Relation de Marcel/Édition Garnier

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Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 27 (p. 542-556).


RELATION


DE MARCEL[1].


des choses merveilleuses, et des actes des bienheureux apôtres pierre et paul, et des arts magiques de simon le magicien.


Lorsque Paul fut venu à Rome, tous les Juifs s’assemblèrent auprès de lui, disant : Défendez notre foi dans laquelle vous êtes né, car il n’est pas juste que vous qui êtes Hébreu, venant des Hébreux, vous vous déclariez le maître des Gentils, et que, devenu le défenseur des incirconcis, vous qui êtes circoncis, vous anéantissiez la foi de la circoncision. Lors donc que vous verrez Pierre, entreprenez de disputer contre lui, parce qu’il a anéanti toute l’observation de notre loi ; il a retranché le sabbat et les néoménies[2], et supprimé toutes les fêtes établies par les lois. Paul leur répondit : Vous pourrez éprouver ici que je suis Juif, et vrai Juif, puisque vous pourrez voir que j’observe véritablement le sabbat et la circoncision. Car le jour du sabbat, Dieu se reposa de ses œuvres. Nous avons les pères, et les patriarches, et la loi. Que prêche de tel Pierre dans le royaume des Gentils ? Mais si par hasard il veut introduire quelque nouvelle doctrine, sans trouble, sans envie, et sans bruit, annoncez-lui que nous nous voyions, et je le convaincrai en votre présence. Que si par hasard sa doctrine est munie d’un véritable témoignage, et des livres des Hébreux, il est convenable que nous lui obéissions tous. Comme Paul tenait ces discours et autres semblables, les Juifs allèrent vers Pierre et lui dirent : Paul vient des Hébreux, il vous prie de venir vers lui, parce que ceux qui l’ont amené disent qu’ils ne peuvent pas lui permettre de voir qui il veut, avant qu’ils le présentent à César. Pierre, entendant ces choses, en eut une grande joie, et, se levant aussitôt, il alla vers lui. En se voyant ils pleurèrent de joie, et se tenant très-longtemps embrassés, ils se mouillèrent réciproquement de leurs larmes. Et lorsque Paul lui eut rendu compte de toutes ses affaires, et que Pierre lui eut dit quelles embûches lui dressait Simon le Magicien, Pierre se retira sur le soir, pour revenir le lendemain matin.

À peine le jour commençait avec l’aurore que voilà Pierre qui arrive à la porte de Paul, où il trouva une multitude de Juifs. Or il y avait une grande altercation entre les Juifs, les Chrétiens, et les Gentils. Car les Juifs disaient : Nous sommes la race choisie, royale, des amis de Dieu, Abraham, Isaac, et Jacob, et de tous les prophètes avec lesquels Dieu a parlé, auxquels Dieu a montré ses secrets ; mais vous, Gentils, vous n’avez rien de grand dans votre race, si ce n’est dans les idoles, et, souillés par vos figures taillées, vous avez été exécrables. À ces choses, et autres semblables que disaient les Juifs, les Gentils répondaient, disant : Pour nous, aussitôt que nous avons entendu la vérité, nous avons abandonné nos erreurs, et nous l’avons suivie ; mais vous, qui avez vu les vertus de vos pères, les sectes, et les signes des prophètes, et avez reçu la loi, et avez passé la mer à pied sec, et avez vu vos ennemis abaissés, et une colonne vous a apparu dans le ciel pendant le jour, et du feu pendant la nuit, et la manne vous a été donnée du ciel, et les eaux ont coulé pour vous de la pierre ; et après toutes ces choses vous vous êtes fait l’idole d’un veau, et vous avez adoré une figure taillée ; mais nous, sans voir aucun signe, nous avons cru ce Seigneur que vous avez abandonné sans croire en lui. Comme ils disputaient sur ces choses, et autres semblables, l’apôtre Paul leur dit qu’ils ne devaient point avoir ces disputes entre eux, mais plutôt faire attention que le Seigneur avait accompli ses promesses, qu’il avait juré à Abraham notre père que, dans sa race, toutes les nations deviendraient son héritage, car il n’y a point d’acception de personnes auprès du Seigneur ; que quiconque aurait péché sous la loi serait jugé selon la loi, et que ceux qui auraient erré sans la loi périraient sans la loi : car il y a tant de sainteté dans les sens humains, que la nature loue les bonnes choses, et punit les mauvaises, tandis qu’elle punit jusqu’aux pensées qui s’accusent entre elles, ou récompense celles qui s’excusent.

Comme Paul disait ces choses et autres semblables, il arriva que les Juifs et les Gentils furent apaisés ; mais les princes des Juifs insistaient. Or Pierre dit à ceux qui le reprenaient de ce qu’il interdisait leurs synagogues : Mes frères, écoutez le Saint-Esprit, qui promit au patriarche David qu’il mettrait sur son siége du fruit de son ventre. C’est donc celui à qui le Père dit du haut des cieux : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd’hui. C’est celui que les princes des prêtres ont crucifié par envie ; mais pour qu’il accomplît la rédemption nécessaire au siècle, il a permis qu’on lui fît souffrir toutes ces choses, afin que, de même que de la côte d’Adam fut formée Ève, de même, du côté du Christ mis en croix, fût formée l’Église qui n’eût ni tache, ni ride. Dieu a ouvert cette entrée à tous les fils d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, afin qu’ils soient dans la foi de l’Église et non dans l’infidélité de la synagogue. Convertissez-vous donc, et entrez dans la joie d’Abraham votre père, parce que, ce qu’il lui a promis, il l’a accompli ; aussi le prophète chante-t-il : Le Seigneur a juré, et il ne s’en repentira pas, vous êtes prêtre pour toujours, selon l’ordre de Melchisédech. Car il a été fait prêtre sur la croix, lorsqu’étant hostie il a offert le sacrifice de son corps et de son sang pour tout le siècle. Pierre et Paul disant ces choses, et autres semblables, la plus grande partie des peuples crut : et il y en eut peu qui, avec une foi feinte, ne pouvaient cependant négliger ouvertement leurs avis ou leurs préceptes. Or les principaux de la synagogue et les pontifes des Gentils voyant que, par leur prédication, leur fin en particulier approchait, ils firent en sorte que leur discours excitât le murmure du peuple ; d’où il arriva qu’ils firent paraître Simon le Magicien devant Néron, et qu’ils les accusèrent. Car tandis que des peuples innombrables se convertissaient au Seigneur par la prédication de Pierre, il arriva que Livie, femme de Néron, et que la femme du gouverneur Agrippa, nommée Agrippine, se convertirent aussi, et se retirèrent d’auprès de leurs maris. Or, par la prédication de Paul, plusieurs abandonnant la milice, s’attachaient au Seigneur, de sorte qu’ils venaient même à lui de la chambre du roi ; et, étant chrétiens, ils ne voulurent retourner ni à la milice, ni au palais. De là Simon, irrité par le murmure séditieux des peuples, se mit à dire beaucoup de mal de Pierre, disant qu’il était un magicien et un séducteur. Or ceux qui admiraient ses signes le croyaient ; car il faisait qu’un serpent d’airain se mouvait, courait et paraissait tout à coup dans l’air. Au contraire, Pierre guérissait les malades par la parole, rendait la vue aux aveugles en priant, faisait fuir les démons à son ordre, et cependant ressuscitait les morts mêmes. Or il disait au peuple non-seulement de fuir sa séduction, mais encore de l’abandonner, de peur qu’ils ne parussent s’accorder avec le diable. Ainsi il arriva que tous les hommes religieux, ayant Simon en exécration, l’abandonnèrent comme un magicien scélérat, et vantèrent Pierre dans les louanges du Seigneur. Au contraire, tous les scélérats, les railleurs, les séducteurs et le méchants, s’attachèrent à Simon, en quittant Pierre comme magicien, ce qu’ils étaient eux-mêmes, puisqu’ils disaient que Simon était dieu. Et ce discours vint jusqu’à Néron César, et il ordonna que Simon le Magicien entrât vers lui ; lequel, étant entré, commença à se tenir debout devant Néron, et à changer tout à coup de figure, de sorte qu’il devenait d’abord enfant, et ensuite vieillard, et à une autre heure jeune homme. Il changeait de sexe et d’âge, et prenait successivement plusieurs figures par le ministère du diable. Ce que voyant Néron, il pensait qu’il était le véritable fils de Dieu ; mais l’apôtre Pierre enseignait qu’il était voleur, menteur, magicien, vilain scélérat, et, dans toutes les choses qui sont de Dieu, adversaire de la vérité ; et qu’il ne restait plus rien qu’à faire connaître, par l’ordre de Dieu, son iniquité devant tout le monde. Alors Simon, étant entré vers Néron, dit : Écoutez-moi, bon empereur ; je suis le fils de Dieu qui suis descendu du ciel : jusqu’à présent, je souffrais Pierre, qui se dit apôtre ; mais à présent le mal est doublé, car l’on dit que Paul, qui enseigne aussi les mêmes choses, et qui pense contre moi, prêche avec lui : ce qu’il y a de certain, c’est que si vous ne pensez pas à les faire mourir, votre royaume ne pourra pas subsister.

Alors Néron, agité d’inquiétude, ordonna qu’on les lui amenât promptement. Or, le lendemain, comme Simon le Magicien, et les apôtres de Christ, Pierre et Paul, furent entrés vers Néron, Simon dit : Ce sont là les disciples de ce Nazaréen, qui n’ont pas tant de bonheur que d’être du peuple des Juifs. Néron dit : Qu’est-ce que le Nazaréen ? Simon dit : Il y a une ville dans la Judée qui a toujours fait contre vous : elle s’appelle Nazareth, et leur maître en était. Néron dit : Dieu avertit tout homme et le chérit. Pourquoi les persécutez-vous ? Simon dit : C’est cette race d’hommes qui ont détourné toute la Judée de me croire. Néron dit à Pierre : Pourquoi êtes-vous si perfides, comme votre race ? Alors Pierre dit à Simon : Vous en avez pu imposer à tous, mais jamais à moi ; et ceux que vous aviez trompés, Dieu les a retirés par moi de votre erreur ; et puisque vous avez éprouvé que vous ne pouvez me surpasser, j’admire de quel front vous vous vantez, en présence du roi, de surpasser par votre art magique les disciples de Jésus-Christ. Néron dit : Quel est le Christ ? Pierre dit : Celui-là est le Christ, qui a été crucifié pour la rédemption du monde ; et ce Simon le Magicien affirme que c’est lui qui l’est ; mais il est un homme très-méchant, et ses œuvres sont diaboliques. Or si vous voulez savoir, ô empereur ! ce qui s’est passé en Judée touchant le Christ, envoyez, et prenez les lettres de Ponce Pilate, adressées à Claude César ; et ainsi vous connaîtrez toutes choses. Néron, ayant entendu cela, les fit prendre et lire en sa présence. Or le texte de l’écriture était de cette manière :


PONCE PILATE SALUE CLAUDE, etc.[3]


Et lorsque la lettre eut été lue, Néron dit : Dites-moi, Pierre, est-ce ainsi que toutes choses ont été faites par lui ? Pierre dit : Oui, je ne vous trompe pas, bon empereur. Ce Simon, plein de mensonges et environné de tromperies, pense être aussi ce que Dieu est, quoiqu’il soit un homme très-méchant. Or il y a dans le Christ les deux substances de Dieu et de l’homme : de l’homme qu’a pris cette majesté incompréhensible, qui par l’homme a daigné subvenir aux hommes ; mais dans ce Simon il y a les deux substances de l’homme et du diable, qui par l’homme tâche d’embarrasser les hommes[4]. Simon dit : Je vous admire, ô empereur, que vous regardiez comme de quelque conséquence cet homme ignorant, pécheur, très-menteur, qui n’est remarquable ni par la parole, ni par sa famille, ni par quelque puissance. Mais, pour ne pas souffrir plus longtemps cet ennemi, je vais commander à mes anges qu’ils viennent, et me vengent de lui. Pierre dit : Je ne crains pas vos anges, mais eux pourront me craindre dans la vertu, et dans la confiance de mon Seigneur Jésus-Christ, que vous prétendez faussement être. Néron dit : Pierre, vous ne craignez pas Simon, qui affirme sa divinité par des effets ! Pierre dit : La divinité est dans celui qui sonde les secrets des cœurs ; si donc la divinité est en lui, qu’il me dise maintenant ce que je pense ou ce que je fais. Avant qu’il devine ma pensée, je vais vous la dire à l’oreille, afin qu’il n’ose pas mentir ce que je pense. Néron dit : Dites-moi qu’est-ce que vous pensez ? Pierre dit : Ordonnez que l’on m’apporte un pain d’orge, et qu’on me le donne en cachette. Et lorsqu’il eut ordonné qu’on l’apportât, et qu’on le donnât à Pierre, ayant pris le pain, Pierre le rompit, le cacha sous sa manche, et dit : Qu’il dise maintenant ce que j’ai pensé, ce qu’on a dit, ou ce qu’on a fait. Néron dit : Voulez-vous donc que je croie, parce que Simon n’ignore pas ces choses, lui qui a ressuscité un mort, et qui, ayant été décollé, s’est représenté après le troisième jour, et a fait tout ce qu’il avait dit qu’il ferait ? Pierre dit : Mais il ne l’a pas fait devant moi. Néron dit : Il a fait toutes ces choses en ma présence, car il a dit à ses anges de venir à lui, et ils sont venus. Pierre dit : Donc il a fait ce qui est très-grand, pourquoi ne fait-il pas ce qui est moindre ? Qu’il dise ce que j’ai pensé, et ce que j’ai fait. Néron dit : Que dites-vous, Simon ? Je ne saurais être d’accord entre vous. Simon dit : Que Pierre dise ce que je pense. Pierre répondit : Je vous ferai voir que je sais ce que pense Simon, pourvu que je fasse ce qu’il aura pensé. Simon dit : Sachez cela, ô empereur ! que personne ne connaît les pensées des hommes, sinon Dieu seul. Pierre dit : Vous donc qui dites que vous êtes fils de Dieu, dites ce que je pense ; exprimez, si vous pouvez, ce que je viens de faire en cachette. Car Pierre avait béni le pain d’orge qu’il avait reçu, et l’avait rompu, et l’avait mis dans sa manche droite et gauche. Alors Simon, indigné de ce qu’il ne pouvait pas dire le secret de l’apôtre, s’écria, disant : Que des grands chiens s’avancent et le dévorent en présence de César ! Et sur-le-champ parurent des chiens d’une grandeur étonnante, et ils s’élancèrent contre Pierre. Or Pierre, étendant les mains pour prier, montra aux chiens le pain qu’il avait béni. Et les chiens ne l’eurent pas plus tôt vu qu’ils disparurent tout à coup. Alors Pierre dit à Néron : Voilà que je vous ai montré que je sais ce qu’a pensé Simon, non par des paroles, mais par des faits ; car ayant promis qu’il ferait venir contre moi des anges, il n’a fait paraître que des chiens, afin qu’il montrât qu’il n’avait pas des anges de Dieu, mais de chien. Alors Néron dit à Simon : Qu’est-ce que c’est, Simon ? nous sommes vaincus, je pense. Simon dit : Il m’a fait ces choses dans la Judée, dans toute la Palestine, et dans la Césarée, et en combattant souvent avec moi : c’est pourquoi il dit que cela lui est contraire ; il dit donc cela pour m’échapper. Car, comme j’ai dit, personne ne connaît les pensées des hommes que Dieu seul. Et Pierre dit à Simon : Certes vous mentez en vous disant dieu ; pourquoi donc ne manifestez-vous pas les pensées de chacun ? Alors Néron s’étant tourné vers Paul, dit ainsi : Paul, pourquoi ne dites-vous rien ? Paul dit : Sachez cela, César, parce que si vous laissez ce magicien faire de si grandes choses, il en arrivera un plus grand mal à votre patrie, et il fera déchoir votre royaume de son état. Néron dit à Simon : Que dites-vous, Simon ? Simon répondit : Si je ne démontre pas ouvertement que je suis dieu, personne ne me rendra la vénération qui m’est due. Néron dit : Et pourquoi différez-vous, et ne montrez-vous pas que vous êtes dieu, afin que ceux-ci soient punis ? Simon dit : Ordonnez que l’on me fasse une tour élevée de bois, et je monterai dessus, et j’appellerai mes anges : et je leur ordonnerai qu’à la vue de tout le monde ils me portent au ciel vers mon père. Comme ceux-ci ne pourront pas le faire, vous éprouverez qu’ils sont des hommes ignorants. Or Néron dit à Pierre : Avez-vous entendu, Pierre, ce que Simon a dit ? de là il apparaîtra quelle grande vertu il a, ou lui ou votre Dieu. Pierre répondit à cela : Très-bon empereur, si vous vouliez, vous pouviez le comprendre, parce qu’il est plein du démon. L’empereur Néron dit : Que me faites-vous chercher des détours de paroles ? Le jour de demain vous éprouvera. Simon dit : Vous croyez, bon empereur, que je suis magicien, puisque j’ai été mort, et je suis ressuscité. Car le perfide Simon avait fait par son prestige qu’il avait dit à Néron : Ordonnez que l’on me décolle dans l’obscurité, et que l’on m’y laisse, après m’avoir tué ; et si je ne ressuscite pas le troisième jour, sachez que j’étais un magicien ; mais si je ressuscite, sachez que je suis le fils de Dieu. Et comme Néron avait ordonné que cela se fît dans l’obscurité, il fit, par son art magique, qu’un bélier fut décollé, lequel bélier parut être Simon pendant le temps qu’on le décollait. Ayant été décollé dans l’obscurité, lorsque celui qui l’avait décollé eut examiné et porté sa tête à la lumière, il trouva que c’était une tête de bélier ; mais il n’en voulut rien dire au roi, de peur de se découvrir : car on lui avait ordonné de faire cela en cachette. C’était donc de là que Simon disait qu’il était ressuscité le troisième jour, parce qu’il avait enlevé la tête et les membres du bélier, et le sang y était figé ; et le troisième jour il se montra à Néron, et dit : Faites essuyer mon sang qui a été répandu, parce que voilà que j’avais été décollé, et que je suis ressuscité le troisième jour comme je l’ai promis. Lors donc que Néron eut dit : Le jour de demain vous éprouvera, s’étant tourné vers Paul, il dit : Vous, Paul, pourquoi ne dites-vous rien, ou qui vous a enseigné, ou quel maître avez-vous eu, ou comment avez-vous enseigné dans les villes, ou quels disciples avez-vous formés par votre doctrine ? Car je pense que vous n’avez aucune sagesse, et que vous ne pouvez opérer aucune vertu. À cela Paul répondit : Pensez-vous que je doive parler contre un homme perfide, et un magicien désespéré, un enchanteur qui a destiné son âme à la mort, et à qui le trépas et la perdition arriveront bientôt, qui feint d’être ce qu’il n’est pas, et par l’art magique fait illusion aux hommes pour leur perdition ? Si vous voulez écouter ses paroles, vous perdrez peut-être votre âme et votre empire, car cet homme est très-méchant. Et comme les magiciens d’Égypte, Jannès et Mambrès, qui entraînèrent Pharaon et son armée dans l’erreur jusqu’à ce qu’ils fussent engloutis dans la mer, de même celui-ci persuade les hommes par la science du diable son père, et fait plusieurs maux par la nécromancie, et d’autres maux s’il y en a chez les hommes, et en séduit ainsi plusieurs qui ne se tiennent point sur leurs gardes, pour la perdition de votre empire. Mais moi, voyant répandre la parole du diable par cet homme, j’agis avec le Saint-Esprit, par les gémissements de mon cœur, afin qu’il puisse bientôt paraître ce qu’il est ; car autant qu’il pense s’élever vers les cieux, autant il sera englouti dans le plus profond de l’enfer, où il y a des pleurs, et le grincement des dents. Or, quant à la doctrine de mon maître sur laquelle vous m’avez interrogé, il n’y a que ceux qui y apportent un cœur pur qui la comprennent : car je n’ai enseigné que ce qui regarde la paix et la charité, et j’ai accompli la parole de paix par le circuit depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, et j’ai surtout enseigné que les hommes se chérissent. J’ai enseigné qu’ils se préviennent réciproquement d’honneur. J’ai enseigné aux grands et aux riches de ne pas s’élever, et de ne pas espérer en l’incertain des richesses, mais de mettre en Dieu leur espérance. J’ai enseigné aux médiocres à être contents de la vie et du vêtement. J’ai enseigné aux pauvres à se réjouir dans leur indigence. J’ai enseigné aux pères à enseigner à leurs fils la discipline de la crainte du Seigneur. J’ai enseigné aux fils à obéir à leurs parents, et à leurs avis salutaires. J’ai enseigné à ceux qui ont des possessions à payer les impôts aux ministres de la république. J’ai enseigné aux femmes à chérir leurs maris, et à les craindre comme leurs seigneurs. J’ai enseigné aux hommes à garder la foi à leurs épouses, comme ils veulent qu’elles leur gardent la pudeur en toutes manières : car ce qu’un mari punit dans une épouse adultère, le Seigneur, père et créateur des choses, le punit dans un mari adultère. J’ai enseigné aux maîtres qu’ils traitent leurs serviteurs plus doucement. J’ai enseigné aux serviteurs qu’ils servent leurs maîtres fidèlement, et comme Dieu. J’ai enseigné aux Églises des croyants à adorer un Dieu tout-puissant et invisible. Or cette doctrine ne m’a pas été donnée des hommes, ni par quelque homme, mais par Jésus-Christ, et par le Père de gloire, qui m’a parlé du ciel ; et tandis que mon Seigneur Jésus-Christ m’envoyait pour la prédication, il me dit : Allez, et je serai avec vous, et tout ce que vous direz ou ferez je le justifierai. Néron, ayant entendu ces choses, fut interdit, et s’étant tourné vers Pierre, il dit : Et vous, que dites-vous ? Pierre dit : Toutes les choses que Paul a dites sont vraies, car il y a quelques années que j’ai reçu des lettres de nos évêques qui sont dans tout l’empire romain, et ils m’ont écrit des lettres de presque toutes les villes touchant ses actions ; car comme il était persécuteur de la loi du Christ, une voix l’a appelé du ciel, et lui a enseigné la vérité, parce qu’il n’était pas ennemi de notre foi par envie, mais par ignorance. Car il y a eu avant nous de faux christs comme est Simon ; il y a eu de faux apôtres, il y a eu de faux prophètes, qui, venant contre les livres sacrés, se sont appliqués à détruire la vérité ; et il était nécessaire d’agir contre eux ; mais celui-ci qui, dès son enfance, ne s’était appliqué à autre chose qu’à examiner les mystères de la loi divine dans lesquels il avait appris cela, d’où il était le défenseur de la vérité, et le persécuteur de la fausseté, parce que sa persécution ne se faisait pas par émulation, mais pour défendre la loi ; la vérité elle-même lui a parlé du ciel, lui disant : Je suis Jésus de Nazareth, que vous persécutez ; cessez de me persécuter, parce que je suis la vérité même pour laquelle vous paraissez combattre. Ayant donc connu que cela était ainsi, il abandonna ce qu’il défendait, et il commença à défendre ce sentier du Christ qu’il poursuivait, qui est la véritable voie pour ceux qui marchent purement, la vérité pour ceux qui ne trompent point, et la vie éternelle pour ceux qui croient. Simon dit : Bon empereur, comprenez leur conspiration, ils sont sages contre moi. Pierre dit : Il n’y a aucune vérité en vous, ennemi de la vérité ; mais c’est du seul mensonge que vous dites et que vous faites toutes ces choses. Néron dit : Et vous Paul, que dites-vous ? Paul répondit : Croyez ce que vous avez entendu dire à Pierre et à moi, car nous avons un seul sentiment, parce que nous avons un seul Seigneur Jésus-Christ. Simon dit : Pensez-vous, ô empereur, que j’aie une dispute avec eux, qui ont fait un complot contre moi ? Et s’étant tourné vers les apôtres, il dit : Écoutez, Pierre et Paul ; si je ne puis rien faire ici avec vous, nous viendrons où il faut que vous me jugiez. Paul répondit : Bon empereur, voyez quelles menaces il nous fait. Et Pierre dit : Pourquoi ne vous riez-vous pas d’un homme vain et d’une tête aliénée qui, joué par les démons, pense ne pouvoir pas se manifester ? Simon répondit : Je vous pardonne maintenant, jusqu’à ce que je montre ma vertu. À cela Pierre répondit : Si Simon ne voit la vertu de Christ notre Jésus-Christ, il ne croira pas qu’il n’est pas le Christ. Simon dit : Très-sacré empereur, gardez-vous de les croire, parce que ce sont eux qui sont circoncis, et qui circoncisent. À cela Paul répondit : Pour nous, avant que nous connussions la vérité, nous avons gardé la circoncision de la chair ; mais dès que la vérité nous a apparu, c’est de la circoncision du cœur que nous sommes circoncis, et que nous circoncisons. Et Pierre dit à Simon : Si la circoncision est mauvaise, pourquoi êtes-vous circoncis ? L’empereur dit : Simon est-il donc aussi circoncis ? Pierre répondit : Il ne pouvait pas autrement tromper les âmes, s’il n’eût pas fait semblant d’être Juif, et n’eût montré qu’il enseignait la loi de Dieu. L’empereur dit : Vous, Simon, comme je vois, vous êtes conduit par le zèle, c’est pourquoi vous les poursuivez. Car il y a, comme je vois, un grand zèle entre vous et leur Christ, et je crains que vous ne soyez convaincu par eux, et que vous ne paraissiez détruit par de grands maux. Simon dit : Êtes-vous séduit, ô empereur ? Néron dit : Qu’est-ce que c’est, êtes-vous séduit ? Ce que je vois en vous, je le dis, que vous êtes l’adversaire évident de Pierre et de Paul, et de leur maître. Simon répondit : Le Christ n’a pas été le maître de Paul. Paul répondit : Celui qui a enseigné Pierre m’a instruit par révélation ; car parce qu’il nous accuse d’être circoncis, qu’il dise maintenant pourquoi il est lui-même circoncis. À cela Simon répondit : Pourquoi m’interrogez-vous là-dessus ? Paul dit : C’est la raison que nous vous interrogions. L’empereur dit : Pourquoi craignez-vous de leur répondre ? Simon dit : Je suis circoncis, moi, parce que la circoncision était commandée de Dieu dans le temps que je la reçus. Paul dit : Avez-vous entendu, empereur, ce qu’a dit Simon ? Si donc la circoncision est bonne, pourquoi avez-vous trahi les circoncis, et les avez-vous obligés d’être tués précipitamment ? L’empereur dit : Mais je ne pense pas bien de vous. Pierre et Paul dirent : Que vous pensiez bien ou mal de nous, cela ne fait rien à la chose, car il faudra nécessairement que ce que notre maître nous a promis se fasse. L’empereur dit : Et si je ne veux pas, moi ? Pierre dit : Ce n’est pas ce que vous voudrez, mais ce qu’il nous a promis. Simon répondit : Bon empereur, ces hommes ont abusé de votre clémence, et vous ont mis dans leur parti. Néron dit : Mais vous ne m’avez pas encore rassuré sur votre compte. Simon répondit : Je suis surpris qu’après que je vous ai fait voir de si grandes choses, et de tels signes, vous paraissiez encore douter. L’empereur répondit : Je ne doute ni ne crois à aucun de vous ; mais répondez-moi plutôt à ce que je vous demande. Simon dit : Je ne vous réponds rien à présent. L’empereur dit : Vous dites cela parce que vous mentez. Et si je ne puis rien vous faire, Dieu, qui est puissant, le fera. Simon dit : Je ne vous répondrai plus. L’empereur dit : Et moi, je ne vous compterai plus pour quelque chose, car, comme je le sens, vous êtes trompeur en tout. Mais à quoi bon plus de discours ? Vous m’avez fait voir tous trois votre esprit indécis, et vous m’avez rendu si incertain en toutes choses que je ne trouve pas à qui je puisse croire. À cela Pierre répondit : Pour moi, je suis Juif de nation, et je prêche toutes ces choses que j’ai apprises de mon maître, afin que vous croyiez qu’il y a un Dieu, père invisible et incompréhensible et immense, et un notre Seigneur Jésus-Christ, sauveur et créateur de toutes choses. Nous annonçons au genre humain celui qui a fait le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui y sont, qui est le véritable roi, et son règne n’aura point de fin. Et Paul dit : Ce qu’il a dit, je le confesse semblablement, d’autant qu’il n’y a point de salut par un autre, sinon par Jésus-Christ. L’empereur dit : Qui est le roi Christ ? Paul répondit : Le Sauveur de toutes les nations. Simon dit : Je suis celui que vous dites ; et sachez, Pierre et Paul, qu’il ne vous arrivera pas ce que vous désirez, que je vous trouve dignes du martyre. Pierre et Paul dirent : Que ce que nous désirons nous arrive, et puissiez-vous, Simon, magicien et plein d’amertume, n’être jamais bien, parce que dans tout ce que vous dites vous mentez ! Simon dit : Écoutez-moi, César Néron, afin que vous sachiez qu’eux sont des faussaires, et que moi j’ai été envoyé du ciel ; le jour de demain j’irai aux cieux, et je rendrai heureux ceux qui croient en moi ; et je montrerai ma colère contre ceux-là qui ont osé me nier. Pierre et Paul dirent : Dieu nous appela autrefois à sa gloire, mais vous êtes appelé maintenant par le diable, vous courez aux tourments. Simon dit : César Néron, écoutez-moi. Séparez ces insensés de vous, afin que lorsque je serai venu vers mon père dans les cieux, je puisse vous être favorable. L’empereur dit : Et d’où prouvons-nous cela, que vous allez au ciel ? Simon dit : Ordonnez que l’on fasse une tour élevée de bois et de grandes poutres, et qu’on la place dans le Champ de Mars, afin que j’y monte ; et lorsque j’y serai monté, je commanderai à mes anges qu’ils descendent du ciel vers moi, et qu’ils me portent dans le ciel vers mon père, afin que vous sachiez que j’ai été envoyé du ciel. Car ils ne peuvent pas venir à moi sur la terre entre les pécheurs. L’empereur Néron dit : Je veux voir si vous accomplirez ce que vous dites. Simon répondit : Ordonnez donc que cela se fasse au plus vite, afin que vous voyiez.

Alors Néron fit faire une tour élevée dans le Champ de Mars, et ordonna que tous les peuples et toutes les dignités s’assemblassent à ce spectacle. Or, le lendemain, l’empereur Néron, avec le sénat et les chevaliers romains, et tout le peuple, vinrent dans le Champ de Mars au spectacle ; et, lorsque tous furent venus, l’empereur ordonna que Pierre et Paul fussent présents dans toute cette assemblée ; et comme ils eurent aussitôt été amenés devant lui, il leur dit : La vérité va maintenant paraître. Pierre et Paul dirent : Ce n’est pas nous qui le démasquons, mais le Seigneur Jésus-Christ fils de Dieu, qu’il a dit faussement qu’il était lui-même. Et Paul, s’étant tourné vers Pierre, dit : C’est à moi à prier Dieu à genoux, c’est à vous à ordonner, si vous voyez Simon entreprendre quelque chose, parce que vous avez été élu le premier par le Seigneur. Et s’étant mis à genoux, Paul priait devant tout le peuple ; mais Pierre regarda Simon, disant : Commencez ce que vous avez entrepris ; car le moment approche que vous allez être découvert, et que nous allons être appelés de ce siècle, car je vois le Christ qui m’appelle et Paul aussi. Néron dit : Et où irez-vous contre ma volonté ? Pierre répondit : Où le Seigneur nous appellera. Néron dit : Et quel est votre Seigneur ? Pierre répondit : Le Seigneur Jésus-Christ que je vois, qui nous appelle. Néron dit : Et irez-vous au ciel ? Pierre répondit : Nous irons où il plaira à celui qui nous appelle. À cela Simon répondit : Afin que vous sachiez, ô empereur ! qu’ils sont des trompeurs, bientôt, quand je serai monté aux cieux, je vous enverrai mes anges, et je vous ferai venir à moi. L’empereur dit : Faites donc comme vous avez parlé[5]. Alors Simon monta dans la tour devant tout le monde, les mains étendues, couronné de lauriers, et commença à voler. Néron l’ayant vu, dit ainsi à Pierre : Ce Simon est véritable ; mais vous et Paul êtes des séducteurs. Et Pierre lui dit : Sans tarder vous saurez que nous sommes de véritables disciples du Christ, et que lui n’est pas le Christ, mais un magicien et un enchanteur. L’empereur dit : Persévérez-vous encore dans votre mensonge ? Voilà que vous le voyez pénétrer jusque dans le ciel. Alors Pierre dit à Paul : Paul, levez la tête et voyez ; et lorsque Paul eut élevé la tête pleine de larmes, et qu’il eut vu Simon voler, il dit ainsi : Pierre, que tardez-vous ? Achevez ce que vous avez commencé ; car notre Seigneur Jésus-Christ nous appelle maintenant. Et Néron, les entendant, dit en souriant : Ils voient déjà qu’ils sont vaincus ; ils sont actuellement en délire. Pierre répondit : Vous allez éprouver que nous ne sommes pas en délire. Paul dit à Pierre : Faites au plus vite ce que vous devez faire ; et, regardant contre Simon ; Pierre dit : Je vous conjure, anges de Satan, qui le portez dans les airs pour tromper les cœurs des hommes infidèles, par Dieu, créateur de toutes choses, et par Jésus-Christ, que dès cette heure vous ne le portiez plus, mais que vous l’abandonniez. Et, ayant été lâché tout à coup[6], il tomba dans l’endroit qui s’appelle la Voie sacrée ; et, s’étant partagé en quatre parts, il assembla quatre cailloux en un, qui servent encore de témoignage à la victoire des apôtres jusqu’aujourd’hui. Alors Paul leva la tête au bruit qu’il fit en se brisant, et dit : Nous vous rendons grâces, Seigneur Jésus-Christ, qui nous avez exaucés, et avez démasqué Simon le Magicien, et avez prouvé que nous sommes vos disciples dans la vérité. Alors Néron, plein d’une grande colère, fit mettre Pierre et Paul dans les chaînes ; et, pour le corps de Simon, il le fit soigneusement garder trois jours et trois nuits, pensant qu’il ressusciterait le troisième jour ; et Pierre lui dit : Vous vous trompez, ô empereur ! il ne ressuscitera pas, parce qu’il est véritablement mort, et condamné à la peine éternelle. Néron lui répondit : Qui vous a permis de commettre un tel crime ? Pierre répondit : Son obstination ; et, si vous le comprenez, c’est un grand avantage pour lui qu’il soit péri, pour ne plus multiplier de si grands blasphèmes contre Dieu, qui aggraveraient son supplice. Néron dit : Vous m’avez rendu l’esprit suspect ; c’est pourquoi, par un mauvais exemple, je vous perdrai. Pierre répondit : Ce n’est pas ce que vous voulez, mais ce qui nous a été promis, qui doit nécessairement s’accomplir. Alors Néron, rempli de colère, dit à son préfet Agrippa : Il faut perdre misérablement ces hommes irréligieux ; c’est pourquoi, les ayant liés de chaînes de fer, faites-les périr dans le bassin où se donne le combat naval ; car il faut que tous les hommes de cette sorte périssent misérablement. Le préfet Agrippa dit[7] : Très-sacré empereur, vous ne les faites pas punir par un exemple convenable. Néron dit : Pourquoi n’est-il pas convenable ? Agrippa dit : Parce que Paul paraît innocent. Pierre, qui est coupable d’un homicide, doit souffrir une peine amère. Néron dit : De quel exemple périront-ils donc ? Agrippa dit : À ce qu’il me semble, il est juste que Paul, irréligieux, ait la tête tranchée, et Pierre, qui de plus a commis un homicide, faites-le élever en croix. Néron dit : Vous avez très-bien jugé ; et, sur-le-champ, Pierre et Paul furent amenés en la présence de Néron. Paul fut décollé dans la voie d’Ostie ; mais Pierre étant venu vers sa croix, dit : Parce que mon Seigneur Jésus-Christ est descendu du ciel en terre, il a été élevé sur une croix droite ; mais moi que ma croix daigne appeler de la terre au ciel, ma tête doit être près de la terre, et mes pieds dirigés vers le ciel : donc, parce que je ne suis pas digne d’être en croix comme mon Seigneur, tournez ma croix, et crucifiez-moi la tête en bas ; mais eux tournèrent la croix, et attachèrent ses pieds en haut, et ses mains en bas. Or il s’assembla en ce lieu une multitude innombrable de peuple qui maudissaient César Néron, qui étaient si pleins de fureur qu’ils voulaient brûler Néron lui-même ; mais Pierre les empêchait, disant : Gardez-vous bien, mes petits enfants, gardez-vous bien de faire cela ; mais écoutez plutôt ce que je m’en vais vous dire : car il y a peu de jours qu’à la sollicitation des frères je m’éloignai d’ici, et mon Seigneur Jésus-Christ me rencontra en chemin à la porte de cette ville, et je l’adorai, et lui dis : Seigneur, où allez-vous ? Et il me dit : Suivez-moi, parce que je vais à Rome être crucifié une seconde fois ; et, pendant que je le suivais, je revins à Rome, et il me dit : Ne craignez point, parce que je suis avec vous, jusqu’à ce que je vous introduise dans la maison de mon père ; c’est pourquoi, mes petits enfants, gardez-vous bien d’empêcher mon voyage ; mes pieds marchent déjà dans la voie du ciel. Ne vous chagrinez point ; mais réjouissez-vous avec moi, parce que j’obtiens aujourd’hui le fruit de mes travaux ; et après qu’il eut dit ces paroles, il dit : Je vous rends grâces, bon pasteur, parce que les brebis que vous m’avez données ont compassion de moi. Je vous demande qu’elles participent avec moi à votre grâce. Je vous recommande les brebis que vous m’avez confiées, afin qu’elles ne sentent pas qu’elles sont sans moi, en vous ayant, et je vous prie qu’elles soient toujours protégées par votre secours, Seigneur Jésus-Christ, par qui j’ai pu gouverner ce troupeau ; et, disant cela, il rendit l’esprit. Aussitôt y apparurent de saints hommes que jamais personne n’avait vus auparavant, et qu’ils ne purent voir depuis : car ils disaient que c’était à cause d’eux qu’ils étaient arrivés de Jérusalem ; et de compagnie avec Marcel, homme illustre, qui avait cru, et qui, laissant Simon, avait suivi Pierre, ils enlevèrent son corps en cachette, et le mirent vers le Térébinthe auprès du canal où se donne le combat naval, dans le lieu qui s’appelle le Vatican. Or ces hommes qui dirent qu’ils étaient arrivés de Jérusalem dirent au peuple : Réjouissez-vous, et tressaillez de joie, parce que vous avez mérité d’avoir de grands patrons, et des amis de notre Seigneur Jésus-Christ. Or sachez que ce Néron très-méchant, après la mort des apôtres, ne pourra garder le royaume.

Or il arriva après cela que Néron encourut la haine de son armée, et la haine du peuple romain, de sorte qu’ils résolurent de lui couper enfin le cou publiquement, jusqu’à ce qu’il fût mort, et expirât. Ayant eu vent de ce complot, il fut saisi d’un tremblement et d’une crainte insupportable, de sorte qu’il s’enfuit, et ne parut plus depuis. Il y en eut aussi qui disaient que comme il errait dans les forêts en fuyant, il était mort de froid et de faim, et avait été dévoré par les loups. Or comme les Grecs enlevaient les corps des saints apôtres Pierre et Paul, pour les porter en Orient, il survint un grand tremblement de terre, et le peuple romain courut, et ils les arrêtèrent vers le lieu que l’on nomme Catacombe, dans la voie Appienne, au troisième mille ; et les corps y furent gardés un an et sept mois, jusqu’à ce qu’on eût préparé les lieux où leurs corps furent mis ; et c’est là qu’ils sont considérés avec l’honneur et la révérence convenables, et par les louanges des hymnes ; et le corps du très-heureux Pierre fut mis dans le Vatican du combat naval, et celui de saint Paul dans la voie d’Ostie au second mille, où reçoivent les bienfaits de leurs prières ceux qui les demandent assidûment et fidèlement, pour la louange et la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Moi, Marcel, disciple de mon maître l’apôtre Pierre, j’ai écrit ce que j’ai vu.




Les curieux trouveront encore beaucoup d’autres pièces dans Fabricius, Grabius, Cotelerius, etc. On a cru que celles-ci suffisaient au grand nombre des lecteurs que les savants ont toujours trop négligés.



fin de la collection d’anciens évangiles.
  1. Voyez la note 6 de la page 462.
  2. Nouvelles lunes. (Note de Voltaire.)
  3. Voyez cette Lettre de Ponce Pilate, page 537.
  4. Hégésippe, I. III, chap. ii, De Bello judaico, et urbis Hierosolimitanæ excidio, et Abdias, chap. xvi, Apostol. Histor., avant de rapporter l’aventure des chiens et du pain d’orge, racontent comment Pierre, par la prière, ressuscita, au nom de Jésus-Christ, un jeune homme noble, et parent de César, après que Simon eut en vain tâché de la faire revivre par ses enchantements. Le mort avait paru remuer la tête ; mais Pierre le fit parler, marcher, et le rendit vivant à sa mère. (Note de Voltaire.)
  5. Hégésippe et Abdias disent qu’il monta sur le mont Capitolin, et que, s’élançant d’un rocher, il commença à voler. (Note de Voltaire.)
  6. Abdias dit que les ailes qu’il avait prises s’étant embarrassées, il tomba, se brisa tout le corps, s’estropia les cuisses, et expira dans ce lieu même quelques heures après ; au contraire, Arnobe, I. II, Adversus gentes, rapporte que son char et ses quatre chevaux de feu s’étant dissipés, il tomba par son propre poids, se brisa les cuisses, et qu’ayant été porté à Brindes, de douleur et de honte il se précipita une seconde fois du haut d’un bâtiment. (Note de Voltaire.)
  7. Lin, De Passione Petri, ajoute une autre cause du supplice de l’apôtre : c’est qu’il avait détourné les épouses d’Agrippa, d’Albin, et de quelques autres grands, de l’amour conjugal envers leurs maris. (Id.)