Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 5/Lecture 7

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 392-400).

LECTURE SEPTIÈME.
HYMNE I.
À Pardjanya, par Vasichtha, ou Coumara, fils d’Agni.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Prononce les trois mots, dont le premier est djyotis[1] et qui servent à traire le lait de la mamelle (céleste). Que (Pardjanya) produise son veau, qui fait pousser les plantes. À peine né, ce taureau (divin) mugit avec force.

2. Ce dieu fait croître les plantes, et (produit) les Ondes ; il est le maître de la nature entière. Qu’il nous donne les biens qui découlent des trois (mondes), et cette lumière bienfaisante qui a ses trois stations.

3. Il est une autre vache (que la vache céleste) ; (Pardjanya) la féconde également, et y produit d’autres fruits désirés. Cette mère (terrestre) reçoit le lait que lui envoie le père (céleste), (lait) qui profite et au père lui-même et aux enfants.

4. En lui sont tous les mondes, et les trois atmosphères ; en lui coulent les ondes sorties d’une triple source ; pour lui, (pour ce dieu) digne de nos louanges, s’épuisent les trois vases remplis du miel (sacré)[2].

5. Que le brillant Pardjanya accueille notre hymne ; que (cet hymne) pénètre au fond de son cœur. Puissions-nous obtenir des pluies fortunées ! Que les plantes, arrosées par une onde salutaire, soient sous la garde de ce dieu !

6. Que ce taureau féconde un grand nombre de vaches ! En lui se trouve l’âme de ce monde, soit animé, soit inanimé. Que son (onde) pure me conserve pendant cent automnes. Et vous, secondez-nous toujours de vos bénédictions.


HYMNE II.
À Pardjanya, par Vasichta.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Chantez Pardjanya, le généreux fils du Ciel. Qu’il nous donne des pâturages.

2. Pardjanya produit le germe des plantes, des vaches, des chevaux, des cavales.

3. Offrez-lui, dans la bouche (d’Agni), un holocauste aussi doux que le miel. Qu’il nous accorde une heureuse abondance.


HYMNE III.
À Pardjanya[3], par Vasichta.
(Mètres : Trichtoubh et Anouchtoubh.)

1. Que les enfants des prêtres[4] endormis, (s’éveillent) pour le Samvatsara[5], et accomplissent les rites (sacrés) : tels que des grenouilles, qu’ils chantent l’hymne aimé de Pardjanya.

2. Quand les Ondes célestes viennent à lui, comme vers une peau sèche étendue dans un lac, alors on entend le coassement des grenouilles, semblable au mugissement des vaches accompagnées de leurs veaux.

3. Lorsque, à l’arrivée de l’automne, la pluie désirée vient étancher leur soif, de même qu’un fils (accourt) vers son père en criant, on voit une grenouille accourir vers une autre grenouille qui coasse.

4. Heureuses de l’arrivée des riches Ondées, elles se visitent l’une l’autre ; et, sautant, tout humide de pluie, la grenouille jaune va converser avec (la grenouille) verte.

5. Quand l’une de vous a répondu au discours de sa compagne qui semble l’instruire, alors il s’élève comme un immense concert de voix ; toutes, au milieu des eaux, vous parlez à la fois.

6. L’une a le mugissement de la vache, l’autre le cri de la chèvre ; l’une est jaune, l’autre est verte. Elles portent toutes le même nom avec une forme différente. Partant de tous les endroits, leurs voix forment un ensemble continu.

7. Les enfants des prêtres, à l’approche de la nuit versant le soma, et murmurant (la prière) autour de cette espèce de lac, qui est le vase des libations, sont tels que vous, ô grenouilles, dans ce jour du Samvatsara, qui fut un jour de pluie[6].

8. Enfants des prêtres, vous avez élevé la voix, en répandant le soma et en accomplissant les rites qui ramènent les vaches (célestes). Les ministres saints, brûlés par le chaud, et tout couverts de sueur, reparaissent comme les grenouilles qui se cachent (en été).

9. Les prêtres, gardiens des cérémonies aimées des dieux, observent la saison du (Samvatsara), lequel se compose de douze (mois). Quand l’année est complète[7], et que l’automne est arrivé, brûlés par la chaleur, ils obtiennent enfin la délivrance.

10. (Le prêtre est pour nous comme la grenouille.) Que cette grenouille, qu’elle ait le mugissement de la vache ou le cri de la chèvre, qu’elle soit jaune ou verte, nous donne une abondance de biens. Qu’elle nous envoie des vaches fécondes, des pâturages fertiles, et qu’elle prolonge notre vie[8] !


HYMNE IV.
À Indra et Soma, par Vasichta.
(Mètres : Djagatî, Trichtoubh et Anouchtoubh[9].)

1. Ô Indra et Soma, (dieux) généreux, brûlez les Râkchasas : domptez, saisissez des (ennemis) qui croissent avec les ténèbres. Repoussez, éloignez, écartez ces (adversaires) insensés et voraces. Qu’ils soient frappés, anéantis.

2. Ô Indra et Soma, détruisez celui qui loue le péché. Triomphez du péché (lui-même). Qu’il soit consumé, comme l’holocauste qu’on jette dans le feu. Montrez une haine implacable au cruel Rakchasa, ennemi de la piété et terrible par son regard.

3. Ô Indra et Soma, précipitez les impies dans leur noire prison, au sein des immenses ténèbres. Qu’aucun d’eux n’en puisse jamais sortir. Que votre puissance irritée confonde leur force.

4. Ô Indra et Soma, lancez du ciel et de la terre votre trait fatal au partisan du péché. Détachez du sein des nuages la (foudre) retentissante, pour chasser le Rakchasa qui s’élève avec orgueil.

5. Ô Indra et Soma, du haut du ciel lancez (le tonnerre). De vos traits enflammés, invincibles, aussi durs que la pierre, aussi brûlants que le feu, percez le flanc du méchant. Que (les Rakchasas) fuient en vous entendant.

6. Ô Indra et Soma, (dieux) robustes, que ma prière soit à votre service, comme une jument bien équipée. Rois (magnifiques), aimez les cérémonies et les offrandes dont vous entoure mon sacrifice.

7. Venez à vos serviteurs sur vos rapides coursiers. Percez, tuez les coupables Rakchasas. Ô Indra et Soma, ne laissez pas arriver jusqu’à nous le méchant, qui peut nous porter des atteintes mortelles.

8. Ô Indra, que l’impie, qui de ses injustes propos m’attaque, moi qui marche dans mon innocence, soit anéanti, (et disparaisse) comme l’eau que l’on prend dans le creux de la main.

9. Que Soma livre au serpent (Ahi), ou précipite dans les bras de Nirriti les hommes qui à leurs caprices sacrifient le sage, ou qui abusent de leurs forces pour troubler le bonheur (de leur semblable).

10. Ô Agni, qu’il tombe dans le mal, l’ennemi, le voleur, le brigand qui en veut à nos moissons, à nos chevaux, à nos vaches, à notre vie. Qu’il périsse, lui et sa famille.

11. Qu’il soit perdu et dans sa personne et dans ses enfants. Qu’il soit chassé des trois mondes. Ô Dieux, disparaisse le nom de celui qui nous tourmente et la nuit et le jour !

12. Les sages possèdent la science de distinguer entre ces deux rivaux, le bien et le mal. Le bien est ce qu’il y a de préférable. Soma le protége, et détruit le mal.

13. Soma ne se met pas du parti d’un méchant, ni d’un fort[10] qui abuse de sa force. Il tue le Rakchasa, il tue l’être injuste. (Le Rakchasa et l’être injuste) sont tous deux dans les chaînes d’Indra.

14. Ô Agni, ô toi qui possèdes tous les biens, si les dieux sont injustes, si vainement je les invoque, pourquoi as-tu de la colère contre nous ? N’est-ce pas aux injustes (Rakchasas) seuls à connaître le mal ?

15. Que je meure aujourd’hui, si je suis un être malfaisant[11], ou si j’ai attaqué la vie d’un homme ! Qu’il soit séparé de ses dix enfants, celui qui a dit faussement de moi : « Voilà un être malfaisant ! »

16. Celui qui dit de moi, « Voilà un être malfaisant ; et qui, Rakchasa lui-même, s’écrie, « Je suis pur ; » qu’Indra le frappe de son grand trait. Qu’il tombe, ce dernier des êtres !

17. Que (la Rakchasî) qui, pendant la nuit, va comme la chouette, cachant son corps dans les funestes ténèbres, tombe dans des abîmes sans fond. Que le bruit des mortiers tue les Rakchasas.

18. Ô Marouts, venez parmi les humains ; cherchez, prenez les Rakchasas, réduisez-les en poussière, tant ceux qui volent la nuit sous la forme d’oiseaux, que ceux qui cherchent à souiller nos holocaustes.

19. Ô magnifique Indra, lance du haut du ciel ta foudre, que Soma a aiguisée. Avec ton tonnerre frappe les Rakchasas à l’orient, à l’occident, au midi, au nord.

20. Arrivent les mauvais esprits sous la forme de chiens qui osent attaquer l’invulnérable Indra. Sacra aiguise son arme contre ces méchants. Qu’il lance sa foudre sur ces êtres malfaisants.

21. Qu’Indra soit l’exterminateur de ces êtres malfaisants qui troublent et profanent le sacrifice. Sacra détruit ces Rakchasas, de même que la hache (fend) le bois, que le marteau (brise) les vases de terre.

22. Donne la mort à ces mauvais esprits qui prennent les formes de chouette, de chat-huant, de chien, de loup, d’oiseau, de vautour. Ô Indra, frappe le Rakchasa comme avec une pierre.

23. Que le Rakchasa nous épargne. Éloigne ces êtres malfaisants, qui, cruels et vagabonds, ont des figures d’hommes ou de femmes. Que la Terre nous garde contre le mal qui vient de la Terre, le Ciel contre le mal qui vient du Ciel.

24. Ô Indra, tue cet être ou mâle ou femelle qui emploie une magie pernicieuse. Que les déités de la Mort périssent. Que leurs cols soient brisés, et qu’elles ne voient pas le lever du soleil.

25. Ô Indra, regarde de tous les côtés. Éveille-toi avec Soma. Lancez aux Rakchasas et aux mauvais esprits votre foudre qui donne la mort.


HYMNE V.
À Indra, par Médhâtithi et Médhyâtithi, enfants de Canwa.
(Mètres : Vrihatî et Trichtoubh.)

1. Amis, chantres (et autres ministres), ne cherchez pas un autre hymne ; ne célébrez pas (un autre héros). Chantez le généreux Indra ; prodiguez pour lui les libations et les prières.

2. Fort comme le taureau, invincible comme la vache, il repousse, il abat ses ennemis ; il peut le bien commue le mal ; il est magnifique, et possède les richesses du ciel et de la terre.

3. Tous les mortels t’appellent à leur secours. Ô Indra, nos hommages ajoutent tous les jours à ta grandeur.

4. Les sages et les maîtres puissants des nations s’empressent pour t’honorer. Ô Maghavan, viens, et prends toutes ces offrandes diverses avec lesquelles nous implorons ta protection.

5. Ô (Dieu) qui portes et lances le tonnerre, et qui es riche en présents, quelque prix que l’on me donne de toi, m’offrirait-on et cent et mille et dix mille trésors, je ne consentirai jamais à te céder.

6. Ô Indra, je te préfère à mon père, à un frère qui peut m’abandonner. Tu es pour moi comme un père et une mère. Ô (Dieu) protecteur, je trouve en toi et soutien et fortune.

7. Dans quel endroit es-tu retiré ? Où es-tu ? car ta pensée est en bien des lieux. Viens, ô toi qui brilles dans les combats, et qui brises les villes (célestes), les chantres ont commencé leurs hymnes.

8. Au nom du sacrificateur, chantez l’hymne en l’honneur de celui qui détruit les villes (célestes). Que ce (dieu) armé de la foudre brise ces villes, et vienne s’asseoir sur le gazon d’un fils de Canwa.

9. Viens promptement vers nous avec tes dix, tes cent, tes mille coursiers généreux et rapides.

10. J’invoque aujourd’hui Indra sous la forme adorable d’une vache féconde, (vache) céleste, qui nous donne les flots de son lait nourricier, et fait l’ornement de la nature.

11. Quand Soûrya accablait Étasa, Satacratou (attela à son char) les deux rapides coursiers du Vent, et prit avec lui Coutsa, le fils d’Ardjounî[12]. Il attaqua le Gandharwa[13] (céleste), sans pourtant le blesser.

12. C’est le riche Maghavan qui brise le col de ces corps (aériens), et qui, après les avoir coupés en morceaux, les réunit de nouveau pour l’ornement du monde.

13. Ô Indra, nous ne voulons pas être comme de vils transfuges qui s’adresseraient à un autre que toi. (Ô Dieu) tonnant, (fais que nous ne soyons pas) tels que des arbres privés de leurs branches. Nous te supplions de nous garder à l’abri (de tout mal).

14. Ô héros vainqueur de Vritra, faibles, épuisés, nous te prions. Puissions-nous une fois recueillir de ta munificence le prix de nos louanges !

15. Qu’Indra daigne écouter mon hymne, et nos libations abondantes sortiront avec rapidité de leur vase pour faire sa joie.

16. Viens aujourd’hui recevoir les louanges de l’ami qui t’honore. Que l’hymne de tes riches serviteurs monte jusqu’à toi. Je veux que ta gloire soit dignement célébrée.

17. Versez donc le soma ; mêlez-le aux ondes qui reposent dans le mortier. Que les prêtres les épanchent de leurs vases, en les couvrant d’une espèce de vêtement formé avec le laitage[14].

18. De la terre au ciel, large et brillant, grandis ton vaste corps. Ô (Dieu) puissant, remplis ce (monde) que ma prière vient de faire naître.

19. Versez en l’honneur d’Indra un soma choisi, source de mille joies. Que Sacra comble de ses biens un serviteur qui l’honore par ses offrandes et par toutes ses œuvres (pieuses).

20. J’élève vers toi une voix suppliante, en répandant pour toi le soma. Je ne veux point t’offenser, toi qui soutiens le monde comme un puissant lion. Qui ne prierait pas un maître tel que toi ?

21. (Qu’Indra boive) ce soma qui cause l’ivresse, qui donne une force terrible, (ce soma) qui triomphe de tout et qui brise l’orgueil insensé. Quand il boit le soma, il est généreux pour nous.

22. Loué et célébré par les maîtres (de maison), ce dieu prodigue ses biens au mortel son serviteur, qui dans le sacrifice lui apporte des libations et des hymnes.

23. Ô divin Indra, viens, et réjouis-toi de nos riches offrandes. Bois avec les Marouts, et remplis ton large ventre de nos libations. Qu’il se gonfle comme un lac.

24. Ô Indra, le Sacrifice attelle à ton char d’or et cent et mille coursiers ornés d’une belle crinière. Qu’ils t’amènent à nos libations de soma.

25. (Attelés) à ton char d’or, que deux coursiers au dos noir, (au poil) nuancé comme (la plume) de paon, t’amènent à nos libations renommées, et aussi savoureuses que le miel.

26. Reçois nos louanges, et sois le premier à boire de ces libations. Pour ton bonheur, nous versons cette belle et limpide liqueur.

27. Ce (dieu) incomparable est au-dessus de tout par ses œuvres ; il est grand, il est beau, il est terrible dans ses actions. Qu’il vienne, pour ne point nous quitter. Qu’il vienne à notre invocation ; qu’il se garde de nous abandonner.

28. Tu as avec tes traits brisé la ville mobile de Souchna. Ô brillant Indra, achève (ton ennemi), toi qui mérites d’être honoré par des chants et par des offrandes.

29. Ô (Dieu) fort, que mes hymnes t’attirent au lever du Soleil, au milieu de sa course brillante, au moment des libations du soir.

30. (Le roi Asanga parle.) Chante (Indra), chante, ô Médhyâtithi. Ils te sont dévoués, ces magnifiques seigneurs. J’ai des chevaux supérieurs ; je possède un arc victorieux ; mon empire s’étend au loin. Je puis être généreux.

31. Quand j’attelle à mon char mes coursiers dociles à ma voix, tout ce qui est de la race des Yâdwas[15] ne doit penser qu’au bonheur et à l’opulence.

32. (Le poëte reprend.) Le char retentissant d’Asanga[16] m’a rapidement apporté des présents avec des étoffes d’or. Qu’il triomphe, qu’il s’empare de tous les biens.

33. Asanga, fils de Playoga, a fait, ô Agni, des présents de dix mille (vaches). Mais, entre autres, il y a eu pour moi dix taureaux magnifiques, qui s’élèvent comme les roseaux d’un lac.

34. La virilité qu’Asanga (avait perdue) reparut (une nuit) pleine et entière[17]. Saswatî, sa femme, s’en aperçut, et dit alors : « Ô seigneur, votre vigueur vous est heureusement rendue ! »


HYMNE VI.
À Agni, par Médhyâtithi ou Priyamédha.
(Mètres : Gâyatrî et Anouchtoubh.)

1. Ô (Dieu) fort et intrépide, bois ce breuvage qui t’est présenté. Que ton ventre se remplisse (des mets) que nous t’offrons.

2. Ce soma agité par les prêtres, extrait des mortiers et purifié à travers les poils du filtre, ressemble à un cheval qui vient de se baigner dans les ondes.

3. Ô Indra, nous t’honorons dans cette assemblée en mêlant pour toi cette orge savoureuse avec le lait de la vache.

4. Indra est un (dieu) incomparable, qui aime notre soma et les (autres) libations. Il est la vie de tous les êtres, placé au milieu des Dévas et des mortels.

5. Nous chantons (le dieu) bienfaisant qu’attirent le soma brillant, l’offrande laborieuse et les (mets) appétissants.

6. De même que les chasseurs guettent le gibier, d’autres que nous (recherchent Indra), en lui présentant leurs offrandes. Ils viennent à lui avec les vaches (du sacrifice).

7. Ainsi, que dans nos demeures trois libations soient versées en l’honneur du divin Indra, qui aime le soma.

8. Trois torrents (de libations) s’écoulent, trois vases bien remplis (se vident) en l’honneur d’un même (dieu).

9. (Ô Soma), dans ces vases nombreux où tu reposes au milieu d’un mélange de lait et de caillé, tu es l’ami le plus pur et le plus agréable de l’héroïque (Indra).

10. Ô Indra, ces liqueurs piquantes et limpides versées par nous te présentent leur doux mélange.

11. Reçois, ô Indra, ce soma, ces offrandes, ce sacrifice. (Montre que) tu es opulent, ainsi qu’on le dit.

12. Toutes ces Libations se disputent ton cœur, comme des gens ivres (s’arrachent) un vase de boisson. (Tes chantres) nus et dépouillés te célèbrent comme une mamelle (féconde).

13. Ô (Dieu) traîné par des chevaux azurés, qu’il soit riche le chantre d’un maître tel que toi, qui es riche, opulent, renommé !

14. Viens au bruit de notre hymne. (Indra), quand il est notre ennemi, n’entend pas le bruit de l’hymne.

15. Ô Indra, ne nous livre pas au méchant ni au superbe. (Dieu) puissant, rends-nous forts de ta puissance.

16. Ô Indra, les Canwas sont tes amis. Attentifs à l’œuvre sainte, pleins du désir de te posséder, nous chantons tes louanges.

17. (Dieu) tonnant, je n’ai loué que toi dans la fête donnée par ton sacrificateur. Je n’ai pensé qu’à te célébrer.

18. Les dieux accourent avec empressement vers (l’homme) qui donne les libations, ils ne connaissent plus le sommeil. Ils sont infatigables pour trouver cette ivresse.

19. Viens avec l’abondance. Ne sois pas en colère contre nous. (Dieu) grand, (sois prompt) comme le mari d’une jeune épouse.

20. Ne sois pas assez méchant pour t’éloigner de nous ce soir, tel qu’un mauvais époux.

21. Nous connaissons la pensée généreuse et les exploits de ce héros qui naît pour les trois mondes.

22. Répands tes bienfaits sur les Canwas. Il n’est, à notre connaissance, rien de plus glorieux que ce (dieu) fort et magnifiquement secourable.

23. Ô toi qui verses la libation, apporte à l’héroïque Indra, au bienfaisant Sacra, le meilleur des somas.

24. Il aime à entendre la voix de nos chantres pieux, de nos saints poëtes, et il leur (accorde) l’abondance en vivres, en chevaux, en vaches.

25. Ô vous qui versez la libation, enivrez ce vaillant héros d’un soma irréprochable.

26. Qu’il vienne se désaltérer, celui qui est notre protecteur, et le vainqueur de Vritra. Il a mille secours à nous donner ; il ne peut pas rester éloigné de nous.

27. Que deux puissants chevaux, attelés par le Sacrifice, amènent ici cet ami que célèbrent nos chants.

28. Notre soma est savoureux ; viens. Notre soma présente d’heureux mélanges ; viens, ô (Dieu) superbe, qu’accompagnent les Richis et Satchî, et honore notre assemblée de ta présence.

29. Ô Indra, que nos louanges, qui augmentent ta grandeur, augmentent la fortune et le bonheur de ton serviteur.

30. Ô toi que la louange exalte, que nos chants, que nos hymnes te donnent de la force.

31. Ainsi, que ce (dieu) incomparable, antique, invincible, qui tient la foudre dans sa main et accomplit tant de hauts faits, (que ce dieu) nous accorde l’abondance.

32. Indra frappe Vritra de sa main droite ; il est partout invoqué, et se distingue par sa haute puissance.

33. En lui sont tous les êtres, et la force, et la fortune. Il fait le bonheur de ses riches (serviteurs).

34. Indra est l’auteur de ce monde. On le célèbre comme le bienfaiteur des hommes puissants (qui l’invoquent).

35. Que ce maître (divin) nous apporte la richesse (sur) ce char avide de nos offrandes, et que le sacrificateur a soin de ne pas laisser dégarni.

36. Ce héros juste et sage, ce bienfaiteur qui sauve (l’homme) pieux, vient avec les vaillants (Marouts) pour tuer Vritra.

37. Ô Priyamédhas[18] sacrifiez avec dévotion à Indra, qui aime et récompense vos libations.

38. Ô Canwas, chantez (le dieu) fort qui est glorieux de vos hymnes et avide de vos offrandes, ce maître de la piété, qui est l’âme du monde.

39. Les Dévas, qui ont mis en lui leur espoir, obtiennent, sans se fatiguer dans leurs recherches, les vaches (célestes) que leur donne cet ami puissant.

40. (Ô Dieu) tonnant, tu es venu, sous la forme d’un bélier[19] visiter le Canwa Médhyâtithi, qui avait pour toi un trésor de prières.

41. Ô Vibhandou[20], fais-lui des présents, toi qui peux donner jusqu’à quarante-huit mille (vaches).

42. Je chante aussi (le Ciel et la Terre), ces deux enfants du poëte, ces deux auteurs (du monde) qui nous donnent un lait nourricier. Qu’ils produisent pour nous (le bonheur).


HYMNE VII.
À Indra, par Médhyâtithi.
(Mètres : Vrihatî, Gâyatrî et Anouchtoubh.)

1. Bois, ô Indra. Enivre-toi du jus de nos libations, mêlé avec le lait. Tu es un ami digne de tous nos hommages. Songe à notre bonheur. Que tes œuvres nous conservent.

2. Puissions-nous par ta bienveillance obtenir l’abondance ! Ne nous livre pas à l’ennemi. Accorde-nous ta brillante protection, et dirige nous dans la voie de l’opulence.

3. Ô (Dieu) magnifique, des sages aussi purs que brillants t’ont chanté dans leurs hymnes. Que mes prières augmentent ta grandeur.

4. Formé par les efforts de mille Richis, il s’est accru comme une mer. Sa grandeur est vraie ; sa force est célébrée dans les sacrifices, au milieu des sages et des rois.

5. Nous honorons Indra dans les apprêts du sacrifice, nous l’honorons dans le cours du sacrifice, nous l’honorons dans le combat. Nous l’invoquons pour obtenir ses bienfaits.

6. Indra, avec force et grandeur, a étendu le ciel et la terre. Indra a allumé le soleil. Dans Indra reposent tous les mondes. Que dans Indra soient versées nos libations.

7. Ô Indra, c’est toi qu’au commencement des libations chantent les enfants d’Ayou. Les Ribhous unissent leurs voix à ces accents ; les Roudras célèbrent le premier (des dieux).

8. Indra croît pour être la force du sacrificateur ; sa puissance est dans l’ivresse du soma. Les enfants d’Ayou, (comme ils l’ont fait) jadis, célèbrent aujourd’hui sa grandeur.

9. Je viens donc implorer ton secours puissant. Pour toi, en premier lieu, nous accomplissons ces rites, qui ont attiré tes faveurs sur nos maîtres (les Angiras) et sur Bhrigou, et qui t’ont fait sauver Prascanwa[21].

10. Ô Indra, tu possèdes un pouvoir créateur, avec lequel tu as produit la mer et les grandes ondes. Ta grandeur ne saurait décroître, et la Terre t’implore à haute voix.

11. Ô Indra, le premier (des dieux), je connais ta richesse. Donne-nous la puissance ; fais que celui qui t’honore possède l’abondance et la gloire.

12. Tu as sauvé Pôra[22], ô Indra ; exauce les prières de celui qui t’implore pour nous. De même que tu as protégé Rousama, Syâvaca, Cripa[23], donne, ô Indra, la fortune (à ton serviteur).

13. En vain les mortels prodiguent pour lui les libations et les hymnes. Tous leurs chants ne sauraient représenter dignement sa grandeur, sa force, sa magnificence.

14. Quels sont les chantres qui peuvent plaire aux (dieux) ? Quel sage Richi a leur estime ? Ô magnifique Indra, qui sait t’attirer par ses libations et ses louanges ?

15. Nos chants sont aussi doux que le miel ; nos louanges s’élancent, telles que des chars remplis de précieuses denrées ; elles apportent la victoire et l’abondance, et promettent une protection assurée.

16. Les Canwas ainsi que les Bhrigous ont vu combler tous leurs vœux : (ils ont brillé) comme des soleils. Les enfants d’Ayou ont glorifié Indra dans leurs hymnes ; les Priyamédhas ont fait entendre leurs voix louangeuses.

17. Ô Indra, arrive de la région lointaine ; attelle tes deux coursiers, et viens donner la mort à Vritra. Montre-toi, ô terrible Maghavan ; accours avec les Marouts pour boire le soma.

18. Ces sages ministres du sacrifice avaient conçu le désir de t’honorer par une œuvre (pieuse). Ô magnifique et adorable Indra, avec la bonté d’un ami écoute leur invocation.

19. Ô Indra, avec ton grand arc tu as frappé Vritra. Tu as délivré les vaches d’Arbouda, du magicien Mrigaya, de Parwata[24].

20. Par toi ont brillé les feux, et le soleil, et le soma, cette liqueur digne de toi. Tu as chassé de l’air le grand Ahi. C’est de toi, ô Indra, que nous obtenons la force qui nous distingue.

21. J’ai reçu d’Indra et des Marouts, (par les mains) de Pâcasthâman, fils de Courayana, (un présent) magnifique entre tous, et brillant comme le soleil dans le ciel.

22. Pâcasthâman m’a donné un (coursier) rouge, richement harnaché, remplissant son surfaix, prompt à la conquête de la richesse.

23. Dix autres chevaux suffiraient à peine à porter le fardeau dont on le charge : tels étaient les coursiers ailés qui ramenèrent dans sa maison le fils de Tougra[25].

24. Et moi qui, pour lui donner de la force, couvre les membre d’(Agni), notre père, d’un vêtement onctueux, j’ai célébré Pâcasthâman, roi triomphant, qui m’a donné le (coursier) rouge.


HYMNE VIII.
À Indra, par Dévatithi, enfant de Canwa.
(Mètres : Ouchnih et Vrihatî.)

1. Ô Indra, les prêtres t’appellent de l’orient, de l’occident, du nord, du midi. Source de puissance et de bonté, ils t’ont déjà invoqué en faveur de l’enfant d’Anou, en faveur de Tourvasa.

2. Ô Indra, de même que tu t’es réjoui des offrandes de Rouma, de Rousama, de Swâvaca, de Cripa[26], viens aussi attiré par les prières et les cérémonies des Canwas qui t’apportent leurs hymnes.

3. Le cerf altéré accourt à l’étang rempli d’eau. Viens de même, ô Indra ; rapproche-toi de tes amis, et bois au milieu des Canwas.

4. Ô magnifique Indra, que nos breuvages te disposent en faveur de celui qui répand la libation pour obtenir de toi la richesse. Prends dans notre vase, et bois ce soma, cette boisson supérieure. Qu’elle développe ta force.

5. Sa vigueur a détruit celle (de ses ennemis) ; sa puissance a brisé l’effort de leur colère. Ô grand Indra, les armées avides de combattre sont, comme les arbres, renversées par toi.

6. Celui qui s’occupe de ta louange, s’entoure lui-même d’une force qui égale la protection de mille (défenseurs). Il prépare la victoire de ses enfants, et ses invocations lui valent une puissance admirable.

7. Fais que nous n’ayons rien à craindre, rien à redouter, (soutenus) par l’amitié d’un (dieu) aussi terrible. Tes généreuses promesses sont grandes et renommées. Puissions-nous nous voir traités comme Tourvasa et Yadou !

8. Il couvre d’un riche vêtement la partie droite de son corps[27]. Il n’est personne qui ose le déchirer. Les vaches (du sacrifice) sont arrosées d’un miel délicieux. Viens, accours, et bois.

9. Ô Indra, ton ami est distingué par sa beauté ; il possède des chevaux, des chars, des vaches. Il est sans cesse entouré d’une heureuse abondance ; il brille dans les assemblées.

10. Tel qu’un daim altéré, viens à nos libations. Bois le soma, et satisfais ton désir. Ô Maghavan, chaque jour tu épuises le nuage, et tu donnes des preuves de ta haute puissance.

11. Ô prêtre, fais couler le soma. Indra a soif. Que le vainqueur de Vritra attelle ses généreux coursiers, et qu’il vienne.

12. Il est sage le sacrificateur qui te donne le soma que tu aimes. Ton breuvage est préparé. Viens, accours, et bois.

13. Ô prêtres, faites des libations de soma en l’honneur d’Indra élevé sur son char. Au-dessus de leur base brillent les mortiers qui produisent le soma versé par la générosité du sacrificateur.

14. Accourant près de nos mortiers, les deux généreux chevaux d’Indra l’amènent, au milieu des œuvres (du sacrifice). Viens, (ô Dieu), et que tes coursiers, qui font la richesse de nos fêtes, te conduisent à nos libations.

15. Nous honorons le magnifique Poûchan[28], pour obtenir son amitié. Ô Sacra, ô toi que le monde invoque, nous te prions ; donne-nous la force pour résister (à l’ennemi), toi qui envoies la richesse.

16. Aiguise notre prière, comme la main (du barbier aiguise) le rasoir. Accorde-nous les biens qui sont en ton pouvoir. (Donne) au mortel que tu aimes cette heureuse abondance de vaches (célestes), qui est en toi.

17. Ô brillant Poûchan, je viens à toi. Je veux te chanter, je veux augmenter ta gloire. Je désire que ma louange te soit agréable. (Dieu) fort, que mes chants obtiennent une heureuse efficacité[29].

18. Ô (Dieu) brillant et immortel, les vaches couvrent nos pâturages. Que cette fortune soit constante. Ô Poûchan, sois notre sauveur ; sois l’heureux et magnifique auteur de notre abondance.

19. Nous chantons la générosité de Courounga, prince fameux parmi les enfants de Tourvasa. Ce (roi), distingué par ses bienfaits, a récompensé nos sacrifices par un présent considérable de cent chevaux.

20. Les œuvres de l’enfant de Canwa, célèbre par ses offrandes, et celles des brillants Priyamédhas, ont été suivies de (nobles) cadeaux ; et moi, (pieux) Richi, j’ai emmené des troupeaux de soixante mille vaches magnifiques.

21. Au moment où ce présent m’a été accordé, les arbres même (de la forêt) ont retenti (de ces mots)[30] : « Ils ont reçu deux présents somptueux, en vaches et en chevaux ! »

  1. Le commentateur croit qu’il est ici question des trois Vèdes. Cette opinion est de toute manière inadmissible. Je pense qu’il faut se reporter à la note 3, page 60, col. 2, dans laquelle trois mots sont cités, comme désignant les sacrifices des Tricadrous. Ce sont probablement les trois mots qui commencent les prières faites à cette époque, et précisément djyotis est le premier de ces mots.
  2. Pardjanya est le nuage ; son veau, c’est la pluie. Lui-même est un taureau mugissant ; sa voix, c’est le tonnerre.
  3. Le véritable titre est les Grenouilles (mandoûcâh). Dans cet hymne les prêtres sont comparés aux grenouilles.
  4. Brâhmanâh.
  5. Il y a dans cet hymne un mot répété plusieurs fois, et dont la signification ne me paraît pas suffisamment déterminée. C’est le mot samvatsara, qui veut dire année, révolution annuelle. Il me semble qu’ici c’est une fête qui avait lieu à l’époque où se trouvait fixé le commencement de l’année antique des Indiens ; je veux dire le mois agrahâyana, maintenant le huitième de l’année lunaire, et autrefois le premier. Ce mois arrive en novembre-décembre, au moment où la pleine lune est vers la tête d’Orion.
  6. Ou bien un jour d’automne (prâvrichînam).
  7. Littéralement dans le samvatsara.
  8. Le manuscrit du texte intercale ici une stance, qui n’est point reproduite ailleurs.
  9. Ici finit le septième Mandala, qui porte le nom de Vasichtha, et commence le huitième, qui, je le suppose, a été mis sous le nom de Canwa.
  10. Kchatriya. Ce mot s’applique peut-être au Rakchasa ; s’il y avait eu des castes, les Kchatryas n’auraient pas été flattés que leur nom fût donné à l’être malfaisant par sa nature.
  11. Yâtoudhâna.
  12. Voy. p. 239, col. 2, note 1 ; p. 241, col. 1, note 1.
  13. Nom du soleil.
  14. Allusion à ce nuage blanc que doit former le mélange du caillé avec le soma.
  15. Voy. plus haut, page 357, col. 2, note 5.
  16. Le roi Asanga, de la race de Canwa, était fils de Playoga ou Prayoga. Son nom patronymique est Plâyogi.
  17. La légende raconte que, par suite de la malédiction d’un dieu, Asanga perdit sa virilité. Saswatî son épouse, fille d’Angiras, fit pénitence, et, à la prière de Médhâtithi, son mari recouvra ce qu’il avait perdu. Je pense que Saswatî est le sacrifice qui restitua à Asanga la richesse et la puissance qui lui avaient été enlevées.
  18. Ce sont les enfants d’Angiras, ou c’est une épithète, qui signifie amis des sacrifices.
  19. Je m’explique ce conte en me rappelant que dans la section I, lecture iv, il y a deux hymnes, v et vi, où Indra est qualifié du nom de bélier.
  20. C’est le nom d’un roi.
  21. Fils de Canwa.
  22. Voy. page 300. Le commentaire dit que c’est un fils de Poûrou.
  23. Ce sont trois Râdjarchis. Voy. pages 276, 116, 233 (Syâva) ; 117.
  24. Ce sont des noms d’Asouras. Parwata est le plus souvent le nom du nuage divinisé.
  25. Bhoudjyou, dont il a été souvent question. Voyez pages 109, 110, etc., etc.
  26. Noms de quatre Râdjarchis, dont deux ont été mentionnés plus haut.
  27. La pensée de l’auteur ne pouvait être traduite littéralement : dexteram clunem induit. Cette partie droite est la terre.
  28. Le commentateur semble croire que le mot Poûchan est une épithète d’Indra.
  29. Il y a dans cette phrase le mot Padjra, qui est quelquefois un nom propre, et que le commentateur regarde ici comme tel. Plus tard, il prend aussi le mot Sâman pour le nom d’un Richi.
  30. Je rapproche involontairement ce passage de celui de Virgile :

    Ipsa sonant arbusta : Deus, deus ille, Menalca !