Saint Paul (Renan)/IV. Propagation sourde du christianisme

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Michel Lévy (p. 96-117).


CHAPITRE IV.


PROPAGATION SOURDE DU CHRISTIANISME. — SON INTRODUCTION À ROME.


Une imagination dont il faut se défaire avant tout, quand il s’agit de la propagation du christianisme, c’est que cette propagation se soit faite par des missions suivies et par des prédicateurs analogues aux missionnaires des temps modernes, ayant pour état d’aller de ville en ville. Paul, Barnabé et leurs compagnons furent les seuls qui parfois procédèrent de la sorte. Le reste se fit par des ouvriers dont les noms sont restés inconnus. À côté des apôtres qui arrivèrent à la célébrité, il y eut ainsi un autre apostolat obscur, dont les agents ne furent pas des dogmatistes de profession, mais qui n’en fut que plus efficace. Les juifs de ce temps étaient extrêmement nomades. Marchands, domestiques, gens de petits métiers, ils couraient toutes les grandes villes du littoral, exerçant leur état. Actifs, laborieux, honnêtes[1], ils portaient avec eux leurs idées, leurs bons exemples, leur exaltation, et dominaient ces populations, abaissées sous le rapport religieux, de toute la supériorité qu’a l’homme enthousiaste au milieu des indifférents. Les affiliés de la secte chrétienne voyageaient comme les autres juifs et portaient la bonne nouvelle avec eux. C’était une sorte de prédication intime, et bien plus persuasive que toute autre. La douceur, la gaieté, la bonne humeur, la patience des nouveaux croyants[2] les faisaient partout accueillir et leur conciliaient les cœurs.

Rome fut un des premiers points atteints de la sorte. La capitale de l’empire entendit le nom de Jésus bien avant que tous les pays intermédiaires eussent été évangélisés, de même qu’un haut sommet est éclairé quand les vallées situées entre lui et le soleil sont encore obscures. Rome était, en effet, le rendez-vous de tous les cultes orientaux[3], le point de la Méditerranée avec lequel les Syriens avaient le plus de rapports. Ils y arrivaient par bandes énormes. Comme toutes les populations pauvres, montant à l’assaut des grandes villes où elles viennent chercher fortune, ils étaient serviables et humbles. Avec eux débarquaient des troupes de Grecs, d’Asiates, d’Égyptiens, tous parlant grec. Rome était à la lettre une ville bilingue[4]. La langue du monde juif et du monde chrétien de Rome fut pendant trois siècles le grec[5]. Le grec était à Rome la langue de tout ce qu’il y avait de plus méchant et de plus honnête, de meilleur et de plus bas. Rhéteurs, grammairiens, philosophes, dignes pédagogues, précepteurs, domestiques, intrigants, artistes, chanteurs, danseurs, proxénètes, artisans, prédicateurs de sectes nouvelles, héros religieux, tout ce monde parlait grec. L’ancienne bourgeoisie romaine perdait chaque jour du terrain, noyée qu’elle était dans ce flot d’étrangers.

Il est infiniment probable que, dès l’an 50, quelques juifs de Syrie, déjà chrétiens, entrèrent dans la capitale de l’empire et y semèrent leurs idées. En effet, parmi les bonnes mesures administratives de Claude, Suétone place la suivante : « Il chassa de Rome les juifs, qui se livraient à de fréquents tumultes sous l’impulsion de Chrestus[6]. » Certainement, il est possible qu’il y ait eu à Rome un juif du nom de Chrestus[7], qui ait excité des troubles parmi ses coreligionnaires et amené leur expulsion. Mais il est bien plus vraisemblable[8] que ce nom de Chrestus n’est autre chose que le nom du Christ lui-même[9]. L’introduction de la foi nouvelle provoqua sans doute dans le quartier juif de Rome des rixes, des querelles, des scènes analogues, en un mot, à celles qui s’étaient déjà passées à Damas, à Antioche de Pisidie, à Lystres. Voulant mettre fin à ces désordres, la police put prendre un arrêté pour l’expulsion des perturbateurs. Les chefs de la police se seront enquis superficiellement de l’objet de la querelle, qui les intéressait assez peu ; un rapport adressé au gouvernement aura constaté que les agitateurs s’appelaient christiani[10], c’est-à-dire partisans d’un certain Christus ; ce nom étant inconnu, on l’aura changé en Chrestus, par suite de l’habitude qu’ont les personnes peu lettrées de donner aux noms étrangers une forme appropriée à leurs habitudes[11]. De là pour en venir à conclure qu’il existait un homme de ce nom, lequel avait été le provocateur et le chef des émeutes[12], il n’y avait qu’un pas à faire ; les inspecteurs de police l’auront franchi, et, sans plus d’enquête, ils auront prononcé le bannissement des deux partis[13].

Le principal quartier juif de Rome était situé au delà du Tibre[14], c’est-à-dire dans la partie de la ville la plus pauvre et la plus sale[15], probablement aux environs de la porta Portese actuelle[16]. Là se trouvait, autrefois comme de nos jours, le port de Rome, l’endroit où se débarquaient les marchandises amenées d’Ostie sur des chalands. C’était un quartier de Juifs et de Syriens, « nations nées pour la servitude, » comme dit Cicéron[17]. Le premier noyau de la population juive de Rome, en effet, avait été formé d’affranchis[18], descendant pour la plupart de ceux que Pompée amena prisonniers à Rome. Ils avaient traversé l’esclavage sans rien changer à leurs habitudes religieuses[19]. Ce qu’il y a d’admirable dans le judaïsme, c’est cette simplicité de foi qui fait que le juif, transporté à mille lieues de sa patrie, au bout de plusieurs générations est toujours un juif très-pur. Les rapports des synagogues de Rome avec Jérusalem étaient continuels[20]. La première colonie avait été renforcée de nombreux émigrants[21]. Ces pauvres gens débarquaient par centaines à la Ripa, et vivaient entre eux, dans le quartier adjacent du Transtévère, servant de portefaix, faisant le petit commerce, échangeant des allumettes contre des verres cassés et offrant aux fières populations italiotes un type qui plus tard devait leur être trop familier, celui du mendiant consommé dans son art[22]. Un Romain qui se respectait ne mettait jamais le pied dans ces quartiers abjects. C’était comme une banlieue sacrifiée à des classes méprisées et à des besognes infectes ; les tanneries, les boyauderies, les pourrissoirs y étaient relégués[23]. Aussi les malheureux vivaient-ils assez tranquilles, dans ce coin perdu, au milieu des ballots de marchandises, des auberges infimes et des porteurs de litière (Syri), qui avaient là leur quartier général[24]. La police n’y entrait que quand les rixes étaient sanglantes ou se répétaient trop souvent. Peu de quartiers de Rome étaient aussi libres ; la politique n’avait rien à y voir. Non-seulement le culte en temps ordinaire s’y pratiquait sans obstacle, mais encore la propagande s’y faisait avec toute facilité[25].

Protégés par le dédain qu’ils inspiraient, peu sensibles d’ailleurs aux railleries des gens du monde, les juifs du Transtévère avaient ainsi une vie religieuse et sociale fort active. Ils possédaient des écoles de hakamim[26] ; nulle part la partie rituelle et cérémonielle de la loi n’était observée avec plus de scrupule[27] ; les synagogues offraient l’organisation la plus complète que l’on connaisse[28]. Les titres de « père et de mère de synagogue[29] » étaient fort prisés. De riches converties prenaient des noms bibliques ; elles convertissaient leurs esclaves avec elles, se faisaient expliquer l’Écriture par les docteurs, bâtissaient des lieux de prière et se montraient fières de la considération dont elles jouissaient dans ce petit monde[30]. La pauvre juive trouvait moyen, en mendiant d’une voix tremblante, de glisser à l’oreille de la grande dame romaine quelques mots de la Loi, et gagnait souvent la matrone qui lui ouvrait sa main pleine de petite monnaie[31]. Pratiquer le sabbat et les fêtes juives est pour Horace le trait qui classe un homme parmi les esprits faibles, c’est-à-dire dans la foule, unus multorum[32]. La bienveillance universelle, le bonheur de reposer avec les justes, l’assistance du pauvre, la pureté des mœurs, la douceur de la vie de famille, la suave acceptation de la mort considérée comme un sommeil, sont des sentiments qui se retrouvent dans les inscriptions juives avec cet accent particulier d’onction touchante, d’humilité, d’espoir certain, qui caractérise les inscriptions chrétiennes[33]. Il y avait bien des juifs hommes du monde, riches et puissants, tels que ce Tibère Alexandre, qui arriva aux plus grands honneurs de l’empire, exerça deux ou trois fois une influence de premier ordre sur les affaires publiques, eut même, au grand dépit des Romains, sa statue sur le forum[34] ; mais ceux-là n’étaient plus de bons juifs. Les Hérodes, quoique pratiquant leur culte à Rome avec fracas[35], étaient loin aussi, ne fût-ce que par leurs relations avec les païens, d’être de vrais israélites. Les pauvres restés fidèles tenaient ces mondains pour des renégats ; de même que nous voyons, de nos jours, les juifs polonais ou hongrois traiter avec sévérité les israélites français haut placés qui abandonnent la synagogue et font élever leurs enfants dans le protestantisme, pour les tirer d’un cercle trop étroit.

Un monde d’idées s’agitait ainsi sur le quai vulgaire où s’entassaient les marchandises du monde entier ; mais tout cela se perdait dans le tumulte d’une ville grande comme Londres et Paris[36]. Sûrement, les orgueilleux patriciens qui, en leurs promenades sur l’Aventin, jetaient les yeux de l’autre côté du Tibre, ne se doutaient pas que l’avenir se préparait dans ce tas de pauvres maisons, au pied du Janicule[37]. Le jour où, sous le règne de Claude, quelque juif initié aux croyances nouvelles mit pied à terre vis-à-vis de l’emporium, ce jour-là, personne ne sut dans Rome que le fondateur d’un second empire, un autre Romulus, logeait au port sur de la paille[38]. Près du port était une sorte de garni, bien connu du peuple et des soldats, sous le nom de Taberna meritoria. On y montrait, pour attirer les badauds, une prétendue source d’huile sortant du rocher. De très-bonne heure, cette source d’huile fut tenue par les chrétiens pour symbolique : on prétendit que son apparition avait coïncidé avec la naissance de Jésus[39]. Il semble que plus tard on fit une église de la Taberna[40]. Qui sait si les plus anciens souvenirs du christianisme ne se rattachaient pas à cette auberge ? Sous Alexandre Sévère, nous voyons les chrétiens et les aubergistes en contestation pour un certain lieu qui autrefois avait été public, et que ce bon empereur fit adjuger aux chrétiens[41]. On sent qu’on est ici sur le sol natal d’un vieux christianisme populaire. Claude, vers ce temps, frappé du « progrès des superstitions étrangères », avait cru faire un acte de bonne politique conservatrice en rétablissant les aruspices. Dans un rapport fait au sénat, il s’était plaint de l’indifférence du temps pour les anciens usages de l’Italie et les bonnes disciplines. Le sénat avait invité les pontifes à voir celles qu’on pourrait rétablir de ces vieilles pratiques. Tout allait bien, par conséquent, et l’on croyait ces respectables impostures sauvées pour l’éternité.

La grosse affaire du moment était l’arrivée d’Agrippine au pouvoir, l’adoption de Néron par Claude et sa fortune toujours croissante. Nul ne pensait au pauvre juif qui prononçait pour la première fois le nom de Christus dans la colonie syrienne, et communiquait la foi qui le rendait heureux à ses compagnons de chambrée. D’autres survinrent bientôt ; des lettres de Syrie, apportées par les nouveaux arrivants, parlaient du mouvement qui grandissait sans cesse. Un petit groupe se forma. Tout ce monde sentait l’ail[42] ; ces ancêtres des prélats romains étaient de pauvres prolétaires, sales, sans distinction, sans manières, vêtus de fétides souquenilles, ayant l’haleine mauvaise des gens qui mangent mal[43]. Leurs réduits présentaient cette odeur de misère qu’exhalent des personnes vêtues et nourries grossièrement, réunies dans une chambre étroite[44]. On fut bientôt assez nombreux pour parler haut ; on prêcha dans le ghetto ; les juifs orthodoxes résistèrent. Que des scènes tumultueuses se soient produites alors, que ces scènes se soient renouvelées plusieurs soirs de suite, que la police romaine soit intervenue, que, peu soucieuse de savoir de quoi il s’agissait, elle ait adressé son rapport à l’autorité supérieure et mis les troubles sur le compte d’un certain Chrestus, dont on n’avait pu se saisir, que l’expulsion des agitateurs ait été décidée, il n’y a rien dans cela que de très-plausible. Le passage de Suétone et plus encore celui des Actes sembleraient impliquer que tous les juifs furent chassés à cette occasion ; mais cela n’est pas à supposer. Il est vraisemblable que les chrétiens, les partisans du séditieux Chrestus, furent seuls expulsés. Claude, en général, était favorable aux juifs, et il n’est même pas impossible que l’expulsion des chrétiens dont nous venons de parler ait eu lieu à l’instigation des juifs, des Hérodes par exemple. Ces expulsions, d’ailleurs, n’étaient jamais que temporaires et conditionnelles[45]. Le flot un moment arrêté revenait toujours[46]. La mesure de Claude eut, en tout cas, peu de conséquence ; car Josèphe n’en parle pas, et, en l’an 58, Rome avait déjà une nouvelle Église chrétienne[47].

Les fondateurs de cette première Église de Rome, détruite par l’arrêté de Claude, sont inconnus. Mais nous savons les noms de deux juifs qui furent exilés à la suite des émeutes de la porta Portese. C’était un couple pieux composé d’Aquila, juif originaire du Pont, professant le même métier que saint Paul, celui de tapissier[48], et de Priscille sa femme. Ils se réfugièrent à Corinthe, où bientôt nous allons les voir en rapport avec saint Paul, dont ils deviendront les amis intimes et les collaborateurs zélés. Aquila et Priscille sont ainsi les deux plus anciens membres connus de l’Église de Rome[49]. Ils y ont à peine un souvenir[50] ! La légende, toujours injuste, car toujours elle est dominée par les motifs politiques, a chassé du panthéon chrétien ces deux obscurs ouvriers, pour attribuer l’honneur de la fondation de l’Église de Rome à un nom plus illustre, répondant mieux aux orgueilleuses prétentions de domination universelle que la capitale de l’empire, devenue chrétienne ne put abdiquer. Pour nous, ce n’est pas à la basilique théâtrale que l’on a consacrée à saint Pierre, c’est à la porta Portese, ce ghetto antique, que nous voyons vraiment le point d’origine du christianisme occidental. Ce seraient les traces de ces pauvres juifs vagabonds, qui apportaient avec eux la religion du monde, de ces hommes de peine rêvant dans leur misère le royaume de Dieu, qu’il faudrait retrouver et baiser. Nous ne contestons pas à Rome son titre essentiel : Rome fut probablement le premier point du monde occidental et même de l’Europe où le christianisme s’établit. Mais, au lieu de ces basiliques altières, au lieu de ces devises insultantes : Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat, qu’il vaudrait mieux élever une pauvre chapelle aux deux bons juifs du Pont qui furent chassés par la police de Claude pour avoir été du parti de Chrestus !

Après l’Église de Rome (si même elle ne fut pas antérieure), la plus ancienne Église de l’Occident fut celle de Pouzzoles. Saint Paul y trouve des chrétiens vers l’an 61[51]. Pouzzoles était en quelque sorte le port de Rome[52] ; c’était au moins le lieu de débarquement des Juifs et des Syriens qui venaient à Rome[53]. Ce sol étrange miné par le feu, ces champs Phlégréens, cette solfatare, ces cavernes pleines de vapeur brûlante, qui semblaient des soupiraux de l’enfer, ces eaux sulfureuses, ces mythes de géants et de démons ensevelis dans des vallées ardentes, sortes de géhennes[54], ces bains qui paraissaient aux juifs austères et ennemis de toute nudité le comble de l’abomination, frappaient beaucoup les vives imaginations des nouveaux débarqués, et ont laissé une trace profonde dans les compositions apocalyptiques du temps[55]. Les folies de Caligula[56], dont les traces se voyaient encore, faisaient aussi planer sur ces lieux de terribles souvenirs.

Un trait capital, en tout cas, qu’il importe déjà de noter, c’est que l’Église de Rome ne fut pas, comme les Églises d’Asie Mineure, de Macédoine et de Grèce, une fondation de l’école de Paul. Ce fut une création judéo-chrétienne, se rattachant directement à l’Église de Jérusalem[57] Paul ici ne sera jamais sur son terrain ; il sentira dans cette grande Église bien des faiblesses qu’il traitera avec indulgence, mais qui blesseront son idéalisme exalté[58]. Attachée à la circoncision et aux pratiques extérieures[59] ébionite[60] par son goût pour les abstinences[61] et par sa doctrine, plus juive que chrétienne, sur la personne et la mort de Jésus[62], fortement attachée au millénarisme[63], l’Église romaine offre dès ses premiers jours les traits essentiels qui la distingueront dans sa longue et merveilleuse histoire. Fille directe de Jérusalem, l’Église romaine aura toujours un caractère ascétique, sacerdotal, opposé à la tendance protestante de Paul. Pierre sera son véritable chef ; puis, l’esprit politique et hiérarchique de la vieille Rome païenne la pénétrant, elle deviendra vraiment la nouvelle Jérusalem, la ville du pontificat, de la religion hiératique et solennelle, des sacrements matériels qui justifient par eux-mêmes, la ville des ascètes à la façon de Jacques Obliam, avec ses callosités aux genoux et sa lame d’or sur le front. Elle sera l’Église de l’autorité. À l’en croire, le signe unique de la mission apostolique sera de montrer une lettre signée des apôtres, de produire un certificat d’orthodoxie[64]. Le bien et le mal que l’Église de Jérusalem fit au christianisme naissant, l’Église de Rome le fera à l’Église universelle. C’est en vain que Paul lui adressera sa belle épitre pour lui exposer le mystère de la croix de Jésus et du salut par la foi seule. Cette épître, l’Église de Rome ne la comprendra guère. Mais Luther, quatorze siècles et demi plus tard, la comprendra et ouvrira une ère nouvelle dans la série séculaire des triomphes alternatifs de Pierre et de Paul.

  1. Josèphe, Contre Apion, II, 39.
  2. Act., xiii, 52, etc.
  3. Urbem… quo cuncta undique atrocia aut pudenda confluunt celebranturque. Tacite, Ann., XV, 44.
  4. L’épigraphie de la ville de Rome en fait foi ; la littérature, plus encore.
  5. Pour les juifs, voir Garrucci, Cimitero degli antichi Ebrei, p. 63 ; Dissert. arch., II, p. 176-177, etc. Le quart seulement des inscriptions juives de Rome est en latin. — Pour les chrétiens, voir de Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, I. — Juifs et chrétiens écrivaient souvent le latin en caractères grecs. Garrucci, Cim., p. 67, et Dissert., II, p. 164, 176, 180, 181, 183, 184.
  6. Suétone, Claude, 25 ; Act., xviii, 2. Les mesures de précaution que Claude prit contre les juifs d’après Dion Cassius, LX, 6, n’ont rien de commun, ce semble, avec le fait rapporté par Suétone. Elles paraissent se rapporter à une date antérieure.
  7. Ce nom est assez commun, surtout comme nom d’esclave ou d’affranchi ; Orelli, 2414, etc. ; Cic., Epist. fam., II, 8. Voir van Dale, De orac., p. 604-605 (2e édit.). Il était particulièrement porté par les juifs : Corp. inscr. gr., 2114 bb ; Lévy, Epigr. Beitr., p. 301, 313 ; Ant. du Bosph. cimm., inscr. no 22 ; Mél. gréco-rom. de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, I, p. 98. Cf. Martial, VII, liv ; de Rossi, Roma sott., I, tav. xxi, no 4.
  8. Ce qui fait de cette hypothèse presque une certitude, c’est la comparaison de Act., xviii, 2, et de Tacite, Ann., XV, 44. Tacite, en effet, suppose que les chrétiens avaient été réprimés avant Néron. Il est vrai que Tacite (ibid.) et Suétone lui-même ailleurs (Néron, 16) parlent plus exactement des chrétiens. Mais on peut supposer que Suétone copie, dans la vie de Claude, une relation ou un rapport de police du temps.
  9. Le mot χριστιανός, antérieurement formé (voir les Apôtres, p. 234), prouve que, dès cette époque, le nom le plus ordinaire pour désigner Jésus était Χριστός. Cf. Pline, Epist., X, 97. Saint Paul, en ses épîtres, réunit d’ordinaire les deux noms ; quelquefois il se sert isolément de chacun d’eux.
  10. Voir les Apôtres, p. 234-235.
  11. La confusion des deux noms s’explique, d’ailleurs, par la prononciation iotaciste de χρηστός. Cette confusion était fréquente. Voir Tertullien, Apol., 3 ; Lactance, Instit., IV, vii, 5. Parmi les inscriptions antérieures à Constantin où se trouve le nom des chrétiens, trois sur quatre portent χρηστιανός (Corpus inscr. gr., nos 2883 d, 3857 g, 3857 p). La substitution de l’e à l’i est d’ailleurs un trait d’orthographe romaine très-commun. Quintilien, I, iv, 7 ; vii, 22. Orose (VII, 6) a lu Christus dans le passage de Suétone.
  12. Comp. Act., xvi, 7.
  13. Suétone ne dit pas en quelle année eut lieu ce bannissement. Orose le place en la neuvième année du règne de Claude (49-50). Hist., VII, 6. Mais Orose en appelle à l’autorité de Josèphe, dans les ouvrages duquel nous ne retrouvons rien sur ce fait. Le verset Act., xviii, 2, établit clairement que, lors du passage de Paul à Corinthe (52), l’édit était récent.
  14. Philon, Leg. ad Caium, § 23 ; Martial, I, xlii (xxxv), 3. Les juifs continuèrent d’habiter le Transtévère jusqu’au xve ou au xvie siècle (Bosio, Roma sott., liv. II, ch. xxii ; cf. Corp., no 9907). Il est certain toutefois que, sous les empereurs, ils habitèrent bien d’autres quartiers et particulièrement le Champ de Mars (Corp., nos 9905, 9906 ; Orelli, 2522 ; Garrucci, Dissert, arch., II, p. 163), les dehors de la porte Capène (Juv., Sat. iii, 11 et suiv. ; Garrucci,Cimitero, p. 4 ; renseignements archéologiques particuliers), l’île du Tibre et le pont des mendiants (Juv., iv, 116 ; v, 8 ; xiv, 134 ; Martial, X, v, 3), et peut-être la Subure (Corp., no 6447).
  15. Martial, I, xlii, 3 ; VI, xciii, 4 ; Juvénal, xiv, 201 et suiv.
  16. Le principal cimetière juif de Rome fut trouvé près de là par Bosio, en 1602. Bosio, op. cit., l. II, ch. xxii ; Aringhi, Roma sott., t. I, l. ii, c. 23. Cf. Corp. inscr. gr., nos 9901 et suiv., inscriptions trouvées pour la plupart dans ce cimetière et restées en grand nombre dans le quartier. La trace de cette catacombe est perdue ; le P. Marchi l’a en vain cherchée. Deux catacombes juives ont depuis été trouvées à Rome, toutes deux voisines l’une de l’autre, sur la voie Appienne, près de Saint-Sébastien : Garrucci, Cimitero degli antichi Ebrei (Roma, 1862) ; Dissert. arch., II, Roma, 1866), p. 150 et suiv. ; de Rossi, Bull, di arch. crist. 1867, p. 3, 16.
  17. Provinc. cons., 5.
  18. Philon, l. c. ; Tacite, Ann., II, 85. Les inscriptions le confirment. Lévy, op. cit., p. 287. Cf. Mommsen, Inscr. regni Neap., no 6467 (captiva est douteux) ; de Rossi, Bull., 1864, p. 70, 92-93. Cf. Act., vi, 9.
  19. Comp. Wescher et Foucart, Inscr. recueillies à Delphes, nos 57 et 364.
  20. Cicéron, Pro Flacco, 28.
  21. Jos., Ant., XVII, iii, 5 ; xi, 1 ; Dion Cassius, XXXVII, 17 ; Tacite, Ann., II, 85 ; Suétone, Tib., 36 ; Mommsen, Inscr. regni Neap., no 6467. Il y avait à Rome au moins quatre synagogues, dont deux portaient les noms d’Auguste et d’Agrippa (Hérode Agrippa ?) : Corp. inscr. gr., 6447, 9902, 9903, 9904, 9905, 9906, 9907, 9909 ; Orelli, 2522 ; Garrucci, Cimitero, p. 38-40, Dissert. arch., II, p. 161, 162, 163, 185 ; de Rossi, Bull., 1867, p. 16.
  22. Philon, Leg. ad Caium, § 23 ; Juvénal, iii, 14, 296 ; vi, 542 ; Martial, I, xlii, 3 et suiv. ; X, iii, 3-4 ; XII, lvii, 13-14 ; Stace, Silves, I, vi, 72-74. Les sépultures juives de Rome témoignent d’une grande pauvreté. Bosio, Roma sotter., p. 190 et suiv. ; Lévy, Epigraph. Beiträge zur Gesch. der Juden, p. 283.
  23. Nardini, Roma antica, III, p. 328-330 (4e édit.) ; Martial, VI, xciii, 4.
  24. Castra lecticariorum, dans les traités De regionibus urbis Romæ, regio xiv : Canina, Roma antica, p. 553-554. Cf. Forcellini, au mot lecticarius. Le Syrus des comédies latines est d’ordinaire un lecticarius.
  25. Josèphe, Ant., XIV, x, 8 ; Act., xxviii, 31.
  26. Corp. inscr. gr., no 9908 ; Garrucci, Cimitero, p. 57-58.
  27. Cf. Hor., Sat., I, ix, 69 et suiv. ; Suétone, Aug., 76 ; Sénèque, Epist., xcv, 47 ; Perse, v, 179 et suiv. ; Juvénal, xiv, 96 et suiv. ; Martial, IV, iv, 6. L’épigraphie juive de Rome atteste une population très-exacte en fait de pratiques. Lévy : Epigr. Beytr., p. 285 et suiv. Notez les épithètes φιλέντολος (Corp., no 9904 ; Garrucci, Dissert., II, p. 180, 185, 191-192), répondant à Ps. cxix, 48 ou à tout autre passage semblable. Comp. Mommsen, Inscr. regni Neap., no 6167 (nonobstant Garrucci, Cim., p. 24-25). Les juifs évitaient soigneusement les pierres sépulcrales portant D. M. Ils avaient aussi en Italie des fabriques de lampes à leur usage (lampe juive du musée Parent, trouvée à Baïa).
  28. Corp. inscr. gr., nos 9902 et suiv. ; Garrucci, Cimitero, p. 35 et suiv., 51 et suiv., 67 et suiv. ; Dissert, arch., II, p. 161 et suiv., 177 et suiv., 181 et suiv.
  29. Corp. inscr. gr., nos 9904, 9905, 9908, 9909 (cf. Renier, Inscr. de l’Algérie, no 3340) ; Orelli, no 2522 (cf. Gruter, p. 323, 3) ; Garrucci, Cimitero, p. 52-53.
  30. Orelli, 2522, 2523 ; Lévy, p. 285, 311-313 ; Garrucci, Dissert. arch., II, p. 166 ; Grætz, Gesch. der Juden, IV, p. 123, 506-507.
  31. Juvénal, vi, 542 et suiv.
  32. Hor., Sat., I, ix, 71-72.
  33. Corp. inscr. gr., 9904 et suiv. ; Garrucci, Cimitero, 31 et suiv., 67 et suiv., surtout p. 68 ; Dissert., II, 153 et suiv. Remarquez, en particulier, les belles expressions, φιλοπένης (Garrucci, Dissert., II, 185 ; cf. les Apôtres, p. 320, note 4), φιλόλαος (Corp., no 9904 ; Garrucci, Diss., p. 185 ; cf. II Macch., xv, 14), concresconius, conlaboronius (Garr., Diss., II, p. 160-161). Les formules de l’épigraphie juive et de l’épigraphie chrétienne ont entre elles la plus grande analogie. Il est vrai que la plupart des inscriptions juives que nous venons de citer sont bien postérieures au règne de Claude. Mais l’esprit de la colonie juive de Rome ne dut pas beaucoup changer.
  34. Voir les Apôtres, p. 252. M. Renier pense que c’est de Tibère Alexandre qu’il est question dans Juvénal, i, 129-131 : arabarches pour alabarches. Mém. de l’Acad. des inscr., t. XXVI, 1re part., p. 294 et suiv.
  35. Perse, v, 179 et suiv. Il s’agit là de la hanucca.
  36. Platner et Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom, I, p. 183-185. Les excavations récemment exécutées près de l’agger de Servius Tullius prouvent une agglomération de population vraiment incroyable.
  37. Cf. Tacite, Hist., V, 5.
  38. Cf. Juvénal, iii, 14 ; vi, 542.
  39. Orose, VI, 18, 20 ; Petit martyrologe romain (édit. Rosweyde), au 9 juillet. Voir Forcellini, au mot meritorius.
  40. La tradition romaine veut que l’église Sainte-Marie du Transtévère ait succédé à la Taberna. Voir Nardini, Roma antica, III, 336-337 ; Platner et Bunsen, III, 3e partie, p. 659-660.
  41. Lampride, Vie d’Alex. Sév., 49. Rapprochez Anastase le Bibl., Vitæ Pontif. rom., xvii (édit. de Bianchini), en tenant compte des observations de Platner.
  42. Fœtentes judæi. Ammien Marcellin, XXII, 5.
  43. Voir les Apôtres, p. 290 et suiv.
  44. Juvénal, iii, 14 ; Martial, IV, iv, 7.
  45. Voir Suétone, Tib., 36.
  46. Dion Cassius, XXXVII, 17. Comparez Tacite, Ann., XII, 52 ; Hist., I, 22.
  47. C’est la date de l’Épître aux Romains. Cf. Act., xxviii, 15 et suiv.
  48. Act., xviii, 2, 3. L’expression Ἰουδαῖον ne prouve nullement qu’il ne fût pas chrétien. Comparez, par exemple, Gal., ii, 13.
  49. Les Actes (xviii, 2) ne disent pas, il est vrai, qu’ils fussent chrétiens quand saint Paul les rencontra. Mais ils ne disent pas non plus que Paul les ait convertis, et le contraire paraît plutôt résulter du récit canonique. Il semble bien que l’édit de Claude s’appliqua à ceux-là seuls qui avaient pris part aux rixes ; or, est-il admissible que ce couple apostolique ait fait partie des adversaires de « Chrestus » ? Impossible qu’ils fussent devenus chrétiens à Corinthe : ils venaient d’y arriver quand Paul les rencontra, et d’ailleurs il n’y avait pas d’Église à Corinthe avant l’arrivée de Paul (I Cor., iii, 6-10 ; iv, 14, 15 ; ix, 1, 2 ; II Cor., xi, 2, etc.
  50. L’attribution de l’ancien « titre de sainte Prisque », sur l’Aventin, à Priscille, femme d’Aquila, est le résultat d’une confusion. V. de Rossi (Bull, di arch. crist., 1867, p. 44 et suiv.), qui ne réussit à faire remonter cette identification que jusqu’au viiie siècle.
  51. Act., xxviii, 14.
  52. Paul Diacre, Epitome de Festus, au mot Minorem Delum ; Dion Cassius, XLIII, 49 et suiv. ; LXVII, 14 ; Suétone, Aug., 98 ; Néron, 31 ; Tacite, Ann., XV, 42, 43, 46 ; Pline, Hist. nat., XIV, 8 [6) ; Sénèque, Epist., lxxvii, 1-2 ; Stace, Silves, IV, iii, 26-27. Ostie ne prit toute son importance qu’à partir de Trajan. Elle eut cependant des juifs dès le temps de Claude. De Rossi, Bull., 1866, p. 40.
  53. Philon, In Flaccum, § 5 ; Jos., Ant., XVII, xii, 1 ; XVIII, vi, 4 ; vii, 2 ; Vita, 3 ; Corp. inscr. gr., no 5853 ; lampe juive trouvée à Baïa (musée Parent).
  54. Strabon, V, iv, 6.
  55. Livre d’Hénoch, ch. lxvii ; Vers sibyllins, IV, 130 et suiv. ; Apoc., ix, 1 et suiv.
  56. Dion Cassius, LIX, 17 ; Suét., Caius, 37 ; Tacite, Ann., XIV, 4 ; Jos., Ant., XIX, i, 1 ; Sénèque, De brevit. vitæ, 18. Cf. Philon, Leg., § 44.
  57. Act., xviii, 2 ; Comment. [du diacre Hilaire] sur les Épîtres de saint Paul, à la suite des Œuvres de saint Ambroise, édition des bénédictins, t. II, 2e partie (Paris, 1686), col. 25 et 30. Ce commentaire est d’un homme fort au courant des traditions de l’Église romaine.
  58. Rom., xiv (?), xv, 1-13.
  59. Rom., xiv (?), xv, 8. Cf. Tacite, Hist., V, 5.
  60. Épiph., hær. xxx, 18. Comp. xxx, 2, 15. 16, 17.
  61. Rom., xiv (?), Homél. pseudo-clément., xiv, 1.
  62. Commentaire [d’Hilaire] précité, ibid. Comp. l’allégation d’Artémon, dans Eusèbe, H. E., V, 28 ; Homél. pseudo-clém. (ouvrage d’origine romaine), xvi, 14 et suiv.
  63. Voilà pourquoi la littérature judéo-chrétienne et millénariste s’est mieux conservée en latin qu’en grec (4e livre d’Esdras, Petite Genèse, Assomption de Moïse). Les Pères grecs du ive et du ve siècle furent fort hostiles à cette littérature, même à l’Apocalypse. L’Église grecque relève plus directement de Paul que l’Église latine ; en Orient, Paul a vraiment détruit ses ennemis. Notez l’accueil favorable que le montanisme (hérésie qui a des liens avec le judéo-christianisme) et les autres sectes du même genre trouvèrent à Rome. Tertullien, Adv. Prax., 1 ; saint Hippolyte (?) Philosophum., IX, 7, 12, 13 et suiv. Voir surtout, dans Eus., H. E., V, 28, ce qui concerne l’hérésie d’Artémon et de Théodote, en remarquant le principe des artémonites, selon lequel la doctrine traditionnelle de l’Église de Rome avait été altérée à partir de Zéphyrin.
  64. Voir les Homélies pseudo-clémentines (écrit romain), surtout homélie xvii.