Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 2/Lecture 6

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 169-179).

LECTURE SIXIÈME.

HYMNE I.

À Agni, par Gritsamada.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Le sacrificateur, sage, éclairé, brillant et robuste, est venu s’asseoir à sa place. C’est Agni, qui possède la science des œuvres invincibles, qui se distingue entre tous par sa position, qui peut tout porter, et qui agite sa langue purifiante.

2. (Dieu) libéral, nous t’invoquons, et tu deviens pour nous un sauveur, un bienfaiteur. Brillant Agni, garde-nous avec tendresse, et veille sur nos personnes et sur nos enfants !

3. Agni, nous voulons t’honorer dans ta première naissance ; nous voulons encore te chanter dans ta seconde demeure[1]. J’adresse mon hommage au foyer dont tu sors ; tes flammes reçoivent nos holocaustes.

4. Agni, honore les dieux par l’holocauste qui leur est dû, et hâte-toi de recevoir les offrandes qu’ils désirent. Tu es le maître de la richesse et le gardien de la parole sainte.

5. Noble Agni, tu nais tous les jours, et tu as un double séjour que rien ne saurait détruire. Rends celui qui te chante célèbre entre tous ; fais-le opulent, et père d’une heureuse famille.

6. Que ce (dieu) libéral, et digne de tous nos hommages, daigne donc sacrifier heureusement pour nous aux dieux au milieu de sa flamme éblouissante ! Agni, tu es pour nous un gardien, un protecteur invincible. Brille avec tout ton éclat, (brille) avec toute ta richesse !


HYMNE II.

À Agni, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Il faut en premier lieu invoquer Agni, que Manou a allumé dans notre foyer, et qui y siége comme un père ; (dieu) immortel et sage, admirable et fort, s’entourant de splendeurs et captivant tous nos hommages.

2. Que le resplendissant Agni entende mon invocation ; que (ce dieu) immortel et sage accueille toutes nos prières. Deux chevaux, tantôt noirs, tantôt rougeâtres, traînent son char, et ce char est placé en différents endroits[2].

3. Dans (l’aranî) qui s’éveille[3], que le (prêtre) engendre un fils généreux. Qu’Agni naisse dans cette heureuse matrice, et prenne ensuite diverses formes. Dans (l’aranî) endormie, ce (dieu) sage séjourne pendant la nuit, et voile ses splendeurs.

4. Couvrez de l’holocauste et du beurre sacré cet Agni qui habite tous les mondes. Il grandit sous les offrandes, il monte, il s’élargit en poussant (une fumée) qui vole, qui serpente. C’est un (dieu) fort qui se fait voir au loin.

5. Il s’élance de tout côté. Je lui jette la rosée d’une humble prière. Qu’il l’accueille, cet Agni, trésor des mortels, miracle de beauté, géant lumineux qu’il n’est pas permis de toucher.

6. Toi qui as la vertu de triompher (du mal), reçois notre hommage. Sois notre messager, et puissions-nous, comme Manou, faire écouter notre voix ! Cet Agni qui brille de tout son éclat, et qu’arrosent nos libations aussi douces que le miel, je l’invoque, la prière à la bouche, la coupe (sacrée à la main).


HYMNE III.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Virât.)

1. Indra, écoute notre prière : tu dispenses les trésors, ne nous regarde pas comme tes ennemis. Nos offrandes sont abondantes, et vont vers toi pour augmenter ta grandeur, comme les ondes vers l’Océan.

2. Envoie-nous ces grands nuages qui grossissent autour d’Ahi. Ô héros, que ce soit pour nous autant de sources fécondes ! Exalté par nos hymnes, frappe l’immortel Asoura, qui s’enorgueillit de ses dépouilles.

3. Invincible Indra, tu aimes ces hymnes et ces chants dans lesquels on te célèbre avec les enfants de Roudra. Ces brillants éloges, que tu ambitionnes, semblent venir à ta rencontre.

4. Oui, nous célébrons ta force merveilleuse : nous mettons dans tes mains la foudre étincelante ; nous te représentons, Indra, grandissant avec nos éloges, et dispersant avec le Soleil les troupes des Asouras.

5. Ahi se cachait au sein du nuage ; le sombre magicien se renfermait dans cette humide retraite. Il arrêtait les eaux et encombrait le ciel. Ô héros, tu as avec force frappé Ahi.

6. Louons donc, ô Indra, tes anciennes prouesses ; louons aussi les nouvelles. Chantons la foudre qui brille en tes mains ; chantons tes chevaux qui annoncent le soleil.

7. Tes chevaux, excités par nos libations, ont henni en sentant le beurre consacré. Indra, la terre leur répond, et prolonge ce bruit. Le nuage, qui marchait, s’est arrêté.

8. Le nuage se tient (dans l’air) comme attentif ; puis, répondant à la voix des (ondes qui sont ses) mères, il se remet en marche. Cependant les (Marouts) ont porté sur la plage lointaine la voix d’Indra, et ils en ont multiplié les sons.

9. Le grand Indra, en frappant le nuage endormi, frappe le magicien Vritra. Le ciel et la terre ont frémi de crainte sous le coup retentissant de la foudre du (dieu) généreux.

10. Oui, la foudre du (dieu) généreux a retenti, quand (Indra), ami des hommes, a percé l’ennemi du genre humain. Avide de nos libations, il a détruit les magies de l’imposteur, enfant de Dânou.

11. Bois donc, magnanime Indra, bois notre soma. Que nos libations enivrantes fassent ta joie. Qu’elles emplissent, qu’elles élargissent tes flancs. Qu’elles comblent tous les vœux d’Indra.

12. Indra, puissions-nous avoir une place dans ton cœur ! Les sages veulent t’honorer par une prière convenable. Oui, jaloux d’obtenir ton secours, nous t’adressons cet hommage. Maître de la richesse, nous nous donnons à toi.

13. Nous nous donnons à toi, Indra ; et, désirant ta protection, nous doublons nos offrandes. Ô dieu, accorde-nous cette richesse que nous souhaitons ; qu’elle soit accompagnée d’abondance et de force !

14. Donne-nous une maison, un ami ; donne-nous, Indra, les biens que répandent les robustes Marouts. Car ces Marouts, qui partagent ta joie et ton ivresse, viennent aussi boire le soma présenté (aux dieux).

15. Qu’ils viennent donc, ces compagnons de tes plaisirs ! Indra, bois le soma qui fait ton bonheur et ta force. Deviens notre protecteur au milieu des combats ; et avec les grands et adorables (Marouts) découvre la face du ciel.

16. (Dieu) sauveur, ceux qui se montrent généreux envers toi, ou qui par des hymnes célèbrent tes bienfaits, te préparant sur le cousa une espèce de demeure ; ô Indra, ils sont sûrs de ta protection, et obtiennent l’abondance.

17. Pendant les terribles tricadrous[4], héroïque Indra, bois notre soma avec volupté ; qu’il coule sur ta barbe. Viens, avec tes chevaux azurés, prendre heureusement ta part des libations.

18. Magnanime Indra, affermis cette force avec laquelle tu as terrassé le fils de Dânou, qui s’avançait comme l’araignée. (De ta main droite) révèle la lumière à l’Arya, et de ta main gauche, Indra, terrasse le Dasyou.

19. Nous voulons aussi honorer tes heureux auxiliaires, (les Marouts), qui, avec (toi, que nous aimons à surnommer) Arya[5], ont abattu tout l’orgueil des Dasyous. Par amitié pour Trita[6], tu as détruit ce monstre merveilleux formé par l’art de Twachtri[7].

20. En faveur de ce Trita, qui te charmait par ses libations, tu as sous ta grandeur écrasé Arbouda[8]. Comme le soleil fait rouler son disque, Indra a fait rouler sa foudre[9], et, accompagné des Angiras, il a percé Bala.

21. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes dons ceux qui t’honorent. Ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE IV.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Le dieu qui est né le premier, et qui, justement honoré, a par ses œuvres orné les autres dieux ; qui, par sa force et sa puissance, fait trembler le ciel et la terre : peuples, c’est Indra[10].

2. Celui qui a consolidé la terre ébranlée, qui a frappé les nuages irrités[11], qui a étendu les espaces de l’air et affermi le ciel : peuples, c’est Indra.

3. Celui qui, en donnant la mort à Ahi, a déchaîné les sept fleuves[12] ; qui a délivré les vaches prisonnières de Bala[13] qui, terrible dans les combats, entre deux nuages, a enfanté Agni[14] : peuples, c’est Indra.

4. Celui qui a ranimé tous les êtres ; qui a renvoyé dans sa caverne[15] (ténébreuse) le vil Asoura ; qui, tel que le chasseur, vainqueur d’innombrables ennemis, s’empare de leurs dépouilles : peuples, c’est Indra.

5. (Les Asouras) se demandent : Où est-il ? et, en le voyant si redoutable, ils se disent : Ce n’est pas lui. Cependant il détruit ses ennemis, qui se partageaient entre eux les richesses. Ayez foi en lui, peuples, c’est Indra.

6. Celui qui mérite la prière et du riche et du pauvre, du prêtre et du poëte qui le supplient ; qui, distingué par sa belle face, est le gardien du soma que lui présente la coupe (sacrée) : peuples, c’est Indra.

7. Celui à qui appartiennent les chevaux, les vaches, les bourgs, tous les chars ; qui a produit le Soleil et l’Aurore, et qui conduit les ondes : peuples, c’est Indra.

8. Celui que semblent provoquer avec leurs clameurs deux armées de nuages, ses ennemis, l’une supérieure, l’autre inférieure[16] ; celui que les (Âswins), portés sur le même char, appellent à plusieurs reprises : peuples, c’est Indra.

9. Celui qui donne la victoire aux combattants ; que les guerriers appellent à leur secours ; qui a tout formé à son image, et qui communique le mouvement aux êtres inanimés : peuples, c’est Indra.

10. Celui qui n’est méchant que pour frapper sans relâche le pécheur et l’impie ; qui ne saurait pardonner à l’insolence, et qui terrasse le Dasyou : peuples, c’est Indra.

11. Celui qui, à notre quarantième libation[17], a tué Sambara, l’habitant des nuages ; qui a frappé à mort Ahi, l’enfant de Dânou, Ahi que nous voyions grossir et s’arrêter languissamment : peuples, c’est Indra.

12. Celui qui, orné de sept rayons, généreux et rapide, a donné l’essor aux sept fleuves ; qui, armé de la foudre, a frappé Rohin[18] escaladant le ciel : peuples, c’est Indra.

13. Celui devant qui se courbent le ciel et la terre ; dont les montagnes (célestes) redoutent la puissance ; qui, après avoir bu le soma, se trouve affermi, et arme son bras de la foudre : peuples, c’est Indra.

14. Celui qui couvre de sa protection l’homme que recommandent ses libations, ses offrandes, ses hymnes, ses prières ; qui se sent exalté par nos sacrifices, notre soma, nos présents : peuples, c’est Indra.

15. (Dieu) invincible, tu accorderas l’abondance à l’homme qui te fait des libations et des offrandes : car tu es juste. Puissions-nous, Indra, être tes amis, avoir la fortune en partage, et renouveler chaque jour notre sacrifice !


HYMNE V.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. La saison (des pluies) est la mère de la plante (du soma) ; (la plante) naît et croît rapidement au milieu des eaux dont elle est entourée. Elle pousse des branches qui s’emplissent de suc. Mais ce qui donne au soma cet accroissement[19], voilà ce que d’abord il faut chanter.

2. Des ruisseaux de jus coulent de toute part, et se rendent vers un même vase[20] qui les contient. Ils ne suivent tous qu’une même voie. Ô toi qui as fait cela, c’est toi que d’abord il faut chanter.

3. Un homme accompagne de sa voix les offrandes ; un autre vient qui se charge des œuvres, et qui consomme les objets du sacrifice ; par les ordres d’un troisième[21] tout s’exécute. Ô toi qui as fait cela, c’est toi que d’abord il faut chanter.

4. Les assistants font part aux êtres divers des heureux fruits du sacrifice. Ils vont à la richesse, qui devient pour eux comme un fardeau trop pesant. (Agni), habile à briser les liens des choses, broie sous ses dents les offrandes du père de famille. Ô toi qui as fait cela, c’est toi que d’abord il faut chanter.

5. Toi qui as découvert la terre à la face du ciel ; toi qui, par la mort d’Ahi, as donné l’essor aux fleuves (célestes) ; toi, être divin, que les Dévas ont formé avec leurs louanges, comme avec les eaux on forme la nourriture (des hommes), c’est toi qu’il faut chanter.

6. Toi qui donnes les aliments ; qui, de la (tige) humectée que tu as grossie, tires le grain aussi doux que le miel ; qui es un trésor pour ton serviteur, c’est toi qu’il faut chanter.

7. Toi qui, pour manifester ta suprême générosité, as produit les fleurs et les plantes salutaires ; qui as formé les diverses lumières du ciel ; qui as étendu des espaces larges comme toi, c’est toi qu’il faut chanter.

8. Toi qui, pour détruire le riche Nârmara[22], et nous enrichir de la dépouille des Asouras, as produit la bouche invincible de la foudre ; qui aujourd’hui encore te distingues par mille exploits, c’est toi qu’il faut chanter.

9. Toi qui, pour le bonheur d’un serviteur dévoué, prodigues par milliers les secours et les bienfaits ; qui, en faveur de Dabhîti[23], as frappé les Dasyous, et l’as délivré de prison ; qui (toujours) t’es montré accessible (aux prières), c’est toi qu’il faut chanter.

10. Toi dont la force est attestée par toutes les rivières ; qui, auteur de tout bien, reçois l’offrande de notre reconnaissance ; qui as étendu les six (mondes intermédiaires), et qui entoures de ta protection les cinq espèces d’êtres[24], c’est toi qu’il faut chanter.

11. (Dieu) héroïque, ta force est justement célébrée, car par tes prouesses tu (nous) procures l’abondance. Tu as enlevé la richesse du puissant Djâtoûchthira[25]. Voilà tout ce que tu as fait, ô Indra ; c’est toi qu’il faut chanter.

12. Tu as jadis rendu le passage d’un fleuve facile pour Tourvîti[26] et pour Vayya[27], en enchaînant sa violence. Parâvridj[28], aveugle et boiteux, était submergé ; tu l’as, pour ta gloire, retiré des eaux. C’est toi qu’il faut chanter.

13. Toi qui es notre refuge, accorde-nous ces richesses qui se trouvent accumulées en toi. Indra, comblés chaque jour de tes dons précieux, pères d’une heureuse lignée, puissions-nous chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE VI.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Prêtres, apportez le soma pour Indra. Tirez des vases les offrandes enivrantes. Le dieu fort aime toujours à se rassasier de ce soma. Donnez au généreux (Indra) ce qu’il désire.

2. Prêtres, (au dieu) qui de sa foudre a brisé, comme un arbre, Vritra, l’assembleur de nuages, apportez le soma qu’il souhaite. Indra mérite qu’on le rassasie de soma.

3. Prêtres, (au dieu) qui a tué Dribhîra[29], qui a délivré les vaches célestes et terrassé Bala, apportez le soma. Comme le vent est enveloppé de l’air, comme un vieillard est couvert de vêtements, couvrez aussi Indra (de vos libations).

4. Prêtres, cet Indra qui a détruit Ourana[30] fier de ses quatre-vingt-dix-neuf bras, qui a renversé Arbouda[31], charmez-le par l’offrande de votre soma.

5. Prêtres, à cet Indra qui donna la mort à Swasna, à Souchna, à Asoucha aux membres mutilés, à Piprou, à Namoutchi, à Roudhicrâs[32], offrez les mets sacrés.

6. Prêtres, à cet Indra qui a de sa foudre brisé les cent villes de Sambara remplies de trésors, qui a détruit les cent et les mille auxiliaires de Vartchin[33], apportez le soma.

7. Prêtres, à ce dieu qui, dans le voisinage de la terre, détruisant ces cent et ces mille (ennemis), protégeait les hommes de Coutsa[34], d’Ayou[35], d’Atithigwa[36], apportez le soma.

8. Prêtres, ce que vous pouvez désirer, vous l’obtenez aussitôt d’Indra. Apportez au grand Indra votre soma aux purs rayons, et offrez-le-lui en sacrifice.

9. Prêtres, offrez à Indra l’heureux (soma) ; purifié au feu du vénérable (Agni), qu’il soit présenté à (un dieu) non moins vénérable. Indra aime ce qui vient de vos mains : donnez-lui le soma enivrant.

10. Prêtres, comme la mamelle de la vache s’emplit de lait, que le secourable Indra s’emplisse de vos libations. Je connais la vertu secrète de notre soma : la faveur de l’adorable (Indra) est encore acquise à celui qui lui rend cet hommage.

11. Prêtres, cet invincible Indra, qui est le roi des biens célestes, des biens de l’air, des biens terrestres, honorez-le par vos offrandes d’orge, et ne négligez pas les libations.

12. Toi qui es notre refuge, accorde-nous ces richesses qui se trouvent accumulées en toi. Ô Indra, comblés chaque jour de tes dons précieux, pères d’une heureuse lignée, puissions-nous chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE VII.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Je chante les grandes actions d’un (dieu) grand, les œuvres justes d’un (dieu) juste. Pendant les tricadrous[37] il boit notre soma, et dans son ivresse Indra a tué Ahi.

2. Dans l’espace il a établi ce vaste firmament ; entre le ciel et la terre il a étendu l’air ; il a consolidé la terre, et lui a donné une large surface. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

3. Comme autant de places (pour le sacrifice), il a mesuré la région de l’orient et les autres ; il a de sa foudre ouvert le cours des fleuves, et les a lancés par de longues voies. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

4. (Les Asouras) emportaient Dabhîti[38] ; il les a enveloppés, et a d’un feu resplendissant allumé sa foudre. Il a donné à Dabhîti des vaches, des chevaux, des chars. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

5. (Des Richis) voyageaient, et ne pouvaient traverser un fleuve débordé[39]. Il a calmé les flots agités, et a fait passer heureusement (ces Richis) à l’autre rivage ; puis il les a comblés de richesses. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

6. L’onde s’élevait (au ciel), il l’a frappée avec force ; et, tandis que des coups rapides de sa foudre il réduisait en poussière (humide les nuages) paresseux, il formait le char de l’Aurore. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

7. Dans une réunion de jeunes filles apparut le sage Parâvridj[40] ; le boiteux marchait, l’aveugle voyait. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

8. Célébré par les Angiras, il a percé Bala ; il a forcé les portes de la montagne ; il a donné la liberté aux ondes que les Asouras avaient amassées. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

9. Il a endormi, pour les frapper, Tchoumouri et le dasyou Dhouni[41] ; il a sauvé Dabhîti[42], et avec une bruyante joie il a dépouillé (ces Asouras) de leurs richesses. Dans l’ivresse que lui cause le soma, voilà ce qu’a fait Indra.

10. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes biens ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !

HYMNE VIII.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Pour vous je porte l’hymne au meilleur des êtres, comme (on porte) l’holocauste au brûlant Agni. Nous appelons à notre secours le victorieux, l’invincible Indra, (Indra) toujours jeune, (toujours) honoré.

2. Que deviendrait cet univers sans Indra ? En lui se trouvent réunies toutes les forces. Dans ses flancs il porte le soma, dans son corps la grandeur et l’énergie, dans sa main la foudre, dans sa tête la puissance.

3. Ta vertu royale n’a rien de supérieur au ciel et sur la terre ; ton char, Indra, ne (peut être arrêté) par les mers ni par les montagnes. Personne ne saurait s’emparer de ta foudre, quand tes rapides (coursiers) te font parcourir tant d’yodjanas[43].

4. À ce (dieu) redoutable, vainqueur, généreux, éternel, tous apportent le sacrifice. (Mortel) sage et libéral, honore (Indra) par le don de l’holocauste. Indra, bois le soma avec le généreux Agni !

5. Le flot de la libation coule avec libéralité, et va désaltérer (le dieu) libéral, qui répand la nourriture avec abondance. Couple généreux de prêtres[44], le pressoir aussi généreux, en faveur du libéral (Indra), exprime un abondant soma.

6. Généreuse aussi est ta foudre, généreux ton char, tes chevaux, tes armes. Généreux Indra, tu es le maître d’une généreuse ivresse. Sois heureux de notre abondant soma.

7. Au moment du combat, je viens avec la prière du sacrifice, et j’ose compter sur toi : car tu aimes nos louanges. Tu seras pour nous tel qu’un vaisseau (dans le naufrage). Daigne souvent entendre nos vœux ! Nous apportons nos libations à Indra comme à une source de richesses.

8. Éloigne-nous du mal, comme la vache, dans le pâturage, protége son nourrisson. Satacratou, puissions-nous être avec nos prières aussi fortunés que le taureau avec la vache qu’il féconde !

9. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes biens ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE IX.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Tels qu’Angiras, chantez les louanges du dieu dont les prouesses nouvelles sont aussi magnifiques que les anciennes, lorsque, enivré de notre soma, il rassure et délivre toutes les vaches (célestes) que la violence a rassemblées.

2. Qu’il soit encore pour nous tel qu’il fut pour son antique adorateur, dont il augmenta la grandeur et la force ! Qu’il soit le héros qui, dans les combats, lui a servi de cuirasse, et qui sur sa tête a courageusement soutenu le ciel !

3. Ainsi jadis tu as déployé ta puissante vigueur, quand, sollicité par la prière, tu as, en présence de ton serviteur dévoué, manifesté ta grandeur. Fuyant à la vue de ton char traîné par des coursiers azurés, les cruels Asouras se sont dispersés de tous côtés.

4. C’est lui qui, par sa force souveraine, a jadis fondé tous les mondes ; qui a porté la lumière par toute l’étendue du ciel et de la terre, et qui, dissipant les ténèbres, a repoussé leur funeste influence.

5. Il a, par la vigueur de son bras, abaissé ces montagnes (célestes) qui s’avançaient dans les airs[45] et a fait couler leurs ondes dans la région inférieure. Il a raffermi la terre, qui soutient tout ; et, par sa puissante magie, a prévenu la chute du ciel.

6. Ses deux bras ont paré le monde ; en père (prévoyant), il l’a couvert de toute espèce de créatures ; pour son bonheur, il a, au milieu du bruit de sa foudre, frappé Crivi[46], et l’a couché sur la terre.

7. Tel que la fille pieuse qui habite avec son père et sa mère, et attend d’eux la subsistance à laquelle son dévouement lui donne des droits, tel je viens te demander une part (dans tes bienfaits). Secours-moi, et, dans tes présents, n’aie d’autre mesure que celle de la forme immense sous laquelle tu nous apparais.

8. Indra, nous voulons t’invoquer comme notre défenseur ; Indra, tu nous donnes l’abondance pour fruit de nos travaux ; Indra, daigne varier pour nous tes bienfaits ; généreux Indra, accorde-nous la richesse.

9. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes biens ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE X.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Dès le matin, voilà qu’on attelle un char[47] pur et nouveau ; il a quatre jougs[48], trois fouets[49], sept guides[50], dix roues[51]. Destiné au bonheur de l’homme, qu’il soit poussé par les vœux et les prières !

2. Que ce char soit préparé pour Indra une première, une seconde, une troisième fois[52] ! Qu’il soit chargé des offrandes de Manou[53] ! D’autres encore enfantent le nourrisson destiné à un autre (foyer). Ce (char), qui apporte l’abondance et la victoire, peut être attelé par d’autres que nous.

3. Avec les paroles d’une prière nouvelle, j’ai attelé au char d’Indra deux coursiers qui doivent le traîner. Que tous les autres sages qui te sacrifient n’aient pas, comme moi, le bonheur de te plaire !

4. Indra, viens avec deux chevaux, viens avec quatre, viens avec six. Écoute notre voix. Accours à notre soma avec huit, avec dix[54] coursiers. (Dieu) libéral, cette libation est pour toi, ne trompe pas notre espoir !

5. Viens à nous avec vingt, avec trente coursiers ; attelle (à ton char) quarante chevaux. Indra, à cet excellent char mets cinquante, soixante, soixante-dix coursiers, et viens boire notre soma.

6. Viens à nous, traîné par quatre-vingts, quatre-vingt-dix, cent chevaux. Ce soma qui est dans nos coupes a été versé pour toi : tu peux t’enivrer de ce breuvage.

7. Indra, accours à ma prière ; attelle tous les chevaux au joug de ton char. Beaucoup de tes serviteurs doivent t’invoquer ; (dieu) invincible, préfère notre sacrifice.

8. Que mon amitié pour Indra ne soit point brisée ; que ses dons soient pour nous un lait (précieux) ! Sous la protection de son bras vaillant, au milieu de nos œuvres pieuses, puissions-nous être vainqueurs !

9. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes dons ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE XI.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. De ces offrandes que présente un sage habile dans la pratique des libations, qu’Indra s’emplisse à satiété. C’est près de ce soma que jadis se plaisaient, que grandissaient et Indra et les saints personnages occupés de la chose sacrée.

2. Ivre de ce doux breuvage, Indra, la foudre à la main, a percé Ahi qui retenait les ondes ; et l’on a vu ces eaux, traversant les airs comme un oiseau, courir alimenter les fleuves.

3. Le grand Indra, en tuant Ahi, a ouvert la route de ces ondes vers l’Océan. Il a produit le soleil et retrouvé les vaches célestes ; de ce qui formait la nuit, il a fait ce qui convient au jour.

4. L’incomparable Indra a comblé Manou de ses bienfaits ; pour son serviteur il a tué Vritra. Les hommes, à l’envi l’un de l’autre, redemandaient le soleil : Indra les a tous satisfaits.

5. Étasa, généreux envers Indra, lui apportait de riches offrandes, et le traitait avec la libéralité qu’un père a pour son fils. Le dieu, reconnaissant de ses libations et de ses louanges, a fait obtenir à un mortel la victoire sur le Soleil[55].

6. En faveur de Coutsa[56], porté sur le même char que lui, le brillant Indra a frappé Souchna, Asoucha, Couyava[57]. Pour plaire à Divodâsa[58], il a brisé les quatre-vingt-dix-neuf villes de Sambara.

7. Ainsi nous voulons, Indra, célébrer tes louanges, et te présenter nos offrandes comme pour satisfaire ta faim. Puissions-nous obtenir ton amitié, qui est l’objet de nos désirs ! Puissions-nous voir émousser le trait de l’impie Asoura !

8. Invincible Indra, tels que le voyageur qui prépare ses provisions, les enfants de Gritsamada ont préparé cet hymne pour toi. Pour prix de leurs œuvres pieuses et de leurs louanges, que (tes serviteurs) obtiennent l’abondance, la force, la stabilité, le bonheur !

9. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes dons ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE XII.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Indra, nous t’apportons nos offrandes : daigne écouter nos vœux ! Ainsi, l’homme qui veut recueillir sa moisson se prépare un char. Nous (venons), brillants (des feux du sacrifice), la louange et la prière à la bouche, demander la faveur de ces dieux, aussi bons que toi.

2. Indra, tes secours protégent ceux qui, comme nous, te sont dévoués. Tu es le maître et le défenseur de tes serviteurs. Ton cœur est avec celui qui t’honore.

3. Indra, toujours jeune, (toujours) digne de nos invocations, est l’heureux ami et le gardien des hommes. Il accorde son secours à celui qui le loue, qui le prie, qui l’honore par des libations et des hymnes.

4. Ainsi je chante, je célèbre Indra, qui jadis a causé le salut (de ses amis) et la mort (de leurs adversaires). Qu’il écoute la prière du mortel qui l’implore aujourd’hui, et qu’il lui donne la richesse qu’il désire !

5. Indra a entendu la voix des Angiras ; sensible à leurs hommages, il a suivi leurs pas. Loué par eux, il a délivré les Aurores et le Soleil, et a dissipé l’obscurité dont Asna[59] encombrait (le ciel).

6. Oui, que ce dieu célèbre, que cet Indra si renommé se lève en faveur de Manou ! Déployant sa force et sa vigueur, qu’il abaisse la tête du brigand, ennemi de ses serviteurs !

7. Qu’Indra, vainqueur de Vritra, brise ses villes au ventre noir, et fasse tomber (les ondes) prisonnières ; que, pour Manou, il devienne le père de la terre et des eaux ! Qu’il exauce les vœux de l’homme qui lui sacrifie !

8. Les Dévas ont donné la force à Indra, pour qu’il nous envoie l’eau. Si dans ses bras ils placent la foudre, c’est pour qu’il frappe les Dasyous, et qu’il brise leurs villes de fer[60].

9. Ô Indra, que cette riche offrande attire tes bienfaits sur celui qui te chante ! Comble de tes dons ceux qui t’honorent ; ne les afflige pas en leur dérobant une partie de tes faveurs. Puissions-nous, avec force, chanter longtemps encore dans les sacrifices !


HYMNE XIII.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. À l’adorable Indra, qui, toujours vainqueur, par droit de conquête possède tout, la richesse, le bonheur, les hommes, la terre, les chevaux, les vaches, les ondes, apportez l’heureux soma.

2. Au grand Indra, conquérant, généreux, invincible, vaillant et sage ; à cet admirable (Indra) qui porte victorieusement (le monde), et dont il est difficile de soutenir les atteintes, faites vos adorations.

3. Triomphant, il protége ses serviteurs ; guerrier, il attaque, il ébranle ses ennemis. Qu’il reçoive à son gré nos libations, lui qui peut combler nos vœux, manifester sa force, et défendre le peuple ! Je dois célébrer les hauts faits d’Indra.

4. Prompt à donner, généreux, il est le fléau de son ennemi. Grand et profond (en ses desseins), il possède une sagesse immense. Il peut envoyer le bonheur ou la mort. Ferme, étendu, digne de nos sacrifices, Indra a heureusement produit les Aurores.

5. Les Sages, enfants d’Ousidj, élevant la voix de la prière, ont, par le sacrifice, ouvert la route au (dieu) qui précipite les ondes. Assis près (du foyer sacré), chantant (les louanges) d’Indra et lui adressant leurs offrandes, ils ont obtenu les secours qu’ils réclamaient, et (recouvré) les vaches (célestes).

6. Indra, donne-nous les biens les plus précieux ; accumule sur nous l’abondance, la prospérité, l’ornement des richesses, l’accroissement de la famille, la douceur des chants (du sacrifice), et la sérénité des jours !


HYMNE XIV.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Achtî et Atisakwari.)

1. Pendant les tricadrous[61], que le grand, que le resplendissant (Indra) vienne, à son gré, avec Vichnou, prendre nos offrandes d’orge et boire le soma ! Qu’il s’enivre de nos breuvages pour pouvoir accomplir sa grande œuvre, (ce dieu) vaste et grand ! Que cette sainte et divine liqueur s’unisse au saint et divin Indra !

2. Armé d’une force éclatante, qu’il combatte, et qu’il triomphe de Crivi, exalté par la puissance de (notre soma) ; qu’il remplisse le ciel et la terre ! Que ses flancs contiennent la meilleure part de (nos offrandes) ! Que cette sainte et divine liqueur s’unisse au saint et divin Indra !

3. Né avec la puissance, avec la force, tu veux notre bonheur ; ta vigueur grandit avec tes victoires ; (dieu) sage, (dieu) généreux, tu apportes à celui qui te loue l’objet de ses désirs. Que cette sainte et divine liqueur s’unisse au saint et divin Indra !

4. Ô Indra, danseur (céleste), elle est véritablement digne de louange, cette œuvre antique et solennelle que tu accomplis dans le ciel en faveur des hommes, quand, avec ta force divine, tu nous rends la vie en nous rendant les eaux ! Que la puissance d’Indra triomphe de tous les impies ! Que Satacratou accepte nos libations et nos offrandes !


HYMNE XV.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Nous invoquons le prince des troupes (divines), le sage des sages, le (dieu) le plus chargé d’offrandes, le plus grand des rois, le maître des choses sacrées. Viens t’asseoir dans ton foyer, et (prouve) par ta protection que tu nous as entendus.

2. Ô maître du sacrifice (Vrihaspati), ô toi qui donnes la vie, les dieux sages ont obtenu par toi la part qui leur revient dans les sacrifices. Comme le soleil par sa lumière enfante les rayons, toi, tu es le noble père de toutes les œuvres saintes.

3. Détruisant le mal et les ténèbres, tu montes sur le char brillant du sacrifice, ô Vrihaspati ; (sur ce char) redoutable qui triomphe de tes ennemis, qui tue les Rakchasas, fend les nuages, et apporte le bonheur.

4. Tu conduis dans une bonne voie, tu sauves le peuple qui t’honore, et que le mal ne saurait atteindre. Ô Vrihaspati, tu accables l’impie, tu anéantis les menaces de sa colère : tel est le privilége de ta grandeur.

5. Jamais le mal ni la douleur n’attaquent ce (peuple) ; jamais les ennemis ni les hommes à double langage ne l’oppriment. Tu détruis, ô maître de la chose sacrée, tous les adversaires de la nation dont tu es le généreux gardien.

6. Tu es notre pasteur et notre guide, (dieu) prudent, et en ton honneur nous faisons entendre des prières et des hymnes. Ô Vrihaspati, toi qui nous défends contre nos ennemis, fais qu’ils soient victimes de leur propre malice !

7. Le brigand effronté, le mortel plein de haine qui vient nous attaquer, malgré notre innocence, ô Vrihaspati, éloigne-le de notre route ; et, en faveur de ce sacrifice, assure la sécurité de notre marche !

8. (Dieu) sauveur, nous t’invoquons comme le protecteur de notre race, notre défenseur, notre ami. Ô Vrihaspati, repousse les contempteurs des dieux ; que nos ennemis n’obtiennent aucun succès !

9. Ô maître de la chose sacrée, puissions-nous, par ta bienfaisante faveur, obtenir les biens qui font l’envie des mortels ! Détruis ces impies qui, de loin ou de près, nous poursuivent de leur haine.

10. Ô Vrihaspati, avec un compagnon aussi généreux que toi, nous sommes sûrs d’avoir toujours l’abondance. Que le méchant, qui aspire à la victoire, ne devienne pas notre maître. Par l’effet de nos prières, puissions-nous jouir d’une bonne renommée et du triomphe !

11. Ô maître de la chose sacrée, tu es prompt à donner, généreux, ardent au combat, courageux assaillant, vainqueur intrépide ; tu es juste, et débiteur équitable. Tu abats l’homme violent et superbe.

12. Un (mortel) impie, qui attaque notre gloire, terrible, orgueilleux, désire notre perte. Vrihaspati, que son trait n’arrive pas jusqu’à nous ! Brisons la fureur de ce méchant que sa force enorgueillit.

13. On t’implore dans les combats, et tu mérites les hommages qu’on t’adresse. Tu vas au milieu de la mêlée, et tu donnes les dépouilles (de tes ennemis). Que Vrihaspati, comme un char destructeur, passe sur les armées de notre adversaire, qui comptait sur la victoire.

14. Fais sentir l’ardeur de tes rayons aigus à ces Rakchasas qui ont osé mettre en doute ta force triomphante. Prouve la vérité de nos chants ; ô Vrihaspati, tue l’insolence de tes censeurs !

15. Ô Vrihaspati, enfant du sacrifice, donne-nous cette abondante opulence, dont un maître de maison[62] puisse se faire honneur, qui, parmi le peuple, se recommande par son éclat et sa grandeur, et qui se distingue par sa force !

16. Ne nous livre pas à ces brigands, à ces ennemis malfaisants, qui, tapis dans leurs repaires, guettent le moment de saisir leur proie. Vrihaspati, au fond du cœur ils convoitent l’offrande réservée aux dieux. Qu’ils apprennent qu’il n’est rien de supérieur à toi.

17. Le sage créateur[63] de l’univers t’a enfanté pour envelopper tous les mondes. Le maître de la chose sacrée aime à contracter des dettes envers (le père de famille) qui allume le feu divin ; il s’acquitte avec son créancier, quand il donne la mort à Vritra.

18. Ô Angiras[64], pour ta gloire est survenu le nuage, quand tu as ouvert la prison qui renfermait les vaches (célestes). Vrihaspati, associé à Indra, tu as fendu cette mer d’ondes (salutaires) que couvraient de noires ténèbres.

19. Ô maître de la chose sacrée, toi qui conduis ce (monde), entends mon hymne, et prends ma race sous ta protection ! Qu’il soit fortuné pour nous, ce saint appareil que chérissent les dieux ! Pères d’une heureuse lignée, puissions-nous chanter longtemps encore dans les sacrifices !




LECTURE SEPTIÈME.

HYMNE I.

À Indra et à Brahmanaspati[65], par Gritsamada.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Maître (du monde), reçois cette offrande. Nous voulons t’honorer par un hymne nouveau et solennel. Un de tes amis, ô Vrihaspati, en versant la libation et (en l’invoquant) pour nous, commence cet éloge. Daigne exaucer notre prière.

2. Celui qui par sa force a abattu les insolents Rakchasas ; qui dans sa colère a déchiré les nuages ; qui a fait avancer la masse immobile (des eaux), et a pénétré au sein de la montagne où étaient cachés des trésors, c’est le maître de la chose sacrée.

3. Cette œuvre devait être celle du plus grand des dieux. Par lui la force a été brisée, la vigueur est devenue mollesse ; il a délivré les vaches célestes ; par la vertu du sacrifice il a frappé Bala, dissipé les ténèbres et montré la lumière.

4. Le maître de la chose sacrée a ouvert par sa puissance ce (nuage) étendu, dont la force semblait dure comme la pierre, et qui renfermait le miel (de l’abondance). Tous les brillants (Marouts)[66] ont bu cette onde, et l’ont en même temps répandue (sur la terre).

5. Ces mondes éternels ouvrent pour vous leurs portes aux mois et aux années. (Le Jour et la Nuit) se suivent sans interruption. Voilà les œuvres utiles du maître de la chose sacrée.

6. Les Panis avaient amassé et caché dans leur caverne un riche trésor : les sages (Angiras),

  1. L’auteur fait allusion aux deux naissances d’Agni, dans le feu du sacrifice et dans le feu solaire.
  2. Allusion aux foyers des trois espèces de feux.
  3. Nous savons que de l’aranî on tirait, pour le sacrifice, le feu qui semble y dormir. Le poëte représente l’aranî comme un personnage qui s’éveille ou qui dort.
  4. Voy. page 60, col. 2, note 3.
  5. Voy. page 61, col. 2, note 2.
  6. Ce personnage est allégorique, et représente la libation. Voy. page 74, col. 1, note 4 ; page 104, col. 2, note 3.
  7. Je suppose que ce monstre est le nuage orageux où se trouvent accumulés les feux de Twachtri. Le commentaire regarde le mot Twâchtra comme le nom d’un Asoura.
  8. Nom d’un Asoura.
  9. Ce sens me paraît clair. Le mot tchacra, qui veut dire roue, a donné lieu à une légende que j’ai déjà indiquée. On raconte qu’autrefois le char du soleil avait deux roues ; qu’Indra en prit une pour s’en servir comme de sa foudre, et la fit rouler dans l’air.
  10. Pour rendre raison de la composition de cet hymne, qui vraiment n’avait pas besoin de cette explication, le commentaire suppose que, dans un sacrifice où se trouvaient Indra et Gritsamada, les Asouras arrivent avec des intentions hostiles contre Indra, lequel sort de l’enceinte sacrée sous la forme de Gritsamada, et laissait la sienne au Richi. Les Asouras saisissent Gritsamada, le prenant pour Indra ; Gritsamada se défend, et leur apprend ce que c’est qu’Indra.
  11. Le mot parvata signifie montagne et image. Les Pourânas racontent qu’autrefois les montagnes avaient des ailes, et se transportaient d’elles-mêmes à travers les airs. La foudre d’Indra leur trancha ces ailes, et depuis ce temps elles sont immobiles. Ce conte n’est qu’un abus de mots, et le commentateur le rappelle à l’occasion de ce vers.
  12. Voy. page 61, col. 1, note 3.
  13. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  14. C’est-à-dire Twachtri, feu de la foudre.
  15. Cette caverne, c’est le ciel nocturne, c’est la nuit elle-même et les ténèbres.
  16. Dans ce passage, où le commentateur introduit le ciel et la terre, j’ai cru retrouver l’idée que j’ai déjà exprimée section I, lecture vii, vers 5 et 6 ; je veux dire la peinture de deux nuages orageux, dont l’un est placé au-dessus de l’autre, et qui s’avancent en même temps.
  17. Le commentateur dit : dans la quarantième année, et littéralement, le quarantième automne. Je ne comprends pas que le dieu attende si longtemps pour exaucer ses serviteurs ; je me suis cru autorisé à rendre encore ici le mot sarad par libation, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois. Autrement, je ne verrais tout au plus dans sarad qu’un jour d’automne.
  18. Nom d’un Asoura.
  19. Ce qui donne cet accroissement à la plante, c’est le sacrifice, ou bien c’est Indra, qui a envoyé la pluie.
  20. Ce vase s’appelle Samoudra : il est comme une mer vers laquelle se rendent ces rivières de libations.
  21. Dans ce passage, qui est une peinture du sacrifice, j’ai vu trois personnes distinctes, et non une seule, quoique le mot éka soit répété trois fois.
  22. Nom d’un Asoura.
  23. Voy. page 111, col. 1, note 4.
  24. Voy. page 45, col. 1, note 1
  25. Je crois que c’est le nom d’un Asoura.
  26. Voy. page 76, col. 1, note 6 ; page 65, col. 1, note 2.
  27. Voy. page 76, col. 1, note 6 ; page 109, col. 2, note 4.
  28. Voy. page 109, col. 2, note 8.
  29. Nom d’un Asoura.
  30. Nom d’un Asoura.
  31. Autre nom d’Asoura.
  32. Tous ces noms sont des noms d’Asouras.
  33. Nom d’un Asoura.
  34. Voy. pag. 62, col. 2, note 2 ; pag.106, col. 1, note 3 ; pag. 109, col. 2, note 12 ; pag. 111, col. 1, note 2, pag. 120, col. 1, note 2 ; page 162, col. 2, note 2.
  35. Voy. page 75, col. 2, note 11.
  36. Voy. page 73, col. 1, note 12.
  37. Voy. page 60, col. 2, note 3.
  38. Râdjarchi pris et emmené par les Asouras. Voy. page 111, col. 1, note 4.
  39. C’est le fait mentionné plus haut, hymne v, vers. 12.
  40. Voy. page 109, col. 2, note 8. C’est un conte allégorique sur le soleil revenant du bout de l’horizon : boiteux et aveugle pendant la nuit, il marche et il voit pendant le jour.
  41. Noms de deux Asouras.
  42. Voy. plus haut, note 1.
  43. Mesure itinéraire.
  44. Le commentaire les nomme Adhwaryou et Pratiprasthri.
  45. Le commentateur trouve dans ce vers l’histoire d’Indra coupant les ailes aux montagnes volantes.
  46. Nom d’un Asoura.
  47. Ce char, c’est le sacrifice préparé pour Indra.
  48. Ces quatre jougs sont peut-être les quatre côtés de l’enceinte du sacrifice. Le commentateur incertain ne sait s’il faut voir ici quatre espèces de vases, ou de prêtres, ou de cérémonies, ou d’offrandes. Ne serait-ce pas la prière en prose, l’hymne, l’offrande liquide, l’offrande solide ?
  49. Ces trois fouets sont les trois tons de la voix ; peut-être les trois savanas.
  50. Les sept guides sont les sept espèces de mètres sur lesquels les hymnes sont composés.
  51. Les dix roues me semblent être, suivant le commentaire, dix offrandes contenues dans le vase du sacrifice (tchamasa). On compte aussi dix serviteurs du sacrifice, qui sont les dix doigts.
  52. Le poëte désigne les trois savanas, ou sacrifices du matin, du midi et du soir.
  53. C’est-à-dire, de l’homme.
  54. Ces coursiers représentent le nombre d’akcharas ou de syllabes que contiennent les vers des invocations. Voy. page 148, col. 2, note 8.
  55. Voy. page 76, col. 1, note 7.
  56. Voy. page 174, col. 1, note 2.
  57. Noms d’Asouras.
  58. Voy. page 110, col. 1, note 10 ; page. 115, col. 1, note 2 ; page 110, col. 1, note 9.
  59. Nom d’un Asoura.
  60. Nous disons que le ciel est d’airain, lorsque la sécheresse dure longtemps.
  61. Voy. page 60. col. 2, note 3.
  62. Le texte dit Arya.
  63. Pour exprimer cette idée, le poëte emploie le mot Twachtri.
  64. Nom d’Agni. Voy. page 41, col. 2, note 1.
  65. C’est un nom d’Agni, qui, dans cet hymne, quelquefois, se trouve confondu avec Indra.
  66. Le commentaire pense qu’il est ici question des rayons du soleil. Je serais assez porté à considérer le mot swardris comme signifiant une portion de l’atmosphère.