Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/12 juillet ― À mon oncle monsieur le cardinal d’Armaignac

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1581. — 12 juillet. IIme.

Cop. — Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p. 35. Communiqué par M. le préfet.


À [MON ONCLE] MONSIEUR LE CARDINAL D’ARMAIGNAC[1].

Mon Oncle, Vous me donnés de plus en plus tant de tesmoignage de vostre amytié, mesmement par la lettre que vous m’avez escripte le xviije du passé, que je me sens obligé non seulement de la recognoistre, mais de la conserver avec autant de respect qu’un fils en peut devoir à son pere. Et pour ce que je penserois faire faulte si à toutes occasions telles qu’elle se presente maintenant par le sr de Ranque, je ne me ramentevois en vostre bonne souvenance, mesmement pour vous faire part de mes nouvelles, comme je sçais que les desirez ; mais d’aultant qu’il vous en sçaura discourir, je me remectray sur sa suffisance, et vous diray seulement que nous sommes attendans la venue de mon oncle monsieur de Montpensier, pour parachever ce qui reste de l’execution de l’edict, ne desirant rien plus en ce monde que voir la paix bien establie. Au surplus je vous remercie du soing qu’avez de me pourveoir de beaulx et bons chevaulx. C’est chose que je ne refuseray de vostre main, pour ce qu’elle se recouvre difficilement, et que j’en suis à present mal garny. Si en aultre je me puis revancher, vous ne doubtez poinct que je ne le fasse ; mais ce sera d’aussi bon cœur que je prie Dieu vous avoir, mon Oncle, en sa trez saincte et digne garde. De Nerac, ce xije jour de juillet 1581. ....


HENRY.


  1. Georges d’Armagnac, baron de Caussade, fils de Pierre, bâtard d’Armagnac, et de Yolande de la Haye, dame de Passavant, était né en 1501. Il fut successivement évêque de Rhodès en 1529, administrateur de l’évêché de Vabres en 1536, ambassadeur de François Ier à Venise, puis à Rome, créé cardinal par Paul III en 1544, archevêque de Toulouse en 1547, administrateur de l’évêché de Lescar en 1555, abbé d’Aurillac, de la Clarté-Dieu et de Conques, conseiller d’état, lieutenant général au gouvernement de Languedoc, colégat d’Avignon avec le cardinal de Bourbon qui était légat, archevêque d’Avignon en 1577. Il mourut dans cette ville le 5 juin 1585. Sa parenté avec le roi de Navarre (outre la bâtardise de son père) était assez éloignée : elle tenait à ce que son bisaïeul paternel avait épousé Isabelle de Navarre, sixième fille de Charles III, roi de Navarre, dont Jeanne d’Albret descendait à la cinquième génération. Le cardinal d’Armagnac avait la réputation d’un esprit très-distingué. Bien que fort opposé aux protestants, on voit par cette lettre qu’il se montrait plein de bienveillance envers le jeune roi de Navarre, dont la grand-mère, Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, l’avait protégé affectueusement à son entrée dans le monde.