Rhétorique (trad. Ruelle)/Livre II/Chapitre 15

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Traduction par Charles-Émile Ruelle.
(p. 235-236).
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CHAPITRE XV


Des mœurs des nobles.


I. Parlons maintenant des biens procurés par la fortune ; voyons quelle influence ils exercent sur les mœurs des hommes qui en sont pourvus.

II. Le caractère moral de la noblesse consiste en ce que celui qui la possède est d’autant plus ami de la gloire. En effet, tout le monde a pour habitude, un bien obtenu, de chercher à l’augmenter ; et la noblesse, c’est l’honneur des ancêtres. Il consiste aussi à mépriser même ceux qui sont d’une condition semblable à celle de nos propres ancêtres. Cela tient à ce que telles choses, considérées à distance, sont plus propres que celles qui sont placées sous nos yeux à donner de l’honneur et de la vanité.

III. La noblesse réside dans la haute valeur de la race ; la générosité, dans le fait de ne pas s’écarter de sa nature. C’est ce qui arrive souvent aux nobles ; beaucoup d’entre eux ont une mince valeur. En effet, il en est des produits de la race humaine comme de ceux de la terre : parfois, si la race est bonne, il surgit, de temps à autre, des hommes supérieurs ; puis elle reprend son mouvement ordinaire de propagation. Les races bien douées finissent par en venir à des mœurs plus insensées. Tels les descendants d’Alcibiade et ceux du premier Denys. Les races d’un caractère solide et posé tournent à la sottise et à l’hébétement ; ainsi la descendance de Cimon, de Périclès et de Socrate.