Rabelais et ses éditeurs/I
I
Le roman de Rabelais est divisé en cinq livres, dont le dernier, publié plusieurs années après la mort de l’auteur, n’est certainement pas sorti de sa plume, du moins tel que nous le possédons. Chacun de ces cinq livres parut d’abord séparément. Il n’existe même pas d’édition collective émanée de Rabelais[1].
Le premier livre, la Vie très horrifique du grand Gargantua, présente cette particularité que très-probablement il ne fut composé et ne vit le jour qu’après le second, où commence le récit des faits et gestes de Pantagruel. Il paraît certain, en effet, que Rabelais, voyant le succès des Grandes et inestimables Chroniques de Gargantua, œuvre sans prétention, et, il faut le dire, sans mérite, qu’il avait composée pour se moquer des lecteurs de romans de chevalerie, et qui parut en 1532, se décida à donner comme suite le premier livre de Pantagruel, qui fut publié la même année ou l’année suivante. Puis, cette œuvre admirable terminée, il sentit combien les Grandes Chroniques étaient indignes de lui. Il refit alors de toutes pièces un nouveau Gargantua, qui devint le premier livre de son immortel roman.
Quatre éditions de ce livre furent faites avec le concours de l’auteur. On ne connaît qu’un exemplaire de la première, et comme il est incomplet du titre, on ignore si elle portait une date ; mais on suppose qu’elle fut imprimée à Lyon, par François Juste, en 1534 ou dans les premiers mois de 1535. Les autres furent données par ce libraire en 1535, 1537 et 1542.
Le second livre (premier de Pantagruel) parut d’abord à Lyon, chez Claude Nourry, sans date, dans le format in-4o. On suppose que cette édition est de 1532. Ce livre fut publié de nouveau en 1533, en 1534 et en 1542, à Lyon, chez François Juste.
La première édition du troisième livre est de Paris, Chrestien Wechel, 1546, in-8. Rabelais en donna une nouvelle édition en 1552, à Paris, chez Michel Fezandat, in-8.
En cette année 1552 parut, chez le même Fezandat, la première édition complète du quatrième livre. Il en avait été publié déjà onze chapitres en 1548.
Le cinquième livre fut imprimé en 1564, onze ans après la mort de Rabelais. Il en avait déjà paru un fragment en 1562.
À chaque édition nouvelle, Rabelais faisait subir des modifications à son texte. Les changements les plus importants sont ceux qu’on remarque dans l’édition de 1542 des deux premiers livres. Là, l’auteur supprime les attaques contre la Sorbonne, et tout ce qui sentait par trop l’hérésie ou pis encore ; les bûchers étaient allumés : il fallait être prudent.
- ↑ Ne pouvant entrer ici dans des détails bibliographiques qui nous entraîneraient trop loin, nous renverrons aux Recherches bibliographiques et critiques sur les éditions originales des cinq livres du roman satyrique de Rabelais, par J.-Ch. Brunet (Paris, 1852, in-8) et à l’article Rabelais du Manuel du Libraire, du même J.-C. Brunet.