Réconciliation (Goethe)

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Poésies diverses. Pensées. Divan oriental-occidental
Traduction par Jacques Porchat.
Librairie Hachette et Cie (Œuvres de Goethe, volume Ip. 216-217).

RÉCONCILIATION.

La passion amène la souffrance[1]… Quelle puissance calmera le cœur oppressé qui a tout perdu ? Où sont les heures si vite envolées ? Vainement tu avais eu en partage le sort le plus beau : ton âme est troublée, ta résolution confuse. Ce monde sublime, comme il échappe à tes sens !

Soudain s’élève et se balance une musique aux ailes d’ange ; elle entremêle des mélodies sans nombre, pour pénétrer le cœur de l’homme, pour le remplir de l’éternelle beauté : les yeux se mouillent ; ils sentent, dans une plus haute aspiration, le mérite divin des chants comme des larmes. Et le cœur, ainsi soulagé, s’aperçoit bientôt qu’il vit encore, qu’il bat, et voudrait battre, pour se donner lui-même, à son tour, avec joie, en pure reconnaissance de cette magnifique largesse. Alors se fit sentir (oh ! que ce fût pour jamais !) la double ivresse de la mélodie et de l’amour.

  1. Littéralement : « La passion amène le pâtir. »