Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/11 mai 1882

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SÉANCE DU 11 MAI 1882.


Présidence de M. le Dr Langlois.

M. le Président donne communication du mouvement qui s’est produit à la Caisse d’épargne du Puy pendant le cours de cette année et comparant les chiffres actuels à ceux des années précédentes, il constate un progrès réel dans toutes les catégories. L’assemblée adopte le vœu que les démarches nécessaires pour retirer les fonds des caisses d’épargne soient simplifiées, que le transfert des fonds de caisse d’épargne à caisse d’épargne soit autorisé. De la sorte, un ouvrier, qui se trouve aujourd’hui au Puy et dans quelques jours à Cambrai, pourrait retirer à la caisse d’épargne de cette ville l’argent qu’il aurait versé au Puy, ou continuer ses versements avec le livret qui lui a été délivré ailleurs.

L’assemblée autorise ensuite son bureau à traiter avec M. Camille Robert, chargé de relever pour la Société, des dessins qui ornementent une poutre du château de Beauzac, et décide qu’elle se rendra, en corps, dans la salle de la mairie, où sont exposés quelques tableaux de M. Bouchet, élève de l’école des Beaux-Arts. Ce jeune peintre demande que la bourse Crozatier lui soit continuée encore un an. Le conseil municipal doit, aujourd’hui même, statuer à ce sujet. L’assemblée, après avoir fait sa visite, décide qu’elle appuiera la demande de M. Bouchet, et, séance tenante, fait parvenir sa décision sous forme de vœu au conseil municipal.

M. Hérisson, professeur d’agriculture, communique les observations agricoles qu’il a faites pendant le courant du mois.

M. Lascombe prend alors la parole. Il a acquis pour le Musée du Puy deux bracelets en bronze de 6 centimètres et demi de diamètre et de 35 millimètres d’épaisseur, découverts par le sieur André Cordat, propriétaire à Costaros, canton de Cayres, le 25 mars dernier, dans un champ dit le Petit-Bois, sis au terroir de Chadernac, commune du Brignon et dépendant autrefois des propriétés de la famille de la Colombe. Ils reposaient à un mètre de profondeur sous un énorme amas de pierres. Un petit chemin, presque abandonné aujourd’hui, mais très fréquenté jadis par les muletiers, longe le champ du Petit-Bois. Ce chemin, appelé l’Estradète, nom assurément très significatif, est fort ancien et conduit de Costaros à Bizac.

Ces objets ont été probablement déposés dans une tombe gauloise et remontent à l’âge de bronze. La découverte de pareils bracelets est, dit M. Lascombe, rare dans nos montagnes, et, bien que ceux-ci soient peu ornementés, ils n’en sont pas moins précieux. À ce double titre ils ont une place marquée dans les collections préhistoriques de notre Musée.

M. Langlois déposant sur le bureau un exemplaire d’un ouvrage dont M. Lascombe fait hommage à la Société et qu’il vient de publier sous le titre de Répertoire général des hommages de l’évêché du Puy, s’exprime en ces termes :


Messieurs,

Un de nos plus laborieux collègues, M. Lascombe, vous fait hommage, par mon intermédiaire, d’un volume qu’il vient de publier sous le titre de Répertoire général des hommages de l’évêché du Puy de 1154 à 1741.

Il n’y a pas longtemps encore, les travaux du genre de celui de M. Lascombe paraissaient être l’apanage exclusif des ordres religieux. Il semblait, que pour se livrer aux recherches historiques, il fallait y consacrer son existence tout entière, et ne rien faire autre chose. Ces travaux sont tombés aujonrd’hui dans le domaine public ; s’en occupe qui veut, tout en vivant de la vie du monde. Nous possédons dans notre Société plusieurs types remarquables de ces fouilleurs de manuscrits, de ces chercheurs de faits anciens, et M. Lascombe vient, par sa publication, de gravir un échelon de plus dans cette hiérarchie.

À quoi bon, diront beaucoup de gens, tout ce travail, toute cette patience, toute cette intelligence dépensés à déchiffrer de vieux papiers sans valeur qui ne servent plus à rien et à personne, et dont le public se soucie fort peu. L’objection est malheureusement trop souvent répétée et le public est plus disposé à applaudir celui qui lui fournit une bonne variété de pommes de terre que celui qui le met à même de connaitre le manuscrit le plus précieux et contenant les documents les plus importants sur l’histoire. Et pourtant, messieurs, chacune de ces choses à sa valeur ; je veux du reste laisser à l’auteur des Hommages le soin de répondre lui-même ; voici ce qu’il dit dans sa préface :

« On s’est donc livré autour de nous à une campagne d’exploration à travers le temps jadis et l’on a fait de son mieux pour appliquer à ces travaux les procédés scientifiques qui font la fortune des sciences expérimentales. Ne rien rejeter de parti pris, mais creuser toutes choses, discuter chaque preuve, restituer les noms et les lieux, ne négliger aucun détail, respecter scrupuleusement la chronologie, comparer les textes, faire au besoin métier de greffier, de copiste et de commissaire-priseur, telle est la besogne, aride mais indispensable, qui s’impose aux hommes de bonne volonté, soucieux avant tout de l’exactitude. Quand tous les matériaux seront réunis, que chaque point litigieux aura été sondé, passé au crible, et que nous saurons à quoi nous en tenir sur les institutions, les mœurs, les idées de nos pères, oh ! alors viendra le tableau d’ensemble, viendra la synthèse, la véritable histoire du Velay ; mais en dehors de cette préparation nécessaire, n’y songeons point, sous peine de nous copier servilement et de nous livrer à des redites infécondes. »

M. Lascombe me parait avoir établi par ces quelques lignes, d’une manière indiscutable, la nécessité des recherches historiques. Il a pour son compte et depuis longtemps déjà largement payé d’exemple. Dans le cas actuel, les Hommages constituent un travail sérieux, pouvant fournir des renseignements utiles, souvent même indispensables à tous ceux qui s’occupent d’histoire locale. Le classement, par ordre alphabétique, des fiefs importants, facilitera beaucoup les recherches, et nombre de familles actuelles du Puy pourront, le jour où elles voudront s’en donner la peine, puiser dans le travail de M. Lascombe des documents précis sur l’origine de leur propriété.

Remercions donc, messieurs, notre honorable collègue, d’avoir relevé et mis en lumière le manuscrit précieux qu’il vient de publier ; remercions-le d’avoir bien voulu en faire hommage à notre Société, et encourageons-le à persévérer dans une voie où il est appelé à rendre aux chercheurs de documents historiques des services de la plus haute importance.

M. Lascombe prend de nouveau la parole sur une découverte d’antiquités romaines à Vorey[1].

M. Langlois remercie, au nom de la Société, l’honorable M. Lascombe et donne connaissance d’un travail de ce dernier sur une loterie pour la réédification de l’Hôpital général du Puy au XVIIIe siècle.

La fondation de cet hôpital remonte à 1687 ; mais l’établissement tombait en ruines, et en 1715, on songea à le reconstruire. On eut recours à une loterie pour trouver les fonds nécessaires à sa réédification. Le tirage, qui devait avoir lieu en janvier 1716, fut renvoyé au 10 mars 1718. Pour donner la plus grande publicité à cette loterie, dont les billets en grand nombre et d’un prix assez élevé étaient d’un placement difficile, des placards furent apposés dans les provinces voisines, et l’un d’eux, parvenu jusqu’à nous et découvert dans les archives de la Lozère, est ainsi conçu :


PAR PERMISSION DU ROI
LOTERIE,
POUR LA REEDIFICATION DE L’HOPITAL GENERAL
De la Ville du Puy.

L’hôpital Général du Puy, qui renferme un grand nombre de Pauvres, et qui fait au déhors des Charités très considérables ; ne pouvant se maintenir en l’étât qu’il est, soit à cause de sa mauvaise situation, où la plû-part des commodités absolument necessaires manquent, soit qu’une partie des Bâtimens menace ruine, soit enfin que les appartemens y sont trop irreguliers, et d’ailleurs trop reserrez, Messieurs les Directeurs de cet Hopital ont eû recours à Sa Majesté, qui a eû la bonté de leur accorder la Permission de faire une Loterie de la Somme de trois cent mille livres, et de prélever celle de quarante cinq mille livres, à raison de quinse pour cent sur tous les Lots ; Laquelle somme sera employée à rébâtir cet Hopital dans un endroit plus commode pour cette Maison, et pour le Public suivant l’intention de Sa Majesté.

Cette loterie sera reglée en la manière suivante.

Les Billets seront de soixante sols, et pendant tout le temps que la Loterie durera les Especes seront reçûës sur le pied quelles seront lors-qu’on les délivrera, et seront payées sur le pied quelles se trouveront valoir, lorsque la Loterie se tirera ; l’Hopital ayant bien voulu, en faveur des Interessez, supporter les Diminutions ordonnées jusqu’au prémier jour D’aoust prochain.

Tous les Registres des Réceveurs seront cottés et parraphés par Monseigneur l’Evêque du Puy et par Monseigneur le Vicomte de Polignac Gouverneur de la Ville, et en leur absence par Méssieurs leurs Commis ; et lesdits Régistres seront disposés de maniere qu’on y puisse écrire commodement, les Noms et Dévises de ceux qui mettront à la Loterie, le nombre des Billets qui auront êté délivrez à chacun d’eux, et leur Numero.

Les Lots seront reglés suivant la division cy-aprés.
1. 
Prémier Lot de trente mille livres 
 30000 livres.
1. 
Second Lot de vint mille livres 
 20000 livres.
2. 
De dix mille livres 
 20000 livres.
3. 
De cinq mille livres 
 15000 livres.
5. 
De trois mille livres 
 15000 livres.
20. 
De quinse cent livres 
 30000 livres.
50. 
De mille livres 
 50000 livres.
120. 
De cinq cent livres 
 60000 livres.
200. 
De trois cent livres 
 60000 livres.
402. 
Lots 
 300000 livres.

La loterie sera tirée dans la Grande Salle de l’Evêché dans tout le mois de Janvier 1716. en présence de Monseigneur l’Evêque du Puy, de Monseigneur le Vicomte de Polignac Gouverneur, de Méssieurs les Doyen et Prévôt de l’Eglise Cathédrale Nôtre Dame, de Messieurs les Lieutenant General Civil et Procureur du Roy au Senêchal et Présidial, de Messieurs les Maire et Prémier Consul de laditte Ville, et on laissera entrer tous ceux qui voudront y être et qui seront Témoins de tout ce qui s’y passera.

Il y aura deux Boëtes de Glace, on mettra publiquement dans la plus Grande tous les Billets des Numero et Dévises, et dans la plus Petite les Billets des Lots seulement, lesquels auront été parraphés par Monseigneur l’Evêque, par Monseigneur le Vicomte de Polignac, et en leur absence par leur Commis. Après quoi deux Enfans pris au hazart tireront chacun un Billet d’une des deux Boëttes, et le remettront sur le champ, à M. le Président de lassemblée qui fera Crier a Haute-Voix le Numero, la Dévise, et le Lot qui sera échu, et à linstant deux Secretaires, écriront chacun dans un Régistre separé, les Dévises, les Numero, et les Lots qui seront échûs.

Dés que le premier Lot aura êté Enregistré, on faira tourner plusieurs fois les Boëttes pour mêler les Billets, et on rétirera un nouveau Lot, et ainsin successivement, et en cas que dans une Séance tous les Lots ne soient pas tirés on faira d’autres Séances successivement jusqu’à la fin, et à châque Séance les Boëttes seront scelées de doux cachets aux armes de Monseigneur l’Evêque et de Monseigneur le Vicomte de Polignac, et les Clefs rémises à Monsieur le Président de lassemblée.

Après qu’on aura tiré la Loterie, les Lots seront payés par Monsieur le Trésorier de l’Hopital General sur la valeur que les Especes seront lors que la Loterie sera tirée, sur lequel on rétiendra quinse pour cent, que Sa Majesté a eü la bonté d’accorder à l’Hopital, la Maison se chargeant de tous les frais de la Loterie, et des diminutions ordonnêes jusqu’au premier D’aoust prochain.

noms de messieurs les receveurs qui distribueront les billets.
Mr. Laval, Receveur des Tailles. Mr. Lamic.
Mrs. André Nolhac et Fils. Mr. Jean Genestet.
Mr. M. Jean François Roche. Mr. Pierre Pons.
Mr. Pierre Bertrand. Mrs George Nolhac et Galhiard
Mr. Sahuc. Mr. Langelé.
(De l’imprimerie de J. F. Malescot, Ruë du College, au Puy.)

M. le Président donne enfin lecture de son compte rendu sur le concours régional d’Aubenas.

L’Assemblée décide, avant de se séparer, qu’elle entendra, dans sa prochaine réunion, les observations de M. Marconnés, instituteur à Saint-Vincent, sur l’hydroscopie du lac du Bouchet.


A. Wyart.




  1. Voir tome III, Mémoires, page 206.