσίαν du texte grec : ce qui a guidé l’interprète, c’est le rapport qui semble exister entre senatus et senium vieillesse. Cependant on ne pourrait pas dire en latin : Il appela la vieillesse d’Israël, pour : Il appela les vieillards ou les anciens; quoiqu’il soit permis de dire Il appela la jeunesse d’Israël, pour : Il appela les jeunes gens. C’est que cette dernière locution est reçue dans la langue latine ; tandis que celle-là n’est pas admise. Car en disant : Il appela la vieillesse d’Israël, on conserverait au mot le sens qui lui est propre. Aussi quelques traducteurs, jugeant le mot sénat d’un emploi inacceptable, ont préféré mettre dans leur version « l’ordre des anciens. » Il eût été plus court et peut-être plus convenable de dire : Il appela les anciens d’Israël.
XXVI. (Ib. 9, 2-4.) Sur les premiers sacrifices d’Aaron. —1. Moïse dit à Aaron : « Parle en ces termes au sénat d’Israël : Prenez un bouc d’entre les chèvres pour le péché, et un bélier et un veau et un agneau d’un an, sans tache, pour l’holocauste, et un veau pris d’entre les bœufs, et un bélier pour le sacrifice pacifique devant le Seigneur, et de la pure farine trempée dans l’huile : parce que, le Seigneur apparaîtra aujourd’hui parmi vous. » Il a posé précédemment en loi que ces animaux convenaient à quatre espèces de sacrifices : l’holocauste, le sacrifice pour le péché, le sacrifice pacifique et celui de la consommation ; mais celui-ci ne concerne que la sanctification des prêtres. Ce sont donc les trois autres qu’il est prescrit d’offrir dans cette circonstance, et l’ordre en est adressé aux anciens d’Israël, parce qu’ils représentent tout le peuple. Mais ici trois animaux, le bouc, le bélier et le veau, sont destinés au sacrifice pour le péché ; l’agneau est destiné à l’holocauste ; pour le sacrifice pacifique, sont réservés un veau et un bélier. Ainsi le sens n’est pas que le bouc sera la seule victime offerte pour le péché, et que les trois autres animaux, le bélier, le veau, et l’agneau seront la matière de l’holocauste ; mais plutôt les trois premiers doivent être offerts pour le péché, comme l’indique ce passage : « Prenez un bouc d’entre les chèvres pour le péché, et un bélier et un veau », en sous-entendant à la fin : pour le péché ; et l’agneau seul est réservé pour l’holocauste. Nous avons cru devoir donner cet avertissement, parce que l’on aurait pu s’arrêter à un autre sens, et après ces, mots : « Prenez un bouc d’entre les chèvres pour le troupeau », faire rapporter tout le reste à l’holocauste. Quant à ces paroles : « sans tache », on peut les appliquer à tous les animaux dont il vient d’être parlé. Or, comme il est difficile de formuler clairement le sens de la phrase, voici te motif pour lequel il nous semble que les trois premiers animaux devaient être offerts pour le péché : c’est qu’antérieurement Moïse a ordonné d’offrir un bouc pour le péché d’un prince [48] ; pour le péché d’un particulier, coupable d’une faute qu’il ne devait pas commettre en présence du Seigneur, il prescrit un bélier[49] ; et pour le péché de tout le peuple, un veau[50]. En faisant connaître au sénat ce que le peuple tout entier devait offrir, il devait donc exiger un bouc pour les princes, un bélier pour le péché des particuliers, et un veau pour le péché de tout le peuple. Autre chose est en effet le péché personnel à quelqu’un du peuple, et même les péchés particuliers que tout le monde peut commettre ; autre chose, le péché commis en commun, d’un accord unanime, par une multitude s’inspirant d’une même pensée.
2. Moïse, exigeant un veau et un bélier pour ces sacrifices pacifiques, commande qu’on offre ce qu’il y a de plus précieux : parce que la cause de tout le peuple est mise en jeu ; tandis que la loi relative aux sacrifices pacifiques, établie précédemment par lui, permet d’offrir indifféremment le mâle ou la femelle, pourvu que la victime ne soit prise que parmi les bœufs, les brebis et les chèvres[51]. Si l’on demande maintenant pourquoi il exige deux victimes, un veau et un bélier, la raison n’en est pas facile à trouver : à moins que le veau ne fût, dans sa pensée, offert en sacrifice pacifique à l’intention de tout le peuple, et le bélier pour chaque individu faisant partie de la nation : car il semble avoir prescrit déjà précédemment deux sortes de sacrifices pacifiques ; l’un, offert en quelque sorte par le peuple tout entier, et désigné sous le nom de sacrifice pacifique ; l’autre, indiqué dans les paroles suivantes : « Si quelqu’un offre son sacrifice pacifique[52]. » À propos de ce texte nous avons trouvé une différence entre ces sacrifices[53] : car dans celui qu’il appelle pacifique, Moïse ne dit pas que la graisse de la poitrine doit être offerte au Seigneur, nique la poitrine elle-même et l’épaule droite doivent être données au prêtre ; au lieu qu’il exige ces deux conditions dans le sacrifice pacifique qu’il nomme personnel : ce qui doit peut-être s’entendre du sacrifice public offert au nom de tous. En effet Moïse lui-même offrit un sacrifice pacifique et il n’est pas dit que ce sacrifice était sien: c’est, je crois, parce qu’il l’offrit pour tout le peuple. Or, où tous se trouvent, là sont chacun des membres ; mais non pas réciproquement. Car le particulier peut exister sans le tout ; tandis que le tout se compose de tous les éléments particuliers qui forment le tout.
3. Il est remarquable que les sacrifices commandés pour le peuple se composaient de sacrifices pour le péché, de l’holocauste et de sacrifices pacifiques ; tandis que pour le prêtre, on offrit les sacrifices pour le péché, l’holocauste et le sacrifice de consommation, mais point de sacrifice pacifique[54]. Le sacrifice de consommation se fit, quand les prêtres furent consacrés pour entrer dans l’exercice de leurs fonctions, et Moïse l’offrit pour Aaron et ses fils ; mais dans la suite, Aaron, sanctifié et remplissant les fonctions de son sacerdoce, reçut l’ordre d’offrir pour lui-même un veau pour le péché, et un bélier en holocauste[55]. Il ne fut pas alors obligé d’offrir pour lui-même le sacrifice de consommation ; car l’oblation en avait été faite, afin qu’il reçût la perfection du sacerdoce et paît en remplir le ministère, et comme il l’exerçait déjà, il n’était plus nécessaire qu’il en reçut de nouveau la consommation.
XXVII. (Ib. 9, 7.) Suite. – « Alors Moïse dit à Aaron : Approche de l’autel, et fais ce qui est pour ton péché, et ton holocauste : et prie pour toi et ta maison. » Il est étonnant que le sacrifice pour le péché soit commandé le premier, et que l’holocauste vienne ensuite ; car la loi posée précédemment exige que les sacrifices pour le péché soient placés par-dessus les holocaustes[56], excepté quand les victimes offertes sont des oiseaux[57]. L’Écriture rappelle-t-elle ici en dernier lieu le rite qui s’accomplissait d’abord, je veux dire l’offrande de l’holocauste ? Car elle ne dit pas, comme à propos des oiseaux : Fais ceci d’abord, et puis cela ; mais fais ceci et cela. Or, la règle établie plus haut désigne l’offrande qui doit se faire en premier lieu, quand elle dit que le sacrifice pour les péchés sera placé par-dessus l’holocauste. Il y a néanmoins une circonstance fort embarrassante : l’Écriture en effet rapporte qu’Aaron, fidèle à l’ordre qu’il avait reçu, offrit le sacrifice pour le péché, puis l’holocauste. A-t-il, en réalité, suivi cet ordre ? ou bien, comme dans beaucoup d’autres cas, l’Écriture a-t-elle interverti les choses ? La question demeurerait sans solution, si l’on ne se rappelait, comme je l’ai dit plus haut, ce qu’elle règle touchant le sacrifice pour le péché. Voici en effet ce qu’on lit : « Le prêtre le mettra sur l’autel au-dessus de l’holocauste du Seigneur, et le prêtre, priera pour lui, pour le péché dont il s’est rendu coupable, et il lui sera pardonné[58]. » Comment donc le sacrifice pour le péché pouvait-il être placé sur l’holocauste, si l’holocauste n’avait été mis le premier sur l’autel ? La même prescription a été faite à l’égard du sacrifice pacifique ; mais parce que l’Écriture ne tient pas toujours le même langage, ni à propos des sacrifices pour le péché, ni à propos des sacrifices pacifiques, il est permis peut-être d’en conclure que la loi n’est pas générale elle a seulement son application dans le sacrifice pacifique, lorsqu’on immole des bœufs, car le précepte y est formellement exprimé, et dans les sacrifices pour le péché, lorsque la victime est une brebis ; mais les autres victimes, soit dans le sacrifice pacifique, soit dans le sacrifice pour le péché, ne devaient pas nécessairement être placées sur les holocaustes.
2. Ce qui surprend encore, c’est que, quand Aaron fait, au nom du peuple, l’offrande des dons cités précédemment, l’Écriture ne mentionne point parmi les victimes immolées toutes celles dont elle a parlé plus haut[59] ; elle ne parle que du bouc offert pour le péché et de l’holocauste, sans rien dire toutefois de l’agneau ; quant aux deux autres victimes, je veux dire le bélier et le veau, plutôt destinés, disions-nous, au sacrifice pour le péché qu’à l’holocauste, elle les passe sous silence : a-t-elle voulu comprendre le tout dans la partie, et en ne parlant que du bouc donner à entendre tout le reste ?
3. Rapportant la manière dont Aaron fit l’offrande des sacrifices pacifiques du peuple, l’Écriture s’exprime en ces termes sur le veau et le bélier : « Il immola le veau et le bélier du sacrifice pacifique du peuple, et les fils d’Aaron lui en présentèrent le sang, qu’il répandit sur l’autel tout à l’entour ; ils lui présentèrent également la graisse du veau, et la cuisse du bélier, et la graisse qui couvre les entrailles, et les deux reins avec la graisse qui est sur eux, et la taie qui est sur le foie ; et il mit la graisse sur les poitrines, et il mit les graisses sur l’autel ; ensuite Aaron enleva la poitrine et l’épaule droite, comme il avait droit de le faire devant le Seigneur, selon l’ordre que le Seigneur avait donné à Moïse[60]. » L’Écriture parle tantôt au singulier, et tantôt au pluriel, quand elle dit quelque chose de ces deux animaux, le veau et le bélier. Ainsi, quand elle parle des deux reins, il faut l’entendre de chacune des victimes ; par conséquent, c’est quatre qu’il faut lise, et ainsi du reste. Mais que signifient ces paroles : « Il mit les graisses sur les poitrines », puisque les poitrines, appartenant au prêtre aussi bien que l’épaule droite, ne furent point placées sur l’autel ? Cela veut-il dire : « Il mit les graisses qui sont sur les poitrines ? Car, après les avoir séparées des poitrines, il dut les mettre sur l’autel, suivant la prescription qui en avait été faite auparavant. Enfin nous lisons : « Il mit ensuite les graisses sur l’autel, et Aaron enleva la poitrine et l’épaule droite, comme il avait le droit de le faire, devant le Seigneur. » Ici l’Écriture parle de nouveau au singulier, et dit la poitrine ; il s’agit évidemment de celle de chacun des deux animaux, qu’elle avait désignée précédemment au pluriel.

XXVIII. (Ib. 9, 22.) Comment le prêtre pouvait-il atteindre à l’autel? – Quel est le sens de ce passage : « Ayant élevé ses mains sur le peuple, Aaron les bénit, et il descendit, après avoir fait ce qui concernait les sacrifices pour le péché, les holocaustes et les sacrifices pacifiques ? » Où le grand-prêtre accomplit-il ces cérémonies, si ce n’est sur l’autel, où par conséquent il se tenait debout et s’y acquittait de son ministère ? C’est donc de la place où il se tenait debout qu’il descendit. Ce qui facilite la solution de cette question, c’est ce que nous avons démontré, en recherchant, au livre de l’Exode, de quelle manière il était possible d’officier à un autel haut de trois coudées[61]. Nous ne pouvions lui supposer de degrés, puisque Dieu les avait défendus, dans la crainte que la nudité du prêtre ne fut découverte à l’autel : ce qui effectivement serait arrivé, si les degrés eussent fait partie de l’autel et lui eussent été adhérents. Enfin Dieu ne voulut point alors que le massif de l’autel ne fit qu’un avec le degré qui y serait joint, et telle fut la raison de sa défense ; mais comme l’autel était d’une hauteur tellement considérable que, à moins d’être debout sur quelque chose, le prêtre ne pouvait convenablement accomplir ses fonctions, il faut nécessairement admettre un moyen de s’élever, qui se posait et se retirait à l’heure du sacrifice ; il n’était pas partie adhérente de l’autel, et par conséquent ne constituait pas une contravention à la défense d’y mettre un degré. L’Écriture néanmoins garde-le silence sur le moyen quel qu’il ait été, et c’est ce qui motive cette question. Mais, ici, quand elle rapporte que le prêtre descendit après avoir offert les sacrifices, c’est-à-dire, après avoir mis la chair des victimes sur l’autel, elle fait entendre clairement qu’il s’était tenu debout sur une élévation quelconque, d’où il est descendu, et qu’il n’avait pu remplir son ministère à un autel haut de trois coudées, qu’à la condition de s’être tenu debout sur cette élévation.

XXIX. (Ib. 9, 24.) Sur la traduction du mot ἐξεστη. – « Tout le peuple l’ayant vu, fut hors de lui-même. » D’autres traduisent : stupéfait, pour mieux rendre le mot grec ἐξέστη, d’où vient ἔκστασις, qui signifie souvent dans les versions latines de l’Écriture : ravissement de l’âme.

XXX. (Ib. 9, 24.) D’où vint la flamme qui dévora les victimes. – « Et un feu sortit du Seigneur et dévora ce qui était sur l’autel, les holocaustes et les graisses. » On peut demander ce que signifie : du Seigneur : ces mots désignent-ils un ordre, un arrêt de la volonté divine ? ou bien faut-il les entendre, en ce sens que le feu sortit de, l’endroit où était l’Arche du témoignage Car Dieu n’est pas en un endroit, à l’exclusion d’un autre lieu.

XXXI. (Ib. 10, 1-3.) Dieu veut être sanctifié dans ses prêtres et glorifié dans son peuple. — Un feu, sorti du Seigneur, avait atteint et frappé de mort les fils d’Aaron, coupables d’avoir mis du feu étranger dans leurs encensoirs et d’avoir offert ainsi de l’encens au Seigneur ; il ne leur était pas permis d’agir de la sorte, car le feu descendu du ciel sur l’autel, religieusement conservé dans la suite, devait servir à allumer tous les feux du tabernacle. Après leur mort, Moïse s’exprime donc en ces termes : « Voici ce que le Seigneur a dit : Je serai sanctifié dans ceux qui m’approchent, et je serai glorifié dans tout le peuple. » Par ceux qui approchent du Seigneur, il a voulu désigner ceux qui remplissaient dans le tabernacle les fonctions du sacerdoce ; or, Dieu était sanctifié en leur personne, même par l’exercice de sa vengeance, ainsi qu’il arrive pour ces fils d’Aaron. Dieu infligea-t-il cette punition, pour nous apprendre combien les autres auront moins encore de droit à son indulgence, s’il n’épargna pas ceux-ci ; suivant le sens de ces mots : « Si le juste même se sauve avec peine, que deviendront le pécheur et l’impie [62] ? » Ou plutôt, n’est-ce pas dans le sens des textes suivants : « On exige davantage de celui à qui on donne davantage[63]. » – « Le serviteur qui ne connaît par la volonté de son maître, et qui fait des choses dignes de châtiment, sera peu battu ; mais le serviteur qui connaît la volonté de « son maître, et qui fait des choses dignes de « châtiment, sera battu rudement[64]. » Et encore : « Les petits obtiendront miséricorde et les puissants seront puissamment tourmentés[65]? » Mais à quel moment Dieu tint-il le langage que lui attribue Moïse ? On ne le voit pas dans les récits antérieurs de l’Écriture. Ceci offre donc un trait de ressemblance avec ce passage de l’Exode, où Moïse dit au Seigneur : « Vous l’avez dit : Je te connais entre tous[66]. » Il arriva effectivement que Dieu parla ainsi, mais à une époque postérieure ; toutefois, comme Moïse était incapable de mentir en disant cela, on comprend que Dieu lui avait déjà parlé antérieurement dans les mêmes termes, quoique l’Écriture ne l’ait pas rapporté, comme ici. Il est donc évident que tous les discours de Dieu à ceux par l’intermédiaire desquels nous est venue la sainte Écriture, n’ont pas été fixés par écrit.
XXXII. (Ib. 10, 6, 7.) Sur la défense faite aux prêtres de pleurer la mort de Nadabet d’Abiu. – Que signifie cette défense faite, par Moïse, à Aaron et aux fils qui lui restent, de pleurer la mort des deux coupables : « Vous n’ôterez point la tiare de dessus votre tête », paroles qui montrent évidemment que les tiares étaient l’ornement de la tête ? N’est-ce point parce que, dans le deuil, on mettait de côté ce que la coutume faisait considérer comme une parure ? De même en effet que parmi nous, on se couvre dans la tristesse, parce que nous avons l’habitude d’être plutôt découverts ; de même parmi les Juifs, la tristesse faisait un devoir de se découvrir, parce que la tête couverte était un signe de joie. Moïse leur défend de les pleurer, parce que le Seigneur a été sanctifié dans leur châtiment, en d’autres termes, parce que la crainte de lui, déplaire a été sanctionnée. Ce n’est pas que la mort des fils d’Aaron ne dût point être l’objet d’un deuil ; car il permet aux autres de le faire ; mais c’est que les prêtres ne devaient pas y prendre part, tout le temps que durait leur sanctification avant la fin des sept jours, pendant lesquels il leur était défendu de sortir du tabernacle. Néanmoins, il serait permis de croire qu’il leur était défendu de pleurer aucun mort à cause de leur consécration par l’huile sainte. Voici, en effet, la lettre du texte : « Vos frères de toute la maison d’Israël pleureront l’embrasement par lequel le Seigneur les a consumés, et vous ne sortirez pas hors de l’entrée du tabernacle, de peur que vous ne mouriez, car l’huile de l’onction, qui vient du Seigneur, est répandue sur vous[67]. »
XXXIII. (Ib. 10, 9-11.) Les prêtres n’useront pas de vin pendant qu’ils exercent leur ministère. – « Le Seigneur dit aussi à Aaron : Vous ne boirez point, toi et tes enfants, de vin ni de boisson fermentée, lorsque vous entrerez dans le tabernacle du témoignage, ou lorsque vous approcherez de l’autel, et vous ne mourrez point. » Quand leur était-il donc permis de boire, puisque leur ministère les mettait chaque jour dans la nécessité d’entrer dans le tabernacle et d’approcher de l’autel ? Si l’on objecte que les sacrifices ne s’offraient point ordinairement tous les jours, quelle objection pourra-t-on soulever au sujet de l’entrée dans le tabernacle ? Car elle devait se faire tous les jours pour le soin du chandelier et le renouvellement des pains de proposition. Répondra-t-on que le tabernacle duc témoignage désigne ici la partie du tabernacle occupée par l’arche du témoignage ? Mais, dirons-nous à notre tour, le grand-prêtre n’était-il pas obligé d’y entrer, aussi, pour y porter l’encens perpétuel ? Car il n’y entrait, à la vérité, qu’une fois l’année avec le sang de la purification, mais il y entrait tous les jours pour l’entretien de l’encens. Fautil voir dans cette loi du Seigneur une défense absolue de boire du vin ? Mais alors pourquoi cette défense n’est-elle pas formulée dans ces quelques mots : « Vous ne boirez point de vin ? » pourquoi cette addition : « Lorsque vous entrerez dans le tabernacle, ou lorsque vous approcherez de l’autel ? » Serait-ce qu’il ne fallait pas laisser ignorer la cause de cette défense, dès là surtout que Dieu savait par avance qu’il y aurait dans la suite, non par ordre de succession, mais simultanément, un grand nombre même de grand-prêtres qui sacrifieraient tour-à-tour dans le tabernacle, y offriraient l’encens et rempliraient les autres fonctions ? Au moment où les uns ne pouvaient boire, parce qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, la défense devait être levée pour les autres. Y a-t-il encore un autre sens à donner à ce passage ? Après avoir défendu aux prêtres l’usage du vin et des boissons enivrantes, Dieu ajoute. « C’est une loi éternelle pour votre postérité[68] : » on ne voit pas clairement si ces dernières paroles doivent se relier pour le sens à l’interdiction qui vient d’être portée ; ou bien s’il faut les rattacher à ce qui suit : « Afin de distinguer entre le saint et le profane, le pur et l’impur ; et d’apprendre aux enfants d’Israël toutes les ordonnances que le Seigneur leur a fait connaître par l’intermédiaire Moïse : » ce devoir des prêtres serait l’objet de la Loi qui devait éternellement s’accomplir parmi leur postérité. Souvent déjà nous avons dit le sens qui s’attache à ce mot : éternel. Il y a encore de l’obscurité dans ces paroles : « Distinguer entre le saint et le profane, le pur et l’impur:» est-il question ici des choses saintes et pures, des choses impures et souillées ; ou bien des personnes pures et saintes, souillées et impures ? Le discernement que devaient faire les prêtres concernait-il les choses qu’il était permis ou non d’offrir à Dieu ; ou les hommes, selon qu’ils étaient dignes d’éloge ou de blâme ? ou plutôt ne concernait-il pas à la fois et les hommes et les choses saintes ?
XXXIV. (Ib. 10, 14.) Soins donnés aux portions de la victime appartenant aux prêtres. – « Vous mangerez dans le lieu saint la poitrine de séparation et l’épaule d’enlèvement. » Ces deux portions de la victime sont désignées sous des noms différents ; mais l’une et l’autre pouvaient s’appeler de séparation, car l’une et l’autre étaient séparées pour le prêtre ; elles pouvaient également s’appeler toutes deux d'enlèvement ou de retranchement, en grec ἀφαιρέμα, car, pour être données au prêtre, elles étaient retranchées et enlevées à ceux pour qui elles étaient offertes. Ce n’est pas sans raison toutefois que nous lisons plus haut la poitrine d’imposition et l’épaule d’enlèvement : nulle portion de l’épaule en effet, n’était posée sur l’autel, tandis que la graisse de la poitrine y était déposée.
XXXV. (Ib. 10, 14.) Des sacrifices pacifiques. – Pourquoi l’Écriture appelle-t-elle sacrifices pour les choses salutaires ce qu’elle nomme ailleurs sacrifices pour la chose salutaire ? Et pourquoi dit-elle au singulier sacrifice pour la chose salutaire en parlant du même objet ? Par ces mots : « des sacrifices pour les choses salutaires », aurait-elle voulu dire : pour les santés ? » Dans ce passage des psaumes : « Exaucez-nous, Dieu de nos santés[69] », le grec porte en effet le même mot qu’ici, c’est-à-dire σωτηρίων génitif pluriel, qui peut venir aussi bien de salus que de salutare: car σωτηρια signifie salut ou santé, et fait τῶν σωτηρίων génitif pluriel ; et salutare se rend par σωτἡριον, dont le génitif pluriel est identiquement le même. Si donc il est permis d’interpréter le sacrifice pour le salut dans le sens de sacrifice salutaire, parce que le salut vient de ce qui est salutaire et que ce qui est salutaire, c’est ce qui donne le salut, nous ne sommes point obligés de traduire sacrificium salutarium par sacrifices pour plusieurs choses salutaires, mais peut-être cela signifie-t-il : pour plusieurs santés, qui auraient leur source dans une seule chose salutaire. Quant au salut qui vient de Dieu, la foi chrétienne le connaît ; c’est de lui qu’il est dit : « Je prendrai le calice du salut[70] ;» et Siméon le désigne en ces termes : « J’ai vu de mes yeux votre salut[71]. » Il est certes bien permis d’appeler sacrifices salutaires les sacrifices pour le salut.
XXXVI. (Ib. 10, 15-20.) Sur la part réservée da les sacrifices aux membres de la famille du grand-Prêtre. – « Ce sera pour toi, tes fils et tes filles une loi perpétuelle. » Ces mots : « et tes filles » ne sont pas ajoutés ici sans raison : car, parmi les portions des victimes réservées aux prêtres, en est quelques-unes dont les femmes ne pouvaient manger, tandis que les hommes devaient s’en nourrir.
2. Pourquoi les rites accoutumés ne furent point observés dans les sacrifices du premier jour Moïse, ayant cherché le bouc qui avait été offert pour le péché, et ne le trouvant point, parce qu’il avait été consumé, s’irrite à cause de cette infraction à la loi divine, qui ordonnait aux prêtres de manger les victimes offertes pour le péché du peuple, après en avoir ôté la graisse et les reins ; or, comme il s’irritait, non contre son frère, mais contre ses fils, à qui, je pense, revenait le droit d’offrir les victimes, Aaron lui répondit en ces termes : « S’ils ont offert aujourd’hui les victimes pour leurs péchés, et leurs holocaustes en présence du Seigneur ; et qu’après ce qui m’est arrivé, je mange aujourd’hui.l'hostie offerte pour le péché, serai-je pour cela agréable au Seigneur ? Moïse entendit ce discours, et il lui plut. » En disant qu’au jour où les enfants d’Israël avaient offert leur premier sacrifice pour le péché, la victime ne devait pas être mangée par les prêtres, mais être consumée entièrement, Aaron ne voulait pas établir une règle générale : car les prêtres mangèrent dans la suite les victimes offertes pour les péchés ; mais comme ce sacrifice fut le premier offert en ce premier, jour, dès le début, il y a lieu de croire que le grand-prêtre Aaron fut inspiré de Dieu pour parler ainsi, sans qu’on dérogeât dans la suite aux prescriptions divines adressées aux prêtres par le ministère de Moïse ; et c’est pourquoi Moïse approuva la réponse d’Aaron comme une parole inspirée de Dieu lui-même. Que pensa-t-il des autres sacrifices du même jour, je veux parler de l’oblation du bélier et du veau, qui, selon nous, dut se faire pour le péché Ne posa-t-il aucune question au sujet de l’offrande du veau, parce que selon la loi, après avoir pris de son sang pour en toucher les cornes de l’autel des parfums, on devait le brûler tout entier ? Mais que dire de l’offrande du bélier ? Faut-il croire que la réponse faite à Moïse à propos du bouc, dut lui être appliquée ? Car Moïse se serait certainement enquis du bélier, s’il n’avait été satisfait de la réponse du prêtre. Qu’avait-il aussi à s’enquérir de l’offrande du veau, puisqu’elle put s’accomplir suivant les prescriptions divines, qui voulaient que le veau offert pour le péché du prêtre, fût brûlé tout entier en dehors du camp[72] ? Voici donc les paroles que Moïse irrité adressa aux enfants de son frère, lorsqu’il ne trouva point le bouc offert pour le péché, parce qu’il avait été entièrement consumé par le feu : « Pourquoi n’avez-vous pas mangé dans le lieu saint ce qui fut offert pour le péché ? Dieu vous le donna à manger, parce que c’est une chose très-sainte, afin que vous effaciez le péché du peuple, et que vous priiez pour lui devant le Seigneur. On n’a point porté du sang de l’hostie dans l’intérieur du sanctuaire en ma présence. Vous deviez manger dans le lieu saint, selon que Dieu me l’a ordonné » Il est hors de doute que ces paroles : « On n’a point « porté du sang de l’hostie dans l’intérieur du sanctuaire en ma présence », s’entendent exclusivement de la victime offerte pour le péché du prêtre ou pour le péché de tout le peuple ; elles ne peuvent s’appliquer au bouc, dont le sang ne devait pas être porté à l’intérieur du tabernacle pour toucher les cornes de l’autel de l’encens ; cette victime ne devait pas être consumée entièrement, mais être mangée par les prêtres. Pourquoi cependant le bouc, lui aussi, fut-il consumé tout entier ? Aaron le fait connaître dans la réponse qui fut agréée de Moïse.
3. Des six victimes offertes par les anciens du peuple. – Dieu donna l’ordre aux anciens du peuple d’offrir six animaux pour le peuple ; or, l’Écriture a désigné précédemment quatre des victimes à immoler : un bouc, un bélier, un veau et un agneau d’un an ; le bouc et l’agneau d’un an sont évidemment destinés, l’un au sacrifice pour le péché, et l’autre à l’holocauste ; mais il n’est pas certain si les deux animaux nommés intermédiairement, le veau et le bélier, doivent être offerts avec le bouc en sacrifice pour le péché, ou s’ils doivent, avec l’agneau, être offerts en holocauste ; nous avons exposé en son lieu, notre opinion à ce sujet : mais plus loin, l’Écriture, complétant le nombre des six animaux, fait mention d’un veau et d’un bélier pour le sacrifice pacifique ; et cependant, lorsqu’elle rapporte dans la suite la circonstance de l’immolation de ces victimes, elle ne parle ni du veau ni du bélier qu’elle avait désignés entre le bouc et l’agneau, mais seulement du veau et du bélier prescrits pour le sacrifice pacifique : ce qui donnerait à penser qu’il n’y eut que quatre animaux immolés, au lieu de six. On pourrait donc croire qu’elle nomme la seconde fois les mêmes victimes qu’elle avait déjà citées entre le bouc et l’agneau, et qu’il n’y a pas d’autre veau ni d’autre bélier destinés au sacrifice pacifique. De la sorte, après avoir parlé du bouc pour le péché, puis du veau et du bélier, sans dire pourquoi ni pour quelle chose, et enfin de l’agneau d’un an pour l’holocauste ; elle indiquerait la destination du veau et du bélier, et ferait connaître qu’ils né seront point offerts en sacrifice pour le péché, comme le bouc ; ni en holocauste, comme l’agneau ; mais en sacrifice pacifique. Mais si nous admettons cette interprétation, il restera à savoir pourquoi l’on offre un bouc pour le péché du peuple [73], tandis que Dieu, donnant au commencement ses lois relatives aux sacrifices pour le péché, a voulu qu’on offrît un veau pour le péché du peuple, de même qu’il a exigé pour le péché du prêtre non pas un bouc, mais un veau[74], dont le sang devait, dans un cas comme dans l’autre, toucher les cornes de l’autel de l’encens. Pourquoi encore Moïse offre-t-il un veau pour le péché d’Aaron[75], et pourquoi Aaron offre-t-il également un veau, conformément à la loi établie par Dieu, pour le péché du prêtre[76] ; tandis que, en opposition avec la loi divine, on offre un bouc, au lieu d’un veau, pour le péché du peuple ? Comme ces questions nous embarrassaient, le sens le plus plausible nous a paru être, comme nous l’avons déjà dit, que l’on devait offrir, pour le péché, le veau et le bélier en même temps que le bouc, en faisant rapporter à ces trois animaux ces mots pour le péché. Il y avait en effet parmi le peuple des princes, pour lesquels on devait offrir un bouc ; des individus qui pouvaient avoir des péchés particuliers, et pour lesquels il fallait offrir un bélier ; il pouvait se trouver enfin un péché commun à tous, et pour l’expiation duquel il fallait immoler un veau, car l’oblation de cette hostie avait été prescrite dès le commencement pour le péché de tout le peuple. S’il n’est fait mention que du bouc, au moment où s’offrit le sacrifice de toutes ces victimes, il n’en faut pas moins tenir compte de celles qui ne sont pas nommées : la partie est mise ici pour le tout, car toutes ces victimes étaient offertes pour les péchés.

XXXVII. (Ib. 11, 34.) De l’impureté contractée par un vase de terre. – Parlant des corps morts des animaux impurs : « S’il en tombe quelque chose, dit l’Écriture, dans un vase de terre, tout ce qui est dans ce vase, sera impur ; et on le brisera ; » c’est du vase qu’il s’agit. « Et toute viande qui se mange, sur laquelle sera tombée de l’eau, sera impure pour vous. » Ce n’est pas une eau quelconque, qui rendait la viande impure, en tombant sur elle ; mais l’eau d’un vase devenu impur par le contact de corps morts impurs, dans le cas où ce vase contenait de l’eau.
XXXVIII. (Ib. 11, 47.) Sens du mot : vivificantia. – « Afin d’apprendre aux enfants d’Israël à discerner entre les vivipares qui se mangent, et les vivipares qui ne se mangent pas. » Le grec porte ici ζωογονούντα; nos interprètes ont mieux aimé le traduire par vivificantia, mot reçu par l’usage, que de créer un néologisme et de dire vivigignentia. Car ζωογονούντων ne signifie pas qui vivifie ou qui fait vivre, mais qui engendre des êtres vivants, des petits, et non des veufs. v 1-8
XXXIX. (Ib. 12, 4.) Quel est le sanctuaire où les femmes pouvaient entrer ?— Que veut dire cette prescription relative à la femme qui a mis au monde un enfant : « Elle ne touchera à rien qui soit saint, et elle n’entrera point dans le sanctuaire ? », De quel sanctuaire est-il question ici, puisque nous lisons dans l’Écriture qu’il n’était permis qu’aux prêtres d’entrer dans le tabernacle jusqu’au second voile intérieur ; et au grand-prêtre seul, au-delà – du voile, dans cette partie où l’arche était dressée ? Le nom de sanctuaire pourrait-il s’appliquer à l’endroit occupé par l’autel des sacrifices, en avant du tabernacle ? Souvent on oublie que la dénomination de lieu saint s’étend au parvis lui-même ; c’est ainsi que nous lisons : « Ils mangeront dans le lieu saint[77]. » Peut-être les femmes entraient-elles ordinairement dans le parvis, pour y offrir les dons qu’elles destinaient à l’autel.
XL. (Ib. 12, 2-8) 1. De l’impureté des femmes en couches. – Quel est le sens de ces paroles : « Si une femme enfante un mâle, elle sera impure pendant sept jours, elle sera impure aussi longtemps que dure sa séparation pour sa purification, et au huitième jour elle circoncira la chair du prépuce de son fils, et elle demeurera trente-trois jours dans son sang pur ; elle ne touchera aucune chose sainte, et elle n’entrera point dans le sanctuaire ? » Quelle différence y a-t-il entre les sept jours où la femme est déclarée impure, et les trente-trois jours où elle éprouve un flux de sang pur ? Car si elle n’est pas impure pendant ces trente-trois jours, pourquoi ne peut-elle toucher à ce qui est saint ? Cela ne vient-il pas de ce qu’elle éprouve encore un flux, quoique ce soit d’un sang pur ? Alors la différence consiste en ce que, pendant qu’elle est impure, elle souille tout ce qu’elle touche ; au lieu que, pendant le temps du flux de sang pur, il lui est seulement défendu de toucher aux choses saintes et d’entrer dans le sanctuaire. Ces mots de l’Écriture : « Aussi longtemps que dure sa séparation pour sa purification », reviennent à ce qui est dit ailleurs que l’impureté contractée par la femme à son retour de mois, dure sept jours, et qu’alors elle rend impur tout ce qu’elle touche [78]. Quant à cette séparation, dont il est parlé, elle signifie que la femme se retirait un peu du monde, pendant ces jours, afin de ne point souiller tout à son approche. Lorsque la femme mettait au monde une fille, la loi doublait les jours de son impureté et les portait au nombre de quatorze ; elle doublait également les jours où la femme devait demeurer dans le flux de sang pur, et les portait au nombre de soixante-six : ainsi, à la naissance d’un fils elle demeurait impure quarante jours ; et à la naissance d’une fille, quatre-vingts. Certains exemplaires grecs disent néanmoins : « dans son sang impur », au lieu de « dans son sang pur. »
2. De l’offrande des femmes au jour de leur purification. – « Lorsque les jours de sa purification seront accomplis, pour un fils ou pour une fille, elle donnera au prêtre, à l’entrée du tabernacle, un agneau d’un an, sans tache, pour être offert es holocauste ; et pour le péché, le petit d’une colombe ou une tourterelle. Le prêtre l’offrira devant le Seigneur, et priera pour elle, et la purifiera de son flux de sang. Telle est la loi qui concerne celle qui a mis au monde un fils ou une fille. Que si sa main ne trouve pas de quoi offrir un agneau, elle prendra deux tourterelles ou deux petits de colombe, l’un pour être offert en holocauste, et l’autre « pour le péché ; et le prêtre priera pour elle, et elle sera purifiée[79]. » La leçon serait donc fautive, si on lisait, comme dans quelques exemplaires : « Elle offrira un agneau d’un an, sans tache, en holocauste, ou un petit de colombe ou bien une tourterelle pour le péché : » la vraie leçon porte, comme plus haut : «et pour le péché, un petit de colombe ou une tourterelle:» car il est dit plus loin : « Si sa main ne trouve pas de quoi offrir un agneau, et elle prendra (etaccipiet) deux tourterelles : » et semble ici un mot superflu car en retranchant cette conjonction, le texte se suit sans embarras : elle prendra deux tourterelles ou deux petits de colombe », l’un pour l’holocauste, et l’autre pour le péché.3.Suite. – Mais pour quel péché ? Est-ce que l’accouchement est un péché ? Ne voit-on point ici cet héritage d’Adam, dont parle l’Apôtre ? « La condamnation, dit-il, nous est venue d’un seul péché[80] ; » et encore : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et ainsi la mort a-t-elle passé dans tous les hommes[81]». Il est facile d’entendre ici le sens de ces paroles : « J’ai été conçu dans les iniquités, et ma mère m’a nourri en son sein dans les péchés.[82]» Pourquoi donc l’Écriture déclare-t-elle que la mère est purifiée par le sacrifice, non l’enfant qu’elle a mis monde ? Est-ce que la purification se rapportait à la mère, principe de cette transmission, en raison du flux de sang ? Elle ne pouvait néanmoins se faire sans la purification du fruit né de ce sang. Que signifie, en effet, ce qui est dit plus haut : « pour un fils ou une fille, elle offrira un agneau d’un an, sans tache, en holocauste ; et pour le péché, un petit de colombe ou une tourterelle », si ce sacrifice ne produisait aucun effet à l’égard des enfants ?
4. Suite. – Si quelqu’un voulait distribuer autrement les paroles du texte, et qu’au lieu de lire : « Elle offrira pour son fils ou pour sa fille un agneau d’un an, sans tache, en holocauste ; et pour le péché, un petit de colombe » il préférât cette leçon : « Lorsque les jours de sa purification auront été accomplis pour son fils ou pour sa fille », on devrait alors entendre ces paroles : « Elle offrira un agneau d’un an, sans tache, en holocauste, et un petit de colombe pour le péché », une fois qu’auront été accomplis les jours de sa purification pour son fils ou pour sa fille. Mais celui qui admettrait cette construction de la phrase serait convaincu d’erreur parle récit de l’Évangile ; car, au moment où l’on accomplit pour le Seigneur, né d’une vierge, cette prescription cérémonielle, plutôt pour rester fidèle à la loi que pressé par le besoin d’expier en lui quelque souillure, voici ce que nous lisons : « Comme ses parents conduisaient l’enfant Jésus, afin d’accomplir pour lui ce qui était usité selon la Loi[83]; » l’Évangile ne dit pas pour sa mère, mais pour lui; et cependant on obéissait dans cette démarche à cette même loi qui prescrit l’oblation de deux tourterelles ou de deux petits de colombe. Ainsi ce divin Sauveur, voulut recevoir le baptême de Jean, qui était un baptême de pénitence pour la rémission des péchés [84], quoiqu’il ne fût coupable d’aucune faute. C’est donc avec raison que plusieurs de nos traducteurs n’ont pas voulu l’admettre sur ce passage du Lévitique la version suivante : à l’occasion d’un fils ou d’une fille ; mais lui ont préféré pour un fils ou pour une fille ils ont reconnu dans cette préposition, l’équivalent du texte grec : ἐφ’ υἱῷ ἢ ἐπὶ θυγατρί. Chose bien digne de remarque ! Le Seigneur voulut venir au monde dans une pauvreté si grande, qu’on ne put offrir pour lui un agneau et un petit de colombe ou une tourterelle, mais deux tourterelles ou deux petits de colombe, comme l’Évangile le rapporte[85] : c’était l’offrande ordonnée par le Lévitique lorsqu’on n’avait pas le moyen d’offrir un agneau.

XLI. (Ib. 13, 2.) Sur la lèpre de l’homme. – « S’il arrive à quelqu’un dans la peau de son corps une cicatrice de marque luisante, et s’il survient dans sa peau la tache de la couleur de la lèpre. » La seconde partie de cette phrase est une sorte d’explication de la première ; dans la crainte que ces mots : « S’il arrive à quelqu’un dans la peau de son corps une cicatrice de marque luisante », ne s’entendent d’une cicatrice ordinaire, de la place d’une plaie après la guérison, l’Écriture déclare qu’elle veut parler de la couleur, car elle ajoute : « Et s’il survient dans sa peau la tache de la couleur de la lèpre. » Quoi qu’il en soit, c’est donc la difformité provenant de la couleur, qu’elle désigne sous le nom de cicatrice. Quant à ces mots tactus leprae, ils ne signifient pas que la couleur soit sensible au toucher, mais que l’homme ou son corps sont comme touchés, atteints par la lèpre, en d’autres termes, souillés et rendus difformes. C’est en ce sens qu’on dit : il est atteint de la fièvre, ou n’en est pas atteint. Enfin l’Écriture appelle tactus, atteinte, la tache elle-même, et elle ne cesse de la désigner dans la suite sous ce nom. Aussi plusieurs de nos commentateurs rejettent tactum, toucher, pour mettre à la place maculam, tache : ce terme semble en effet mieux traduire le sens de la pensée. Mais le texte grec aurait pu, au lieu de ἁφὴν qui signifie toucher, se servir de μῶμον qui veut dire tache, et d’où dérive ἄμῶμον sans tache, immaculé ; cependant l’Écriture n’appelle ordinairement immaculé ἄμῶμον que ce qui est exempt de toute souillure, et non ce qui est seulement exempt d’un défaut qui tient à la couleur ; l’expression μῶμον désigne donc, non pas une tache de couleur, mais la marque d’un défaut quelconque. L’Écriture pouvait alors employer σπιλον pour désigner une tache qui ne tient qu’à la couleur ; l’Apôtre s’est servi de ce terme quand il dit de l’Église, « qu’elle n’a point de tache ni de ride[86]. » Cependant elle n’a employé ni μῶμον, ni σπιλον mais ἁφὴν qui signifie toucher ; ce mot est inusité en grec à propos des couleurs ; néanmoins les Septante n’ont pas craint de le conserver dans leur traduction : pourquoi les Latins ont-ils reculé devant cette hardiesse ? Le texte porte : cicatrice de marque; cela veut dire que la lèpre avait une signification, ou plutôt qu’elle marquait l’homme d’un signe qui le rendait. Facilement reconnaissable parmi les autres.
XLII. (Ib. 13, 3.) Le prêtre déclarait impur l’homme atteint de la lèpre. – Comment est-il dit : « Le prêtre le verra, et le rendra impur », quand il est question de celui qui venait demander au prêtre la guérison de sa souillure ? Mais il rendra impur est mis pour il déclarera impur, si le prêtre découvre en lui ce que l’Écriture dit être la tache de la lèpre.
XLIII. (Ib, 13, 4.) Sur les signes de la lèpre. – « S’il y a du blanc luisant sur la peau, et que cette partie de la peau ne soit pas plus enfoncée que le reste. » Ce blanc luisant qualifie tactus, sous-entendu, c’est-à-dire, la tache de cette couleur, et non le poil. L’Écrituredit plus loin « Mais si la marque posée sur la peau vient à changer[87]; » cette marque n’est rien autre chose que ce que les Latins on rendut plus haut par le mot signum (signe)[88]. Le Grec dans ces deux passages, n’a eu qu’un mot : σημασίας.
XLIV. (Ib. 13, 5, 6.) Sur le signe qu’il n’y a pas de lèpre. – « Le prêtre le séparera pendant sept jours une seconde fois, et le prêtre le verra le septième jour pour la seconde fois, et voilà que la tache est obscure et ne s’est point étendue sur la peau ; le prêtre alors le purifiera, car c’est le signe », c’est-à-dire, qu’il le déclarera pur ; car ce n’est pas la lèpre, mais c’en est seulement le signe.
XLV. (Ib. 13, 4-7.) Sur le signe de la lèpre. – « Mais si la marque de la peau a changé et s’est étendue, après que le prêtre l’a vu pour le purifier ; et qu’il se soit présenté de nouveau au prêtre, que le prêtre l’ait vu, et que la marque ait changé sur la peau ; et le prêtre le rendra impur ; c’est la lèpre. » Ici encore, il rendra impur, est mis pour : il déclarera impur; quant à la conjonction et, c’est un mot superflu employé ordinairement dans l’Écriture. L’Écriture parait donc poser en règle que quand il se manifeste exclusivement une couleur blanche et luisante, différente de la couleur propre à la santé, le prêtre doit exiger une nouvelle épreuve, afin que s’il voit le poil devenir blanc, et l’endroit où se trouve la couleur blanche se déprimer, il signale la présence de la lèpre, en d’autres termes, il mette l’homme au nombre des impurs en le déclarant lépreux. « Si, dit le texte, il y a du blanc luisant sur sa peau[89] », autrement, si le toucher, c’est-à-dire, suivant le sens de l’Écriture, la tache, présente une blancheur luisante : « et que la peau ne paraisse pas déprimée ; que le poil ne soit pas devenu blanc, mais qu’il reste obscur », c’est-à-dire si le poil n’est pas blanc ; « alors le prêtre tiendra séparé celui qui est atteint, pendant sept jours, et le septième jour le prêtre verra[90] » la tache en question ; « et voilà que le toucher (la tache) demeure devant lui ; il n’a pas été changé sur la peau », c’est-à-dire, qu’il n’a pas pris une couleur à part et différente de la peau. Ce qui était malade s’est donc guéri ; mais Dieu veut que cet état de santé subisse encore une nouvelle épreuve qui durera sept jours ; delà les prescriptions suivantes : « Le prêtre le séparera pendant sept jours pour la seconde fois[91] », c’est-à-dire pendant sept autres jours ; « et le septième jour, le prêtre le verra une seconde fois : et voilà que le toucher est obscur ; » cela veut dire, qu’il n’est plus blanc et luisant ; par là même sa couleur né, diffère plus de celle de la santé : « le toucher n’a pas changé » sur la peau, comme il vient d’être dit ; en d’autres termes, il n’est pas différent du reste de la peau ; « et le prêtre le purifiera », c’est-à-dire le déclarera à l’abri de toute atteinte de lèpre ; ce n’est pas qu’il ait eu cette maladie, et qu’il en soit guéri ; mais la lèpre n’a pas existé, parce qu’elle n’a pas apparu à la place de cette tache blanche et luisante, pendant qu’on attendait pour voir si elle serait plus déprimée, et si le poil y deviendrait blanc ; la tache auparavant luisante et blanche, s’est au contraire trouvée obscure, c’est-à-dire sans efflorescence, et semblable au reste de la couleur Ce n’était donc pas la lèpre, c’en était seulement le signe [92], est-il dit, ce n’est pas la lèpre qui avait ainsi apparu ; néanmoins celui qui est par là même déclaré pur de toute lèpre « lavera ses vêtements », parce que ce signe fait voir que ses vêtements auraient dû être lavés ; « et il sera pur. »

XLVI. (Ib. 13, 7, 8.) Même sujet. – L’Écriture ajoute : « Mais si, après que le prêtre l’a vu pour le déclarer pur, la marque de la peau a changé et s’est étendue : » cela veut dire qu’après que le prêtre a vu le lépreux dans un état sain au bout des sept premiers jours, et l’a déclaré pur, un changement s’est produit dans la marque, autrement dans le signe attaché à la peau ; « s’il est vu par le prêtre pour la seconde fois », c’est-à-dire au bout de sept autres jours ; « que le prêtre le voit, et qu’un changement existe dans la marque fixée sur la peau ; » en d’autres, termes, si l’homme attaqué du mal n’est pas demeuré dans cet état de santé relatif, constaté au bout des sept premiers jours, « alors le prêtre le déclarera impur : c’est la lèpre. » Cet état sain, qui avait été remarqué d’abord après sept jours, au lieu de se maintenir, s’est modifié dans le sens d’une rechute dans la maladie, la lèpre est déclarée : il n’est pas nécessaire alors d’attendre que l’endroit de la tache soit déprimé et le poil devenu blanc. En effet, comme la lèpre n’est reconnaissable et pernicieuse que quand elle varie, la transition d’une couleur mauvaise à une bonne, puis de la bonne couleur à la mauvaise constitue à elle seule une preuve si sensible, qu’il n’est plus nécessaire d’attendre, conformément à la loi, les caractères distinctifs de la lèpre, la dépression, de la peau, et la blancheur du poil, mais ce seul changement de couleur indique infailliblement la présence de la lèpre.

XLVII. (Ib. 13, 9-10.) De la lèpre invétérée et de celle qui couvre tout le corps. – On lit ensuite « : Si le toucher (la tache) de la lèpre se trouve en un homme, il viendra au prêtre ; et le prêtre verra, et voici une cicatrice blanche sur la peau ; et elle a changé le cheveu en blanc, et de l’état sain de chair vive en cicatrice. » Si nous retranchons la particule et de cette dernière phrase, car elle n’est là que comme une locution familière à l’Écriture, nous aurons le sens suivant : « Et le prêtre verra, et voici une cicatrice blanche sur la peau ; et elle a changé le cheveu en blanc, de l’état sain « de chair vive en cicatrice. » Voici la construction régulière:« Elle a changé le cheveu en blanc, en cicatrice l’état sain de chair vive », c’est-à-dire, que le lépreux, à l’époque où sa chair était vive et saine, avait un chevelure noire ou de couleur, mais que cette cicatrice a blanchi ses cheveux. « La lèpre invétérée dans la peau est« elle de cette couleur ? le prêtre le rendra impur [93] », en d’autres termes, le déclarera impur. « Il ne le séparera point, parce qu’il est impur. » Ceci parait signifier que du moment que le poil a changé de couleur et se trouve semblable au défaut blanc, de la peau, le lépreux ne doit pas être séparé de ses semblables pour être soumis à une épreuve ; il n’est pas besoin d’attendre pour voir si l’endroit de la tache s’enfoncera ; mais dès là qu’il parait à la peau une couleur blanche différente du reste, et que l’on y voit des poils blancs, d’une couleur différente des autres qui sont sur la chair vive et saine, la lèpre est déclarée invétérée : elle est invétérée, parce qu’elle n’a pas besoin d’être soumise à l’épreuve qui dure deux semaines. « Si la couleur redevient saine et qu’elle change pour être blanche[94] : » l’Écriture après avoir déclaré que l’homme était pur, dès que toute la peau était blanche, parce qu’il ne s’y trouvait plus de nuances différentes, ajouté : « Mais du jour où la couleur vive paraîtra, il sera impur[95] ; » ce qui fait bien voir que la variété de couleur sur la chair est l’indice du mal. Aussi lisons-nous immédiatement après « Si la couleur redevient saine, et qu’elle change pour être blanche, il viendra au prêtre ; et le prêtre verra : et voilà que le toucher (la tache) ayant changé est devenu blanc ; alors le prêtre purifiera le toucher : il est pur[96]. » Ces mots : « Si la couleur redevient saine » ne signifient pas que cette couleur soit saine en effet : car c’est elle, qui en raison de sa différence avec l’autre, rendait l’homme impur. En disant que la couleur redevient saine, l’Écriture marque donc qu’elle redevient ce qu’elle était, c’est-à-dire, blanche, tout ce qui était sain disparaissant. Le lépreux alors redevient pur, parce que toute sa peau est blanche, et qu’il n’y aura plus diversité dans la couleur. Mais comme c’est une locution qui s’écarte trop de l’usage ordinaire, d’employer le verbe redevenir au lieu de disparaître, il semble que le sens des paroles précédentes soit celui-ci : Si la couleur redevient blanche. Dès lors, ces mots : « Si la couleur redevient saine et qu’elle change, pour être blanche », signifieraient : Si la couleur saine redevient blanche.
XLVIII. (Ib. 13, 30.) Sur la lèpre de la tête. – Pourquoi l’Écriture, parlant de la lèpre de la tête, l’appelle-t-elle encore ébranlement θραῦσμά, puisque cette maladie ne se trahit qu’à la couleur des cheveux ou de la peau, où l’on aperçoit une dépression, sans qu’il en résulte ni douleur ni secousse ? L’homme étant comme atteint de ce mal, ne se serait-elle pas servi du mot ébranlement comme synonyme d’atteinte, pour désigner cette sorte d’impureté ?
XLIX. (Ib. 13, 47, 48.) Sur la lèpre des vêtements etc. — Que signifie ce passage relatif à la lèpre des vêtements et des autres objets à l’usage de l’homme : « Dans un vêtement de laine, ou dans un vêtement d’étoupe, dans la chaîne ou dans la laine, dans ce qui est fait de lin, ou dans ce qui est fait de laine ? » Après avoir dit : « dans un vêtement de laine, ou dans un vêtement d’étoupe », à quoi bon le reste ? Car les étoupes et le lin, c’est tout un. L’Écriture a-t-elle voulu parler en premier lieu d’un vêtement, puis de tous les objets faits de laine ou de lin ? Car, pour être faites de laine, les couvertures des chevaux ne sont pas des, vêtements, non plus que les filets, quoiqu’ils soient faits de lin. Elle a donc voulu mentionner d’abord les vêtements en particulier, puis parler en général de tous les objets de laine ou de lin.
L. (Ib. 13, 48.) Sur la lèpre qui s’attache à une peau. – On demande pourquoi le texte porte : « Dans toute peau de travail » (operaria) ? Plusieurs de nos interprètes ont traduit : « dans toute peau travaillée. » Mais le grec ne dit pas ergasmeno ἐργασμἐνῳ δέρματι dans une peau confectionnée, mais ἐργασίμῳ, de travail, faite pour le travail: ce mot se trouve aussi au livre des Rois, dans le passage où Jonathas dit à David : « Demeure au champ pendant le travail du jour », in die operaria, dans le jour ou l’on travaille[97]. Nous sommes donc forcés d’admettre qu’il s’agit ici d’une peau de travail, c’est-à-dire, destinée à servir pendant quelque travail. Car il y a des peaux qui sont uniquement destinées à l’ornementation, et non à un service pénible.
LI. (Ib. 13, 49.) Suite. – Que signifie ce passage : « Dans tout vase de peau propre à servir ? » Ne désigne-t-il pas toute espèce de vase fait de peau ? L’Écriture désigne ici sous le nom de vase, ce que les Grecs nomment σκεῦος terme général qui s’applique à toute espèce d’ustensile. L’expression ἀγγεῖον un autre sens ; on le rend aussi en latin par le mot vas; mais elle désigne principalement des vases destinés à contenir des liquides.

LII. (Ib. 15, 11.) Sur la gonorrhée. — Quel est le sens de ces paroles : « Celui qu’aura touché un homme qui est atteint de la gonorrhée et n’a pas lavé ses mains, lavera ses vêtements, et lavera son corps dans l’eau, et sera impur jusqu’au soir ? » On ne voit pas clairement si c’est, après avoir touché, qu’il « n’a pas lavé ses mains. » Mais le sens est que si un homme, atteint de ce mal, touche quelqu’un, avant d’avoir lavé ses mains, celui qui aura été touché, lavera ses vêtements, etc.

LIII. (Ib. 16, 16.) Sur ces mots : Il priera pour les saints. – 1. Parmi les ordres de Dieu relativement à la manière dont le grand-prêtre doit entrer dans le Saint, qui est au-delà du voile nous lisons celui-ci : « Il priera pour les saints, exorabit pro sanctis, à cause des impuretés des enfants d’Israël, et de leurs injustices, et au sujet de tous leurs péchés. » Que signifie ce commandement ? Comment la prière du prêtre aura-t-elle les saints pour objet, si elle est faite à cause des impuretés des enfants d’Israël et des injustices produites par leurs péchés ? Comme Dieu ne dit pas pour les impuretés des enfants d’Israël, mais à cause de leurs impuretés, faut-il entendre ces paroles.« Il priera pour les saints à cause des impuretés des enfants d’Israël », en ce sens, que cette prière sera faite en faveur de ceux qui sont exempts des impuretés des enfants d’Israël et n’y ont point participé ; non qu’il fallût prier exclusivement pour eux, mais parce qu’ils avaient eux-mêmes besoin de prière, dans la crainte qu’on ne fût persuadé qu’ils étaient d’une sainteté trop parfaite pour avoir besoin de prière dès là qu’ils étaient exempts des impuretés et des injustices de leurs frères ? « Au sujet de tous leurs péchés », doit s’entendre de toutes les injustices causées par toutes leurs prévarications.
2. « Il priera pour les saints à cause des impuretés des enfants d’Israël », signifie peut-être encore que le grand-prêtre demandera pour les saints qu’ils soient à l’abri des impuretés des enfants d’Israël. Mais il priera ne peut avoir ici d’autre sens que : il rendra Dieu propice. De là le nom de propitiatoire, donné à ce que d’autres appellent exoratoire, et le grec ἱλαστἠρἰον. Là où le latin dit : Exorabit pro sanctis, le grec porte ἐξιλάσεται il rendra propice : ce qui ne peut avoir d’application que pour les péchés. Aussi est-il écrit dans les Psaumes : « Il se montre propice pour toutes tes iniquités[98]. » Le sens le plus convenable est donc, celui-ci. Le prêtre rendra Dieu propice, même à ceux qui sont purs de toutes les abominations des enfants d’Israël, car malgré leur sainteté et quoiqu’ils n’aient point pris de part à ces impuretés et à ces injustices, ils ne sont pas sans avoir besoin que Dieu leur soit propice.
3. Il est vrai que nous trouvons dans un exemplaire grec : « Il priera le saint », au lieu de «pour les saints; » et, chose remarquable, le saint, est au neutre, τὸ ἅγιον. On aurait pu, avec le masculin, s’arrêter au sens suivant : « Il priera le Dieu saint », et ne rien voir au delà ; mais quel sens donner à ces mots : « Il priera ce qui est saint ? » Le trouver est difficile, à moins qu’on ne dise que cette chose sainte ne peut être que Dieu lui-même ; d’autant plus que le nom de l’Esprit-Saint, qui est Dieu, est en grec du genre neutre : το πνεῦμα τὸ ἅγιον. Et si cet exemplaire, qui paraît bien châtié, est en même temps le plus digne de foi, peut-être ἐξιλάσεται il priera le Saint, est-il mis pour το πνεῦμα τὸ ἅγιον, il priera l’Esprit-Saint, nom dont on ne peut rendre le genre neutre en latin. Il faut avouer, cependant que dans trois autres exemplaires, l’un grec et les deux autres latins, nous n’avons trouvé que la première leçon : « Il priera pour les saints; » paroles qui pourraient encore s’entendre, non des saints personnages d’Israël, mais des choses saintes, je veux dire, le tabernacle lui-même et tout ce qui avait été consacré au Seigneur. « Il priera pour les saints, à cause des impuretés des enfants d’Israël », signifierait donc : Il rendra Dieu favorable aux choses sanctifiées au Seigneur, et qu’ont souillées les impuretés des enfants d’Israël ; le tabernacle était en effet au milieu d’eux. Voici d’ailleurs l’enchaînement du texte ; après avoir dit : « Il priera pour les choses saintes à cause des impuretés des enfants d’Israël, et de leurs injustices, provenant de tous leurs péchés », l’Écriture ajoute immédiatement : « Il fera la même chose au tabernacle du témoignage, qui a été créé parmi eux, au milieu de leur impureté [99] : » il semble par conséquent qu’il était nécessaire d’apaiser le, Seigneur en faveur des choses saintes, c’est-à-dire, du tabernacle et de tout ce qui y est appelé saint. Un peu après[100], Dieu ne dit-il pas encore que le prêtre, faisant l’aspersion du sang sur l’autel, le sanctifiera et le purifiera de toutes les souillures des enfants d’Israël ?
LIV. (Ib. 16, 20.) Difficulté sur l’adjectif saint – « Il achèvera en priant ce qui est saint. » Achèvera-t-il ce qui est saint ? ou priera-t-il le saint, conformément à ce que nous avens dit plus haut ? Car ici encore le grec se sert du neutre, τὸ ἅγιον. La question est donc celle-ci : Le prêtre achèvera-t-il ses fonctions saintes, en d’autres termes, sanctifiera-t-il parfaitement ce qu’il sanctifie, en priant le Seigneur ? ou bien achèvera-t-il, en priant le Saint, qui n’est autre que le Saint-Esprit ?
LV. (Ib. 16, 20, 27, 29, 33.) Sur les deux boucs, et encore sur la prière du grand-prêtre. — On discute ordinairement à propos des deux boucs, dont l’un doit être immolé, et l’autre, appelé par les Grecs ἄπομπαῖος envoyé dans le désert. Suivant quelques interprètes l’un est offert comme une victime agréable à Dieu, l’autre est chargé des iniquités. Nous lisons il est vrai, que celui qui a conduit le bouc dans le désert, doit, à son retour, laver ses mains et son corps, avant de rentrer dans le camp : mais cette prescription – ne prouve pas la vérité de l’opinion précédente ; et de ce que l’homme qui avait conduit le bouc, avait besoin de se purifier de son contact, il ne s’ensuit pas que cet animal était chargé des iniquités. L’Écriture dit en effet que la même ablution sera obligatoire pour celui qui aura pris les chairs de l’autre bouc et du veau, et les aura brûlées hors du camp ; or, des là que le veau et le bouc, immolés pour le péché, et dont le sang doit servir à l’aspersion du tabernacle, donnent lieu à la même prescription, il ne faut pas chercher légèrement dans un sens allégorique, la différence qui existe entre.cesdeux boucs. – Après avoir fixé ensuite le dixième jour du septième mois pour la fête solennelle du sabbat, où devait se faire, par le ministère du prêtre, seul successeur de son père, l’expiation dont nous avons parlé plus haut, l’Écriture ajoute, en parlant de ce prêtre : « Il priera pour le Saint du Saint[101]. » Je ne sais si cette phrase doit signifier autre chose que : Il priera dans le Saint du Saint, expression particulière employée pour désigner la partie du sanctuaire, au-delà du voile, où n’entrait que le grand-prêtre, et où se trouvaient l’arche du témoignage et l’autel de l’encens. Car le grand-prêtre n’adressera pas sa prière à ce lieu comme à Dieu lui-même, mais il priera Dieu en cet endroit ; de là ces paroles : « Il priera le Saint du saint. » Ici encore, le grec se servant du genre neutre, porte ces mots : τὸ ἅγιον τοῦ ἁγίου. Ces mots signifient-ils l’Esprit-Saint de Dieu Saint, comme si le texte disait formellement : τὸ ἅγιον πνεῦμα τοῦ ἁγίου θεολῦ? Ou plutôt « il priera n’est-il pas mis pour : Il purifiera en priant ? Voici en effet les paroles du contexte : « Il priera le Saint du Saint, et le tabernacle du témoignage, et il priera l’autel, et il priera pour les prêtres et pour tout le peuple. » Comment donc priera-t-il le tabernacle et l’autel, sinon, comme nous l’avons dit, en ce sens qu’il les purifiera en offrant sa prière ?

LVI. (Ib. 17, 3, 4.) Sur la défense d’offrir des sacrifices hors du tabernacle, et dans la suite, hors du temple. – « Quiconque aura tué un veau, ou une brebis, ou une chèvre dans le camp ou hors du camp, et ne l’aura pas apporté à l’entrée du tabernacle du témoignage. » La contravention à cette loi ne constitue un péché et n’attire les châtiments de Dieu, que quand ces animaux sont immolés comme victimes, et non quand ils sont tués pour servir de nourriture, ou pour être employés à tout autre usage. Dieu défend les sacrifices privés, dans la crainte que chacun n’ait la hardiesse d’être son propre prêtre, élit veut qu’on apporte les victimes dans le lieu où le prêtre les lui offrira. Le peuple ne pourra dès lors sacrifier aux idoles : car la loi se propose de le prémunir contre ce penchant funeste. Il n’était donc pas permis d’offrir des sacrifices en dehors du tabernacle, ni, dans la suite, en dehors du temple : aussi le Seigneur condamna-t-il Jéroboam, roi d’Israël, quand il osa établir des veaux d’or auxquels le peuple devait sacrifier ; dans la crainte que ses sujets, forcés d’obéir à cette loi, ne fussent tentés de se séparer de lui, lorsqu’ils iraient à Jérusalem pour y offrir leurs sacrifices dans le temple de Dieu[102]. Mais alors on demande avec raison de quel droit Élie fit un sacrifice en dehors du temple de Dieu ; lorsqu’il fit descendre le feu du ciel et convainquit d’erreur les prophètes des démons[103]. Il me semble qu’il n’y a pas d’autre raison à faire valoir en sa faveur, que celle qu’on donne pour la justification d’Abraham, prêt à immoler son fils à Dieu, sur l’ordre qu’il en avait reçu[104]. Lorsque le législateur commande une chose qu’il a défendue dans la loi, son commandement tient lieu de la loi dont il est l’auteur. Dieu, sans doute, aurait pu employer d’autres moyens miraculeux que les sacrifices, pour l’emporter sur les prophètes des faux dieux, et les convaincre d’erreur ; mais l’Esprit de Dieu, qui animait Élie dans tout ce qu’il fit en cette circonstance, ne pouvait aller contre la loi, qu’il a lui-même donnée.
LVII. (Ib. 17, 10, etc.) Sur la vie du corps et de l’âme. – Quel est le sens de ces paroles de Dieu ; à propos de la défense de manger du sang « L’âme de toute chair, c’est son sang ? » Voici tout le développement de ce passage : « Si un, quel qu’il soit, des enfants d’Israël, ou des prosélytes qui se sont mêlés parmi vous, mange du sang, j’affermirai ma face contre l’âme qui mange du sang, et je la perdrai du milieu de son peuple. Car l’âme de toute chair, c’est son sang. Et je vous l’ai donné, afin qu’il prie pour vos âmes : car son sang priera pour l’âme. C’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : Nulle âme d’entre vous ne mangera non plus de sang[105]. » Si nous disons du sang de la bête que c’est son âme, faut-il en conclure que le sang est aussi l’âme de l’homme ? À Dieu ne plaise ! Comment donc ne lisons-nous pas dans l’Écriture : L’âme de toute chair de bête; mais : « L’âme de toute chair, c’est son sang ? » Qui dit toute chair en général, dit en même temps la chair de l’homme. Est-ce parce qu’il y a quelque chose de vital dans le sang, parce qu’il est le principal soutien de cette vie charnelle, en se répandant par toutes les veines dans le corps tout entier, qu’on donne le nom d’âme, non à la vie qui continue en se séparant du corps, mais à cette vie corporelle qui finit à la mort ? En nous servant du même nom, nous disons de cette vie, qu’elle est temporelle, et non éternelle ; mortelle, au lieu d’être immortelle ; tandis que l’immortalité est l’essence de l’âme, portée par les Anges dans le sein d’Abraham[106] ; de l’âme à qui il fut dit : « Tu seras aujourd’hui avec moi dans « le paradis[107]; » de l’âme enfin, qui brûlait au milieu des tourments de l’enfer[108]. C’est donc en prenant l’âme dans le sens de cette vie temporelle, que Paul disait : « Je n’estime pas mon âme plus précieuse que moi [109] », voulant montrer par là qu’il était prêt à donner sa vie pour l’Évangile. Car l’âme, entendue dans l’autre sens, celle qui se sépare du corps, il l’estimait la plus précieuse, et c’est pour elle qu’il acquérait de si grands mérites. On trouve encore d’autres locutions semblables. Cette vie temporelle du corps a donc son principal siège dans le sang. Mais que signifient ces mots : « Je vous l’ai donné à l’autel de Dieu, afin qu’il prie pour votre âme[110] », comme si l’âme pouvait prier pour l’âme ? Est-ce que le sang prie pouf le sang, et serions-nous en souci pour notre sang, lorsque nous voulons qu’on prie pour notre âme ? Ce serait absurde.
2. Mais ce qui serait plus absurde encore, ce.seraitd'imaginer que le sang d’un animal pût intercéder en faveur de l’âme de l’homme, qui est immortelle : surtout, lorsque l’Écriture déclare, dans l’Épître aux Hébreux, que le sang des anciennes victimes n’a servi de rien pour apaiser Dieu irrité par les péchés des hommes ; mais qu’il était le symbole de la grâce. « Il est impossible en effet, dit-elle, que le sang des taureaux et de boucs ôte les péchés[111]. » Une seule explication est donc admissible : comme le Médiateur, figuré à l’avance par tous ces sacrifices qu’on offrait pour les péchés, interpose sa prière en faveur de notre âme, ce nom d’âme a été donné à ce qui en est la figure.
3. Or, c’est l’usage qu’une chose qui en signifie une autre, prenne le nom de la chose signifiée ; c’est ainsi que nous lisons : « Les sept épis sont sept années[112] ; » au lieu de : signifient sept années ; et encore : « Les sept bœufs sont sept années : » il existe beaucoup d’exemples semblables. De là cette parole:« La pierre était le Christ[113]. » L’Apôtre ne dit pas : La pierre signifie le Christ ; mais il s’exprime comme si elle l’était en effet, quoique assurément elle ne le fût qu’en figure et non en réalité. Ainsi le sang s’appelle-t-il âme dans le langage symbolique, parce que cette sorte de vie qu’il communique au corps, lui donne de l’analogie avec l’ âme. Cependant, si quelqu’un s’imagine que l’âme d’une bête est dans son sang, nous n’avons pas à nous embarrasser de cette question. Seulement il faut bien se garder de croire que l’âme humaine, qui soutient la vie de la chair et possède le don de la raison, ne soit que du sang cette erreur doit être combattue par tous les moyens. Cherchons encore des manières de parler, où le contenant signifie le contenu, afin de faire voir que, si l’âme est retenue dans le corps par le sang, car elle se retire quand il est répandu, c’est avec beaucoup de raison que l’âme est signifie par le sang, et que le sang prend le nom de l’âme. C’est ainsi qu’on nomme Église le lieu où l’Église se rassemble. Or, l’Église, ce sont les hommes dont il est parlé dans ce passage : « Afin de se donner à lui-même une Église pleine de gloire [114]. » Le même Apôtre cependant nous atteste que ce nom désigne encore la maison de prière : « N’avez-vous pas, dit-il, des maisons pour manger et pour boire ? ou méprisez-vous l’Église de Dieu[115] ? » L’usage n’a-t-il pas encore prévalu de dire qu’on se rend à l’Église ou qu’on s’y réfugie, pour signifier le lieu et les murs mêmes qui contiennent l’assemblée des fidèles ? Il est encore écrit« Celui qui prive le mercenaire de sa récompense, répand le sang[116]. » Aux termes de l’Écriture la récompense c’est le sang, parce que c’est elle qui alimente la vie, autrement dit, le sang.
4. Le Seigneur dit : « Si vous ne mangez ma chair, et si vous ne buvez mon sang, vous n’aurez point là vie en vous[117] ; » pourquoi donc la défense faite au peuple d’user du sang des sacrifices offerts pour les péchés, si tous ces sacrifices étaient la figure du sacrifice unique, source véritable du pardon des péchés ? Certainement nul n’est empêché de prendre en aliment le sang de ce sacrifice ; tous ceux qui, au contraire, veulent avoir la vie sont conviés à le boire. Il faut donc rechercher pour quel motif il est rigoureusement défendu à l’homme, sous la Loi, de manger du sang, tandis qu’il lui est prescrit de le répandre en l’honneur de Dieu. Quant aux raisons pour lesquelles le sang est mis pour l’âme, il me semble que nous venons de les développer suffisamment.

LVIII. (Ib. 18, 7-8.) Sur la défense de contracter mariage à divers degrés de parenté. — 1° avec, la mère et la belle mère. – « Tu ne découvriras pas la honte de ton père, et tu ne découvriras pas la honte de ta mère : car c’est leur honte. » Dieu défend au fils le commerce charnel avec sa mère : car c’est le déshonneur du père et de la mère. Il défend ensuite le même crime avec la belle-mère, quand il dit : « Tu ne découvriras pas la honte de la femme de ton père : car c’est la honte de ton père. » Il fait voir par là que le péché commis avec la mère déshonore l’un et l’autre, c’est-à-dire, le père et la mère ; tandis que le péché commis avec la belle-mère ne déshonore que le père.
LIX. (Ib. 18, 9.) Suite : 2° Avec les sœurs unilatérales. – « Tu ne découvriras point la honte de ta sœur de père ou de mère, qui est née dans la maison, ou dehors ; tu ne découvriras point leur honte. » Celle qui est née dans la maison, s’entend de la sœur du côté paternel ; celle qui est née dehors, vient du côté de la mère, dans le cas où celle-ci l’aurait eue d’un premier mariage et l’aurait fait entrer avec elle dans la maison, quand elle prit pour époux le père de celui qui, suivant la défense de l’Écriture, ne doit pas découvrir la honte de sa sœur. Il semblerait que Dieu n’a pas défendu ici, qu’il a en quelque sorte passé sous silence, le commerce charnel avec une sœur née du même père et de la même mère ; car il dit : « Tu ne découvriras point la honte de ta sœur de père ou de mère », et non « de père et de mère. » Mais qui ne voit que cette union tombe à bien plus forte raison sous le coup de la défense divine ? Car s’il n’est pas permis de découvrir la honte d’une sœur unilatérale, combien plus, d’une sœur de père et de mère ? Mais d’où vient qu’après avoir intercalé dans son récit la défense d’avoir commerce même avec la petite-fille, née du fils ou de la fille, l’Écriture, ajoute ce qui suit : « Tu ne découvriras point la honte de la fille de la femme de ton père[118] ? » Si elle s’en était tenue là, nous comprendrions encore que le commerce honteux soit défendu avec la fille de la belle-mère, qui, étant née de l’union de la belle-mère avec un premier mari, n’est sœur de celui que regarde la défense ni du côté paternel, ni du côté maternel ; mais en ajoutant : « Elle est ta sœur de père, tu ne révéleras pas sa honte » elle fait voir que la prohibition concerne la sœur qui est née du père et de la belle-mère et dont il a été parlé plus haut. L’Écriture a-t-elle voulu réitérer cette défense en termes plus formels, parce qu’elle l’avait précédemment formulée en termes obscurs ? souvent en effet elle use de ce procédé.
LX. (Ib. 18, 14.) Suite : 3° Avec la femme de l’oncle du côté paternel. – « Tu ne découvriras point la honte du frère de ton père, et tu ne t’approcheras point de sa femme. » Le sens de ces paroles : « Tu ne révéleras point la honte du frère de ton père ; » c’est-à-dire, de ton oncle, est éclairci, par ce qui suit : « Tu ne t’approcheras point de sa femme. » L’Écriture veut qu’on le comprenne : déshonorer la femme de l’oncle, c’est déshonorer l’oncle lui-même ; comme le déshonneur infligé à la femme du père, rejaillit sur la personne du père.
LXI. (Ib. 18, 16.) Suite : 4° Avec la femme du frère. – « Tu ne découvriras point la honte de la femme de ton frère : car c’est la confusion de ton frère. » On demande si cette défense doit avoir son application du vivant du frère, ou après sa mort ; et ce n’est pas une petite question. Si nous disons que l’Écriture parle de la femme du frère, quand ce dernier vit encore, il est hors de doute que cette prohibition se trouve contenue dans la loi générale, qui.défendl'union de l’homme avec la femme de son prochain[119]. Quelle est donc la raison de ces défenses particulières, concernant les différentes personnes qui sont de la maison, selon le mot de l’Écriture ? Sans aucun doute, la défense relative à la femme du père, c’est-à-dire, à la belle-mère, existe du vivant du père ; il en est de même après sa mort. Car, s’il est défendu de souiller par une union adultère la femme du prochain, à combien plus forte raison ce crime commis du vivant du père tombe-t-il sous la loi ? L’Écriture semble donc parler (les personnes, qui, n’ayant point de maris, pourraient contracter mariage, si la Loi ne s’y opposait, comme c’est, dit-on, la coutume chez les Perses. Mais si nous interprétons le texte en ce sens, qu’à la mort du frère, il soit défendu à son frère d’épouser sa veuve, alors nous allons à l’encontre de l’Écriture, qui en fait un commandement, quand le premier mari est mort sans enfants, afin, dit-elle, de lui susciter une famille[120] en rapprochant le commandement de la défense, il faut donc, pour ne pas les mettre en contradiction, voir ici une exception, et reconnaître qu’il n’est permis à personne de contracter mariage avec la femme de son frère, si celui-ci est mort laissant des enfants ; ou bien encore dans le cas où la belle-sœur a divorcé d’avec son mari. Car, suivant la parole du Seigneur, « Moïse avait « permis aux Juifs, à cause de la dureté de leur « cœur, de donner un acte de divorce[121] », et l’on aurait pu croire que le renvoi de la femme autorisait le frère de l’époux à s’unir avec elle, et qu’il n’y avait pas à craindre de tomber dans l’adultère, dès lors qu’elle était divorcée d’avec son mari.
LXII. (Ib. 18, 17.) Suite : 5° Avec la belle-fille. – « Tu ne découvriras point la honte de la femme et e sa fille. » Cela veut dire : Que personne ne se croie permis de contracter mariage avec la fille de sa femme. Car il est défendu de révéler la honte de sa femme et de sa fille, c’est-à-dire de s’unir à l’une et à l’autre, à la mère et à la fille.
LXIII. (Ib. 18, 17, 18.) Suite : 6° Avec la petite-fille et avec la sœur de la femme. – « Tu ne prendras point la fille de son fils et la fille de sa fille. » Il est défendu de contracter mariage même avec la petite-fille, née du fils ou de la fille de celle qu’on a épousée. « Tu ne prendras pas sa sœur pour seconde femme, à cause de la jalousie. » Ici Dieu ne défend point la polygamie, qu’il avait permise aux anciens pour favoriser la propagation de la race humaine, mais il défend de contracter mariage avec les deux sœurs : si Jacob contracta une double union de ce genre, c’est, apparemment, parce que cette Loi n’était pas encore promulguée, ou parce qu’il avait été victime d’une supercherie dans son premier mariage, et que la femme qu’il prit ensuite était plus de son choix : il ne devait cependant pas renvoyer la première, parce qu’il l’eût exposée à la fornication[122]. Ce que l’Écriture ajoute : « à cause de la jalousie », signifie-t-il : dans la crainte qu’il ne s’élève entre les sœurs une jalousie condamnable, même entre des femmes qui ne seraient point si rapprochées parle sang ? ou plutôt n’est-il pas défendu d’épouser la sœur de sa femme, avec l’intention et dans le dessein formel d’exciter celle-ci à la jalousie ?
LXIV. (Ib. 18, 19.) Défense de s’approcher de la femme dans ses mois. – « Tu ne t’approcheras point de la femme, séparée à cause de son impureté, pour découvrir sa honte ; » en d’autres termes, tu ne t’approcheras point de la femme qui éprouve ce qui revient chaque mois. En effet la Loi voulait qu’elle fût séparée en raison de son impureté. Après avoir suffisamment fait connaître plus haut cette défense[123], pourquoi l’Écriture a-t-elle voulu la renouveler encore à la suite de ces prescriptions ? Est-ce dans la crainte que ce qu’elle a dit précédemment ne soit pris dans un sens figuratif, ou bien que placée ici, cette défense aura la force des lois prohibitives, demeurées certainement obligatoires même sous la Loi nouvelle, après que les ombres des anciennes observances se sont dissipées ? Dieu semble avoir eu cet objet en vue dans les révélations d’Ézéchiel : car, entre les péchés.quiconstituent, non une faute figurative, mais une iniquité réelle et manifeste, le prophète mentionné la faute de l’homme qui s’approche d’une femme dans ses mois ; et parmi les mérites du juste, l’abstention de cette faute [124]. En cela, Dieu ne condamne pas l’œuvre de la nature, mais il défend le péché qui nuit à la conception de l’enfant.
LXV. (Ib. 18, 20.) Sur l’adultère.—« Tu ne t’approcheras point de la femme de ton prochain pour en avoir des enfants et te souiller avec elle. » Nouvelle défense de l’adultère qui se commet avec la femme du prochain : cette défense était déjà renfermée dans le Décalogue[125]. Il semble par conséquent qu’elle a pour but d’empêcher de prendre en mariage, même après la mort de leurs maris, les femmes dont la loi ne veut pas qu’on découvre la honte.
LXVI. (Ib. 18, 21.) Défense d’adorer le prince. – « Tu ne donneras point de tes enfants pour servir le prince. » Je ne vois pas que ce passage puisse s’interpréter autrement que d’un prince adoré comme un Dieu. Car, au lieu de douleuein, le grec porte ici λατρεύειν, que le latin traduit ordinairement par le verbe servire, mais dont le sens est bien différent. En effet, servir les hommes comme font les esclaves, ce qui se rend en grec par douleuein, et non par λατρεύειν, l’Écriture ne le défend pas ; tandis que servir, dans le sens de douleuein est point dû aux hommes, mais à Dieu seul, suivant ce mot de l’Écriture : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul[126]. » Mais ce qui prouve qu’il s’agit dans ce passage d’un prince à qui l’on rend un culte pareil à celui qu’on rend à Dieu, ce n’est pas seulement le choix de ce verbe λατρεύειν, mais encore ce qui suit dans le texte : « Et tu ne profaneras pas le saint nom », soit de Dieu, dont le peuple rendrait à un prince ce culte coupable ; soit du peuple d’Israël lui-même, à qui il a été dit : « Soyez saints, parce que je suis saint. » C’est donc avec infiniment de raison que Dieu ajoute : « Je suis le Seigneur[127] : » c’est-à-dire, le service qu’on rend à Dieu, n’est dû qu’à lui seul.
LXVII. (Ib. 18, 25.) Sur les péchés infâmes. – Ces paroles de l’Écriture : « Et la terre eut horreur de ceux qui l’habitent », à cause de leurs crimes, dont elle vient de faire l’énumération, ne doivent pas s’entendre en ce sens que la terre soit capable d’éprouver des sentiments et de l’horreur ; mais la terre signifie ici les hommes qui en sont les habitants. Lors donc que des hommes se rendent coupables de pareils crimes, ils souillent la terre, en souillant ceux qui les imitent ; et la terre les a en horreur, parce qu’ils ; sont un sujet d’effroi pour les hommes qui sont purs de toutes ces infamies,

LXVIII. (Ib. 19, 11.) Sur le mensonge. – « Vous ne déroberez point, vous ne mentirez point, et personne ne fera de calomnie contre son prochain. » La défense relative au vol se trouve dans le Décalogue. Je serais étonné que ces autres prohibitions : « Vous ne mentirez « point, et personne ne fera de calomnie, contre son prochain », ne fussent aussi contenues dans ce commandement du Décalogue : « Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain[128] : » car il ne peut pas y avoir de calomnie sans mensonge, et le mensonge est renfermé dans l’idée générale de faux témoignage. Mais ce qu’il y a de mal dans ces actions peut-il être compensé par un bien qui autorise à les faire ? Question d’une haute importance. C’est une persuasion presque universelle qu’il est permis de mentir pour sauver sa vie, quand ce mensonge ne nuit à personne. Peut-on en dire autant du vol ? N’est-il pas permis de dérober, lorsque le vol ne fait tort à personnel Cela est parfaitement permis, quand on se propose le bien de celui que l’on vole : ainsi, par exemple, si quelqu’un veut se donner la mort, il est permis de lui prendre son épée. Quant à la calomnie, je ne sais sil est possible d’en user contre quelqu’un pour son bien : à moins qu’on n’admette, par exemple, que Joseph cri accusant faussement ses frères, d’avoir volé sa coupe et d’être des espions, se proposait de leur procurer dans la suite une grande joie[129]. Si nous essayons de préciser ces choses, peut-être nous sera-t-il permis de dire qu’il n’y a de vol que quand on l’ait du tort au prochain en dérobant secrètement ce qui lui appartient ; qu’il n’y a de calomnie formelle, que quand on nuit au prochain, en l’accusant d’un crime supposé. Mais pour le mensonge nous ne pouvons dire qu’il n’existe que quand il est nuisible au prochain : que le prochain soit lésé ou non, il y a mensonge, dès qu’on dit sciemment une fausseté. La question si importante de savoir si le mensonge peut parfois être juste, serait d’une facile solution, si nous, ne considérions que les commandements, sans tenir compte des exemples. Qu’y a-t-il en effet de plus positif que ce précepte : « Vous ne mentirez point ? » Cette formule ressemble à celle-ci : « Tu ne te feras point d’idole [130] : » ce qui ne peut jamais être licite. C’est ainsi encore qu’il est dit : « Vous ne commettrez point de fornication ; » or, qui dira que la fornication puisse être jamais permise ? Et encore : « Tu ne déroberas point ; » d’après la définition que nous avons donné, le vol ne peut jamais être juste. Et ensuite : « Tu ne tueras point », car, quand un homme est mis à mort pour une juste cause, c’est la Loi qui le frappe, et non pas vous : pourrait-on dire également que quand un homme ment pour un juste motif, c’est la Loi qui ment ? Mais les exemples compliquent extrêmement cette question. Les sages-femmes égyptiennes ont menti, et Dieu les en a récompensées[131]; Raab a menti en faveur des espions envoyés dans le pays, et ce mensonge fut son salut[132]. De ce que la Loi dit : « Vous ne mentirez point », faut-il conclure que dès lors il n’est plus permis de mentir même dans un cas semblable à celui où nous lisons que Raab usa de mensonge ? Il faut croire que le mensonge a été défendu, parce qu’il était injuste plutôt que de se persuader qu’il est devenu injuste, à cause de la défense. Les sages-femmes, avons-nous dit, furent récompensées, non pour leur mensonge, mais pour la grâce de la vie qu’elles accordèrent aux enfants des Hébreux ; leur faute, atténuée par leur bonté, ne fut que vénielle, mais n’en a pas moins constitué un péché. Ce que nous disions là, il est donc permis d’en faire l’application à la conduite de Raab : la délivrance des espions lui mérita sa récompense, et cette délivrance même rendit son mensonge digne de pardon. Or, le pardon suppose une faute. Mais il faut bien se garder de croire que les autres péchés ont un égal droit au pardon, quand ils ont pour excuse la délivrance de nos semblables. Une telle erreur serait la source de maux intolérables, et tout à fait dignes d’exécration.

LXIX. (Ib. 19, 13.) Défense de nuire au prochain. – « Tu ne nuiras pas au prochain. » Si les hommes savaient ce que c’est que de nuire et de ne pas nuire, l’observation de ce précepte général leur suffirait pour conserver l’innocence. Car tout ce qu’il est défendu de faire à autrui se résume dans ce commandement : « Tu ne nuiras pas au prochain. » C’est en ce sens qu’il faut entendre le précepte qui suit. « Tu ne raviras pas », c’est-à-dire, tu ne nuiras pas en ravissant ; autrement il pourrait arriver qu’on nuisit en évitant de ravir. Ainsi il faut prendre une épée aux mains d’un insensé, et on lui nuirait si on ne la lui ravissait comme on le doit.

LXX. (Ib. 19, 17,18.) Sur la correction fraternelle. – Pourquoi à la suite de ces recommandations : « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur ; tu reprendras ton prochain, et tu ne participeras point à son péché », ces mots qui suivent immédiatement : « Et ta main n’est pas vengée ? » Cela signifie-t-il : n’est pas punie pour.lemal qui se commet ? Ton intention est bonne, en effet, quand tu corriges ton prochain lorsqu’il pèche, pour que ta négligence ne te rende pas participant de son péché. C’est ce que recommande l’avis qui précède : « Tu ne haïras point ton prochain dans ton cœur. » Car, celui que tu reprends peut croire que tu le hais, bien que la haine ne soit pas dans ton cœur. Ou bien, par ces paroles : « ta main n’est pas vengée », le Seigneur ne recommande-t-il pas plutôt d’oublier les toits d’autrui et de ne point se laisser aller au désir de la vengeance ? Que veut dire en effet : vouloir tirer vengeance, sinon se réjouir ou se consoler des malheurs des autres ? C’est en ce sens que Dieu dit : « Tu ne te mettras pas en colère contre les enfants de ton peuple[133]. » Car la définition exacte de la colère, c’est le désir de la vengeance. Plusieurs exemplaires portent cependant : « Et ta main ne se vengera pas ; » c’est-à-dire, en reprenant ton frère, garde-toi de céder à la vengeance, mais consulté plutôt l’avantage, de celui que tu reprends.

LXXI. (Ib. 19, 28.) Sur les pratiques de deuil usitées parmi les païens. – « Tu ne feras pas d’incisions sur ton corps, à l’occasion d’une âme. » A l’occasion d’une âme, c’est-à-dire, à l’occasion des funérailles d’un mort : car cette âme qui s’en va est la cause de la douleur. Le deuil en est l’expression, et plusieurs nations ont l’habitude de se faire alors des incisions sur la chair. Dieu s’élève contre cet usage.

LXXII. (Ib. 20, 5.) Sur l’adoration des princes. – « Au point qu’ils commettront la fornication envers les princes, du milieu de leur peuple. » Cela ne veut pas dire : les princes du peuple; mais que les coupables commettront la fornication parmi leur peuple. L’Écriture parle ici des princes auxquels on rendait les honneurs divins. C’est ainsi que l’Apôtre dit : « Selon le prince de la puissance de l’air [134] », et le Seigneur dans l’Évangile : « Maintenant, le prince de ce monde est jeté dehors[135]; » et encore : « Voici le prince de ce monde qui vient, et il ne trouvera rien en moi[136]. »
LXXIII. (Ib. 20, 10.) Sur le châtiment des adultères. « Quiconque commettra un adultère avec la femme d’un autre homme, ou quiconque commettra un adultère avec la femme de son prochain, il faut qu’ils meurent: « ces derniers mots, sont au pluriel : qu’ils meurent : c’est-à-dire, celui qui a abusé, et celle dont on a abusé. L’Écriture a voulu mettre ici quelque différence entre l’homme en général et le prochain, quoique, en beaucoup d’endroits, elle entende par le prochain tout homme quel qu’il soit. Mais que signifie cette locution, puisque l’Écriture dit du prochain ce qu’elle vient de formuler en parlant de l’homme ? Si l’on doit.respecterla femme d’un homme quelconque, la logique ne veut-elle pas qu’on respecte bien plus encore la femme du prochain ? S’il avait été question d’abord du prochain, il aurait fallu, qu’on ne se crût pas autorisé à commettre l’adultère avec la femme de celui qui n’est pas notre prochain, parler ensuite de l’homme en général ; mais dans ce cas, le moindre mal n’étant pas permis, à combien plus forte raison, un mal plus grave ? Car s’il est défendu d’abuser de la femme d’un homme quelconque, combien plus de la femme du prochain ? Cette répétition ne serait-elle pas l’explication de ce qui précède, et l’Écriture n’aurait-elle pas pour but de nous faire comprendre combien grave est l’adultère commis avec une femme mariée, puisque celui qui s’en rend coupable, abuse de la femme de son prochain ? Car tout homme est notre prochain.
LXXIV. (Ib. 20, 16.) Sur le péché d’une femme qui se livre à une bête. – « Si une femme se prostitue à une bête, vous tuerez la femme et la « bête ; qu’ils meurent : ils sont coupables. » On demande comment un animal peut-être coupable, puisqu’il est privé de raison et ne peut être soumis à aucune loi. Il y a une figure, appelée métaphore par les Grecs, qui attribue à un être inanimé ce qui convient à un être animé ; c’est ainsi qu’il est permis de dire : un vent mauvais une mer en courroux : n’est-ce pas par un tour de phrase semblable que l’on prête à l’être privé de raison ce qui n’appartient qu’à l’être raisonnable ? La vraie cause pour laquelle la loi commande de tuer l’animal, c’est que la vue de cet être devenu abominable perpétue la mémoire d’un fait qui doit être à jamais oublié.
LXXV. (Ib. 20, 17.) Sur le péché commis avec une sœur unilatérale, et le châtiment de ce péché. – « Quiconque aura pris sa sœur de père ou de mère, et aura vu sa honte ; c’est une abomination : ils seront exterminés en présence de leur nation. Il a découvert la honte de sa sœur, ils porteront leur péché. » Que veut dire : « il a vu » dans ce passage, sinon qu’il l’a connue en dormant avec elle ? C’est ainsi qu’il est dit dans l’Écriture : « Il connut sa femme [137] », pour ; il s’unit à elle. Et que signifient ces mots : « Ils porteront leur péché », quand il est parlé de leur châtiment ? L’Écriture n’a-t-elle pas voulu désigner sous le nom de péché, le châtiment même du péché ? V 20
LXXVI. (Ib. 20, 20.) Sur le mariage avec les parents aux degrés prohibés. – « Quiconque a dormi avec sa parente, a découvert la honte de sa parenté : ils mourront sans enfants. » Jusqu’où doit s’étendre cette parenté, puisqu’il est permis, et l’a toujours été, de contracter mariage avec une parente d’un degré éloigné ? Cette défense doit s’entendre des degrés prohibés par la Loi, et c’est à ces degrés qu’il est fait allusion dans ces paroles : « Quiconque aura dormi avec sa Parente ; » l’Écriture a même omis de mentionner certaines parentes, dont il faut tenir compte, par exemple, la sœur de père et de mère, et la femme du frère de la mère, autrement de l’oncle maternel. Elle a néanmoins défendu le mariage avec la femme de l’oncle paternel, quoiqu’il n’y ait point consanguinité, mais affinité en ce cas. Mais que veulent dire ces paroles : « Ils mourront sans enfants », puisque avant cette loi, il naissait des enfants de semblables unions, et qu’il en naît encore aujourd’hui ? Faut-il croire que Dieu a voulu poser en loi que tous les enfants nés de ces mariages ne seront pas considérés comme des enfants légitimes, c’est-à-dire, qu’ils n’auront aucun droit à la succession de leurs parents.
2. (Ib. XX. 25.) Sur la séparation du pur et de l’impur établie par Dieu. – « Et vous ne rendrez pas vos âmes dignes d’exécration, en mangeant des bêtes, des oiseaux et de tous les animaux qui rampent sur la terre, que j’ai écartés de vous comme impurs. » Il semble résulter de ce passage que ces animaux n’étaient point naturellement impurs, mais seulement eu égard à quelque signification mystérieuse ; car ces mots « je les ai écartés de vous comme impurs », donnent lieu de penser qu’ils n’auraient pas été impurs pour Israël, si Dieu n’avait lui-même établi cette séparation. V 27
LXXVII. (Ib. 20, 27.) Sur la punition des devins. – « Si un homme ou une femme ont affaire à un ventriloque ou à un enchanteur, qu’ils meurent tous deux ; vous les lapiderez : ils sont coupables. » Est-ce l’homme et la femme ; ou l’homme et le ventriloque ; ou la femme et le ventriloque ou devin ? Mais il s’agit plus probablement du devin et de celui qui le consulte.

LXXVIII. (Ib. 21, 7.) Sur le mariage des prêtres. – « Ils ne prendront point de femme déshonorée et souillée, ni de femme renvoyée par son mari ; parce qu’il est consacré au Seigneur son Dieu. » Le premier membre de la phrase porte : «ils ne prendront point », et le second « parce qu’il est consacré» : c’est que la loi s’applique et au grand nombre des prêtres qui exerçaient leurs fonctions dans le même temps, et à chacun d’eux, comme l’indiquent ces mots : « parce qu’il est saint ; » ce tour de phrase est familier à l’Écriture. Plus loin, en effet, elle ne parle que du grand-prêtre, qui entrait dans le Saint des Saints. Et cependant elle termine par des paroles qui regardent les prêtres en général. « Et tu le sanctifieras ; il présentera les oblations du Seigneur votre Dieu ; il est saint, parce que moi le Seigneur, qui les sanctifie, je suis saint moi-même [138]. » En effet, quoique nous lisions :« il présentera lui-même les oblations du Seigneur votre Dieu », cette fonction n’était pas dévolue au seul grand-prêtre, mais encore aux prêtres du second rang. La défense comprise dans ces paroles : « Ils ne prendront point de « femme déshonorée et souillée, ni de femme « renvoyée par son mari », s’applique donc aussi aux prêtres du deuxième ordre : il est dit plus loin que le grand-prêtre ne pouvait également épouser qu’une vierge.
LXXIX. (Ib. 21, 10.) Sur le nom du grand-prêtre et l’onction de son sacerdoce. – « Le grand-prêtre entre ses frères », c’est-à-dire, celui qui est grand parmi ses frères, celui à qui seul appartient la dignité de grand-prêtre ; « sur la tête du quel a été répandue l’huile de l’onction, oleochristo. » C’est le nom que l’Écriture donne à cette huile.
LXXX. (Ib. 21, 10.) Sur les vêtements du grand-prêtre. – « Et dont les mains ont été consacrées pour revêtir les vêtements. » Il ne peut être question ici que des vêtements sacerdotaux, décrits précédemment avec un soin si minutieux.
LXXXI. (Ib, 21, 10-11.) Sur la défense faite au grand prêtre de prendre part au deuil de son père et de sa mère. – « Il n’ôtera point la mitre de dessus sa tête, et ne déchirera point ses vêtements, et n’approchera point de toute âme morte. » On voit ici la réitération de la défense adressée au prêtre de prendre part à des funérailles, en ôtant la mitre qui couvrait sa tête et en déchirant ses vêtements. Déchirer ses vêtements, était en effet, une pratique de deuil usitée chez les anciens, comme on le voit par ce qui est rapporté de Job, lorsqu’on lui annonce que ses enfants venaient d’être écrasés[139]. Ôter la mitre de dessus sa tête pouvait passer pour une marque de deuil, parce que c’était se dépouiller d’une parure. Mais quel est le sens de ce passage : « Il n’approchera d’aucune âme morte ? » Comment un corps mort peut-il s’appeler une âme morte ? Question d’une solution vraiment difficile ; et cependant cette manière de parler, inouïe parmi nous, est d’un usage fréquent dans l’Écriture. Séparé de l’âme, le corps prend donc le nom de celle qui le dirigeait autrefois, parce qu’il doit lui être rendu au, jour de la résurrection ; de même que l’édifice qu’on nomme église, conserve ce nom, lors même que l’Église, c’està-dire l’assemblée formée d’hommes, est sortie de son enceinte. Mais comme le corps ne prend jamais le nom de l’âme, tant que l’homme est en vie, n’est-ce point chose étonnante qu’il prenne ce nom, quand il est séparé d’elle par la mort ? Si nous entendons cette mort de l’âme dans le sens de sa séparation d’avec le corps, en sorte que l’on dise l’âme morte, non que sa nature ait péri, mais parce qu’elle est morte au corps dont elle n’use plus, bien qu’elle vive dans ce qu’elle a d’essentiel ; de la même manière que l’Apôtre dit que nous sommes morts au péché[140], non que notre nature ait péri, mais parce que nous n’usons plus du péché : comment comprendre cette défense faite au prêtre d’approcher d’une âme morte, puisqu’on peut bien approcher d’un corps mort, mais non d’une âme qui en est séparée ? L’Écriture nommerait-elle âme cette vie du temps qui a cessé évidemment dans un cadavre, dont s’est échappée une âme immortelle ? Ce n’est pas que cette vie fût l’âme elle-même ; mais, devant sa subsistance due à la présence de l’âme, elle lui aurait emprunté son nom : c’est ainsi, comme nous l’avons déjà dit[141] en parlant du sang, qu’il faut entendre ce passage : « L’âme de toute chair c’est son sang[142]. » Or, dans un cadavre le ; sang lui-même est mort ; car il ne quitte pas le corps en même temps que l’âme. L’Écriture défend donc formellement au grand-Prêtre de prendre part à la sépulture, même de son père et de sa mère, mais cette défense, elle ne l’étend pas au prêtre de second ordre. Car elle ajoute : « Il ne deviendra pas impur en approchant de son père et de sa mère. » Et voici l’ordre logique des mots : « Il ne deviendra pas impur en approchant de son père, ni en approchant de sa mère. »
LXXXII. (Ib. 21, 12.) Défense faite au grand-prêtre de quitter le tabernacle pour assister à des obsèques. Pouvait-il se marier ? – « Il ne sortira point non plus des lieux saints : » dans le temps, cela ne laisse aucun doute, où se célébraient les funérailles des siens ; durant les sept jours où il se sanctifiait, il lui était également défendu de sortir du sanctuaire[143] ; mais il n’était pas tenu d’y rester toujours. C’est assurément une grande question de savoir s’il n’était pas interdit aux grands-prêtres de se marier et d’avoir des enfants : car, aux termes de la Loi, l’homme qui avait usé du mariage était impur jusqu’au soir, lors même qu’il avait lavé son corps dans l’eau[144]; et d’autre part, le grand-prêtre était obligé, pour entretenir l’encens perpétuel, de pénétrer deux fois chaque jour au-delà du voile jusqu’à l’autel des parfums, et l’accès du sanctuaire était défendu à quiconque était impur [145] : comment l’accomplissement quotidien de ce devoir était-il possible au grand-prêtre, s’il donnait le jour à des enfants ? Quelqu’un veut-il savoir qui le remplaçait, en cas de maladie ? on peut répondre que la grâce divine le préservait de ce danger mais, en ce qui concerne la procréation des enfants, qui se contenterait d’une réponse analogue \f + ft 2 Rétract. ch. 55. n. 9</ref> ? Il s’ensuit qu’il gardait la continence, ou qu’il suspendait à certains jours l’oblation de l’encens ; ou si cette offrande, que lui seul pouvait faire, ne souffrait aucune interruption, qu’il ne contractait pas d’impureté en usant du mariage, grâce à sa haute sainteté. Mais s’il faut lui appliquer la défense faite plus loin à tous les enfants d’Aaron, de s’approcher jamais des choses saintes avec quelque impureté, il ne reste plus de refuge que dans cette hypothèse qu’à certains jours il ne se faisait point d’oblation de l’encens par les mains du grand-Prêtre.
LXXXIII. (Ib. 21, 11.) Sur la succession du grand-Prêtre. – Il est interdit au grand-prêtre de prendre part aux funérailles de son père, Mais, demandera-t-on peut-être, comment pouvait-il, avant la mort de son père, jouir déjà du souverain sacerdoce, puisque la loi ne lui en donne que la succession ? Ce qui rendait nécessaire, même avant la sépulture du grand-prêtre, la transmission de son sacerdoce en d’autres mains, c’était le besoin d’entretenir l’encens perpétuel, charge imposée au grand-prêtre pour chaque jour[146]. Cependant il reste à savoir s’il devait endurer quelques jours de souffrances avant de mourir ; à moins qu’on ne tranche la question, en disant que les grands-Prêtres mouraient ordinairement tout d’un coup, sans avoir subi de maladie, suivant ce qui arriva, dit l’Écriture, à Aaron lui-même[147].
LXXXIV. (Ib. 21, 15.) Les Sacrements visibles ne sont d’aucune utilité sans la grâce invisible qui sanctifie : mais non réciproquement. – Il est remarquable que Dieu, parlant du prêtre, dit fréquemment : « Je suis le Seigneur, qui le sanctifie », et qu’il donne aussi cet ordre à Moïse « Tu le sanctifieras[148]. » Comment donc et Moïse et le Seigneur sanctifient-ils ? Car Moïse ne tient pas la place de Dieu ; il prête son ministère à des sacrements sensibles ; mais la grâce du Seigneur opère invisiblement par l’opération du Saint-Esprit, en qui se trouve le trésor des sacrements visibles. Sans la sanctification produite invisiblement par la grâce, de quelle utilité seraient les sacrements qui tombent sous nos sens Aurait-on raison de demander si cette invisible sanctification n’est également d’aucune utilité, sans les sacrements visibles, qui sanctifient l’homme extérieurement ? Cette demande serait absurde. Car il serait plutôt permis de dire que la grâce n’existe pas en dehors des sacrements, que d’affirmer qu’elle existe en eux et qu’elle ne sert de rien, puisque toute l’utilité des Sacrements se tire de la grâce. Mais il faut voir encore en quel sens on a le droit de dire que la grâce ne peut exister sans les sacrements. Le baptême visible ne fut point profitable à Simon le magicien, parce que la sanctification invisible ne lui fut point accordée [149] ; mais ceux à qui la grâce invisible profita parce qu’elle leur fut donnée, avaient aussi reçu le baptême, et par conséquent des sacrements sensibles. Au contraire, quoique Moïse fût chargé de sanctifier visiblement les prêtres, nous ne voyons pas qu’il ait été sanctifié lui-même par l’huile sainte ou par les sacrifices : qui oserait cependant nier que cet homme, si éminent en grâce, eût été : sanctifié d’une manière invisible ? On peut en dire autant de Jean-Baptiste : car il apparut donnant le baptême avant de le recevoir[150] : Nous ne pouvons dès lors mettre en doute sa sainteté : et cependant nous ne voyons pas qu’elle lui ait, été conférée visiblement, avant qu’il administrât le baptême. La même chose peut se dire encore du larron en croix,[151] à qui le Seigneur fit entendre ces paroles ; « Tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis[152]. » Car il ne put jouir d’une félicité si grande, avant d’avoir été sanctifié intérieurement. Il suit delà que la sanctification invisible a pu être accordée à quelques-uns et leur être profitable, sans les secours des sacrements visibles : ceux-ci d’ailleurs ont changé avec les temps, car autres étaient ceux d’alors, autres ceux d’aujourd’hui ; tandis que la sanctification visible, opérée par des Sacrements visibles, peut exister sans la sanctification intérieure, et alors ne peut être profitable. Il ne s’ensuit pas néanmoins que l’on doive faire peu de cas des sacrements visibles : car celui qui les méprise, ne peut-être aucunement sanctifié d’une manière invisible. C’est pour cela que Cornélius et ses compagnons, quoique sanctifiés déjà intérieurement par l’effusion du Saint-Esprit, n’en reçurent pas moins le baptême [153] : la sanctification visible ne parut point superflue, quoiqu’elle eût été précédée de la sanctification intérieure.

LXXXV. (Ib. 22, 1, 2, 3.) Sur la pureté des Prêtres. – « Le Seigneur parla ensuite à Moïse, en ces termes : Dis à Aaron et à ses fils qu’ils se gardent de toucher aux choses saintes des enfants d’Israël, et de profaner mon saint nom, en touchant ce qu’ils me consacrent. Je suis le Seigneur. Tu leur diras encore : Parmi votre postérité, tout homme de votre race qui s’approchera des choses saintes que les enfants d’Israël consacreront au Seigneur et sera impur, son âme périra devant moi. Je suis le Seigneur votre Dieu. » Plus de doute : nul dépositaire de la puissance sacerdotale, fût-il le grand-prêtre, ou un prêtre du second ordre, ne pouvait remplir son sacré ministère, s’il était impur. La continence du prêtre était donc perpétuelle ; car pour devenir père de famille, il aurait dû interrompre à certains jours l’entretien de l’encens qui devait brûler sans cesse ; puisque lui seul avait le pouvoir de le placer sur l’autel deux fois le jour, le matin et le soir[154]; et qu’après avoir usé du mariage, lors même qu’il se serait lavé le corps, il fût demeuré impur jusqu’au soir[155]. Quant à ces mots : « Les choses que les enfants d’Israël me consacrent », ils signifient les offrandes apportées aux prêtres pour être présentées par leurs mains, au Seigneur. Remarquons encore ce genre de consécration, qui résulte du vœu et de la piété de la personne qui offre. Or, si les objets qui composent l’offrande de l’homme sont sanctifiés, ne peut-on pas dire que l’homme se sanctifie de la même manière, lorsqu’il se voue lui-même en quelque chose ? Cette question doit être étudiée dans les saints Livres.
LXXXVI. (Ib. 22, 4.) Sur l’impureté contractée au contact d’un mort. – « Quiconque aura touché quoique ce soit d’impur d’une âme », c’est-à-dire un mort : ce contact constituant une souillure aux termes de la Loi.
LXXXVII. (Ib. 24, 15.) Sur le blasphème. – « Celui qui maudira son Dieu, portera son péché ; mais que celui qui nomme le nom du Seigneur, soit puni de mort. » On dirait que maudire son Dieu et nommer le nom du Seigneursont.deuxchoses différentes ; que l’une est un péché, mais que l’autre est un crime si énorme, qu’il mérite la mort. Il faut admettre cependant qu’il s’agit du nom du Seigneur prononcé avec malédiction. Quelle est donc la différence entre le péché d’une part, et ce qui d’autre part est considéré comme un si grand crime ? Cette répétition aurait-elle pour but de montrer que le blasphème n’est pas seulement un péché, mais encore un crime si considérable qu’il doit être puni de mort ? Ce qui fait l’obscurité de ce passage, c’est la forme disjonctive qui y est employée, l’Écriture disant : «mais que celui qui nomme », au lieu de «car celui qui nomme, etc. » A le bien prendre, c’est encore une locution à noter.
LXXXVIII. (Ib. 24, 17.) Sur l’homicide. – « Que l’homme qui a frappé l’âme d’un homme quelconque, et l’a fait mourir, soit puni de mort. » Nous ne lisons pas : Quiconque a frappé un homme, mais l’âme d’un homme, et l’a fait mourir ; et pourtant c’est plutôt au corps de l’homme que les coups se font sentir, suivant cette parole du Seigneur. « Ne craignez pas ceux qui donnent la mort au corps [156]. » Selon son habitude, l’Écriture désigne donc ici, sous le nom d’âme, cette vie du corps dont l’âme est le soutien, et par cette expression, elle a voulu faire comprendre que l’homicide est celui qui frappe l’homme dans son âme, c’est-à-dire dans sa vie. Mais pourquoi ajouter : «et l’a fait mourir », si les caractères de l’homicide sont suffisamment indiqués par ces mots, que l’homme a été frappé dans son âme, c’est-à-dire privé de la vie par son agresseur ? L’Écriture a-t-elle voulu expliquer en quel sens elle avait dit que l’âme de l’homme avait été frappée, et ces mots : « et l’a fait mourir », ne signifient-ils pas : au point que la mort s’en est suivie ? C’est en effet ce qu’elle veut dire par cette phrase : frapper l’âme d’un homme.

LXXXIX. (Ib. 25, 2-7.) Sur l’année sabbatique. – « Lorsque vous serez entrés dans la terre que je vous donne, et que la terre que je vous donne se sera reposée, arrivera le Sabbat du Seigneur. Tu sèmeras ton champ six ans de suite, tu tailleras aussi ta vigne, et tu en recueilleras le fruit durant six ans : mais la septième année, c’est le sabbat du Seigneur. » Comment faut-il entendre ce passage : « Lorsque vous serez entrés dans la terre que je vous donne, et que « la terre se sera reposée ; tu sèmeras ton champ « six années de suite etc ? » Ne semblerait-il pas que l’ordre de Dieu doit s’accomplir, quand la terre se sera reposée, tandis que le repos de la terre s’effectue précisément, parce qu’on obéit à ce commandement ? Dieu veut donner à entendre évidemment que la terre doit se reposer la septième année, pendant laquelle il est défendu à tous de se livrer à la culture des champs. Mais l’obscurité du sens vient d’une transposition trop longue. Voici donc l’enchaînement vraisemblable du récit : « Lorsque vous serez entrés dans la terre que je vous donne, et que la terre que je vous donne se sera reposée, pendant les sabbats du Seigneur. Tu ne moissonneras point ce qui lève de soi dans ton champ, et tu ne vendangeras pas le raisin de ta sanctification : ce sera l’année du repos de la terre. Et, pendant ce repos de la terre, tout ce qui naît de soi servira à te nourrir, toi, ton serviteur, ta servante, ton mercenaire et l’étranger qui s’est attaché à toi, et tes troupeaux et les animaux qui sont dans ta terre. » Les paroles suivantes, qui expliquent en quoi consiste le repos de la terre, ont été intercalées : « Tu sèmeras ton champ six ans de suite, tu tailleras aussi ta.vigneet tu en recueilleras le fruit du rapt six ans ; mais la septième année, c’est le sabbat, le repos de la terre, le sabbat du Seigneur. Tu ne sèmeras point ton champ, et tu ne tailleras point ta vigne. » Et par ce mot : tu ne tailleras point, nous devons entendre la défense absolue de toute culture dans le cours de cette année. Car si une vigne ne doit pas être taillée, elle, ne doit pas non plus être bêchée, ni liée, ni recevoir quelqu’autre soin qu’exige sa culture ; de même qu’on prend ordinairement la partie pour le tout, ainsi, dans.cecas, la taille de la vigne s’entend de tous les soins qui regardent son entretien. Le champ qu’il est défendu d’ensemencer, la vigne qu’il n’est pas permis de tailler, désignent aussi toute espèce de terre productive. Car la défense s’applique également à la culture de l’olivier ou de toute autre espèce de plantes, que l’Écriture ne nomme pas. Mais dans ces paroles : « Et pendant ce repos de la terre, tout ce qui naît de soi servira à te nourrir, toi, ton serviteur, ta servante etc ; » on voit assez clairement qu’il n’est pas interdit au maître du champ d’employer à sa nourriture les fruits qui y naissent d’eux-mêmes sans aucune culture : ce qui est défendu, c’est de serrer ces fruits. Il lui est donc permis d’en prendre quelque chose pour se nourrir, comme fait un passant ; au lieu d’en tirer des provisions pour l’avenir, il ne peut prendre que ce qu’il consommera tout de suite.
XC. (Ib. 25, 23.) La terre ne doit pas être vendue à des profanes, ou à perpétuité. – « La terre ne sera point vendue pour servir à la profanation; » d’autres exemplaires portent : d’une manière irrévocable(in confirmationem) cette variante a dû, je crois, se produire primitivement dans le grec, à cause de la similitude des sons dans les mots : βεβήλωσις, qui veut dire profanation, et βεβαίωσις, confirmation. Or, le premier sens est clair : « La terre ne se vendra « point pour servir à la profanation : » c’est-à-dire, que pas un Israélite ne doit oser vendre à des profanes la terre qu’il a reçue de Dieu, et qui servirait dès lors à l’impiété et au culte des faux dieux de l’étranger. Mais il a y de l’obscurité dans cette autre version : « La terre ne se « vendra point in confirmationem;» je n’y vois pas d’autre sens que celui-ci : c’est que la vente ne doit pas être faite dans des conditions telles, que le vendeur ne puisse recouvrer son champ, comme l’ordonne la loi, dans l’année jubilaire. Mais qu’on lise : « La terre ne sera point vendue « pour la profanation» ou bien : « d’une manière irrévocable, » ce qui suit peut également s’appliquer aux deux leçons : « car la terre est à moi, « parce que vous êtes devant moi comme des étrangers à qui je la loue [157]. »
XCI. (Ib, 25, 24.) Suite : « Et dans tout le pays que vous posséderez, vous payerez le loyer de votre terre. » Certains exemplaires portent la version suivante : « vous rachèterez la terre. » Le sens est donc : « La terre ne sera point vendue pour un usage profane », c’est-à-dire, à ceux qui s’en serviraient pour outrager le Créateur ; ou d’une manière irrévocable, c’est-à-dire, à perpétuité, sans que l’acheteur soit obligé de la rendre au vendeur, après un certain laps de temps, suivant l’ordre de Dieu. « Car la terre est à moi », dit le Seigneur : par conséquent vous devez en user selon mon commandement. Et afin de mieux faire sentir que cette terre est à lui, non à son peuple, il lui rappelle ensuite à quel titre il l’occupe : « parce que vous êtes devant moi des étrangers à qui je la loue », en d’autres termes : sans doute, il y a parmi vous des prosélytes, c’est-à-dire, des étrangers, des hommes sortis des peuples voisins pour se joindre à votre nation ; il y a également des fermiers, des hommes qui habitent une terre qui ne leur appartient pas : cependant vous aussi, vous n’êtes tous devant moi que des étrangers à qui je confie ma terre. Ce langage, Dieu l’adresse soit aux Israélites, par ce qu’il leur a donné un pays dont il a lui-même expulsé les nations qui l’occupaient ; soit à tout homme en général, parce que, devant Dieu, toujours immuable et remplissant le ciel et la terre de sa présence, selon la parole de l’Écriture[158], tout homme vient au monde comme un étranger, demeure, pendant sa vie, comme un hôte dans une maison qui n’est pas la sienne, et dont il est, en effet, obligé de sortir à la mort.
XCII. (Ib. 25, 24.) Suite. – L’Écriture ajoute : « Dans tout le pays que vous posséderez, vous payerez le loyer de la terre, comme des fermiers, ou vous la rachèterez. » Si je ne me trompe, le repos forcé de la terre tous les sept ans et la cinquantième année appelée l’année de la rémission, était une espèce de redevance ou une sorte de rachat payé à Celui dont on tenait la terre, c’est-à-dire, à Dieu lui-même qui en était le créateur.
XCIII. (Ib. 26, 11.) Ce qu’il faut entendre par l’âme de Dieu. – « J’établirai ma demeure parmi vous, et mon âme ne vous aura point en abomination. » L’âme de Dieu, c’est sa volonté. Car il n’est par un être vivant composé d’un corps et d’une âme ; sa substance n’est pas non plus semblable à celle des créatures qui portent le nom d’âme et qu’il a faites, comme il l’atteste lui-même par la bouche d’Isaïe : « C’est moi qui ai créé tout souffle[159] : » c’est-à-dire, l’âme de l’homme, ainsi que la suite le fait voir. De même donc que, quand Dieu parle de ses yeux, de ses lèvres ou de tout autre membre, nous n’en concluons pas qu’il est circonscrit dans la forme d’un corps, mais nous comprenons que par ces mots il désigne uniquement les effets de ses opérations et de sa puissance ; de même, quand il dit : mon âme, nous devons comprendre qu’il parle de sa volonté. Il est certain en effet que cette nature simple qui s’appelle Dieu, ne se compose pas d’un corps et d’un esprit ; ce n’est pas non plus un esprit accessible, comme l’âme, au changement ; mais Dieu est esprit, et en même temps toujours le même, toujours immuable [160]. C’est ce qui a donné lieu à l’erreur des Apollinaristes ces hérétiques prétendent que « le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ fait homme[161] », n’avait point d’âme, et que le Verbe seul et la chair étaient unis en lui, quand il disait : «Mon âme est triste jusqu’à la mort[162] » Mais dans ce fait lui-même, attesté par l’Évangile, apparaissent d’une manière si évidente les attributs d’une âme humaine, qu’il serait insensé d’élever un doute à ce sujet.
XCIV. (Ib. 26, 33, 34.) Sens de ces paroles le glaive vous anéantira. – Dieu, menaçant de punir la désobéissance à la loi, dit entre autres choses : « Le glaive vous environnera et vous anéantira ; » puis il ajoute : « Votre terre sera déserte ; et vos villes seront désertes également ; alors la terre sera bien reposée pendant tous les jours de sa désolation, et vous serez dans le pays de vos ennemis. » Que signifie ce pas sage ? Comment le glaive les anéantira-t-il, s’ils doivent se trouver dans le pays de leurs ennemis ? Les consumera-t-il dans ce pays, parce qu’ils seront absents au moment du carnage ? Ou bien Dieu dit-il : « Le glaive vous consumera », comme il dirait : « vous fera mourir », en sorte que tous ne périront pas sous le coup du glaive, mais seulement un certain nombre ? Voici en effet ce qu’il dit un peu plus loin : « Et quant à ceux d’entre vous qui survivront, je ferai entrer l’épouvante dans leur cœur [163]. » Ou bien enfin, cette « pression : « il vous consumera », tient-elle de l’hyperbole, comme ce texte où il est dit que les, enfants d’Abraham seront aussi nombreux que les sables de la mer[164] ? Nous remarquons encore la même manière de parler dans le passage suivant : « Et le bruit d’une feuille qui vole vous poursuivra[165] : » ce qui signifie que leur épouvante sera si grande, qu’ils s’effrayeront des moindres choses.

  1. Psa. 65, 13-14
  2. Eze. 3, 18
  3. Nom. 30, 4
  4. Lev. 1, 14
  5. Id. 4, 35
  6. Lev 4.
  7. Id. V
  8. Id. 4, 1.3, 22, etc.
  9. 1Co. 6, 18
  10. Id.
  11. Lev. 5, 15
  12. Id. 6, 10
  13. Lev. 5, 7
  14. Exo. 29, 1
  15. Correspond au verset 13 dans les bibles moderne
  16. Correspond au verset 13 dans les bibles moderne
  17. Lev. 6, 30.
  18. Lev. 4, 12 ; 24
  19. Psa. 36, 27
  20. Gal. 6, 1
  21. Psa. 18, 13
  22. Id. 58, 6
  23. Gal. 6, 1
  24. Jac. 4, 17
  25. Mat. 26, 28
  26. Rom. 5, 18
  27. Lev. 4, 13
  28. Id. 22
  29. Id. 27-28
  30. Lev. 5, 4-6
  31. Ib. 15-16
  32. Ib. 17-19
  33. Lev. 6,1-7
  34. Ib. 3, 16
  35. Lev. 4, 9
  36. Id. 8, 2,14
  37. Id. 4, 6-7
  38. Id. 8, 15
  39. Ib, 4, 5
  40. 8, 15, 28
  41. Psa. 98, 6
  42. Exo. 28
  43. Exo. 19, 24
  44. Id. 33, 11
  45. Nom. 13, 17
  46. Exo. 4, 16
  47. 1Ro. 2, 38.
  48. Lev. 4, 25
  49. Id. 5, 18
  50. Id. 4, 14
  51. Id. III
  52. Ib, 6, 19
  53. Ci-dessus, quest. XXII.
  54. Lev. VIII
  55. Id.
  56. Id. 6, 35
  57. Id. 4, 8, 15
  58. Lev. 4, 36
  59. Id. 9, 15.
  60. Lev. 9, 18-21
  61. Liv. 2, Quest. CXIII.
  62. 1Pi. 4, 18
  63. Luc. 12, 48
  64. Id. 47
  65. Sag. 6, 7
  66. Exo. 33, 12
  67. Lev. 10, 6-7
  68. Lev. 10, 9
  69. Psa. 64, 6
  70. Psa. 115, 13
  71. Luc. 2, 30
  72. Lev. 4, 12, 21
  73. Lev. 10, 16
  74. Id. 10, 14,3
  75. Id. 8, 14
  76. Id. 9, 8
  77. Lev. 6, 26.
  78. Lev. 15, 19-23
  79. Id. 12, 6-8
  80. Rom. 5, 16
  81. Id. 12
  82. Psa. 50, 7
  83. Luc. 2, 27
  84. Mat. 3, 13, 11
  85. Luc. 2, 24
  86. Eph, 5, 27
  87. Lev. 13, 7
  88. Id. 2
  89. Lev. 13, 4
  90. Ib, 6
  91. Id. 6
  92. Lev. 13, 6.
  93. Lev. 13, 11
  94. Id. 16
  95. Id. 14
  96. Id. 16,17
  97. 1Sa. 20, 19.
  98. Psa. 102, 3.
  99. Lev. 16, 16
  100. Id. 19
  101. Lev. 16, 33.
  102. 1Ro. 12, 28-39
  103. Id. 18, 36-39
  104. Gen. 22, 3-10
  105. Lev. 17, 10-12
  106. Luc. 16, 23
  107. Id. 23, 43
  108. Id. 16, 23
  109. Act. 20, 24
  110. Lev. 17, 11
  111. Heb. 10, 4
  112. Gen. 41, 26
  113. 1Co. 10, 4
  114. Eph. 5, 27
  115. 1Co. 11, 22
  116. Sir. 34, 27
  117. Jn. 6, 54
  118. Lev. 18, 11
  119. Exo. 20, 14
  120. Deu. 25, 5
  121. Mat. 19, 8
  122. Gen. 30, 22, 28
  123. Lev. 15, 19-27
  124. Lev. 18, 6 ; 22, 10
  125. Exo. 20, 14
  126. Deu. 6, 13
  127. Lev. 11, 44, 2 ; 19 ; 1Pi. 1, 16
  128. Exo. 20, 15-16
  129. Gen. 44, 5 ; 42, 9, 14
  130. Exo. 20, 4, 14-15, 13
  131. Exo. 1, 19-20
  132. Jos. 2, 4 ; 6, 23
  133. Exo. 20, 4, 14-15, 13
  134. Eph. 2, 2.
  135. Jn. 12, 31
  136. Id. 14, 30
  137. Gen. 4, 1, 17, 25.
  138. Lev. 20, 25.
  139. Job. 1, 20
  140. Rom. 6, 2
  141. Quest. LVII.
  142. Lev. 16, 11
  143. Lev. 8, 33
  144. Lev. 15, 16
  145. Exo. 30, 7-8
  146. Id.
  147. Nom. 20, 26-29
  148. Exo. 29, 24
  149. Act. 8, 13
  150. Mat. 3, 11, 14
  151. 2 Rétract. 55. n. 9.
  152. Luc. 23, 43
  153. Act. 10, 44-48
  154. Exo. 30, 7-8
  155. Lev. 15, 16
  156. Mat. 10, 28
  157. Lev. 25, 23.
  158. Lev. 23, 2
  159. Isa. 57, 16
  160. Jac. 1, 17
  161. 1Ti. 2, 5
  162. Mat. 25, 38
  163. Lev. 26, 33-34
  164. Gen. 22, 17 ; 32, 12
  165. Lev. 26, 36