Rhétorique (trad. Ruelle)/Livre II/Chapitre 14

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Traduction par Charles-Émile Ruelle.
(p. 234-235).
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CHAPITRE XIV


Des mœurs de l’homme fait.


I. Ceux qui sont dans la force de l’âge auront, évidemment, un caractère moral tenant le milieu entre les jeunes gens et les vieillards et retranchant ce qui est en excès chez les uns et les autres. Ils ne sont ni extrêmement audacieux, car l’audace portée à l’excès est témérité, ni trop timorés, mais dans une bonne disposition d’esprit par rapport à ces deux sentiments.

II. Ils ne se fient pas au premier venu ; ils ne se défient pas, non plus, de tout le monde, mais leurs jugements sont en rapport avec la vérité. Ils ne vivent pas rien que pour le beau, ni rien que pour l’utile, mais pour l’un et l’autre ; ni avec parcimonie, ni avec prodigalité, mais dans une mesure convenable.

III. Il en est de même à l’égard de la colère et du désir ; ils sont tempérants avec courage, et courageux avec tempérance. Chez les jeunes gens et chez les vieillards, ces deux qualités sont distinctes : car la jeunesse est brave, mais intempérante ; la vieillesse tempérante, mais timorée. Pour parler d’une manière générale, les qualités avantageuses que possèdent séparément la jeunesse et la vieillesse, ils les réunissent, et, pour celles qui sont en excès ou en défaut, ils les ont dans une juste proportion.

IV. Le corps est dans toute sa force depuis l’âge de trente ans jusqu’à trente-cinq, et l’âme vers l’âge de quarante-neuf ans[1].

Voilà ce que nous avions à dire sur la jeunesse, la vieillesse et la force de l’âge.


  1. Jusqu’à sept ans l’homme est : παιδίον ;
    ___Jusqu’à quatorze : παῖς ;
    ___Jusqu’à vingt et un : μειράκιον ;
    ___Jusqu’à vingt-huit : νεανίσκος ;
    ___Jusqu’à trente-cinq : ἀνήρ.
    Viennent ensuite les âges appelés : ἄκμη, παρἄκμη, ώμόγηρας, et enfin γῆρας. (Scolie anonyme sur la Métaphysique d’Aristote, A P. 985, éd. Bekker.).