Recueil des lettres missives de Henri IV/1580/13 avril ― À mon cousin le comte de Sussex

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1580. — 13 avril.

Imprimé. – Journal de Henry III, édition de MM. Champollion, 1837, gr. in-8o, p. 122, note 1. D’après l’original, qui fait partie de la bibliothèque Cottonienne : Tit. B. VII.


À MON COUSIN LE COMTE DE SUSSEX,

CHEVALIER DE L’ORDRE ET GRAND CHAMBELLAN D’ANGLETERRE.

Mon Cousin, Il y a quelque temps que j’escripvis à la Royne, de l’estat de mes affaires, et à vous particulierement, duquel je congnois le zele et l’affection envers les pauvres esglises de France, qui en leurs afflictions n’ont pas receu peu de soulagement par vostre moyen. Lors nous estions en grande difficulté de nous resoudre ; car, d’une part, nous craignions d’estre subjects à diverses calomnies, prenant les armes pour nous defendre, et, de l’autre, nous voyons les preparatifs de nos ennemys tout evidens pour nostre extresme ruine. Mais, certes, à peu de jours de là, ils nous ont bien osté de ceste perplexité : car, non contens de plusieurs entreprises, dont toutesfois ils ont failly la pluspart, en executant seulement quelques unes de petite importance, ils ont mis, tant en Dauphiné qu’en Languedoc, armée et artillerie en campagne, assiegé et battu places, couru sus aux pauvres gens de la Religion qui estoient dedans les villes. Dont nous avons esté contraincts de recourir à nos armes pour rompre, au mieux que nous pourrions, le cours de ces malheureux desseins. En cest estat, comme au support ordinaire de la Religion, nous avons recours à Sa Majesté, tant pour luy faire entendre nos justes douleurs que pour la supplier trés humblement d’y vouloir, par sa bonté, apporter quelque secours et remede. Et pour cet effect ay depesché vers elle le sieur du Plessis, mon conseiller et chambellan ordinaire, lequel je vous prie (parce que le tout seroit trop long à discourir) croire de tout ce qu’il vous dira et declarera de ma part, comme si c’estoit moi-mesme. Ce que je vous puis adjouster icy, mon Cousin, c’est que je vous prie de toute mon affection d’employer vostre auctorité, et prudence pour nous faire bientost sentir les effects de la bonté et benignité de Sa Majesté, vers laquelle nos pauvres esglises jettent perpetuellement les yeux. Et en ce, outre l’obligation qu’en general elles vous auront, vous m’aurez de plus en plus obligé à reconnoistre ce bon office en toutes occasions où me voudrez employer. À tant, mon Cousin, je feray fin, saluant bien affectueusement vos bonnes graces, et prieray Dieu vous donner, en santé, heureuse et longue vie. De Lectoure, le xiije avril 1580[1].

Vostre plus affectionné cousin et parfaict amy,
HENRY.


  1. Le prince de Condé écrivit en même temps une lettre, datée de La Fère le 12 avril, et adressée à lord Burghley, grand trésorier d’Angleterre, par laquelle il demandait aussi des secours. Cette lettre a été également donnée par MM. Champollion.