Refaire l’amour/08

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J. Ferenczi & Fils (p. 72-87).
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VIII

Devant le lac, elle veut descendre. Je m’y oppose formellement et elle s’obstine :

— Je vous dis que je ne m’enrhumerai pas pour une minute d’air pur. Je commence même à avoir trop chaud à côté de vous. Chez moi, la nuit, quand le poêle est éteint et que le vent se faufile par le vasistas pour aller rejoindre la fenêtre, ça souffle terriblement. Je m’en moque. Je me mets en rond, mes pieds dans mes mains pour me réchauffer.

— Je retiens une épreuve de la pose, Bouchette. Et votre… époux, que fait-il pendant ce temps-là ?

— Je vous ai déjà dit qu’il n’était pas toujours chez nous, Dieu merci. Vous occupez pas de mon époux. Ça m’impatiente.

— Bouchette, c’est plus fort que moi. Je ne peux pas sentir un homme tourner autour de la femme qui me plaît, légitimement ou non, sans avoir envie de lui casser la figure. Vous comprenez ?

— Je comprends, oui, que malgré votre sourire et vos yeux aimables, vous ne valez pas mieux que les autres. Seulement si vous voulez qu’on se plaise, faudrait changer de conversation. J’ai horreur des jaloux.

Elle aperçoit les cygnes, ouvre la portière, saute dans l’allée, parce que l’auto ralentit et elle s’élance en pleine liberté, se met à courir. Il y a des traces de neige, un petit vent aigre s’amuse à tourmenter des papiers épars le long des pelouses.

— Bouchette !

Mon chauffeur s’arrête, s’esclaffe en dedans. Pour une poule de luxe, le nom, comme le tailleur, est un peu court. Je retire mon pardessus, je descends, car, enfin, non, je ne peux pas suivre cette créature-là couvert d’un manteau pendant qu’elle s’en passe. Je m’aperçois, du reste, que je n’ai pas plus froid que Bouchette et je la rejoins… devant une voiture d’enfant !

Elle est en extase, absolument comme sur une poche de bonbons. La nurse lui explique des choses. Je me demande si elles seraient, par hasard, des voisines de mansardes.

— Il n’a pas froid, hein ! le joujou au fond de sa boîte ! Comme il est beau ! Regardez-moi ce pot de crème… À présent, le grand chic, c’est de leur broder une fleur sur le coin de leur couvre-pieds. Une rose pour les filles, un bleuet pour les garçons. Ah ! ce que j’en ai brodé de ces fleurs-là ! (Elle rit.) Nounou, je vous remercie de me l’avoir laissé embrasser. Tenez, voilà Monsieur qui va vous certifier que je n’ai pas la gale !

La nurse pousse, de nouveau, son berceau roulant en nous saluant avec une pudeur anglaise très distinguée.

— Vous aimez les enfants, Bouchette ?

— Oui, beaucoup. Quand… (elle hésite) quand je me suis mariée, c’était mon rêve d’en avoir un. Il paraît qu’il faut être deux dans la même idée, pour ça. (Elle parle doucement, sans aucune intention malsaine. Elle a l’air de continuer à rêver tout haut.) Mais il y a la vie chère, les complications du logement, puis, l’ouvrage à rapporter, les courses, des tas d’histoires. Il faut être juste, mon mari est plus raisonnable que moi. Au jour de maintenant, on ne peut plus se mettre en ménage tout à fait. Quand on s’établira à son compte…

— Vous me préviendrez, Bouchette.

— Pourquoi ?

— Parce que je préfère les fleurs, même brodées, aux fruits les plus… joufflus.

— Vous n’aimez pas les enfants, vous si calin ?

— Bouchette, à mon tour, changeons de conversation ou ça finira mal ! (Je passe mon bras sous le sien.) Racontez-moi plutôt l’histoire de votre mariage, les choses convenables, bien entendu. Si je dois faire votre portrait en bouquet d’oranger, je désire une description complète de la robe des noces, du repas, des parents, des airs de violons ou de piano mécanique. Racontez tout, ou je me fâche…

Elle se mord les lèvres comme quelqu’un qui va pleurer.

— Quand vous aurez fini de m’ironiser… Elle a vraiment des mots inattendus.

Je me penche et l’embrasse dans le cou, sans trop appuyer, parce que j’ai de moins en moins envie de cette femme. Elle me fait l’effet d’une jeune pensionnaire qu’il ne serait pas désagréable de déniaiser un jour de printemps, mais, aujourd’hui, non, tout sombre dans la neige, la glace et le pot de crème ! Décidément, je deviens capricieux comme un malade.

Le fantôme de l’autre s’est glissé entre nous, tout à l’heure, quand celle-ci me montrait ses jambes. Comme une bouffée de parfum violent, j’ai respiré son souvenir, toujours tenace. J’ai vu luire sa peau, d’un blanc spécial qui n’est pas la blancheur d’aucune peau, ni celle de la neige, ni celle de la glace, ni celle de la crème. J’ai senti, sous mes doigts, à cet endroit précis que les médecins appellent le tact sensoriel, cette impression de pétale, de fleur onctueuse, à pulpe grasse, camélia, magnolia, nélumbo, de fleur froide qui brûle la chair et qui fut la chair de ma chair.

Bouchette s’anime, je crois qu’elle raconte l’histoire de son union libre, ou de son mariage, elle affirme et je finis par écouter :

— …Oui, c’était un enfer, chez mes parents. Le père abruti à ne plus pouvoir manger sa soupe tout seul et la mère toujours exaspérée à cause de mon frère, au front, dont on ne recevait pas de nouvelles. À l’atelier, ça ne marchait pas mieux. J’étais en apprentissage pendant les bombes. Il fallait voir mon trac dans les rues ! Les meilleures clientes étaient parties et, bien souvent, quand on allait livrer les commandes, on ne rencontrait plus personne. Puis, je devais servir les premières, leur porter leurs lettres à la poste pour leurs poilus et leur enfiler leurs aiguilles quand elles pleuraient en lisant les réponses. Si j’ai appris à coudre et à broder, ce n’est pas leur faute ! Il y en avait une qui était très méchante parce qu’elle avait plein de boutons sur la figure. Elle m’appelait Petit-Suisse à cause de mon teint blanc. C’est celle-là qui m’a cherché quelqu’un pour ne plus avoir à laver la vaisselle en rentrant chez nous. Alors, dès mes quinze ans, elle m’a fait faire la connaissance d’un commis en représentation, un commis aux halles, pour ses débuts, il s’est mis dans les étoffes plus tard. On en faisait des métiers différents pendant la guerre ! J’ai demandé à réfléchir… j’ai réfléchi longtemps, parce que je me suis tout de suite aperçu que ce garçon-là était un renfermé. Et il est arrivé ce qui devait tout finir. Je suis sa femme, quoi ! Nous nous entendons très bien. De noces ? Il n’y a pas de noce à vous conter, monsieur Montarès. Ça ne se passe pas comme dans votre monde où l’on ne pense qu’à ça ! Ni mon père, ni ma mère, ne voulaient de ce mariage. On n’a pas eu de fête, mais c’est moi qui ai déniché notre jolie mansarde et même que le loyer est à mon nom, c’est moi qui le paie parce que lorsqu’on est dans le commerce, on ne sait jamais…

C’est navrant ; elle n’invente pas. C’est tellement plat, terne, dépourvu de toute fraîcheur d’idylle, que ce doit être arrivé, et ce qu’elle cache avec soin, je crois l’avoir deviné depuis le début de notre aventure. Ils ne sont pas mariés, collés, simplement. Ils s’épouseront quand ils auront réalisé les sommes proportionnées à leurs respectives ambitions. Ces sortes d’associations ne sont pas rares dans tous les mondes actuels. L’argent d’abord, l’amour ensuite ou ce qui en tient lieu. Or, le diable a surgi en ma personne, le vieux diable incorrigible, et l’œuvre de la tentation, le désir de savoir, l’éternelle comédie du paradis terrestre recommence !

On a parlé de la tristesse de Satan. Hélas ! Je m’imagine Satan plus désespéré encore du désespoir qu’il peut créer, mais par anticipation. Il ira quand même au but mauvais, parce qu’il y est destiné de toute éternité. Il ne peut pas agir autrement.

Cette femme continue à me plaire. Je rêve, moi, d’une éducation plus complète, d’une matière que l’on pétrirait pour en refabriquer une femme nouvelle. Ce qui gâche tout, en amour, c’est qu’on ne peut pas être le premier sans se vouer à la trahison certaine. Ce n’est jamais par le plaisir que la femme fait sa première communion amoureuse, et elle ne sera vraiment la grande initiée que lorsque la satiété viendra pour son partenaire. Il y aurait un réel avantage à laisser dégrossir la statue par des praticiens plus ou moins experts, l’artiste viendrait au moment de faire surgir les valeurs de l’œuvre et récolterait le bénéfice de sa virtuosité. (Ce que je dis là est l’enfance de l’art, car, dans l’antiquité, les phallus de bronze des temples d’Isis prouvent que les peuples, beaucoup plus proches de l’amour que ceux d’aujourd’hui, avaient déjà découvert cette brutale vérité.) Au fond, le rêve de tous les hommes ce serait de créer, artificiellement ou non, la poupée splendide dont on serait l’unique mécanicien, lui ayant appris à parler, à marcher… combien de temps ça pourrait-il durer ? Eh ! qu’importe le temps, en amour ! Une seconde ou des années, quand on souffre c’est toujours trop long, et quand on est heureux, c’est l’éternité, tout de même !

Un méchanceté me traverse l’esprit : — Dites donc, Bouchette, vous avez connu votre mari pendant la guerre… c’était donc un embusqué, votre commis en je ne sais quelle représentation, légumes ou jersey de soie ?

Elle fait un geste de révolte :

— Oh ! non, non, monsieur Montarès. C’est un étranger. (Elle baisse un peu la tête, confuse :) J’aurais voulu ne pas vous raconter ça. C’est ça qui me gêne quand je parle de… mon mari. Il est Espagnol. Ce n’est pas sa faute ni la mienne. Seulement, mon frère et ma mère n’ont jamais pu le souffrir à cause de ça. Moi, gosse, je ne faisais pas de différence entre un Espagnol et un Français. Tout le monde se battait. Le plus fort, à mes yeux, c’était celui qui échappait à la tuerie en gardant le bon droit pour lui, comme de juste. Plus tard, j’en ai eu un peu de honte. Ça m’a fait attendre longtemps sans me décider. Mais vous savez, ce n’est pas le courage qui lui manque à celui-là. Il a fait tous les métiers pour gagner sa vie chez nous et honnêtement. Il sait se lever de bonne heure. Il ne perd pas son temps en beaux discours. Il ne raconte jamais rien. Il ne va pas au café, ne lit pas les journaux, ne s’occupe pas de politique. Ah ! s’il n’était pas tellement jaloux, soupçonneux ! Voyez-vous, quand on n’est pas du même pays, malgré qu’on se comprenne dans la même langue, je crois que ça ne peut pas s’arranger…

— Que pensez-vous de l’amour, vous, Bouchette, au moins d’après ce qu’on vous en a traduit.

Elle me répond spontanément, dans une véritable explosion de mépris :

— Ah ! quelle sale invention !

— Fichtre ! Vous êtes sévère pour la seule chose qui vaille la peine de vivre, madame Bouchette.

— La seule chose qui vaudrait la peine de vivre, monsieur Alain Montarès, ce serait d’avoir un bel enfant comme celui que nous avons vu passer tout à l’heure. Alors, oui, peut-être, ça nettoierait tout !

…Qui donc prétendait que la France, épuisée par sa fausse victoire, comme on l’est par une fausse couche, n’avait plus de cœur au ventre ?

Pour dissimuler une légère émotion, je lui fais un solennel salut en balayant la terre de mon feutre.

— Madame Bouchette, vous êtes une très grande petite fille et si vous ne savez pas ce que vous dites, vous le dites joliment bien.

Elle est toute rose dans son court tailleur bleu-marine. Son casque de satin noir lui tombe sur le nez, on ne voit plus que sa bouche frémissante, toute rouge d’en avoir osé tant. Elle doit rouler des larmes sous ses paupières dont les franges dépassent les bords de son chapeau, assorties à la plume couchée. C’est l’oiseau en cage donnant du bec sur les barreaux de sa prison qu’elle a voulu, raisonnablement, transformer en nid afin de s’habituer à son esclavage plus ou moins conjugal.

— J’ai dit une bêtise, murmura-t-elle, j’en conviens, mais c’est vous qui en êtes cause. Aussi pourquoi me demandez-vous ce que je pense ? Il n’y a pas moyen de vous entendre parler de choses plus drôles que ça ? Vous me donnez des nerfs comme lorsque mes soies s’embrouillent. Si vous me disiez quand vous ferez mon portrait ?

Nous sommes revenus à la voiture. Le chauffeur ouvre la portière avec un demi-sourire exaspérant. Il devine que ça ne marche pas très normalement pour le patron. Quel oiseau sauvage ai-je pris dans mes filets, moi, qui possède par métier le droit de choisir parmi tant de volières ? Il doit me trouver bien ridicule. D’ailleurs, je commence à l’être à mes propres yeux, ce qui me suffit.

— Bouchette, voulez-vous m’écouter en essayant de comprendre ? Je pense qu’il est temps de s’expliquer en bons camarades, sinon en bon français. Je ferai votre portrait ensuite, c’est une affaire conclue, même si nous nous fâchions tout à fait, car votre bouche resterait la merveille de l’aventure. Bouchette, je suis très malheureux, Une femme que j’ai aimée, qui m’a aimé, ne m’aime plus. Je m’efforce de l’oublier. Je voudrais, de temps en temps, passer une heure en la compagnie d’une créature charmante, à qui je ne ferais nulle peine et qui ne me mettrait pas trop ses ongles dans la peau, sous prétexte de me donner des leçons de morale. J’ai horreur des femmes du monde, parce que j’ai horreur du thé. J’ai encore plus horreur des femmes du demi-monde, parce que je n’aime pas les mauvais alcools. Je voudrais connaître une femme de race inconnue. Voulez-vous être celle-là ? Si je gagne, à ce jeu dangereux, le fameux mal dont vous m’exprimiez le plus profond dégoût, il y a encore un instant, tant pis pour moi. Vous ne serez pas forcée de vous en apercevoir, car je suis incapable de me plaindre ou de vous brutaliser. Alors, on peut se rencontrer sans aucune mauvaise intention. Est-ce que je vous fais encore peur ?

— Oh ! non, non, réplique-t-elle vivement. Plus du tout. Moi j’ai rêvé souvent d’un ami qui serait tendre… tenez, tendre comme une amie. Avec votre figure à l’américaine et vos yeux qui attirent, on vous croirait, en effet, très gentil, très convenable. Ça me chagrinerait bien de songer que vous me préparez un piège en me parlant de ce portrait. Est-ce qu’on ne peut pas peindre ou dessiner dehors ?

— Nous y voilà, Bouchette. En principe, non, parce qu’on a des gens autour de soi et que, généralement, ces gens vous conseillent le jaune quand on voit rose, ou le contraire. En outre, les attroupements sont défendus sur la voie publique, la circulation étant déjà fort compliquée. Et si le froid persiste, il vous faudra consentir à vous habiller comme tout le monde, ne fût-ce qu’à mettre un manteau, par exemple.

— Bon ! Ça n’est pas difficile. Je vais doubler le mien. J’ai justement une petite soie bleu pastel, ça ira très bien avec le tailleur et ça fera plus chic en se retournant…

— Bouchette, regardez-moi un peu en face. Si je vous prêtais un manteau…

— Puisque vous n’êtes pas marié, où le prendrez-vous, ce manteau ?

— Un peintre, ma petite amie, c’est par définition, un magasin de costume. Si vous veniez chez moi, vous n’auriez que l’embarras du choix, je vous assure. Mes armoires sont remplies de tout ce qu’une jolie femme peut imaginer sous le rapport… modes.

— Oui, beau masque, et pour m’habiller, essayer tout ça, il faudra d’abord que je me déshabille, hein ?

— Bouchette, vous me scandalisez !

Elle se penche, me regarde et soupire :

— Donnez-moi des arrhes. Ça se fait quand on ne connaît pas le client.

— Je ne saisis pas…

— C’est simple. Donnez-moi la bouche qui est dans votre carnet, après j’aurai confiance. Il y aura un commencement d’exécution.

Je ris. C’est que je n’ai pas gardé le carnet sur moi et je lui réponds, pour gagner du temps :

— Qu’en ferez-vous ?

— Je le montrerai à mes amies qui verront bien que vous me prenez au sérieux. Il y en a qui disent que c’est des inventions pour m’attirer chez vous.

— Ah ! oui, la sale invention que l’on appelle amour, n’est-ce pas ? Non, Bouchette, je ne vous aime pas encore, au moins d’amour.

À ma grande stupeur, au lieu de provoquer une crise de nerfs ou un débordement de larmes chez cette petite nerveuse, ma réponse, un peu rude, la fait s’épanouir :

— Ah ! Tant mieux ! Je sens bien que c’est vrai, et c’est pour ça, voyez-vous, monsieur Montarès, que vous me plaisez tant. Donnez-moi le portrait de ma bouche, vite, en signant dessous, bien gros. Ils verront que vous ne craignez pas de vous compromettre.

Je l’examine attentivement. C’est une honnête petite fille têtue qui, trop tôt transformée en femme, n’a pas besoin du plaisir ou l’ignore. Elle est simplement flattée de devenir un modèle.

Je cherche mon portefeuille, j’en tire un carton de bristol, une invitation à je ne sais plus quelle fête de nuit, dîner, souper, chez le peintre Carlos Vera. Au dos de ce carton, j’esquisse la tête qui s’encadre dans une des glaces de la voiture, une tête casquée de satin noir comme une petite Minerve le serait d’un sombre acier, délicieux monstre de sagesse et de grâce.

Le plaisir de copier ça m’empoigne. J’ajoute, derrière le casque, la silhouette d’un cygne majestueux qui vogue sur les lames de verre de l’étang et ressemble à un grand jouet apparu dans une vitrine. Ah ! que n’ai-je des couleurs, un brin de pastel, un simple crayon rose pour sa bouche ! Tout est fluide, se dégradant du vert pâle jusqu’au blanc éblouissant de ces ourlets de neige. Les branches onduleuses des arbres, au lent glissement de l’auto, font de très légères broderies veloutées sur les moires du ciel d’un gris s’azurant çà et là. Ce n’est pas la nature, c’est un décor, l’imitant, la corrigeant, la plaçant à notre portée de pauvres humains falsifiés, stérilisés.

Si Bouchette et moi nous vivions dans une île déserte, elle n’aurait pas ce qu’elle désire ou croit désirer ; cependant, je la consolerais de ses déceptions. Mais, me consolerait-elle des miennes ?

Je montre à Bouchette sa jolie figure.

— Voilà, madame, une première manière. Ce n’est pas ce que je voudrais réaliser et cela ne vaut rien pour la reproduction, soit dit sans offenser les instincts sacrés que vous portez en vous ! Nous tâcherons de faire mieux, la prochaine fois. Maintenant, allons goûter

Après une halte réconfortante dans une pâtisserie, je dépose doucement la petite fille sur un trottoir de la rue Montmartre. Elle emporte l’esquisse d’un air triomphant et me la fait signer :

— Surtout, appuyez bien pour que ça se lise facilement, m’a-t-elle recommandé.